Mercredi 3 mai 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire et projet de loi de programmation et d'orientation du ministère de la justice - Désignation de rapporteurs

La commission désigne Mme Agnès Canayer et Mme Dominique Vérien rapporteurs sur le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire et sur le projet de loi de programmation et d'orientation du ministère de la justice, sous réserve de leur dépôt.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Selon une étude de l'association Open (Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique) réalisée en novembre dernier, 53 % des parents français ont déjà partagé sur les réseaux sociaux des contenus, le plus souvent des photos ou des vidéos, relatifs à leurs enfants ; 43 % d'entre eux ont commencé dès la naissance de leur enfant et 91 % avant ses 5 ans - certains commencent même dès les premières échographies...

Qu'il y ait là un élan spontané de jeunes parents habitués à partager leur vie privée ou une méthode pensée pour attirer des abonnés ou augmenter le nombre de vues d'un profil, les personnes qui postent ainsi des images de leurs enfants sur internet n'ont souvent pas conscience des conséquences préjudiciables que cette diffusion peut avoir pour ceux-ci : harcèlement scolaire, utilisation des images ou des informations par des pédocriminels, usurpation d'identité, atteinte à la réputation et, de manière plus générale, fragilisation de l'enfant dont la vie la plus intime devient ainsi connue de tous.

Les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, Bruno Studer, Aurore Bergé, Éric Poulliat et les membres du groupe Renaissance et apparentés de l'Assemblée nationale, entendent répondre à cette problématique en modifiant les règles du code civil relatives à l'autorité parentale, pour y intégrer le respect de la vie privée et le droit à l'image de l'enfant et ainsi mieux sensibiliser les parents quant à cette nouvelle dimension de l'exercice de leur autorité parentale.

Cette proposition de loi est l'une des quatre initiatives ponctuelles visant la protection des mineurs dans l'univers numérique dont le Sénat est actuellement saisi. Elle a été adoptée par les députés de manière concomitante à une proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, laquelle rappelle une initiative de notre collègue Catherine Morin-Desailly de 2018, à la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, ainsi qu'à une proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui comprend des mesures spécifiques sur les enfants influenceurs. Autrement dit, nous examinons chacun de notre côté, de façon éparpillée, un sujet qui mériterait un traitement unifié.

L'ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur, pour les familles, mais également pour les institutions, en particulier en matière d'éducation et de santé publique.

La réponse apportée ne saurait être sectorielle ou laissée à l'initiative de certaines bonnes volontés. Elle me semble devoir être coordonnée et la même sur l'ensemble du territoire. Les inégalités en fonction du milieu social sont extrêmement importantes en la matière, ainsi que l'ont rappelé la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants lorsque je les ai auditionnés voilà une quinzaine de jours. Toujours selon l'enquête de l'association Open, les parents appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus élevées sont plus nombreux à n'avoir jamais diffusé de photos ou de vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux.

C'est pourquoi je regrette que ce sujet ne soit pas pris à bras-le-corps par le Gouvernement dans le cadre d'une politique publique nationale réunissant tous les acteurs susceptibles d'agir en matière de prévention.

Dans ce cadre, tous les moyens devraient être mobilisés pour alerter les parents sur les conséquences d'une diffusion d'images, ou plus généralement de contenus, relatifs à la vie privée de leur enfant dans l'espace numérique en raison des utilisations préjudiciables qui peuvent en être faites.

L'éducation nationale pourrait accentuer ses efforts de communication - et même d'éducation - à destination des parents, dans le cadre du carnet de correspondance, de la « mallette des parents au numérique » ou de réunions annuelles avec les enseignants.

Le carnet de santé me paraît également un vecteur très efficace, s'agissant de l'un des seuls documents papier restants pour faire le lien entre les familles et les institutions. Les recommandations sur le numérique n'ont pas été mises à jour depuis 2018 : conseiller de ne pas mettre de téléviseur dans la chambre des enfants semble totalement obsolète à l'heure des tablettes et des smartphones... Une réactualisation de ces informations constituerait un premier pas simple et salutaire.

Je profiterai d'ailleurs de la séance pour demander au Gouvernement trois mesures, dont certaines d'ordre réglementaire, qui me semblent absolument nécessaires : premièrement, la création dans le carnet de santé d'une page comprenant des informations sur l'exposition aux écrans quels qu'ils soient, en deux volets, l'un sur la « consommation » d'écrans par les enfants en fonction de leur âge, l'autre sur l'objet même de cette proposition de loi, à savoir l'exposition de la vie privée des enfants sur les réseaux sociaux  ; deuxièmement, un véritable programme de santé publique permettant à chaque âge, de la crèche à la maternelle et jusqu'au baccalauréat, d'établir des critères précis quant aux acquis que les enfants doivent maîtriser, comme les « dangers » auxquels ils sont exposés, alimentation, drogues, exposition aux écrans, harcèlement, etc. ; troisièmement, l'insertion dans le code de la santé publique d'un livre consacré aux politiques de protection et de prévention à mener en matière de numérique, concernant tant le temps d'exposition aux écrans que la protection de la vie privée des enfants.

Je précise qu'il y a une dizaine d'années j'avais obtenu l'insertion, dans le code de la santé publique, de dispositions sur les troubles du comportement alimentaire ; aujourd'hui, il faut faire la même chose pour le numérique.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, si je suis convaincue par l'objectif qui préside au dépôt de cette nouvelle proposition de loi, laquelle met le doigt sur un phénomène certes émergent, mais préoccupant, il me semble que la réponse apportée, pour être efficace, ne saurait pas être seulement législative et sectorielle, comme cela est ici proposé.

Cependant, l'adoption de la proposition de loi que nous examinons aurait le mérite de favoriser une prise de conscience collective sur le droit à l'image des enfants. Bruno Studer lui-même l'a décrite comme une « loi de pédagogie » à destination des parents.

