Travaux de la commission des affaires sociales



Mardi 8 février 2005

- Présidence de M. Bernard Seillier, vice-président -

Auditions - Organisation du temps de travail dans l'entreprise

La commission a d'abord procédé aux auditions sur la proposition de loi n° 181 (2004-2005) adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Audition de M. Michel Coquillion, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Coquillion, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Après avoir accueilli MM. Michel Coquillion, secrétaire général adjoint, et Patrick Rouget, conseiller technique, à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), M. Bernard Seillier, président, a indiqué que la discussion en séance publique de la proposition de loi interviendra les 1er, 2 et 3 mars prochain.

A titre liminaire, M. Michel Coquillion a rappelé que, dès l'élaboration de la première loi relative à la réduction négociée du temps de travail, son organisation avait souligné les problèmes considérables posés par l'aménagement nécessaire des rythmes de production et par les besoins de réorganisation interne des entreprises. Il s'est inquiété des dérives, au nom des impératifs de flexibilité, que risque de provoquer la présente proposition de loi et de la perspective d'avoir à faire face à des problèmes symétriques, mais analogues, à ceux rencontrés il y a cinq ans.

Jugeant la position du MEDEF fondée sur des critères avant tout idéologiques, il a observé que la plupart des grandes entreprises ne sont pas désireuses de voir remis en cause le point d'équilibre atteint au terme des négociations collectives du passage aux trente-cinq heures. Après avoir précisé qu'il n'est pas souhaitable de modifier en permanence la législation relative au temps de travail, il a considéré que de nombreuses grandes entreprises avaient plutôt bénéficié, tout compte fait, des « lois Aubry ».

Il a estimé que le thème de l'adaptation des trente-cinq heures fait figure de bouc émissaire et qu'il occulte les autres problèmes structurels de l'économie française, comme la tendance au sous-investissement des entreprises ou l'insuffisance du financement du tissu industriel.

Après avoir jugé intéressantes les perspectives ouvertes par le compte épargne-temps (CET), il a mis en garde contre les espoirs démesurés que peut susciter l'affirmation selon laquelle le texte propose de « travailler plus pour gagner plus ». Il a relevé en particulier que cette notion de temps choisi ne trouverait à s'appliquer qu'au-delà d'un plafond très élevé de 220 heures supplémentaires par an et que plus de la moitié des personnes employées à temps partiel en France souhaiteraient précisément déjà travailler davantage sans pouvoir le faire.

M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé si la CFTC redoute que la négociation entre les partenaires sociaux tourne à l'avantage des employeurs, compte tenu d'un rapport de forces déséquilibré. Il s'est interrogé sur les raisons pouvant expliquer ces réticences, dans la mesure où les dispositions introduites par la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social permettent précisément de se prémunir contre ce risque, en donnant la possibilité aux syndicats majoritaires de s'opposer à un accord signé par une organisation minoritaire.

M. Michel Coquillion a considéré que l'introduction du critère majoritaire pour la signature d'un accord dans une entreprise, avec pour corollaire le droit d'opposition majoritaire, s'était avérée un leurre en termes de protection des salariés : la portée des dérogations permises par les accords d'établissement apparaît beaucoup trop large et peut même aller jusqu'à modifier la norme supérieure issue d'une convention collective. Il a estimé que si la qualité des relations sociales dans de nombreuses entreprises évite souvent une telle remise en cause des acquis sociaux, le nouveau cadre de négociation présente néanmoins une perspective dangereuse. Il a cité l'exemple de l'entreprise Bosch comme un précédent de chantage à la délocalisation et jugé que les garanties prévues pour encadrer ces accords collectifs sont insuffisantes, en autorisant notamment les salariés à travailler jusqu'à quarante-huit heures par semaine. Il a précisé que la mauvaise conjoncture économique actuelle explique que les entreprises n'utilisent pas à plein les assouplissements existant déjà en matière d'heures supplémentaires, mais que cela ne sera plus le cas lorsque la croissance économique s'accélérera et que la présente proposition de loi apparaîtra alors a posteriori comme un « piège à retardement ».

M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé ce que recouvre la prise de position récente de la CFTC, selon laquelle elle s'est déclarée ne pas être « opposée à tout assouplissement concernant la durée du travail ».

M. Michel Coquillion a reconnu que les contraintes de la vie économique pourraient justifier que les entreprises demandent à bénéficier de plus de flexibilité et qu'il était impossible de défendre le principe de la réduction du temps de travail tout en refusant toute contrepartie.

M. Louis Souvet, rapporteur, a contesté le fait de présenter, comme une généralité, les cas de chantage à la délocalisation des employeurs lorsque les partenaires sociaux refusent de remettre en cause les modalités initiales de passage aux trente-cinq heures. Il a également nié que, pour de nombreuses grandes entreprises, les négociations conduites à ce sujet sous la précédente législature aient été favorables. Il a souligné que la France reste encore aujourd'hui le seul pays à s'être engagé sur la voie de la réduction uniforme et impérative du temps de travail par voie législative.

M. Michel Coquillion a considéré que les contours de la notion de flexibilité dépassent largement la seule durée du temps de travail.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a demandé en quoi les salariés pourraient être pénalisés s'ils doivent travailler, sur une base volontaire, au-delà du plafond de 220 heures supplémentaires par an.

M. Michel Coquillion a déclaré réel le risque de voir la notion de volontariat vidée de sa substance, en raison de la position de force dans laquelle se trouvent les employeurs ; il a aussi jugé injuste la perspective d'une compensation financière insuffisante de ces heures supplémentaires.

M. Roland Muzeau a estimé que la logique de cette proposition de loi relève d'un souci d'affichage politique, mais que ses effets à long terme pourraient être dévastateurs, tant pour l'emploi que pour la santé au travail. Après avoir précisé qu'au cours des vingt années qu'il avait lui-même passées dans une entreprise, il n'avait jamais vu un salarié être en situation de faire prévaloir sa volonté sur la question des heures supplémentaires, il a contesté la notion même de volontariat en la matière. Il a noté que le président directeur général du groupe Renault ne souhaite pas voir remises en cause les modalités de la réduction du temps de travail. Il s'est par ailleurs interrogé sur la conformité juridique, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de la disposition prévoyant un prolongement, jusqu'en 2008, de la majoration de 10 % pour les heures supplémentaires réalisées entre la trente-cinquième et la trente-neuvième heure de travail hebdomadaire.

Mme Catherine Procaccia a estimé infondées les inquiétudes de la CFTC au regard de la faible proportion de salariés susceptibles de réaliser plus de 220 heures supplémentaires par an.

Mme Raymonde Le Texier a considéré que, dès lors que sur les 180 heures supplémentaires annuelles autorisées, seules 70 heures en moyenne sont utilisées, il ne lui semble pas nécessaire d'augmenter ce plafond. Elle s'est inquiétée par ailleurs du transfert de ces contingents horaires sur un compte épargne-temps (CET) en raison de la perte de cotisation sociale qu'il occasionne et du risque de disparition de ces droits pour les salariés en cas de faillite de leur entreprise.

M. Michel Coquillion a réaffirmé sa conviction que de nombreuses entreprises ont globalement profité du passage aux trente-cinq heures, notamment en termes de rationalisation du processus de production et d'accroissement de flexibilité de la main-d'oeuvre. Il a reconnu le problème que pose le développement du CET au regard des pertes de cotisations sociales qui en résulteront et souligné l'insuffisante protection juridique de cet actif des salariés en cas de faillite de leur entreprise. Enfin, il a estimé que l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires poussera les entreprises à retarder le plus possible le moment où elles embaucheront lors d'une reprise de la croissance économique.

Audition de MM. Alain Lecanu, secrétaire national, et Guillaume Demigné, conseiller technique, de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Alain Lecanu, secrétaire national, et Guillaume Demigné, conseiller technique, de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Après avoir relevé que la CFE-CGC avait porté un jugement plus favorable que les autres organisations syndicales sur les dispositions de la présente proposition de loi, M. Louis Souvet, rapporteur, a souhaité connaître les raisons de cette différence d'appréciation. Il s'est interrogé sur les conséquences éventuelles d'une opposition des autres syndicats à ce texte et sur le risque qu'elle rende impossible la signature des accords collectifs nécessaires à la mise en oeuvre des assouplissements prévus.

A titre liminaire, M. Alain Lecanu a considéré que la proposition de loi correspond essentiellement à une volonté d'affichage politique. En se fondant sur le nombre moyen d'heures supplémentaires réellement effectuées par les salariés - quatre-vingts heures par an - il a considéré improbable que le passage de 180 à 220 heures du plafond d'heures supplémentaires concerne une importante population d'actifs. Il a également fait part de ses réserves quant à la nouvelle prorogation du régime transitoire en vigueur pour les entreprises de moins de vingt salariés et estimé qu'il risque, par là même, de devenir définitif. Il s'est inquiété du dualisme du marché du travail et de la perspective de voir de nombreux jeunes formés dans les PME quitter celles-ci pour poursuivre leur vie professionnelle dans les grandes entreprises en raison des meilleures conditions de travail qu'offrent ces dernières.

Les éléments que la CFE-CGC juge positifs dans la proposition de loi se rapportent au compte épargne-temps et à la possibilité de l'utiliser pour racheter des années de cotisation au titre de l'assurance vieillesse, le cas échéant en bénéficiant d'un abondement. Ainsi, dans de nombreuses entreprises, certains cadres ont pu accumuler sur leur CET l'équivalent de six mois correspondant aux jours de réduction du temps de travail dont ils n'ont pu bénéficier.

M. Louis Souvet, rapporteur, a fait valoir qu'à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un amendement permettant d'utiliser le CET pour racheter des années d'études en vue de la retraite.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur le caractère réaliste du plafond annuel de 220 heures au-delà duquel les salariés pourraient être amenés à effectuer des heures supplémentaires sur la base du volontariat. Il a considéré que le Gouvernement avait suivi une démarche avant tout idéologique et cherche ainsi à créer les conditions d'une flexibilité extrême dans le monde du travail.

Mme Catherine Procaccia s'est enquise des propositions de la CFE-CGC en matière de sécurité juridique des comptes épargne-temps. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur le cas des personnels commerciaux itinérants qui, bien que n'ayant pas le statut de cadre, pourraient avoir intérêt à bénéficier de conventions de forfait en jours.

M. Alain Lecanu a estimé qu'il convient d'une part d'externaliser la gestion des CET, à l'image des dispositifs d'épargne salariale, et d'instituer, d'autre part, dans chaque département, une commission chargée du suivi de la bonne application des accords passés dans les entreprises.

Observant que la CFE-CGC a engagé une procédure devant le Comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe contre les conventions de forfait en jours, M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur le sens à donner à cette démarche.

M. Guillaume Demigné a rappelé que la CFE-CGC avait déjà entamé une démarche identique contre la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail et que le conseil des experts du comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe lui avait alors donné raison, avant que le conseil des ministres ne se prononce finalement en sens inverse, en raison du nombre limité des cadres concernés par ces dispositions.