Je pense que nous pouvons suivre cette orientation en recentrant cette proposition de loi sur l'essentiel, étant rappelé que veiller au respect de la vie privée de l'enfant fait déjà partie de la mission exercée conjointement par les parents dans le cadre de l'autorité parentale, à savoir « protéger [l'enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » - ceux d'entre nous qui ont été maires reconnaîtront cet extrait du code civil que nous lisons lors des cérémonies de mariage...

Je me permets d'insister sur l'intérêt de cette proposition de loi : des pratiques telles que les pranks, ces « blagues » dans lesquelles un enfant est placé dans une situation humiliante, sont d'autant plus graves qu'il n'y a pas d'oubli dans l'univers numérique : de telles atteintes à leur dignité poursuivent ceux qui les subissent.

Venons-en maintenant à l'examen des articles de ce texte.

L'article 1er vise à introduire la protection de la vie privée de l'enfant parmi les obligations qui incombent aux parents en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, aux côtés de la sécurité, de la santé et de la moralité.

Je vous proposerai d'adopter cette disposition tout en en préférant la rédaction initiale, qui rattache la vie privée de l'enfant au « respect dû à sa personne ». Cette modification ne changerait pas le droit positif, qui suppose que les parents puissent contrôler les actes et agissements de leur enfant, lequel est incapable juridiquement. Ce devoir de surveillance, dont le degré d'intensité varie selon l'âge, la maturité et la capacité de discernement de l'enfant, peut naturellement justifier, de manière proportionnée, une atteinte à la vie privée de l'enfant, par exemple pour vérifier avec qui il correspond, qui il rencontre, etc.

L'article 2 rappelle que le droit à l'image de l'enfant mineur est exercé en commun par les deux parents et qu'ils doivent y associer l'enfant selon son âge et son degré de maturité.

Je vous suggérerai de supprimer cet article qui n'est qu'une simple répétition, spécifiquement consacrée au droit à l'image, des dispositions des articles 371-1 et 372 du code civil. L'utilisation du code à des fins pédagogiques doit être limitée à l'essentiel, et c'est là, déjà, l'objectif de l'article 1er.

L'article 3 prévoit qu'en cas de désaccord entre les parents quant à l'exercice des actes non usuels relevant du droit à l'image de l'enfant, le juge aux affaires familiales (JAF) peut interdire à l'un des parents de publier ou de diffuser tout contenu sans l'autorisation de l'autre parent, ces mesures pouvant être ordonnées en référé en cas d'urgence.

Cette disposition ne semble rien ajouter au droit existant, étant souligné que certaines juridictions considèrent que la diffusion d'images d'un enfant sur internet par un parent est un acte usuel qui ne nécessite pas l'accord des deux parents.

Je vous proposerai donc d'écrire, en lieu et place de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée d'un enfant, ce qui comprend les photos et les vidéos, nécessite l'accord des deux parents. Cette disposition éviterait toute divergence d'approche entre juridictions pour décider s'il s'agit d'un acte usuel ou non usuel et permettrait au parent non consentant de saisir le JAF d'une demande d'interdiction.

L'article 4, qui est le plus « innovant », tend à ouvrir la voie à une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant lorsque la diffusion de l'image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale.

Je vous proposerai de supprimer cet article, qui ne semble pas opérant : en pratique, une telle délégation n'aurait que peu d'effet puisque le parent continuerait à pouvoir filmer ou photographier l'enfant dans son quotidien et à poster ces images sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, ce serait mettre sur le même plan des comportements de gravités très différentes, la délégation d'autorité parentale étant réservée à l'hypothèse d'un désintérêt manifeste des parents, à celle d'une impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale ou à celle d'une poursuite ou condamnation pour un crime commis sur la personne de l'autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci.

Dans tous les cas, je rappelle que la diffusion d'images de l'enfant portant gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale caractérise des carences éducatives qui peuvent justifier la saisine du juge des enfants en vue du prononcé de mesures d'assistance éducative. Il n'y a donc pas de vide législatif en la matière.

Enfin, pour compléter l'article 3, qui poserait le principe selon lequel l'accord des deux parents serait nécessaire pour publier une photo ou une vidéo d'un enfant, je vous proposerai d'adopter un article additionnel permettant à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) d'agir en référé en cas d'atteinte aux droits des mineurs en matière de données à caractère personnel, sans condition de gravité ou d'immédiateté. La Cnil pourrait, sur ce fondement, demander le blocage d'un site internet dont l'éditeur ne répondrait pas aux demandes d'effacement ou ne prouverait pas avoir recueilli l'accord des deux parents pour la publication relative à l'enfant.

Voilà, mes chers collègues, l'approche constructive que je vous propose d'adopter pour prendre en compte les nouveaux enjeux que le numérique fait naître en matière de droit à l'image des enfants.

La semaine prochaine, certains de nos collègues, membres d'une autre commission, travailleront sur la majorité numérique et, en ce domaine, les textes épars succèdent les uns aux autres. Il est vraiment dommage que le Gouvernement ne se saisisse pas de ce sujet nouveau pour en promouvoir une approche globale.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je remercie la rapporteure de ce travail très fouillé, en précisant que c'est Hussein Bourgi qui a suivi ce dossier au nom de notre groupe. Nous partageons votre diagnostic et votre jugement : il est dommage que des dispositions segmentées, éparses et répétitives se substituent, en la matière, à un traitement global. Même ses auteurs l'ont reconnu, il s'agit avant tout d'un texte de sensibilisation, à portée pédagogique ; sa portée normative est limitée, certains articles sont superfétatoires. Pour autant, le contenu du texte est intéressant, et nous y sommes globalement favorables.

Pour ce qui est de l'article 1er, nous ne sommes pas certains de l'utilité de la rédaction que vous proposez : le terme « notamment » peut avoir son utilité pour éclairer une disposition, mais telle n'est pas la jurisprudence de la commission des lois - comme le dirait Philippe Bas, l'usage ce mot a plutôt tendance à rendre les lois bavardes.