A nouveau sollicité, le conseil des experts a rendu le 20 octobre 2004 un avis favorable aux arguments avancés par la CFE-CGC, motivé notamment par l'atteinte aux principes du droit à une rémunération convenable et du droit à un temps de travail raisonnable. Il a souligné qu'une personne relevant d'une convention de forfait en jours peut en toute légalité être amenée à travailler jusqu'à soixante-dix-huit heures par semaine et que seules lui demeurent applicables les règles relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire. Il a indiqué qu'outre la procédure en cours devant le Conseil de l'Europe, la CFE-CGC avait déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que la problématique de la réduction du temps de travail s'applique dans des conditions très différentes selon la taille de l'entreprise : dans les grandes structures, les partenaires sociaux ont fini par trouver des aménagements acceptables à l'issue d'un processus de négociation collective dont ils ne souhaitent pas voir remis en cause le résultat alors que, dans la majeure partie des petites et moyennes entreprises, le processus de production n'a absolument pas été modifié et de nombreuses difficultés d'application se posent.

M. Roland Muzeau a contesté que la proposition de loi permette aux personnes qui le souhaitent de travailler plus pour gagner davantage. Il a estimé que la subordination juridique des salariés à leur employeur rend illusoire la notion de temps choisi.

Audition de MM. Jean-François Veysset, vice-président, et Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

La commission a procédé à l'audition de MM. Jean-François Veysset, vice-président, et Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

Rappelant la vocation de la CGPME à représenter majoritairement les entreprises de moins de cinquante salariés, M. Jean-François Veysset a relayé l'incompréhension de celles-ci devant la récupération politique et syndicale de la question des trente-cinq heures, qui relève, à leur sens, d'un problème essentiellement organisationnel. La proposition de loi comporte plusieurs sources de satisfaction pour ces entreprises : l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires à 220 heures, après les premiers assouplissements de la loi Fillon, qui avait déjà porté ce nombre à 180 heures, et la possibilité de limiter le surcoût de ces heures à 10 %. Il a d'ailleurs souhaité la pérennisation de cette dernière disposition pour les entreprises de moins de vingt salariés.

Il s'est également déclaré satisfait de l'assouplissement annoncé du compte épargne-temps, en particulier de la possibilité d'y verser la rémunération des heures supplémentaires. Il a en revanche émis des réserves sur plusieurs dispositions, notamment sur la nécessité de passer des accords de branches ou d'entreprises pour l'application du dispositif du temps choisi d'heures supplémentaires. Il a souhaité, à cet égard, que dans les entreprises privées de syndicats, les représentants du personnel au comité d'entreprise où les délégués du personnel puissent devenir les interlocuteurs légitimes du chef d'entreprise pour ce type de négociations.

M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé si la CGPME dispose d'informations sur l'utilisation du compte épargne-temps dans les petites et moyennes entreprises et si la simplification à laquelle procède la proposition de loi peut permettre d'y favoriser son essor. Il s'est également enquis de l'opinion de la CGPME sur la proposition de certains employeurs d'étendre la formule des conventions de forfait en jours à certains salariés non cadres, notamment les salariés itinérants.

M. Jean-François Veysset a indiqué ne pas disposer de précisions sur l'utilisation du compte épargne-temps dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seules les moyennes et les grandes entreprises ayant pour l'essentiel recours à ce mécanisme. En effet, la souplesse du décompte du temps de travail sur quatre semaines constitue une possibilité de compensation immédiate, qu'elle soit financière ou en temps de repos, pour les petites entreprises qui ne sont pas incitées à créer des comptes épargne-temps. Il a estimé que cette possibilité peut être considérée d'un oeil nouveau dans le cadre des obligations de formation, à condition que les petites entreprises aient accès aux mêmes avantages fiscaux que les entreprises rattachées à un accord de branche. Il a rappelé, à cet égard, que 27 % des entreprises ne sont pas couvertes par un accord de branche.

Il a indiqué ensuite qu'en tout état de cause, le compte épargne-temps avait eu moins de succès dans les petites entreprises que les mécanismes d'intéressement et de participation.

S'agissant de l'élargissement des conventions de forfait en jours, il a indiqué que certaines professions le souhaitent, mais que ce sentiment reste marginal.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a demandé si la proposition de loi apporte des réponses aux entreprises en situation de pénurie de main-d'oeuvre, comme dans les secteurs du bâtiment et de l'hôtellerie.

M. Jean-François Veysset a estimé qu'aucun des textes récents sur l'assouplissement des trente-cinq heures n'avait répondu aux attentes des entreprises de ces secteurs, en particulier pour favoriser l'embauche. Il a fait part des espoirs mis dans le projet de loi sur l'école, pour qu'il donne le goût de l'entreprise aux élèves.

M. Georges Tissié a ajouté que le dispositif du temps de travail supplémentaire choisi, institué par l'article 2 de la proposition de loi, ne pourrait s'appliquer aux PME si la possibilité de négocier sa mise en oeuvre avec les représentants élus du personnel n'est pas ouverte dans les entreprises dépourvues de syndicat. Il a souhaité la pérennisation du dispositif spécifique aux entreprises de moins de vingt salariés en matière de paiement des heures supplémentaires, proposée par l'article 3 ou, à tout le moins, son application jusqu'au 31 décembre 2008.

M. Roland Muzeau s'est interrogé sur les besoins des PME en matière d'heures supplémentaires. Il a estimé, à cet égard, que le contingent supplémentaire précédemment accordé par la loi Fillon n'a pas été utilisé par les entreprises, compte tenu de la faible croissance économique et de la résistance des salariés.

Il en a conclu qu'il n'est ni souhaitable, ni raisonnable de mettre en oeuvre de nouveaux assouplissements. S'agissant de la possibilité de choisir son temps de travail supplémentaire, il l'a qualifiée de leurre pour le salarié, dans la mesure où seul l'employeur est susceptible d'en décider. Il a estimé enfin qu'il n'est pas acceptable de pérenniser la mesure proposée à l'article 3, car elle pénaliserait financièrement les salariés des petites entreprises.

En réponse à ces considérations, M. Jean-François Veysset a fait valoir qu'après la rigidité des lois Aubry I et Aubry II, des assouplissements sont devenus indispensables pour que les entreprises dont l'activité est saisonnière puissent répondre aux demandes de leurs clients. Il a illustré son propos avec l'exemple de la CGPME, qui a bénéficié de ces assouplissements et a organisé son temps de travail sur 38,5 heures par semaine et par salarié.

Estimant que si les trente-cinq heures étaient une solution pour répondre à tous les problèmes des entreprises et de l'emploi, les autres pays européens les auraient également adoptées, il a considéré qu'il faut au contraire privilégier la souplesse pour permettre à un maximum d'entreprises de vivre et de partager les richesses créées avec leurs salariés. Il a indiqué que, pour maintenir cet équilibre, les entreprises ont besoin que certains salariés travaillent plus pour que d'autres puissent être présents à temps partiel s'ils le souhaitent.

M. Roland Muzeau a observé que le temps partiel n'est pas toujours choisi, mais trop souvent imposé, engendrant ainsi une catégorie croissante de travailleurs pauvres. Il a estimé qu'avant de multiplier les heures supplémentaires, les entreprises pourraient commencer par diminuer les effectifs à temps partiel subi.

M. Jean-François Veysset a fait observer que la question du temps partiel est biaisée dans la mesure où il commence à 34,5 heures par semaine et recouvre en conséquence des situations très disparates. Il a rappelé que, concernant le temps partiel comme les heures supplémentaires, la proposition de loi ne change rien pour les PME qui n'ont pas la possibilité de négocier par des accords de branche le dispositif de temps de travail supplémentaire choisi.

Mme Raymonde Le Texier s'est interrogée sur l'intérêt de fixer le contingent d'heures supplémentaires à 220, dans la mesure où à peine 80 heures sont effectivement utilisées en moyenne. Elle s'est inquiétée également de l'avenir du compte épargne-temps en cas de faillite de l'entreprise et a regretté qu'à peine 0,1 % des entreprises françaises aient recours à l'apprentissage, contre 9 % des entreprises en Allemagne.

Elle a ajouté enfin que les hommes pourraient aussi travailler à temps partiel pour s'occuper de leurs enfants.

M. Jean-François Veysset a indiqué que seules 2.000 entreprises ont une taille suffisante pour organiser le temps de travail et les rémunérations de manière régulière : 1,5 million d'entreprises vivent au contraire sur un rythme saisonnier et ne peuvent résister aux pressions exercées par la diminution du temps de travail que par une mécanisation accélérée ou la délocalisation de leurs activités pour répondre aux nécessités de la production et aux attentes de leurs clients.

M. Louis Souvet, rapporteur, a reconnu qu'il s'agit d'un sujet passionnel offrant des arguments à toutes les parties. Concernant le temps partiel, il a indiqué que les femmes employées dans sa mairie, qui y recourent, l'ont toutes demandé.

M. Roland Muzeau a convenu que les collectivités territoriales ne sont que faiblement concernées par ce problème, qui se pose en revanche avec plus d'acuité dans la grande distribution.

Audition de MM. Pierre Perrin, président, Pierre Burban, secrétaire général, et Guillaume Tabourdeau, conseiller technique, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

La commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Perrin, président, Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale et Guillaume Tabourdeau, conseiller technique (UPA).

A titre liminaire, M. Pierre Perrin a indiqué que le sujet très politique des trente-cinq heures avait créé beaucoup de tensions dans les entreprises artisanales depuis 1998 et suscité de nombreuses difficultés en termes d'organisation du temps de travail, de recrutement ou de pression financière du fait de l'augmentation du SMIC. Les artisans souhaitent désormais une stabilité de la législation relative au temps de travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a demandé si les entreprises artisanales ont souvent recours aux possibilités d'aménagement du temps de travail prévues par la loi.

Il s'est également interrogé sur les difficultés de recrutement imputables aux lois sur les trente-cinq heures dans les entreprises artisanales, estimant que les salariés privilégient parfois les grandes structures en raison des avantages sociaux qu'elles procurent.

M. Pierre Perrin a émis un avis mitigé sur le compte épargne-temps qu'il a estimé mal adapté aux petites entreprises qui ne disposent pas du personnel nécessaire pour gérer ce dispositif. Concernant le temps de travail supplémentaire choisi, il s'est inquiété de l'éventualité que le libre choix s'applique à l'avenir à l'ensemble du contingent d'heures supplémentaires.

En matière de recrutement, il a estimé que la différence s'est creusée entre les acquis des salariés des grandes entreprises et ce que peuvent offrir les PME, malgré les efforts récemment entrepris par les chefs d'entreprises artisanales pour améliorer les grilles de classification et les grilles de salaires. Il a confirmé que la publicité qui avait entouré le passage aux trente-cinq heures de nombreuses grandes entreprises dès 1998 et 1999 n'a pas favorisé le recrutement dans l'artisanat.

M. Bernard Seillier, président, a demandé si l'organisation du travail est désormais stabilisée dans les petites entreprises artisanales, après la mise en oeuvre des lois Aubry I et Aubry II.

M. Pierre Perrin a regretté que tel ne soit pas encore le cas, malgré les aménagements proposés par la loi Fillon, avec la priorité donnée aux accords de branche et l'élargissement du contingent d'heures supplémentaires. Il a indiqué toutefois que le Gouvernement n'a pas tenu l'ensemble des promesses faites à cette époque en matière d'allégements de charges salariales jusqu'à deux SMIC. Il a fait valoir, à cet égard, que le système de couverture sociale actuel, fondé sur les charges salariales, est source de difficultés pour les entreprises de main-d'oeuvre.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ayant demandé si l'UPA est satisfaite de la date butoir du 31 décembre 2008 proposée à l'article 3 ou si elle souhaite plutôt la pérennisation du dispositif de tarification des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés, M. Pierre Perrin s'est prononcé en faveur de la seconde solution.

Mme Gisèle Printz a estimé qu'une situation de pénurie de main-d'oeuvre contredit le recours aux heures supplémentaires et a demandé si les petites entreprises artisanales utilisent effectivement l'ensemble du contingent actuel de 180 heures.

M. Pierre Perrin a indiqué que les branches connaissent des situations différentes : certaines ont moins de difficultés de recrutement et ont signé des accords intéressants en matière de temps de travail, d'autres peinent à embaucher et utilisent largement le contingent d'heures supplémentaires autorisé.

Plus largement, M. Roland Muzeau a demandé si l'UPA dispose de statistiques sur l'utilisation effective du contingent d'heures supplémentaires de la loi Fillon.

M. Pierre Perrin a précisé que chaque branche comporte ses spécificités et qu'en matière de paiement des heures supplémentaires, certaines les rémunèrent à 25 % du salaire horaire, alors que d'autres souhaitent maintenir ce taux à 10 %. Toutefois, il a considéré que toutes ces entreprises sont conscientes du caractère inéluctable de la diminution du temps de travail et de la nécessité, pour les entreprises artisanales, de tenir compte des avantages proposés par les grandes entreprises.

A M. Guy Fischer qui demandait à M. Pierre Perrin si son expérience de chef d'entreprise le conduit à considérer qu'un nouvel élargissement d'heures supplémentaires est nécessaire, M. Pierre Perrin a répondu que le contingent actuel de 180 paraît suffisant.

Mme Raymonde Le Texier a remercié M. Pierre Perrin d'avoir mis l'accent sur le caractère inéluctable de la réduction du temps de travail et sur l'importance à reconnaître à la qualité de vie des salariés.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat proposé à la nomination du Sénat

La commission a désigné M. Jean-Claude Etienne afin qu'il soit proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine.

Mercredi 9 février 2005

- Présidence de M. Bernard Seillier, vice-président -

Droits des malades et fin de vie - Audition de M. Denys Pellerin, vice-président de l'Académie nationale de médecine

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Denys Pellerin, vice-président de l'Académie nationale de médecine sur la proposition de loi n° 90 (2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits des malades et à la fin de vie.

M. Gérard Dériot a présenté cinq questions sur lesquelles il souhaite connaître le sentiment de l'académie de médecine : la première traite des différentes définitions de l'euthanasie ; la deuxième concerne les spécificités respectives de la fin de vie d'un patient adulte et d'un patient enfant ; la troisième s'inquiète de la prévalence des pratiques d'euthanasie clandestine ; la quatrième porte sur les ambiguïtés existant entre la loi -  notamment pénale - et le code de déontologie médicale ; enfin, la dernière s'attache au « testament de vie » et à l'opportunité de conférer une valeur impérative aux dispositions qu'il contient.

En préambule, M. Denys Pellerin a rappelé sa qualité de vice-président de l'Académie nationale de médecine, précisant qu'il en assurerait la présidence à partir de 2006. Il a déclaré qu'il avait par ailleurs été corédacteur de l'avis formulé en 1997 par le comité national consultatif d'éthique relatif au vieillissement et la longévité et, plus récemment, en collaboration avec Henri Caillavet, de celui consacré à la fin de vie qui, malgré des positions initiales divergentes entre les deux auteurs, s'est finalement révélé consensuel. Il a ajouté qu'il avait ensuite été rapporteur d'un texte de réflexion sur la problématique de la fin de vie chez le nouveau-né.

Il a précisé enfin que son mandat au comité national d'éthique avait pris fin et que, s'il intervient en qualité de vice-président de l'Académie de médecine, il n'engagera pas, par ses propos, cette institution. La seule position officielle de l'Académie sur les questions de fin de vie figure dans son communiqué du 9 décembre 2003.

M. Denys Pellerin a ensuite rejeté la distinction proposée, ici et là, entre euthanasie passive et active. L'euthanasie a pour seule définition d'être l'acte matériel de donner la mort à un individu dans le but de soulager ses souffrances ou d'accéder à sa requête. L'Académie refuse catégoriquement la terminologie d'euthanasie passive, qui ne constitue qu'une définition impropre du refus de l'acharnement thérapeutique. Il a insisté sur le fait que l'honneur et le devoir de tout médecin exigent qu'il connaisse les limites de son art. Il s'est à ce titre félicité de l'inscription, dans la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, d'une disposition relative aux effets secondaires des traitements. Il a formellement condamné la poursuite exagérée des soins de réanimation dont il a estimé qu'elle trouve, au final, sa seule justification dans des motivations étrangères au champ médical.

Il a ensuite estimé que la fin de vie d'un patient, adulte ou enfant, est comparable lorsque le décès a pour cause une pathologie qui n'est pas, en elle-même, le résultat du vieillissement. En revanche, le nourrisson présente des problématiques différentes méritant d'être traitées séparément. Il a en outre observé qu'il n'a jamais entendu un enfant, même condamné, évoquer l'idée de sa propre mort, et a fortiori la réclamer, et a recommandé, à ce sujet, la lecture du livre « Oscar et la dame en rose » écrit par M. Éric Emmanuel Schmidt, qui évoque les douze derniers jours d'un enfant atteint d'un cancer.

Pour ce qui concerne les crimes compassionnels, il a déclaré que l'Académie de médecine avait connaissance de l'existence de prescriptions létales pratiquées avec ou sans l'accord du patient, mais a estimé que leur nombre se réduit progressivement. Il a affirmé que de tels faits devraient relever du médecin qui engage seul sa responsabilité et a considéré anormal que, dans certaines affaires, des personnels soignants ou infirmiers comparaissent en justice, quand bien même leur faute traduirait en réalité un dysfonctionnement dans l'organisation de leur service.

En la matière, l'existence d'un hiatus entre les dispositions du code de déontologie médicale et la loi, notamment pénale, nourrit un sentiment d'hypocrisie. Pour sa part, la position de l'Académie de médecine vise à affirmer simultanément que l'acte d'euthanasie est un assassinat, mais que des transgressions au respect inconditionnel de la vie peuvent être légitimées par des cas d'espèce et dans le respect des droits des malades. Il a déploré que la réflexion du comité national consultatif d'éthique ait été dénaturée sur ce sujet par l'utilisation du terme inapproprié « d'exception d'euthanasie ».

À titre personnel, il s'est interrogé sur la pertinence de la disposition de la proposition de loi qui permet au patient de refuser son alimentation pour abréger sa fin de vie dès lors qu'elle aboutit, au final, au même résultat que le recours successif à une sédation et à une euthanasie.

Il a enfin jugé d'un intérêt limité le recours à la rédaction de directives anticipées, la personne qui les rédige alors qu'elle est bien portante ne pouvant réellement présumer quels choix seront les siens lorsqu'elle sera confrontée à cette situation.

Mme Isabelle Debré a souligné la difficulté du travail du législateur sur le sujet de la fin de vie. Elle a adhéré sans réserve à la récusation du terme d'euthanasie passive, ainsi qu'à l'appel à l'honneur et au devoir du médecin tel que formulé par M. Denys Pellerin.

M. François Autain a déploré que le terme d'euthanasie ne figure pas dans le code pénal, mais a estimé nécessaire de distinguer entre différents cas de figure, qualifiables d'euthanasie active ou passive, ou encore de directe ou indirecte. Il s'est interrogé sur la capacité de la proposition de loi, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, à empêcher les deux mille cas annuels d'euthanasie clandestine présumés en France.

Mme Marie-Thérèse Hermange a apprécié que M. Denys Pellerin ait soutenu le « propos du médecin » et s'est inquiétée des incidences que pourrait avoir la proposition de loi sur le traitement des anorexies mentales. Elle a enfin souhaité que soient précisées les conditions dans lesquelles devra délibérer le collège dont l'intervention est prévue avant tout arrêt de soins.

M. Jean-Claude Étienne a constaté que la proposition de loi ne saurait résoudre tous les problèmes soulevés par la fin de vie, ni traiter de tous les cas de figure auxquels la médecine peut être confrontée. Il a insisté sur l'importance du collège médical et a souhaité voir sa composition et ses procédures décisionnelles clarifiées.

M. Denys Pellerin a considéré que le recours aux directives anticipées pourrait être opportunément remplacé par une mention des souhaits du patient dans son dossier médical personnel. Les observations et les volontés d'une personne, notamment âgée ou présentant un passé thérapeutique complexe, constituent naturellement des informations méritant d'y figurer.

Il a ensuite considéré que le législateur, par cette proposition de loi, franchit un pas important en définissant dans la loi l'euthanasie comme un acte volontaire, auquel ne pourra plus désormais être assimilé le refus des praticiens de se livrer à un acharnement thérapeutique.

Il a enfin observé que l'anorexie mentale, à la différence des tétraplégies ou maladies nerveuses sévères, est guérissable et soulève de ce fait des problématiques d'un autre ordre que celles de la fin de vie.

Table ronde sur le thème « La fin de vie à l'hôpital »

Puis la commission a participé à une table ronde sur le thème « La fin de vie à l'hôpital ».

M. Bernard Seillier, président, a rappelé que l'ensemble des sénateurs ont été conviés à participer à la table ronde qui réunit aujourd'hui le Dr Sarah Dauchy, chef de l'unité de psycho-oncologie à l'Institut Gustave Roussy, le Père Jean-Emmanuel Gouze, responsable des aumôneries d'hôpitaux du diocèse de Nanterre, aumônier de l'hôpital Foch, le Dr Michèle Lévy-Soussan, responsable de l'unité mobile d'accompagnement et de soins palliatifs à la Pitié Salpétrière, M. Daniel Morel, accompagnant bénévole dans l'équipe mobile de soins palliatifs à l'hôpital Emile Roux, le Dr Philippe Poulain, chef de l'unité de diagnostic et de traitement de la douleur de l'adulte et de l'enfant, à l'Institut Gustave Roussy, et M. Patrick Thominet, cadre infirmier à la Pitié Salpétrière.

M. Gérard Dériot, rapporteur, a fait valoir l'intérêt, pour la commission, d'entendre au cours d'une même audition l'ensemble des professionnels et bénévoles qui, à l'hôpital, accompagnent une personne en fin de vie.

Il a souhaité que chaque intervenant puisse apporter des éléments de réponse aux questions qu'il se pose sur les difficultés rencontrées par les professionnels et les bénévoles dans la prise en charge des personnes en fin de vie, sur la qualité de la coordination entre les différents intervenants hospitaliers et, enfin, sur les moyens susceptibles d'accompagner au mieux à domicile les personnes en fin de vie.

Le Dr Sarah Dauchy a fait part de son expérience de psycho-oncologue. Elle a déploré tout d'abord le fait que l'évaluation psychiatrique des patients souffrant d'une pathologie en stade terminal intervienne trop tardivement et a plaidé pour l'établissement d'un diagnostic précoce des syndromes dépressifs qui permet de répondre, par une thérapeutique adaptée, à la souffrance morale des malades et d'éviter probablement certaines demandes d'euthanasie. Elle a insisté ensuite sur l'importance d'une coordination efficace entre les différents professionnels pour lever les contraintes et limiter les effets pervers des soins psychologiques dispensés dans l'urgence.

Le Père Jean-Emmanuel Gouze a déclaré exercer les fonctions d'aumônier des hôpitaux du diocèse de Nanterre, qui couvre un secteur hospitalier de sept mille lits. Il a insisté sur l'importance des derniers moments de la vie, soulignant qu'ils donnent parfois au patient, qui souffre physiquement et moralement, la révélation de toutes les dimensions de son incarnation. Pour sa part, il a constaté l'existence d'une grande pudeur et de nombreux tabous entravant l'expression et l'extériorisation de la douleur.