Nous sommes favorables à la suppression de l'article 2.

À l'article 3, nous ne sommes pas totalement convaincus par votre rédaction, qui resterait sujette à interprétation.

Concernant l'article 4, nous sommes plutôt favorables à la rédaction issue de l'Assemblée nationale, qui paraît proportionnée.

Quant à l'amendement COM-5, nous n'en voyons pas très bien l'utilité, compte tenu des compétences qui sont d'ores et déjà attribuées à la Cnil.

Avis mitigé, donc, sur certains des amendements de la rapporteure ; avis globalement positif sur l'ensemble du texte.

M. Alain Richard. - Notre groupe est favorable à cette proposition de loi, à une hésitation près, qui a trait à la réécriture de l'article 1er. Le code civil consacre déjà le principe du respect dû à la personne de l'enfant, qui englobe, nous semble-t-il, le droit à l'image.

Concernant l'intervention de la Cnil, je suppose qu'elle se ferait, aux termes de l'amendement que vous présentez, sur saisine d'une personne privée. Si tel est bien le cas, nous accepterons cette disposition.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Nous sommes tous d'accord sur l'esprit du texte et partageons la volonté de nos collègues députés de mieux protéger les enfants et d'alerter sur les dangers afférents à leur mise en scène sur les réseaux sociaux, s'agissant de situations amusantes dans le cadre familial, mais potentiellement humiliantes en cas de diffusion plus large.

Sur l'article 1er, je partage ce que vous dites. Si nous proposons d'ajouter les mots « et notamment à sa vie privée », qui reprend la rédaction initiale de la proposition de loi, c'est pour expliciter la notion de respect dû à la personne de l'enfant.

Quant à l'amendement COM-5 portant article additionnel après l'article 4, il a pour objet de permettre à la Cnil, après un dépôt de plainte, de saisir les juridictions compétentes pour demander le blocage d'un site internet en cas d'atteinte aux droits des mineurs. Cette mesure permettrait à la Cnil d'agir en référé à l'encontre des éditeurs de site dès lors que les droits de mineurs seraient concernés, sans condition de gravité ou d'immédiateté de l'atteinte.

Cette précision répond à vos interrogations, monsieur Richard : le fait générateur, c'est le dépôt de plainte.

Je vous propose de considérer que le périmètre de l'article 45 de la Constitution comprend les dispositions relatives à l'intégration de la vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale ; aux conditions de l'exercice par les parents du droit à l'image de leur enfant mineur ; aux pouvoirs du juge aux affaires familiales en cas de désaccord des parents dans le cadre de l'exercice du droit à l'image de leur enfant mineur ; à la délégation forcée de l'autorité parentale en cas de diffusion de l'image de l'enfant par ses parents portant gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - L'ajout des termes « et notamment à sa vie privée » à l'article 371-1 du code civil ne modifierait pas le droit positif, mais consacrerait de façon expresse l'obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris de son droit à l'image, au titre de leurs prérogatives liées à l'exercice de l'autorité parentale - c'est là le coeur du texte de nos collègues députés.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela n'apporte rien : si vous voulez protéger la vie privée de l'enfant, allez-y franchement et hissez cette obligation parmi les devoirs attachés à l'exercice de l'autorité parentale.

M. Alain Richard. - Il s'agit d'un utile rappel de la définition d'une disposition dépourvue de toute portée normative...

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Partageant vos interrogations, je déplore qu'un sujet de cette importance soit traité de cette manière : nous aurions tous préféré travailler dans un cadre plus global.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 2 est supprimé.

Article 3

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - L'article 3 a pour objet de rappeler quel est le pouvoir du juge aux affaires familiales en cas de désaccord entre les parents dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale en visant le cas spécifique des actes non usuels relevant du droit à l'image de l'enfant.

Cette disposition ne semble rien ajouter au droit existant. Nous proposons plutôt, par l'amendement COM-3, d'inscrire dans la loi que la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l'enfant nécessite l'accord des deux parents, ce qui évitera toute divergence d'approche entre juridictions pour décider s'il s'agit d'un acte usuel ou non usuel.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet article ne sert à rien, mais la rédaction que vous proposez ne résoudra aucun problème : comment les juridictions comprendront-elles les termes « contenus relatifs à la vie privée de l'enfant » ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - L'amendement vise à clarifier la disposition proposée par l'Assemblée nationale qui, je l'ai dit, n'ajoute rien au droit existant : certaines juridictions considèrent que la diffusion d'images d'un enfant sur internet par l'un des parents est un acte usuel qui ne nécessite pas l'accord des deux parents. Nous proposons donc d'inscrire noir sur blanc dans la loi que l'accord des deux parents est requis - c'est là, peut-être, l'apport important de ce texte.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pourquoi ne pas parler carrément de droit à l'image ?

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Les situations visées ne s'y réduisent pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je crains que ce ne soit trop flou...

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Le domaine visé est beaucoup plus large que le seul droit à l'image : il peut s'agir de propos écrits.

Nous demandons que l'assentiment des deux parents soit requis. Ceux-ci doivent mesurer la portée de la publication des écrits et des images qu'ils diffusent.

Mme Marie Mercier. - En matière de protection de la vie privée des enfants, on pourra écrire ce que l'on veut dans la loi ; faute d'une éducation et d'un accompagnement à la parentalité, on n'aboutira pas à grand-chose.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - C'est la raison pour laquelle je demande qu'un volet relatif à cette question soit inclus dans le carnet de santé, lien matériel essentiel entre les parents et les différentes autorités ; mais cela relève du domaine réglementaire. Il serait temps d'introduire dans le code de la santé publique un livre portant sur ce thème.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 4 est supprimé.