Ayant observé la qualité variable de la coordination des différents intervenants selon les hôpitaux, il a déploré qu'une vision restrictive de la laïcité y entrave parfois le recours précoce à un soutien moral ou philosophique par des patients qui en sentiraient le besoin.

Il a remarqué également que, paradoxalement, de nombreux patients et leurs proches appréhendent l'idée d'affronter une fin de vie à domicile plutôt qu'à l'hôpital. Il a insisté enfin sur l'importance du deuil, raison pour laquelle il anime un groupe de parole pour les personnes en deuil dont les membres sont toujours plus nombreux.

Le Dr Michelle Levy-Soussan a considéré, en préambule, que les institutions avaient réalisé d'importants progrès ces dernières années afin d'offrir aux malades en phase terminale un meilleur accompagnement. En conséquence, elle s'est déclarée surprise du décalage existant entre la réalité des progrès accomplis et la présentation faite par certains médias de la médicalisation de la fin de vie.

Elle a observé ensuite que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale posent les bases d'une voie originale dans la prise en charge des patients en fin de vie, respectueuse des enjeux propres à sa médicalisation. Elle a souligné la responsabilité pédagogique des médecins et la diversité des types de prise en charge, variant, par exemple, selon que la personne est consciente ou inconsciente. Elle a insisté également sur l'importance de l'intervention d'un médecin tiers dans les rapports entre les équipes soignantes et le patient.

Elle a estimé utile l'inscription dans la loi du refus de l'obstination déraisonnable qui n'empêche pas de rassurer les patients en encadrant les soins dispensés par le recours à de bonnes pratiques. Cette inscription lèvera les inhibitions de certains médecins tentés de poursuivre des traitements uniquement par crainte de procédures judiciaires éventuelles ou par le constat que ni les patients ni leurs proches ne sont mûrs pour accepter la perspective d'une impasse thérapeutique. Ces situations conduisent actuellement à la poursuite de traitements aux lourdes conséquences physiques et morales pour le patient.

Puis le Dr Michelle Levy-Soussan a déploré les nombreuses difficultés auxquelles font face les équipes soignantes : celles-ci sont matérielles, notamment en raison de la réduction progressive des capacités d'accueil - l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière a perdu cinq cents places d'accueil depuis 1997 - ou tarifaires, l'application de la tarification à l'activité étant potentiellement porteuse d'effets pervers, malgré la revalorisation affichée des actes de soins palliatifs.

En revanche, elle a estimé que les cancérologues sont désormais mieux à même de déceler précocement le moment où la poursuite des chimiothérapies devient inutile, même si ce moment ne coïncide pas avec celui où le patient est capable d'admettre cette réalité. Le temps de la maturation reste donc naturellement nécessaire pour l'ensemble des protagonistes.

Elle a jugé ensuite perfectible la coordination entre les différents intervenants, notamment entre les équipes soignantes et les unités de soins palliatifs. Le modèle anglais des équipes intégrées présente en l'espèce d'indéniables avantages, la politique française de sectorisation par spécialité comportant pour sa part, sur cet aspect, de nombreuses limites.

Elle a observé que les sondages suivant lesquels une majorité de personnes souhaitent mourir à domicile révèlent le sentiment des personnes bien portantes, mais pas véritablement celui des patients et de leurs proches. Elle a insisté sur la médicalisation de la mort qui s'est développée, parallèlement mais sans doute moins rapidement, que la médicalisation de la naissance. Toutefois, elle a concédé que l'intervention des soins palliatifs à domicile permet, dans certains cas, d'apporter une réponse qualitative aux difficultés rencontrées par certains patients.

M. Daniel Morel a fait part ensuite de son expérience de six années comme accompagnant et comme responsable, en Ile-de-France, d'une équipe de bénévoles membres de l'association pour le développement des soins palliatifs qui assure leur formation, leur soutien et leur encadrement. L'accompagnement qu'elle propose constitue pour les patients et leurs familles un précieux soutien. Toutefois, il a regretté que les échanges entre les équipes mobiles en charge de l'accompagnement et les chefs de service restent trop peu nombreux et qu'ils ne permettent pas de localiser en amont certaines difficultés et d'améliorer davantage le confort physique et moral des patients.

Il a insisté sur le caractère complémentaire des interventions effectuées par des personnes qui ne sont pas des professionnels de santé, celles-ci constituant souvent un intermédiaire utile entre les patients et l'équipe soignante. Il a regretté que le souci d'établir une meilleure communication avec les patients ne soit pas davantage présent dans leur prise en charge et a formulé, à cette fin, une série de propositions : création de lieux de vie ou de studios pour les familles, permettant à celles-ci ou aux bénévoles de se réunir dans un endroit neutre, dépourvu de tout caractère médical ; augmentation du nombre de chambres aménagées pour permettre aux proches qui le désirent d'accompagner le malade jusqu'au moment du décès ; sensibilisation des personnels soignants au rôle et aux apports des bénévoles et de leurs activités, ainsi qu'à l'importance des soins relationnels ; enfin, amélioration de la communication entre les différents intervenants médicaux pour rassurer le patient et lui permettre d'accéder aux informations concernant son état de santé.

Il a affirmé enfin que le concours des bénévoles permet d'offrir des moments de répit et de soulagement indispensables aux proches qui prennent en charge, à domicile, des malades en fin de vie. Cette intervention contribue efficacement à lutter contre l'épuisement physique et nerveux des familles confrontées à cette situation dramatique.

Ensuite, le Dr Philippe Poulain a précisé qu'en sa qualité d'anesthésiste, il a été continuellement confronté à la prise en charge de la douleur et qu'il avait toujours cherché à améliorer sa compétence sur ce sujet, participant par exemple, voici vingt ans, à une expérience en Grande-Bretagne consacrée à la prise en charge des patients en fin de vie.

Il a observé à ce titre que, si la France avait déjà accompli de nombreux progrès en quelques années, il demeure des points d'amélioration dans la prise en charge de la fin de vie, notamment à travers une meilleure formation générale des personnels, dont les médecins, sur certains aspects relationnels vis-à-vis du patient et sur l'information que celui-ci est en droit d'obtenir. Les praticiens sont formés presque exclusivement à guérir les malades et peinent encore à accepter qu'à un moment donné, certains actes médicaux deviennent inutiles et qu'ils sont confrontés à l'impasse des soins curatifs. Toutefois, il a admis que la technicité croissante de la fin de vie répond également à l'attente du patient, pour lequel l'obstination du médecin constitue la meilleure garantie de guérison.

Il a jugé ensuite perfectible la coordination entre les différents services intervenant dans la prise en charge d'un malade : la médecine demeure encore largement cloisonnée, malgré l'amélioration de la communication ayant accompagné le développement des soins palliatifs et des soins de support, ou les interventions plus nombreuses des psychiatres, des psychologues, des assistants sociaux ou encore des kinésithérapeutes.

En conclusion, il a estimé que la perspective d'une fin de vie à domicile constitue pour le patient une image rassurante, répondant à l'aspiration de se trouver dans un environnement plus familier, mais que sa réalisation effective conduit, dans bien des cas, à l'épuisement des proches et à une appréhension croissante du malade.

M. Patrick Thominet a précisé qu'il exerce la profession de cadre infirmier à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et qu'il avait été auditionné par la mission d'information de l'Assemblée nationale consacrée à la fin de vie.

Il a insisté sur la diversité des parcours de la fin de vie à l'hôpital. Il a estimé également que les équipes soignantes, notamment celles relevant de services régulièrement confrontés au décès des patients, devraient pouvoir bénéficier d'un superviseur. Il a soutenu que la coordination des équipes mérite d'être organisée plus en amont de la phase terminale, lorsque les malades, souvent transférés d'un service à un autre, se trouvent alors en proie à l'isolement.

Il a conclu par la crainte de voir la mise en oeuvre de la tarification à l'activité pénaliser les unités de soins palliatifs, notamment lorsque le traitement du patient excède quatorze jours, date limite pour bénéficier d'une couverture budgétaire optimale, sans atteindre le cinquante et unième jour, à compter duquel une plus grande rentabilité est à nouveau assurée.

M. Gérard Dériot, rapporteur, a estimé que de tels effets pervers, s'ils étaient confirmés, devront donner lieu à une correction des mécanismes de la tarification à l'activité.

M. François Autain a rappelé son opposition formelle à la tarification à l'activité. Il a jugé que les propos de certains intervenants sur les conséquences du passage à ce type de tarification pour la rémunération des soins palliatifs contredisent ceux tenus précédemment par le docteur Jean-Philippe Wagner qui, lors de son audition, avait affirmé que cette tarification avantagera le développement de ce type de soins. Par ailleurs, il a dénoncé la faiblesse des crédits affectés au développement des soins palliatifs et à la lutte contre la douleur, y compris dans les zones urbaines privilégiées.

Il s'est enquis ensuite des moyens dont dispose la médecine pour résoudre le cas des quelques patients réfractaires aux soins palliatifs et qui réclament le bénéfice d'une euthanasie. Il s'est interrogé sur la différence existant pour le malade, au final, entre le recours à la sédation ou à l'interruption de l'alimentation, d'une part, et l'exercice d'un droit reconnu à l'euthanasie, d'autre part.

M. Patrick Thominet a observé que, dans l'immense majorité des cas, le traitement des symptômes douloureux suffit à répondre aux demandes d'euthanasie. La pratique de la sédation, pour sa part, vise à résoudre certains cas de détresse morale. Il a souligné que, d'un point de vue médical, il n'est pas clair de savoir si l'arrêt de l'alimentation constitue un arrêt de traitement ou un arrêt de soins.

Le Dr Michelle Levy Soussan a estimé que les défis de la fin de vie dépassent de loin le seul domaine des soins et que la science médicale ne peut prétendre y répondre seule. Elle a expliqué que la technique de la sédation permet de suspendre la conscience des patients souffrant de symptômes impossibles à soulager. Toutefois, il doit être établi une différence entre le recours à la sédation au bénéfice de malades arrivés au terme de leur vie et son utilisation à l'endroit de personnes dont les jours ne sont pas en danger bien qu'ils souffrent, à l'instar de Vincent Humbert, de handicaps physiques lourds irréversibles. Pour ces derniers, les soins palliatifs n'offrent pas de réponse adaptée et un travail d'ordre psychologique, dont l'utilité est souvent mésestimée, est à accomplir. Elle a indiqué enfin que la seule personne lui ayant jamais formulé une demande d'euthanasie s'était rétractée le jour même.

Elle a noté enfin que certaines études réalisées dans l'Oregon, état américain ayant légalisé la pratique du suicide assisté, laissent à penser que les patients préfèrent l'arrêt de l'alimentation, entraînant ainsi la mort, plutôt que le recours à une injection létale.

Le Dr Sarah Dauchy a insisté sur la nécessité d'évaluer, préalablement à la prescription de la sédation, les symptômes psychologiques dont semble souffrir le patient, afin de mesurer l'intérêt potentiel d'un recours à cette technique.

Elle a observé enfin que le traitement de la fin de vie aboutit souvent à une dépersonnalisation du patient, rapidement limité à n'être plus que le sujet d'une succession d'actes médicaux. Dans la plupart des cas, sa re-personnalisation par le dialogue permet de compenser cet effet pervers de l'extrême technicité de la fin de vie. Elle a insisté sur le fait qu'elle n'avait jamais été confrontée, durant ses dix ans d'expérience, à une demande d'euthanasie qui n'ait pas été contredite par une rétractation rapide.