Après l'article 4

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Valérie Boyer, rapporteure. - Il serait très intéressant - je parle sous le contrôle d'Éliane Assassi - de disposer, à propos du travail des associations, d'un éclairage analogue à celui dont nous avons pu bénéficier sur les cabinets de conseil. Je plaide pour davantage de visibilité sur les financements alloués, par ministère, au monde associatif, et les dispositions de transparence qui ont été prises pour les cabinets de conseil gagneraient à s'appliquer aussi aux associations.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme Valérie BOYER, rapporteure

1

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 2

Mme Valérie BOYER, rapporteure

2

Amendement de suppression

Adopté

Article 3

Mme Valérie BOYER, rapporteure

3

Obligation d'un accord des deux parents pour la publication de contenus relatifs à la vie privée de l'enfant

Adopté

Article 4

Mme Valérie BOYER, rapporteure

4

Amendement de suppression

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 4

Mme Valérie BOYER, rapporteure

5

Renforcement du pouvoir de la Cnil en cas d'atteintes aux droits des mineurs

Adopté

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Loïc Hervé, rapporteur. - La proposition de loi de notre collègue député Sacha Houlié, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, vise à faciliter le passage et l'obtention du permis de conduire.

Le permis de conduire constitue le premier examen de France. Il attire plus de 1,5 million de candidats chaque année et demeure un élément structurant de notre société. Il permet de se déplacer, mais aussi, bien souvent, d'accéder à l'emploi.

L'obtenir, cependant, coûte très cher : le coût moyen du passage du permis de conduire est de 1 592 euros, ce qui correspond à une durée moyenne de formation de près de trente heures pour un prix horaire moyen de 53 euros. Une fois cet examen obtenu, l'achat et l'entretien du véhicule représentent également des sommes considérables.

C'est la raison pour laquelle une réflexion s'est engagée depuis quelques années sur les moyens de réduire le coût du passage du permis de conduire. Celui-ci a été réformé dans le cadre de la loi Macron, en 2015, puis de la loi de 2019 d'orientation des mobilités (LOM), afin de réduire le coût de son obtention et de diminuer les délais de passage des examens théoriques et pratique: plus ces délais sont longs, plus les candidats sont amenés à payer des heures supplémentaires d'apprentissage de la conduite afin de maintenir leur niveau.

La proposition de loi de notre collègue Sacha Houlié s'inscrit dans cette perspective et a pour objet de faire face à ces deux mêmes difficultés majeures, à savoir le coût et les délais.

Elle vise en premier lieu à faire mieux connaître et à renforcer les aides disponibles pour l'apprentissage de la conduite.

À cette fin, il est prévu à l'article 1er de recenser sur une plateforme unique l'ensemble des aides financières à la préparation des examens du code de la route et du permis de conduire. Cette plateforme aurait pour objectif d'assurer la contribution de l'ensemble des financeurs du permis de conduire, renforçant ainsi l'accessibilité des aides proposées - il faut assurément rendre plus lisible le maquis des aides existantes.

Un point d'attention me semble toutefois devoir être signalé : l'Assemblée nationale a prévu, en séance publique, que toute collectivité ou structure qui apporte un financement à des candidats au permis de conduire devrait établir chaque année un bilan de son intervention. Cela me semble très contraignant, trop contraignant, en particulier pour les petites communes. Je vous proposerai donc de supprimer cette nouvelle obligation afin que les collectivités conservent le libre choix des modalités d'évaluation des politiques publiques qu'elles conduisent.

Afin de renforcer les aides disponibles pour la formation à la conduite, l'article 2 de la proposition de loi prévoit de rendre éligible au compte personnel de formation (CPF) la préparation de l'épreuve théorique et de l'épreuve pratique de l'ensemble des catégories de permis de conduire à compter du 1er janvier 2024 : seraient ainsi ajoutés à la situation actuelle les permis moto, voiturette et remorque. Je vous proposerai d'y souscrire, tout en soulignant que les concertations qui seront conduites avec les partenaires sociaux devront répondre à deux enjeux forts : la soutenabilité financière de cette extension et la préservation d'un lien avec l'emploi dans les dispositifs financés par le CPF.

Le troisième enjeu du financement du permis de conduire par le CPF est celui de la lutte contre la fraude, et c'est justement à celui-ci que l'article 2 bis de la proposition de loi a vocation à répondre. La Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du CPF, serait rendue destinataire des informations relatives au permis de conduire. Cet ajout permettra à la Caisse des dépôts et consignations de vérifier que les personnes souscrivant à un financement du CPF sont bien celles qui passent l'examen, d'afficher les taux de réussite au permis de conduire par auto-école et d'observer l'impact de l'obtention du permis sur les trajectoires d'emploi.

Je vous proposerai d'adopter ces deux articles 2 et 2 bis sans modification.

Le second objectif de la proposition de loi est d'améliorer les délais de passage des épreuves du permis de conduire.

L'article 3 prévoit en conséquence d'étendre à l'ensemble des départements le recours aux agents publics ou contractuels comme examinateurs des épreuves de conduite. Ce recours n'est aujourd'hui possible que dans les départements où le délai médian entre deux présentations à l'épreuve pratique du permis de conduire est supérieur à 45 jours. Cet élargissement permettra d'affecter des examinateurs dans des départements où le délai médian, même s'il est modéré, cache une situation de tension sur les effectifs des inspecteurs. La rédaction proposée transforme toutefois une obligation en une simple possibilité à la main du Gouvernement. Je vous proposerai donc de compléter la rédaction de l'article 3 afin de nous assurer qu'un effort particulier de recrutement est réalisé dans les départements où le délai de présentation au permis de conduire est excessif.

L'Assemblée nationale a également souhaité, d'une part, simplifier la procédure permettant d'organiser dans les lycées, en dehors du temps scolaire, l'épreuve théorique du permis de conduire et, d'autre part, l'élargir à la préparation de cette même épreuve. La simplification proposée à l'article 1er bis conduit néanmoins à complètement écarter la collectivité propriétaire de la décision d'occupation des locaux. Je vous proposerai de corriger ce défaut.