A son tour, le Dr Philippe Poulain a confirmé que la sédation constitue une technique anesthésique dont l'usage est réservé à des cas complexes, notamment ceux de patients pour lesquels les soins traditionnels ont atteint leurs limites. Il a estimé en outre que la sédation présente l'inconvénient de couper provisoirement toute communication avec le patient. Il a insisté sur l'utilité d'une évaluation psychologique de celui-ci, lorsqu'il formule une demande d'euthanasie.

Le Père Jean-Emmanuel Gouze a constaté l'existence de grandes résistances à l'idée d'annoncer au patient la perspective de sa mort.

M. André Lardeux a considéré que vivre sa propre mort ou, pire encore peut-être, celle d'autrui est un moment très difficile auquel personne n'est jamais préparé. S'associant à l'analyse de l'importance de la re-socialisation du patient, il s'est successivement interrogé sur les moyens de lutter contre la peur, sur la portée de la notion de dignité à laquelle il est recouru pour légitimer des propositions de dépénalisation de l'euthanasie et sur l'application, par les praticiens, des dispositions contenues dans les directives anticipées.

Le Père Jean-Emmanuel Gouze a insisté sur l'importance des rencontres et du dialogue pour permettre au patient de gagner une certaine quiétude, en l'autorisant à exprimer ses appréhensions sans avoir le sentiment d'être jugé. Il a souligné que certains patients, de même que leurs proches, confondent la notion de dignité avec celle d'autonomie.

M. Patrick Thominet a estimé que les soins palliatifs peuvent rassurer les patients, eux-mêmes ayant parfois d'ailleurs la crainte d'être euthanasiés sans leur consentement. Le corps médical devrait également s'attacher à progresser dans la lisibilité des pratiques. Il a jugé en outre que le recours croissant à la notion de dignité ne repose pas sur une définition univoque de celle-ci, estimant pour sa part que le sentiment de dignité ou d'indignité d'un patient dépend essentiellement du regard porté par la société sur la maladie ou le handicap. Il a déploré à ce titre que personne n'ait tenté de rassurer Vincent Humbert sur sa propre dignité. Il a estimé enfin que la valeur des dispositions contenues dans des directives anticipées ne devrait qu'être indicative, personne ne pouvant présumer de son attitude face à la fin de sa vie.

Le Dr Sarah Dauchy a insisté sur la place de la psychologie pour traiter le sentiment d'indignité éprouvé par un patient, afin notamment de lui permettre de séparer la conception qu'il se fait de sa dignité et celle résultant de son état médical. Le suicide apparaît parfois, pour les patients, comme une solution à une impasse thérapeutique.

M. Jean-Claude Étienne a posé la question de l'opportunité d'inscrire la volonté du patient dans le dossier médical personnel plutôt que dans un testament de vie spécifique. Il s'est interrogé par ailleurs sur la place à réserver au tiers soignant dans l'organisation de l'accompagnement des personnes en fin de vie.

Le Dr Michelle Lévy Soussan a estimé que si l'expression anticipée de la volonté du patient peut être inscrite à son dossier médical personnel, elle doit rester purement indicative, tant pour le médecin que pour la famille. Elle a précisé que le tiers soignant devrait participer aux travaux du collège médical, même si l'entière responsabilité de décision incombe au médecin traitant, pour ne pas diluer l'implication des membres de l'équipe soignante ou faire assumer au patient le poids des décisions à prendre. Le rôle de l'équipe médicale consiste à dégager le choix du patient et de ses proches, mais en aucun cas à leur faire prendre les décisions eux-mêmes.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est interrogée sur les points de la proposition de loi qui, selon les différents intervenants, mériteraient d'être modifiés.

Le Père Jean-Emmanuel Gouze a estimé que les exigences relatives à l'intervention de la personne de confiance et le recours aux directives anticipées mériteraient d'être précisés.

Le Dr Michelle Levy Soussan a estimé que la proposition présente le mérite de tranquilliser les médecins réanimateurs sur les risques d'éventuelles poursuites judiciaires.

M. Patrick Thominet a regretté que l'évolution des mentalités fût subordonnée au vote d'une loi, ce qui constitue un symptôme préoccupant de la judiciarisation croissante de la société.

Auditions - Organisation du temps de travail dans l'entreprise

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a procédé à procédé à des auditions sur la proposition de loi n° 2030 (AN) portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

Audition de MM. Rémy Jouan, secrétaire national, et Didier Prono, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

La commission a procédé à l'audition de MM. Rémy Jouan, secrétaire national, et Didier Prono, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

M. Rémy Jouan a rappelé que la CFDT avait été un précurseur en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail et qu'elle avait milité, dès l'accord interprofessionnel de 1995, pour la mise en place du mandatement dans les petites entreprises privées de représentation syndicale. Il a regretté le couperet imposé par la loi Aubry II au 1er janvier 2000, mais il a souligné que cette loi avait permis d'introduire le dialogue social dans de nombreuses entreprises, comme en témoignent les 72.000 accords d'aménagement du temps de travail négociés à cette occasion. Il a également considéré que les trente-cinq heures ont permis de créer ou de préserver près de 400.000 emplois.

Il s'est déclaré opposé à la présente proposition de loi, estimant que le slogan selon lequel chacun pourrait travailler plus pour gagner plus est mensonger. Expliquant que les entreprises utilisent aujourd'hui en moyenne cinquante-neuf heures supplémentaires par an, il a estimé que l'augmentation à 220 heures du contingent des heures supplémentaires ne constitue qu'un simple affichage politique. Il a déploré que la proposition de loi ne s'attaque pas au véritable problème, qui tient à la faiblesse du pouvoir d'achat des salariés.

Il a déclaré ne pas être opposé à un toilettage des lois Aubry, mais il a fait valoir sa préférence pour une adaptation par voie conventionnelle. Il a estimé que les attentes des salariés, qui n'ont pu s'exprimer par le dialogue social, ont trouvé un exutoire dans les manifestations du 5 février dernier.

Il a insisté sur le fait que la proposition de loi doit être modifiée au minimum sur trois points pour réintroduire le mandatement dans les entreprises de moins de vingt salariés, supprimer le prolongement du régime dérogatoire des heures supplémentaires dans les petites et moyennes entreprises (PME) et interdire le rachat des jours de congé ou de repos compensateur.

Rappelant le pragmatisme dont la CFDT avait fait preuve ces dernières années, M. Louis Souvet, rapporteur, s'est étonné de l'opposition frontale de ce syndicat à la nouvelle proposition de loi. Il a voulu savoir si l'organisation n'estime pas que certains assouplissements des trente-cinq heures sont toutefois nécessaires. Il a également souhaité connaître l'opinion de la CFDT sur la proposition visant à étendre les conventions de forfait en jours à d'autres catégories de salariés que les cadres.

M. Rémy Jouan a admis la nécessité d'un toilettage des lois Aubry, mais il a estimé que le vote d'une loi court-circuite, une fois de plus, les partenaires sociaux. Il a expliqué que les conventions de forfait en jours sont adaptées à la situation des cadres ayant une forte autonomie de travail, car elles constituent un moyen plus souple pour assurer le respect de la réduction du temps de travail (RTT) pour cette catégorie de salariés. Il a estimé que l'extension de ces conventions à d'autres catégories de salariés ne serait en revanche pas acceptable.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que certains considèrent que la RTT a conduit les entreprises à assurer, en trente-cinq heures, le même volume de travail qu'en trente-neuf heures, ce qui a provoqué une multiplication des arrêts de travail pour cause de stress ou de fatigue nerveuse.

M. Rémy Jouan a objecté que l'intensification du travail est un phénomène international, et non pas un problème français lié aux seules trente-cinq heures. Il a même fait valoir que la réorganisation du travail négociée dans le cadre de la réduction du temps de travail a permis, dans les entreprises qui ont saisi cette opportunité, de mieux gérer cette intensification du travail.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a souligné que l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires serait utile dans certains secteurs comme celui de l'hôtellerie-restauration ou du bâtiment-travaux publics.

M. Rémy Jouan a objecté que le contingent majoré de 180 heures, proposé par la loi Fillon, n'est pas encore utilisé dans son intégralité. Il a donc douté de l'utilité de porter ce quota à 220 heures et a craint que cette augmentation et la possibilité d'effectuer des heures choisies ne constituent un frein important à l'embauche.

M. Louis Souvet, rapporteur, a fait valoir que les difficultés de compétitivité des entreprises françaises sont dues notamment aux hausses successives du salaire minimum de croissance (SMIC) consécutives aux trente-cinq heures.

M. Rémy Jouan s'est insurgé contre le fait que les entreprises limitent les rémunérations au niveau du SMIC. Il a estimé que la présence de plusieurs millions de chômeurs et le gel volontaire des salaires négocié dans le cadre des accords de RTT n'ont pas incité les entreprises à augmenter leurs salariés.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a voulu connaître la position de la CFDT sur la question du compte épargne-temps.

M. Rémy Jouan s'est déclaré favorable au rachat des jours de RTT dans le cadre des comptes épargne-temps mais il s'est opposé à ce qu'un mécanisme similaire soit prévu pour les congés et pour les jours de repos compensateur.

M. Louis Souvet a souligné que la France reste un cas isolé en Europe sur la question des trente-cinq heures. Il a estimé que si la réduction du temps de travail était réellement une panacée au problème du chômage, de nombreux autres pays l'auraient adoptée. Il a également observé que la RTT ne semble pas avoir l'effet escompté sur le niveau d'emploi, dans la mesure où le taux français reste largement inférieur à la moyenne de l'OCDE.

M. Rémy Jouan a répliqué que l'abandon progressif des trente-cinq heures en Allemagne n'a pas pour autant résolu le problème du chômage et que la faiblesse du taux de chômage aux États-unis est due à l'ampleur du phénomène des travailleurs pauvres. Insistant sur la forte proportion de salariés travaillant à temps partiel contraint, il a estimé que les besoins des entreprises pourraient être comblés en augmentant le temps de travail de ces personnes plutôt qu'en remettant en cause, de façon globale, les trente-cinq heures.

M. Roland Muzeau a déclaré comprendre les inquiétudes de la CFDT vis-à-vis de la proposition de loi et a énuméré les griefs qu'elle lui inspire : risque de frein à l'embauche, atteinte à la santé au travail, caractère mensonger de la promesse affichée par le slogan « travailler plus pour gagner plus », absence de mesures en faveur des salariés à temps partiel contraint. Il a souhaité connaître la position de la CFDT à l'égard de la multiplication des cas de chantage à l'emploi lors des discussions portant sur la modulation de la durée du travail.

M. Rémy Jouan a tenu d'abord à préciser que, dans le cas particulier de l'usine Bosch, l'accord négocié consistait à remonter la présence horaire hebdomadaire de trente-deux à trente-cinq heures, et non pas à remettre en cause la durée légale du travail. Il a également rappelé que cet accord avait été négocié avec les syndicats, ce qui témoigne de l'importance du maintien d'un dialogue social dans l'entreprise.

Audition de Mmes Michèle Biaggi, secrétaire confédérale, et Lucile Castex, assistante juridique, de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO)

La commission a procédé à l'audition de Mmes Michèle Biaggi, secrétaire confédérale, et Lucile Castex, assistante juridique, de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO).