L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté un article, l'article 3 bis, qui prévoit qu'un décret précisera les cas dans lesquels la présentation de l'attestation de sécurité routière (ASR) n'est pas nécessaire pour passer le permis de conduire. Cette disposition répond à un véritable problème pour les jeunes qui, déscolarisés ou ayant étudié à l'étranger, n'ont pas passé leur attestation de scolaire de sécurité routière de deuxième niveau (ASSR 2) et n'obtiennent pas de place pour passer l'ASR qui doit la remplacer. Le Gouvernement est cependant conscient du problème, et ces exigences ne relèvent pas du tout du niveau législatif. Nous pourrions donc supprimer cet article.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté deux demandes de rapport.

La première a trait au respect de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre du passage de l'examen du permis de conduire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bravo !

M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous avons obtenu des chiffres qui seront disponibles dans le rapport. Il existe un écart notable dans les taux de réussite aux examens théorique et pratique du permis entre les femmes et les hommes. Reste que cet écart, une fois les chiffres obtenus, ne peut pas être expliqué sans la réalisation d'un travail de recherche universitaire et d'une étude comparative avec les pays voisins, ce qui ne saurait se faire de manière satisfaisante dans le cadre d'un rapport du Gouvernement au Parlement. J'ai saisi la délégation aux droits des femmes du Sénat de ce sujet, qui me paraît un sujet d'étude intéressant. Je vous proposerai donc de supprimer cette demande de rapport.

La seconde demande de rapport concerne l'abaissement de l'âge d'obtention du permis de conduire. Cette demande s'inscrit dans le cadre de réflexions actuellement conduites par le Gouvernement, qui envisage la création d'un permis provisoire limité au cadre professionnel, sur le modèle d'un dispositif existant chez nos voisins belges. Des discussions sur les conditions d'âge pour l'accès à chaque catégorie du permis de conduire sont également en cours. Je vous proposerai donc de maintenir cette demande de rapport.

M. Mathieu Darnaud. - Je salue l'excellent travail de notre collègue, travail salutaire compte tenu de l'importance du sujet - je le dis non sans ironie : on sent qu'il est parfois besoin de remplir le calendrier parlementaire...

Je vois dans le dépôt de cette proposition de loi deux incohérences majeures.

Il est nécessaire, certes, de corriger certains points ; mais la plupart des dispositions de ce texte relèvent du domaine réglementaire. Je m'étonne, voire je m'émeus, tant ce dispositif est décrié, de ce que l'on continue de penser qu'il serait de bonne méthode d'utiliser le CPF pour financer pareilles mesures.

Je m'émeus aussi de constater que des rapports complémentaires sont demandés sur ce sujet.

Au total, je suis assez dubitatif, quand bien même les éclairages et les corrections de notre rapporteur me paraissent aller dans le bon sens.

Mme Françoise Gatel. - Je salue la foi et l'enthousiasme du rapporteur sur ce texte, qui traite d'un véritable sujet : la difficulté d'accès au permis de conduire, outil d'émancipation indispensable pour les jeunes. Dans le même temps, je suis de plus en plus sidérée quant à la confiance que notre pays continue d'entretenir dans le « miracle » de la loi, qui aurait la vertu de résoudre tous les dysfonctionnements auxquels nous sommes confrontés. On sait que les délais d'attente posent de véritables difficultés ; mais la loi n'y changera rien...

Penser qu'une plateforme pourrait être à jour concernant les aides auxquelles on a droit lorsque l'on passe le permis de conduire, c'est croire à une illusion : s'il arrive que des communes participent au financement du permis de conduire, elles peuvent aussi modifier ou supprimer cette aide d'une année sur l'autre en fonction de leur budget.

Il existe, en cette matière, de remarquables circuits courts : les communes font savoir aux auto-écoles de leur territoire quelles sont les aides existantes, et lesdites auto-écoles s'empressent d'en faire la promotion. Parfois, nous péchons par excès !

M. Alain Marc. - Je salue moi aussi le travail du rapporteur.

On se demande parfois où s'arrête le domaine de la loi : en l'espèce, selon moi, très peu de choses en relevaient dans cette proposition de loi.

Les délais de passage du permis de conduire sont extrêmement longs ; il faut recruter davantage d'inspecteurs, et on ne réglera pas ce problème par la loi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je suis consternée que le Parlement soit mobilisé sur un tel sujet et que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale n'ait pas autre chose à faire. Encore aurait-il pu proposer la création d'un numéro vert : il a joué « petit bras »...

M. Patrick Kanner. - Pour cela, il faut un rapport !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Faut-il une loi pour créer une plateforme numérique ?

Nous sommes néanmoins favorables à l'ensemble du texte assorti des amendements de notre rapporteur, qui le rendent un peu plus sobre.

Nous sommes favorables à l'amendement COM-4.

Créatifs et investis sur le sujet, nous avons déposé un amendement COM-2 rectifié, à propos duquel il m'a été susurré qu'il n'était pas impossible que le rapporteur soit bienveillant : nous proposons qu'un décret précise quels services de l'État seront chargés de la mise à jour des informations publiées sur la plateforme...

Nous voterons pour l'amendement COM-5, qui rationalise l'organisation du dispositif dans les lycées.

Quitte à ce que les lycées soient dans la boucle, nous plaidons pour que la décision d'autorisation d'occupation des locaux soit prise après avis du conseil d'administration de l'établissement ; notre sous-amendement COM-9 y pourvoit.

Pour ce qui est de l'amendement COM-6, notre groupe votera pour.

Sur l'amendement COM-1 de M. Maurey, un doute subsiste : il ne nous semble pas opérationnel.

En revanche, nous sommes favorables aux amendements de suppression COM-7 et COM-8. Notre rapporteur a eu raison d'élaguer...

Mme Cécile Cukierman. - Le coût de l'obtention du permis de conduire est très important, et les délais de passage de l'examen sont de plus en plus longs dans de nombreux départements. Or rien dans cette proposition de loi ne répond à ces deux enjeux, celui du coût et celui des délais. Si nous ne voyons pas de raison de nous opposer à ce texte, il est néanmoins légitime de s'interroger sur la mobilisation qu'il nécessite, pour une efficacité douteuse. On peut en effet se poser des questions, à la lecture de l'ordre du jour de la semaine prochaine, qui est une semaine gouvernementale, sur les priorités de l'exécutif...

Par ailleurs, j'ai un peu de mal à voir comment le compte personnel de formation permettrait de répondre à la nécessité pour les jeunes de passer leur permis de conduire : je ne suis pas certaine qu'il s'agisse de l'instrument souple dont nous avons besoin en la matière...

M. Marc-Philippe Daubresse. - Je rappelle qu'en 2010 Martin Hirsch, alors haut-commissaire, dit d'ouverture, dans le gouvernement de François Fillon, avait expérimenté une série de dispositifs associant transversalement des politiques de l'emploi, du logement et d'aide à l'obtention du permis de conduire. Ces dispositifs expérimentaux avaient montré tout leur intérêt, évaluation universitaire à l'appui.

Dans la foulée, un ministre que je connais bien, à savoir moi-même, a été à l'origine, sur ce sujet, d'un certain nombre de dispositions réglementaires. M. Houlié n'a rien inventé : on peut régler pas mal de choses par décret sans en passer par cette proposition de loi.

M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous allons essayer, autant que faire se peut, monsieur Darnaud, d'apporter des correctifs à des situations difficiles. Il faut notamment renforcer la lutte contre la fraude au CPF. Nous pourrions également encadrer la publicité que font les auto-écoles autour de la mobilisation du CPF.

Ce texte est par ailleurs, madame Gatel, monsieur Marc, une bonne occasion de parler de la jeunesse...

Mme Françoise Gatel. - ... et de l'assignation à résidence.

M. Loïc Hervé, rapporteur. - À cet égard, le passage du permis de conduire n'est pas un sujet anodin.

Sur la question des moyens, madame Gatel, nous avons voté le financement de 100 postes d'inspecteurs supplémentaires sur les quatre ans à venir dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Pour ce qui est des communes, nous sommes totalement d'accord : il faut les soulager d'obligations nouvelles.

L'information donnée aux jeunes, en revanche, n'est pas un sujet négligeable. Pôle emploi, de ce point de vue, a un rôle à jouer, comme la plateforme Mes aides : on n'invente rien de neuf.

Nous essayons précisément, madame Cukierman, d'apporter des réponses à la question des coûts et à celle des délais.

Je remercie enfin Marc-Philippe Daubresse, corapporteur de la Lopmi, pour son rappel historique, et Marie-Pierre de La Gontrie pour le soutien de son groupe à la plupart de mes propositions.

Je vous propose de considérer que le périmètre de l'article 45 de la Constitution comprend les dispositions relatives aux aides financières à la préparation des épreuves théorique et pratique du permis de conduire et au recrutement d'agents publics ou contractuels en lieu et place des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière pour faire passer le permis de conduire sur l'ensemble du territoire national.

Il en est ainsi décidé.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Un sujet ne risque-t-il pas de surgir, celui de la validité à vie du permis de conduire ? C'est un point électoralement explosif, mais...

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement COM-4 supprime l'obligation pour les collectivités et structures apportant un financement aux candidats au permis de conduire d'établir chaque année un bilan de leurs interventions : nous en avons parlé, c'est trop contraignant pour les petites collectivités...

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement COM-2 rectifié permet de renvoyer à un décret la définition des services de l'État chargés de la création, de la gestion et de la mise à jour des informations publiées sur la plateforme. Avis favorable.

L'amendement COM-2 rectifié est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er bis (nouveau)

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement COM-5 rend nécessaire l'accord de la collectivité territoriale propriétaire des bâtiments avant toute mise à disposition des locaux des lycées pour la préparation et le passage de l'examen du code de la route : les régions doivent pouvoir donner leur accord.

Quant au sous-amendement COM-9 du groupe socialiste, il a pour objet de préciser que la décision d'autorisation d'occupation des locaux est prise après avis du conseil d'administration de l'établissement ; je propose, pour éviter toute lourdeur, que cette décision reste entre les mains du chef d'établissement qu'est le proviseur.

Le sous-amendement COM-9 n'est pas adopté.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 3

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement COM-6 introduit dans le texte l'obligation de réaliser un effort particulier de recrutement dans les départements où est observé un délai médian excessif entre deux présentations d'un même candidat à l'épreuve pratique du permis de conduire.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

M. Loïc Hervé, rapporteur. - Notre collègue Hervé Maurey propose, par l'amendement   COM-1, d'interdire aux auto-écoles de pratiquer des prix différents selon que le permis de conduire est ou non financé par le CPF.

Il s'agit d'une pratique répandue parmi les auto-écoles, qui proposent des prix plus élevés pour les permis financés par le CPF. L'un des fondateurs d'un réseau d'auto-écoles expliquait ainsi cette différence : « Contrairement à un élève standard, qui paie toutes les heures de formation prévues dans son forfait, un élève CPF ne règle que les séances effectuées. S'il obtient son permis de conduire avant la fin de ses heures, c'est un manque à gagner pour nous. C'est pourquoi nos forfaits CPF sont plus onéreux que les autres ».