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé tout d'abord les inquiétudes précédemment exprimées par la CGT-FO à l'occasion de l'examen de la deuxième loi Aubry sur l'augmentation vraisemblable du stress professionnel qui pouvait en résulter et sur la modération salariale imposée par le passage aux trente-cinq heures. Il a voulu savoir si la proposition de loi apporte des éléments de réponse satisfaisants à ces deux problèmes. Il a également souhaité connaître la position de l'organisation syndicale sur une éventuelle extension de la formule des conventions de forfait en jours à d'autres catégories de salariés que les cadres.

Mme Michèle Biaggi a reconnu que la CGT-FO s'était inquiétée, en son temps, des moyens de contourner la règle des trente-cinq heures offerts aux employeurs par les lois Aubry à travers les possibilités de modulation du temps de travail. Elle a estimé que les nouveaux assouplissements prévus par la proposition de loi ne répondent pas aux besoins des salariés, lesquels ont exprimé leur mécontentement, le 5 février dernier, en rassemblant près de 500.000 manifestants à travers la France.

Elle a insisté sur le fait que la proposition de loi repose sur un mensonge, car l'existence d'un lien de subordination entre le salarié et son employeur s'opposera toujours à une véritable liberté de choix et d'organisation du salarié. Elle a observé ainsi que l'abondement du compte épargne-temps à l'initiative du salarié est un leurre et qu'il serait normal de prévoir un abondement conjoint de ce compte par l'employeur, mais elle a craint qu'un tel dispositif ne soit une occasion d'exercer un chantage de la part de l'employeur.

Mme Michèle Biaggi, secrétaire confédérale, a ensuite souligné l'inutilité d'une nouvelle augmentation du contingent d'heures supplémentaires, dans la mesure où les 180 heures prévues par la loi Fillon ne sont pas utilisées par les entreprises. Elle a dénoncé le caractère illusoire des heures choisies, estimant que l'employeur aurait toute latitude pour désigner lui-même les salariés susceptibles de bénéficier de cette mesure.

Elle s'est prononcée contre l'extension de la formule des conventions de forfait en jours, expliquant que celles-ci constituent un moyen déguisé de faire sauter le verrou de la durée légale du travail. Elle a également refusé le prolongement de la dérogation accordée aux petites entreprises en matière de majoration des heures supplémentaires, faisant valoir qu'une telle mesure entretient une discrimination entre les salariés, selon la taille de leur entreprise.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a contesté l'analyse selon laquelle tout salarié préférerait travailler dans une grande entreprise.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est étonné de l'unanimité des partenaires sociaux, y compris des organisations patronales, sur l'inutilité de cette proposition de loi. Il a demandé à connaître la position de la CGT-FO sur la création d'un comité d'orientation de l'emploi (COE) évoquée par le ministre de l'économie et des finances.

Mme Michèle Biaggi a réservé sa réponse sur l'intérêt de cette nouvelle structure, en raison du manque d'informations disponibles sur ses missions et ses modalités de fonctionnement. Elle a observé toutefois que les partenaires sociaux disposent déjà d'un lieu d'échange à travers la renégociation de la convention de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

M. Bernard Seillier, vice-président, a précisé que la création du COE a été proposée par M. Jean-Baptiste de Foucauld au comité national de lutte contre les exclusions, afin de disposer d'une instance permettant de rapprocher stratégie économique et politique de l'emploi.

M. Roland Muzeau a souhaité connaître l'opinion de la CGT-FO sur le slogan selon lequel les Français pourraient désormais travailler plus pour gagner plus. Il a estimé également qu'une augmentation de l'activité des entreprises doit bénéficier en priorité aux salariés à temps partiel non choisi. Il s'est inquiété enfin de l'amplification en France du phénomène des travailleurs pauvres, bien connu aux Etats-Unis.

Mme Michèle Biaggi a réitéré son opposition au slogan « travailler plus pour gagner plus ». Elle a estimé que la situation de l'emploi exige en réalité une augmentation des salaires afin de relancer la consommation et la production des entreprises. Elle a rappelé que le pouvoir d'achat des salariés a souffert de plusieurs années de gel des salaires, du passage à l'euro et de l'envolée des loyers. Enfin, elle a partagé l'opinion selon laquelle les salariés à temps partiel subi devraient être les premiers à bénéficier d'une augmentation de leur temps de travail.

Audition de MM. Alain Mennesson et Eric Thouzeau, conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT)

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Alain Mennesson et Eric Thouzeau, conseillers confédéraux de la Confédération générale du travail (CGT).

M. Alain Mennesson a tout d'abord indiqué que son organisation juge inacceptable le projet proposé et considère, s'appuyant sur le bilan des récentes manifestations, que les salariés partagent majoritairement ce point de vue. Il a estimé ce projet dangereux pour l'emploi, les salaires et la santé des salariés.

Analysant l'exposé des motifs de la proposition de loi, il a contesté l'affirmation selon laquelle la réduction du temps de travail aurait été imposée aux salariés. Il a rappelé qu'il s'agissait d'une revendication ancienne de plusieurs syndicats et que la précédente majorité avait été élue sur ce programme, qui a donc été validé par les électeurs. Il a souligné que le degré de satisfaction des salariés passés à trente-cinq heures était élevé et que la réduction du temps de travail avait donné lieu à la négociation de 120.000 accords collectifs. Il a évalué à 400.000 le nombre d'emplois créés par les trente-cinq heures et a attribué la responsabilité de la faible progression des salaires aux employeurs.

Puis il a contesté l'idée selon laquelle les entreprises auraient besoin de nouveaux assouplissements en matière de durée du travail. Après avoir rappelé toutes les mesures prises par le gouvernement en ce domaine depuis 2002, il lui a reproché de ne pas avoir tenu son engagement de laisser les partenaires sociaux négocier les nouvelles réformes du droit du travail.

Il a ensuite critiqué la modification proposée du compte épargne-temps, qui en ferait un nouvel instrument de flexibilité laissé à la discrétion des employeurs. De plus, il conduirait les salariés à accumuler des créances sur l'entreprise, avec les problèmes qui peuvent en découler en cas de défaillance de l'entreprise ou pour le transfert des droits.

Concernant les heures choisies, M. Alain Mennesson a estimé qu'elles obligeraient simplement les salariés à accomplir plus d'heures supplémentaires, tout en les privant des garanties actuellement attachées aux heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent.

Abordant les règles particulières aux entreprises de moins de vingt-et-un salariés, M. Alain Mennesson a dénoncé la possibilité donnée aux salariés de renoncer à des journées de repos par accord direct avec leur employeur, au motif qu'elle porterait atteinte aux règles légales et conventionnelles en vigueur.

Il s'est également élevé contre le slogan « travailler plus pour gagner plus », qui masquerait la réalité d'une augmentation de la durée du travail, portée à 2.000 heures par an, au détriment des intérêts des chômeurs et des salariés à temps partiel.

M. Alain Mennesson a conclu en énonçant les revendications de la CGT : généralisation des trente-cinq heures à toutes les entreprises où elles ne sont pas encore appliquées ; interdiction du travail à temps partiel subi et du recours abusif au travail précaire ; limitation et meilleure rémunération des heures supplémentaires ; réduction de la durée maximale du travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CGT sur une éventuelle extension de la formule du forfait en jours à des salariés non-cadres itinérants.

M. André Lardeux a demandé quelles sont, selon la CGT, les causes de l'intensification du travail dans les entreprises.

M. Roland Muzeau a estimé que la proposition de loi ne s'attaque pas au problème des travailleurs pauvres, qui occupent, contre leur gré, des emplois à temps partiel, et que le slogan « travailler plus pour gagner plus » est mensonger.

M. Michel Esneu a rappelé que le passage aux trente-cinq heures s'était accompagné d'une modération salariale pendant plusieurs années et a considéré que la présente proposition de loi permettrait de redonner du pouvoir d'achat aux salariés.

En réponse aux intervenants, M. Eric Thouzeau a d'abord fait part de la grande réserve de la CGT sur le projet d'extension des conventions de forfait en jours à d'autres catégories de salariés, considérant que les salariés dont on ne peut mesurer la durée précise du travail sont en réalité fort peu nombreux. Il a insisté sur l'aspiration des cadres à concilier vie professionnelle et vie familiale et souligné le paradoxe consistant à affirmer que les cadres voudraient renoncer à des jours de repos et, dans le même temps, qu'ils auraient été les grands bénéficiaires de la réduction du temps de travail. Il a admis que l'intensification du travail avait pu, dans certains cas, être une conséquence du passage aux trente-cinq heures mais il a ajouté que la présente proposition de loi ne prévoit pas de temps de pause ou de repos supplémentaires et qu'elle n'apporte donc aucune réponse à ce problème. De même, il a reconnu que la réduction du temps de travail avait pu s'accompagner parfois d'une modération salariale mais qu'elle ne saurait expliquer la faiblesse de la progression des salaires depuis deux ans.

M. Alain Mennesson a souhaité faire part de quelques observations concrètes. Il a affirmé que les chefs d'entreprise ne demandent pas le relèvement du contingent d'heures supplémentaires, qu'ils sont loin d'utiliser en totalité, et jugé que cette mesure découragerait l'embauche. Il s'est inquiété des risques de chantage pouvant s'exercer dans les entreprises, si l'employeur exige des salariés qu'ils renoncent à des jours de repos sous peine de procéder à des licenciements économiques. Enfin, il a rappelé les multiples souplesses autorisées en matière d'organisation du temps de travail par les textes en vigueur, parmi lesquelles l'annualisation du temps de travail, l'organisation en équipe de suppléance ou les dérogations relatives au repos journalier.

M. André Lardeux a souhaité connaître de manière plus précise l'analyse de la CGT sur les causes de l'intensification du travail.

M. Eric Thouzeau a répondu qu'elle résulte principalement de l'annualisation du temps de travail et des autres formes de flexibilité offertes aux employeurs, qui ont un impact négatif sur la vie familiale.

Mme Gisèle Printz a confirmé que certains employeurs tirent parti de la crainte des délocalisations pour faire pression sur leurs salariés et les contraindre à accepter des situations plus défavorables en termes de durée du travail.

Audition de MM. Denis Gautier-Sauvagnac, président du groupe des relations sociales, et Dominique Tellier, directeur des relations sociales, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

Enfin, la commission a procédé à l'audition de MM. Denis Gautier-Sauvagnac, président du groupe des relations sociales, etDominique Tellier, directeur des relations sociales, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

M. Denis Gautier-Sauvagnac a rappelé tout d'abord que le MEDEF ne souhaitait pas initialement une nouvelle loi et préférait que les assouplissements nécessaires en matière de temps de travail soient prévus, comme partout ailleurs en Europe, par la voie conventionnelle. Il a estimé que la durée légale du travail ne devrait s'appliquer que par défaut en l'absence d'accord de branche, mais a reconnu le caractère bienvenu des assouplissements apportés par la proposition de loi.

Il a expliqué que le MEDEF accueille favorablement la liberté de négocier apportée par le texte, mais il a estimé que, dans un premier temps, peu d'entreprises seraient tentées de renégocier leur accord de réduction du temps de travail, compte tenu de l'atonie de l'activité économique. Il a considéré toutefois la proposition de loi nécessaire pour faire face à un éventuel retour de la croissance.

Revenant sur les assouplissements introduits par la loi Fillon du 17 janvier 2003, il a rappelé que ceux-ci avaient conduit à la renégociation de vingt-deux accords de branche portant le contingent d'heures supplémentaires à 180 heures.

Il a contesté la théorie selon laquelle le recours aux heures supplémentaires serait un frein à l'embauche : en effet, en faisant travailler davantage ses propres salariés, l'entreprise produit davantage de richesses, ce qui conduira in fine à des créations d'emplois.

M. Denis Gautier-Sauvagnac a confirmé que le MEDEF est favorable à une extension des conventions de forfait en jours aux salariés pour lesquels le temps de travail n'est pas déterminable à l'avance. Il a rappelé que la jurisprudence a reconnu qu'un employeur ne peut être tenu pour responsable d'un dépassement de la durée légale du travail pour un salarié travaillant, de façon autonome, à plusieurs centaines de kilomètres du siège de son entreprise.

Evoquant les critiques formulées par le comité des droits sociaux du conseil de l'Europe, il a rappelé que les inquiétudes se sont focalisées sur les conséquences des forfaits en jours sur la qualité de vie des cadres et que le conseil de l'Europe a accepté le principe de ces forfaits en contrepartie d'une rémunération en rapport avec la contrainte imposée à ces salariés.

Il a souligné que les conventions de branche prévoient déjà des salaires majorés de 30 % pour les salariés itinérants non cadres et que la durée de travail de ces derniers resterait toujours encadrée par les règles légales sur le repos quotidien et hebdomadaire.

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a souhaité connaître la position du MEDEF sur le dispositif des heures choisies, rappelant que le contingent actuel de 180 heures supplémentaires n'est pas entièrement utilisé par les entreprises.

M. Denis Gautier-Sauvagnac a reconnu que les entreprises n'utilisent en moyenne que 60 heures supplémentaires par an et par salarié. Mais il a expliqué que, dans certaines entreprises, un surcroît d'activités peut entraîner un besoin très important d'heures supplémentaires. Il a observé également qu'il est très rare que des salariés refusent de faire des heures supplémentaires compte tenu de leur rémunération attractive.

M. Roland Muzeau s'est étonné que le MEDEF ne reconnaisse pas les mérites des lois Aubry en termes de gains de productivité et d'amélioration de l'organisation du travail. Il a voulu savoir si l'organisation patronale accepterait un amendement confirmant expressément le droit au refus des heures supplémentaires pour les salariés. Constatant le faible succès des aménagements prévus par la loi Fillon, il s'est demandé si une nouvelle loi est bien nécessaire.

M. Denis Gautier-Sauvagnac a souligné que la contrepartie des prétendus mérites de la loi Aubry avait été une augmentation sans précédent du coût du travail. Il a observé également que les entreprises de la cotation assistée en continu (CAC 40) ont sans doute été les moins pénalisées par les trente-cinq heures, dans la mesure où une partie importante de leurs activités s'effectue à l'étranger.

Il a insisté sur le fait que le péché originel de la réduction du temps de travail avait été de faire croire aux Français qu'ils pourraient travailler moins, gagner autant et, qu'en même temps, les entreprises pourraient créer des emplois. Cependant, il a tenu à reconnaître un mérite aux lois Aubry : celui d'avoir fait sortir les cadres de l'illégalité en permettant le décompte de leur temps de travail dans le cadre de conventions de forfait en jours. S'agissant de l'annualisation et de la modulation du temps de travail, il a rappelé que les branches n'avaient pas attendu les lois Aubry pour se saisir de ces opportunités.

Puis M. Denis Gautier-Sauvagnac a estimé que la proposition de loi pourrait être améliorée sur quatre points : en étendant à certains non cadres les conventions de forfait en jours ; en prévoyant que les cotisations sociales, hormis celles correspondant à l'assurance vieillesse, soient versées sur les comptes épargne-temps ; en retouchant la rédaction du texte pour éviter la remise en cause du statut des cadres ; en excluant enfin le repos compensateur, des contreparties pouvant être prévues dans le cadre des heures choisies.

Il a fait observer que les assouplissements successifs des trente-cinq heures ne conduisent pas à un retour au statu quo ante en termes de coûts pour les entreprises : en effet, le passage aux trente-cinq heures s'est traduit tout d'abord par une augmentation de 4 % à 6 % du coût du travail, la suppression des allégements de charges a ensuite alourdi la facture pour les entreprises et le recours autorisé à un contingent plus important d'heures supplémentaires n'exonère pas les entreprises du paiement des majorations y afférant.

M. Roland Muzeau a fait valoir que, dans sa conception originelle, la réduction du temps de travail ne signifie pas travailler moins, mais travailler moins longtemps de façon plus intensive, grâce à des gains importants de productivité.

M. Denis Gautier-Sauvagnac a rappelé que le temps de travail dans les entreprises françaises est inférieur de 20 % à la moyenne des pays de l'OCDE et qu'un écart aussi large ne peut pas être intégralement compensé par des gains de productivité.

Mme Catherine Procaccia a souhaité connaître les garanties qui seraient apportées aux non cadres en cas de mise en place de conventions de forfait en jours.

M. Denis Gautier-Sauvagnac a indiqué que la mise en place de ces forfaits serait nécessairement précédée d'un accord de branche pour prévoir une contrepartie en termes de rémunération. Il a tenu à rassurer les parlementaires en précisant que les entreprises non adhérentes à une organisation patronale seraient tenues d'appliquer les accords de branche du fait du mécanisme de l'extension.

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que de nombreuses grandes entreprises annoncent qu'elles ne reviendront pas sur leurs accords de réduction du temps de travail, car leurs précédentes négociations leur ont déjà coûté très cher. Il a confirmé le fait que les employeurs n'avaient pas attendu la mise en place des trente-cinq heures pour négocier sur l'organisation du travail. Enfin il a souligné qu'un certain nombre de personnalités proches de l'opposition ont admis que la réduction du temps de travail avait été une erreur et que le véritable problème est celui du pouvoir d'achat des salariés.

Jeudi 10 février 2005

- Présidence de M. Bernard Seillier, vice-président -

Table ronde - Convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie

La commission a organisé une table ronde sur la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, à laquelle ont participé MM. Jean-Gabriel Brun, vice-président d'Alliance, Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats des médecins de France (CSMF), Pierre Costes, président de la Fédération française des médecins généralistes (MG-France), et Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF).

M. Michel Chassang a considéré, en préambule, que la convention médicale signée le 12 janvier 2005 constitue le prolongement de la loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l'assurance maladie et qu'elle précise, à ce titre, la mise en oeuvre d'une meilleure organisation des soins dont la loi a fixé les principes : libre choix du médecin traitant, dispositif souple et respectueux des droits du patient, création d'un dossier médical personnel et institution d'un parcours de soins optimisé. Le retour à une convention unique pour les médecins généralistes et spécialistes permet, en outre, d'instaurer une synergie entre ces deux pôles de l'activité médicale libérale. Elle consacre à nouveau le principe de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, fondée sur la mobilisation des acteurs de la santé dans leur ensemble : pouvoirs publics, gestionnaires, prescripteurs et assurés.

Il a par ailleurs insisté sur l'important travail de fond qui débutera dès la publication du texte de la convention au Journal officiel, attendue pour les jours prochains : mise en place, dès le 15 mars, des commissions conventionnelles aux échelons national, régional et local et lancement d'une vaste campagne d'information à destination des médecins et des usagers, justifiée par le caractère complexe de certaines stipulations.

M. Michel Chassang a ensuite présenté quelques éléments de bilan relatifs au mécanisme du médecin traitant. La montée en charge de ce dispositif - un million de patients ont déjà renvoyé leur formulaire - laisse augurer du respect des objectifs fixés pour le 1er juillet et de la mise en place effective des parcours de soins. Une seconde étape consistera à mettre en oeuvre les outils réglementaires requis par la réforme, notamment pour la modulation du ticket modérateur et, sur le plan tarifaire, pour les dépassements d'honoraires prévus au bénéfice des spécialistes et les rémunérations supplémentaires correspondant aux tâches nouvelles confiées au médecin traitant.

Puis il a considéré que trois éléments importants restent à définir : d'une part, l'articulation de la réforme de la classification commune des actes médicaux (CCAM), achevée dans ses aspects techniques, avec l'introduction de la tarification à l'activité ; d'autre part, la rédaction de plusieurs avenants conventionnels relatifs notamment à l'accès direct aux spécialités psychiatriques ou à la prise en compte des spécificités de l'anatomopathologie ; enfin, l'organisation de la permanence des soins des médecins libéraux.

M. Michel Chassang a estimé, au final, que la convention, prometteuse et restructurante pour la profession, ne devrait pas rencontrer de difficultés d'application. Les pouvoirs publics doivent désormais s'attacher à la crédibiliser en respectant le calendrier et les échéances fixés et en s'interdisant de la mettre en cause par des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire qui lui seraient contraires.

M. Jean-Gabriel Brun a déclaré que, dès le mois d'août, son organisation, composée en majorité des membres de l'ancienne Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) - rassemblant essentiellement des anesthésistes et des chirurgiens - avait préparé la négociation de la convention avec M. Frédéric Van Roekeghem, alors directeur de cabinet du ministre de la santé et des personnes handicapées, dans l'objectif de répondre aux revendications des chirurgiens.

Il a souligné l'importance de la réforme de la CCAM qui, en introduisant un bouleversement dans les tarifs de tous les actes techniques, constitue une innovation d'une importance équivalente à celle de la création du dossier médical personnel. Il a également fait valoir le caractère restructurant de la tarification à l'activité pour l'ensemble de la tarification hospitalière.

En préambule, M. Dinorino Cabrera a observé que cette nouvelle convention confirme le fait que la réforme de l'assurance maladie s'inscrit dans une démarche d'optimisation de la dépense, et non de maîtrise comptable comme l'avait proposé, en son temps, le plan Juppé.

Il a considéré que le Gouvernement avait fait preuve d'esprit d'ouverture à l'égard des professions médicales, même si la satisfaction intégrale des revendications des praticiens n'était pas envisageable en raison de son coût - environ 7 milliards d'euros - face au déficit des comptes sociaux. Le processus de négociation de la convention avait tout de même permis d'aboutir, lors du séminaire de Jouy-en-Josas, à un accord sur le principe d'un plan d'économies d'un milliard d'euros, dont la moitié du produit serait répartie équitablement entre médecins généralistes et spécialistes.

M. Dinorino Cabrera a ensuite jugé paradoxal que l'ancien directeur de la CNAM, qui avait estimé à plus d'un milliard d'euros les économies potentielles à attendre d'un meilleur contrôle de la prise en charge des patients en affection de longue durée, déclare désormais irréaliste la fixation, par les signataires de la convention, d'un objectif d'économies de 500 millions d'euros. Il a, à ce titre, insisté sur le fait qu'il est du devoir des praticiens d'assurer une prescription mieux adaptée des statines, dédiées au traitement du cholestérol, et des anxiolytiques.

Il a considéré qu'il reste encore à définir la juste rémunération des missions nouvelles du médecin traitant, en liaison avec le plan de redressement de l'assurance maladie. Il s'est enfin déclaré certain que, bien que partiellement insatisfaits, les médecins sauraient faire preuve de responsabilité dans ces négociations.

Puis M. Pierre Costes a rappelé que MG-France avait apporté sa contribution à la réforme de l'assurance maladie par une participation active aux travaux du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont elle avait inspiré les propositions en matière de gouvernance, d'offre de soins et de parcours médical. Or, si ces axes essentiels du rapport du Haut conseil ont bien été consacrés par la loi du 13 août 2004, ils ont été dénaturés par le texte de la convention.