Des différences de coût entre les forfaits en fonction des moyens de paiement paraissent difficilement compréhensibles ; mais le Gouvernement considère qu'effectuer une telle différenciation est déjà interdit : l'amendement de M. Maurey serait satisfait. En effet, l'article R. 6316-6 du code du travail dispose qu'il appartient aux organismes qui participent au financement de l'action de formation de veiller à ce que les tarifs pratiqués soient analogues lorsque les conditions d'exploitation sont comparables. Les conditions d'utilisation de la plateforme prévoient également que les organismes s'engagent à ne pas surfacturer les offres de formation qu'ils publient.

Il semblerait cependant que le Gouvernement ait conscience de ce non-respect du droit par les auto-écoles et souhaite engager un travail pour éviter toute différence de tarification. Nous pourrions l'interroger en séance publique sur cette question, qui soulève de véritables enjeux pour les particuliers.

Avis défavorable sur l'amendement COM-1.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Article 3 bis (nouveau)

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 3 bis est supprimé.

Article 3 ter (nouveau)

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 3 ter est supprimé.

Article 3 quater (nouveau)

L'article 3 quater est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

4

Suppression de l'obligation pour les collectivités et structures apportant un financement aux candidats pour le permis de conduire d'établir chaque année un bilan de leurs interventions

Adopté

Mme de LA GONTRIE

2 rect.

Renvoi à un décret pour définir les services de l'État chargés de la création, de la gestion et de la mise à jour des informations publiées sur la plateforme

Adopté

Article 1er bis (nouveau)

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

5

Nécessité de l'accord de la collectivité territoriale propriétaire des bâtiments pour les mettre à disposition pour la préparation et le passage du code de la route

Adopté

Mme de LA GONTRIE

9

Précision que la décision d'autorisation d'occupation des locaux est prise après avis du conseil d'administration de l'établissement

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

3

Précision que la décision d'autorisation d'occupation des locaux est prise par le représentant de l'établissement sous sa responsabilité et après avis du conseil d'administration

Rejeté

Article 3

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

6

Obligation de réaliser un effort particulier de recrutement dans les départements présentant un délai de présentation du permis de conduire excessif

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 3

M. MAUREY

1

Interdiction de pratiquer des prix différents selon que le permis de conduire est financé par le CPF ou par d'autres moyens

Rejeté

Article 3 bis (nouveau)

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

7

Suppression de l'article

Adopté

Article 3 ter (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

8

Suppression de l'article

Adopté

Bilan annuel de l'application des lois - Communication

M. François-Noël Buffet, président. - Comme chaque année à cette période, notre commission se penche sur les principales caractéristiques de l'application des lois que nous avons été amenés à examiner au fond au cours de l'année parlementaire 2021-2022.

Cet exercice traditionnel vise à opérer une vérification approfondie de l'adéquation entre les mesures législatives que nous votons et les mesures d'application que le Gouvernement a l'obligation de prendre. C'est aussi l'occasion de prendre un peu de recul sur les conditions souvent difficiles dans lesquelles le Parlement, et particulièrement notre commission, examine les textes de loi. Cet exercice s'achèvera lors de la semaine de contrôle du 30 mai par un débat en séance sur l'application des lois, en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement.

Au cours de l'année parlementaire 2021-2022, 20 des 64 lois promulguées ont été examinées au fond par la commission des lois, soit 31 % de l'ensemble des lois promulguées, hors traités et conventions internationales, niveau le plus élevé, cette année encore, de l'ensemble des commissions permanentes.

Ces 20 lois se répartissent en 9 projets de loi et 11 propositions de loi, dont seulement 4 d'origine sénatoriale : la proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce présentée par Nathalie Goulet ; la proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie présentée par Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues ; la proposition de loi tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit présentée par Vincent Delahaye, Valérie Létard et plusieurs de leurs collègues ; la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art présentée par Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues.

Parmi ces 20 lois, 17 ont été adoptées après engagement de la procédure accélérée. Cela représente 85 % des textes examinés par la commission, un taux en légère diminution par rapport au record décennal de 91,7 % atteint l'année précédente du fait de la multiplication des textes relatifs à l'état d'urgence sanitaire.

L'année parlementaire 2021-2022 a été marquée par un retour à la normale de la durée de la navette parlementaire pour les textes renvoyés à la commission des lois. Ces 17 projets et propositions de loi ont en effet été examinés en 220 jours en moyenne, soit 7 mois, contre 119 jours en 2020-2021, soit moins de 4 mois.

Cependant, ce recours à la procédure accélérée, pourtant inscrit dans la Constitution comme une exception au principe d'une double lecture par chaque assemblée, continue de nous imposer des délais d'examen contraints qui ne sont pas réellement justifiés par l'actualité et une lecture unique dans chaque chambre ne favorisant pas le travail approfondi qui s'impose.

Pour l'année parlementaire 2021-2022, on dénombre également, pour la commission des lois, 6 lois conférant au Gouvernement 16 habilitations à légiférer par voie d'ordonnance. 13 habilitations ont été utilisées, donnant lieu à la publication d'autant d'ordonnances. Pour la deuxième année consécutive, le nombre d'ordonnances publiées sur la période de référence est en diminution. Cela s'explique par la fin du recours massif aux ordonnances observé au cours de la période 2019-2020, dans le contexte de la crise sanitaire.

Conformément à sa position traditionnelle, la commission des lois s'efforce soit de substituer aux habilitations demandées par le Gouvernement des modifications directes des dispositions législatives, soit, à tout le moins, de les encadrer strictement.

Au 31 mars 2023, sur ces 20 lois promulguées en 2021-2022, 10 lois étaient entièrement applicables - 5 lois d'application directe et 5 devenues pleinement applicables. 10 lois appellent donc encore des mesures d'application.

Ainsi, 72 des 211 mesures d'application prévues par ces 20 lois n'avaient pas été prises au 31 mars 2023, soit 34 % des mesures attendues, ce qui représente un taux équivalent à celui constaté l'an dernier, alors même que pour 17 de ces lois le Gouvernement avait estimé nécessaire d'engager la procédure accélérée.