Il a considéré que le système de soins libéral français se caractérise par une mauvaise organisation de l'offre, partagée en nombre égal entre médecins spécialistes et généralistes. Ceux-ci sont donc potentiellement en concurrence au stade de la première prise en charge du patient. La logique de la loi du 13 août voudrait qu'en conséquence, les généralistes soient placés sur une première ligne et qu'ils interviennent en amont des spécialistes, eux-mêmes prenant ensuite le relais, si la situation requiert un conseil hautement qualifié.

Or, les stipulations de la convention signée le 12 janvier ne servent pas cet objectif. Par conséquent, ni MG France, ni l'ensemble des médecins généralistes, ce dont témoigne la totalité des sondages, ne peuvent y adhérer.

Enfin, M. Jean-Claude Régi a rappelé la longue tradition conventionnelle de la Fédération des médecins de France (FMF) et s'est félicité que la réforme de l'assurance maladie poursuive un objectif de qualité des soins en mettant en oeuvre une obligation de formation et d'évaluation des praticiens à laquelle son organisation souscrit sans réserve.

Ce rappel fait, et malgré son caractère unitaire, il a récusé la nouvelle convention qui, selon lui, dénature l'esprit de la loi du 13 août 2004 et les termes de l'accord de Jouy-en-Josas. La FMF ne retrouve pas, dans le texte conventionnel, les moyens permettant aux médecins généralistes et spécialistes d'assurer leurs fonctions et leurs responsabilités dans le respect des critères de qualité qui s'imposent à eux.

Il a ensuite déploré l'extrême complexité de la convention et condamné l'iniquité dont elle fait preuve à l'égard de la médecine générale qui, bien que reconnue comme une spécialité à part entière, ne dispose pas des droits reconnus aux médecins spécialistes.

M. Jean-Claude Régi a dénoncé les failles de la réforme qui instaure un passage quasi obligatoire chez un médecin traitant, accroissant d'autant la charge de travail, pourtant excessive, de praticiens déjà victimes d'épuisement professionnel.

Il a dénoncé le dévoiement du temps médical, qui devrait être consacré aux soins des patients, au profit de tâches purement administratives. Il a affirmé ne pas retrouver, dans la convention, de dispositions suffisamment incitatives pour attirer de jeunes médecins vers l'exercice libéral.

Bien qu'affirmant que la FMF inscrit son action dans une démarche de qualité et de chasse au gaspillage, il s'est interrogé sur l'effet délétère, à terme, pour les rapports entre médecins et patients, d'une revalorisation d'honoraires gagée par les économies que les malades considèreront avoir été réalisées à leurs dépens.

Il a déploré le caractère normatif et complexe de la convention qui portera atteinte, dans son application, à l'indépendance professionnelle des médecins et a craint que cette complexité n'entraîne une judiciarisation accrue de l'activité médicale. Il a également regretté que la revalorisation de l'acte médical soit absente de la convention, et surtout celle de l'acte de base - seules des majorations étant proposées - ce qui ne permettra pas de revaloriser les retraites versées aux praticiens.

En conclusion, M. Jean-Claude Régi a constaté que le coût d'une médecine moderne de qualité ne permet plus désormais de lier les honoraires des médecins aux possibilités financières des caisses. Il a réclamé une réunification de l'ensemble de la profession dans un secteur unique assorti d'honoraires modulables.

M. François Autain a observé que si les organisations majoritaires sont signataires de la convention, des sondages indiquent qu'une très forte majorité des médecins généralistes est opposée à son contenu. Il a souhaité connaître les résultats de l'appel au boycott du médecin traitant, formulé par les organisations non signataires. Par ailleurs, il a voulu savoir quelle précédente réforme avait mis en oeuvre le principe de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Il s'est ensuite interrogé sur la faisabilité d'un milliard d'euros d'économies en 2005, les délais d'entrée en vigueur des accords ne laissant qu'une moitié de l'année pour atteindre cet objectif.

Il a expliqué l'opposition des généralistes à la convention par le fait que celle-ci leur réclame l'essentiel des efforts, mais sans leur en concéder les fruits. Il a enfin déploré son extrême complexité et a mentionné l'accueil négatif réservé à ce texte par le Conseil de l'ordre.

M. Michel Chassang a signalé que les propos tenus par le Conseil de l'ordre étaient plus modérés que le compte rendu qui en a été fait. Il a considéré que les dernières élections professionnelles médicales, intervenues en 2002, avaient accordé à la seule CSMF la majorité des suffrages, majorité ne pouvant être remise en cause que par les prochaines élections qui auront lieu en 2006. Il a ensuite considéré que chaque étape conventionnelle débouche sur un compromis entre les aspirations des médecins, qu'elles soient légitimes ou non, et les possibilités financières dont disposent les pouvoirs publics.

Il a, en outre, jugé moralement condamnable qu'un médecin puisse inciter un patient à demeurer en marge du système du médecin traitant et a estimé que l'appel au boycott ne sera pas suivi d'effet, car les médecins font primer l'intérêt de leurs patients.

M. Michel Chassang a ensuite précisé qu'en évoquant précédemment le retour à une politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, il avait entendu faire référence à la loi de 1992 votée à l'initiative de M. René Teulade et aux négociations engagées par Mme Simone Veil avec la profession en 1993 et 1994.

Enfin, il a contesté la complexité présumée de la convention, précisant que, malgré les 7.200 libellés distincts d'actes techniques dénombrables, il n'existe, en réalité, que quatre types d'actes pour les consultations, eux-mêmes déclinables en une trentaine de combinaisons justifiées par le nombre quasi équivalent des différentes spécialités médicales.

M. Alain Vasselle s'est enquis des dispositions qu'il aurait fallu prendre pour rendre possible l'adhésion à la convention de MG-France et la FMF.

M. Pierre Costes a réitéré son opposition à la convention pour deux types de raisons. Le premier est que le texte signé ne présente pas les garanties nécessaires pour les malades et pour la réussite de la mise en oeuvre du médecin traitant : il risque ainsi d'imposer des délais dans la prise en charge d'un patient orienté vers un spécialiste par un médecin traitant, alors même que la médecine spécialisée présente une surcapacité. Pour sa part, il aurait souhaité que les médecins spécialistes tiennent compte des préconisations du médecin traitant en vue d'une bonne réception des patients, point sur lequel aucun engagement n'est fixé. Il s'est par ailleurs inquiété de l'impossibilité, pour un médecin traitant, d'avoir la garantie qu'il adresse son patient à un spécialiste appliquant des honoraires compatibles avec le tarif opposable. Le deuxième motif de son opposition tient aux principes régissant le parcours de soins car la convention a renoncé à appliquer l'esprit de la loi qui avait pour objectif de structurer l'offre de soins autour du médecin généraliste et de transformer le médecin spécialiste en un consultant de haute technicité.

A son tour, M. Jean-Claude Régi a rappelé les raisons de son opposition aux stipulations de la convention : complexité extrême, maintien des inégalités au détriment des médecins généralistes qui ne bénéficient pas d'espace de liberté tarifaire, mise en place difficile du dossier médical personnel et absence de mesures incitatives à l'installation des jeunes médecins en activité libérale.

Il a enfin estimé volatile la représentativité des syndicats et a précisé qu'il avait, par un courrier adressé au ministre de la santé, demandé une enquête sur cette représentativité qui lui a été refusée.

M. Dinorino Cabrera a observé que la convention permet de satisfaire une partie des revendications des praticiens dans un contexte financier difficile pour l'assurance maladie. Il a affirmé que tout médecin dispose déjà d'un dossier médical pour chacun de ses patients et que, s'il se réfère à son expérience personnelle, aucun patient dont l'état de santé le justifie, n'est empêché d'accéder à un médecin spécialiste.

Il a, en outre, observé que certaines conséquences de la réforme de la classification des actes médicaux devront être atténuées. A titre d'exemple, il a cité le caractère inacceptable d'une décote brutale de certains actes, dépassant parfois 25 %, notamment pour les actes d'anesthésie péridurale ou l'opération de la cataracte.

Il a enfin considéré qu'il est légitime d'autoriser le dépassement des honoraires par les spécialistes dans la perspective d'une baisse de leur activité puisqu'elle sera filtrée et recentrée sur une mission de conseil technique. Mais il a admis, dans le même temps, qu'il sera difficile de faire perdre au patient son habitude de consultation directe des médecins spécialistes.

M. Dominique Leclerc a déploré l'ambiguïté de la situation médicale libérale : elle appelle la juste rémunération d'actes de très haute technicité et susceptibles d'engager lourdement la responsabilité des praticiens, mais elle ne peut, dans le même temps, ignorer les considérations financières en raison du financement collectif de ces rémunérations.

Il a, en outre, estimé que le faible taux d'installation des médecins libéraux s'explique surtout par la volonté des jeunes générations de bénéficier d'une meilleure qualité de vie.

M. Guy Fischer s'est inquiété du fait que l'instauration du médecin traitant puisse remettre en cause l'accès aux soins des plus démunis. S'il a admis la légitimité d'une augmentation des rémunérations des spécialistes, il a considéré que financer celle-ci par des économies sur les prescriptions n'est pas conforme à l'éthique médicale.

Mme Catherine Procaccia a approuvé le mécanisme du médecin traitant mais s'est inquiétée de la dégradation de la permanence des soins libéraux.

M. Alain Milon a estimé que la pénurie de candidature à l'installation en médecine libérale tient à la fois à l'ampleur de la responsabilité qui repose sur le médecin, à l'augmentation de son temps de travail et à l'application d'un numerus clausus. Il a également insisté sur la difficulté d'assurer, dans certaines régions, la permanence des soins, notamment la nuit et le week-end.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la capacité de la CNAM et des médecins d'atteindre l'objectif d'économie affiché.

M. Dinorino Cabrera a précisé que le dispositif de maîtrise médicalisée devrait bien permettre d'atteindre un milliard d'euros d'économies, notamment grâce à un recentrage de la prise en charge des affections de longue durée. Cette moindre dépense n'entraînera, en elle-même, aucune modification dans le traitement des patients puisque la fraction de dépenses antérieurement prise en charge, à tort, par l'assurance maladie le sera désormais par l'organisme complémentaire qui couvre, en pratique, 90 % des assurés.

Il a également estimé que certaines économies pourraient être réalisées sur les indemnités journalières, de même que par un meilleur usage des statines, des anxiolytiques ou des antibiotiques tant qu'il n'en résulte pas une culpabilisation des praticiens et des patients.

Il a enfin souhaité la publication rapide du décret nécessaire à l'organisation des permanences de soins la nuit et le week-end.

En ce qui concerne la médecine générale, M. Pierre Costes a dénoncé les carences de la démographie médicale sur le territoire national. Il a imputé cette situation à la dégradation continue de la condition matérielle des médecins généralistes, non pas tant en termes de revenus mais en contraintes horaires et difficultés pratiques d'exercer. Faisant appel au sens de la responsabilité des élus, il a déploré l'absence de politique d'investissement dans la médecine générale qui alimente une crise des vocations, les étudiants en médecine générale préférant s'orienter vers des secteurs médicaux plus lucratifs. Il a jugé indispensable d'accroître les moyens alloués à la médecine générale et de donner aux étudiants des raisons de s'y orienter, seuls moyens de remédier à la désertification des campagnes. Dans ce contexte, la suppression pure et simple du régime du médecin référent paraît totalement inacceptable.

Il a enfin indiqué son intention de déférer au Conseil d'État le texte de la convention dès sa publication au Journal officiel, même si, pour la première fois sans doute, le Conseil de l'ordre ne semble pas envisager d'engager lui-même ce recours.