Outre ce taux de mise en application des lois de 66 % pour 2021-2022, nous pouvons retenir, premièrement, que l'inflation législative perdure, le coefficient multiplicateur des dispositions législatives s'établissant à 2,2 : ainsi, les 20 lois promulguées comportaient 581 articles contre 259 au stade de leur dépôt. Si le coefficient multiplicateur reste identique à celui de l'année précédente, le nombre d'articles comptabilisés au stade du dépôt a augmenté de 31 %, notamment du fait du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, qui comptait 84 articles dans sa version initiale.

Deuxièmement, le taux de remise des rapports au Parlement, qui s'élève à 61 %, est en nette amélioration par rapport à l'année précédente : + 11 %. Ce taux est bien plus élevé que celui qu'observent les autres commissions, puisque le taux de publication global n'est que de 36 %. Cette situation s'explique par le fait que la quasi-totalité des rapports au Parlement prévus dans le cadre des lois relatives à la gestion de la crise sanitaire a été publiée. Cependant, nous ne pouvons que déplorer que plus d'un rapport sur trois ne soit toujours pas publié dans les délais.

Troisièmement, malgré la suspension des travaux en séance publique entre mars et juin 2022, l'activité législative de notre commission est restée soutenue : pour cette même période de référence 2021-2022, nous avons examiné 11 autres projets et propositions de loi qui, pour la plupart, soit sont en instance d'examen par l'Assemblée nationale, soit ont été adoptés définitivement après le 30 septembre 2022, soit ont été retirés de l'ordre du jour, rejetés en séance publique ou encore rejetés par l'Assemblée nationale.

Quatrièmement, du fait de la suspension des travaux législatifs, notre commission a lancé de nombreux travaux de contrôle qui ont donné lieu à la publication de 8 rapports d'information au cours de la période de référence. À ces travaux s'ajoutent 6 rapports d'information réalisés dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.

Voilà rapidement brossé le panorama général de la mise en oeuvre réglementaire des textes de loi que nous avons eu à traiter.

Je vais maintenant laisser la parole à quelques collègues pour des propos spécifiques à certaines des lois qu'ils ont rapportées : Catherine Di Folco, sur la loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte et sur la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte ; André Reichardt, sur la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ; Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, sur la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte. - Notre débat sur l'application des lois intervient au moment opportun pour faire un premier bilan du nouveau régime juridique des lanceurs d'alerte. La loi du 21 mars 2022 a en effet réformé en profondeur les règles édictées par la loi de 2016, dite « Sapin 2 », afin, d'une part, de les mettre en conformité avec le droit européen et, d'autre part, de renforcer les protections offertes à ces personnes qui signalent ou divulguent publiquement, dans l'intérêt public, des informations sensibles ou confidentielles. L'articulation entre les procédures de signalement interne et externe a ainsi été précisée, de même que les règles à respecter pour pouvoir directement porter à la connaissance du public les faits allégués.

Tout en souscrivant aux objectifs de la proposition de loi, le Sénat avait souhaité parfaire l'équilibre entre la protection des lanceurs d'alerte contre les représailles et la préservation des autres intérêts concernés ; je pense en particulier à la sauvegarde des secrets protégés par la loi et à la réputation des personnes physiques ou morales qui pourraient être mises en cause à tort.

À deux exceptions près, dont une de taille sur laquelle je reviendrai, les mesures réglementaires d'application de la loi ont bien été publiées par le Gouvernement.

Le décret du 3 octobre 2022 détaille ainsi le contenu des procédures internes et externes de recueil et de traitement des alertes. Ces mesures d'application respectent pleinement l'équilibre défini par le Parlement lors de l'examen de ce texte.

Les règles formelles ainsi définies pour bénéficier du statut de lanceur d'alerte sont, d'une part, suffisamment souples pour encourager les potentiels auteurs de signalement à se saisir du dispositif. Par exemple, le signalement interne peut être effectué à l'écrit comme à l'oral et tout élément, quel que soit sa forme ou support, peut être transmis pour l'étayer. Ces règles sont, d'autre part, suffisamment précises pour garantir un traitement efficace et impartial des alertes, tant du fait de l'indépendance des autorités saisies que des marges de manoeuvre dont elles disposent pour conduire l'instruction dans de bonnes conditions. Ces autorités peuvent ainsi demander des informations complémentaires à l'auteur de l'alerte et doivent respecter un délai ferme de trois à six mois pour l'informer des suites qui lui ont été données.

Pour ce qui est des règles de divulgation publique, le décret fixe également un délai de trois à six mois à partir duquel un lanceur d'alerte ayant saisi sans succès une autorité externe peut porter à la connaissance du public les informations dont il dispose et bénéficier à ce titre des protections offertes par la loi.

Ces différentes mesures contribuent à rendre le régime de protection des lanceurs d'alerte effectif, dans le respect de l'équilibre défini par le législateur.

On ne peut néanmoins que regretter que l'intégralité de la loi ne soit toujours pas applicable à ce jour. Comme je vous le disais, deux exceptions subsistent. La première est d'ordre technique et ne remet pas en cause l'équilibre général du régime. Dans le détail, le décret du 3 octobre 2022 ne précise pas les modalités selon lesquelles plusieurs autorités externes conjointement compétentes pour le traitement d'une même alerte peuvent échanger des informations à cette fin.

Le second point est plus significatif et concerne les conditions selon lesquelles la procédure de signalement interne peut être mutualisée entre des sociétés appartenant à un même groupe. Cette possibilité avait été introduite par le Sénat avec pour objectif d'assouplir les obligations formelles imposées à chacune des filiales et de réduire les coûts correspondants. Concrètement, il s'agissait d'éviter la situation ubuesque à laquelle une interprétation stricte du droit européen pourrait conduire, à savoir la coexistence au sein d'un même groupe d'une multitude de canaux d'alerte internes similaires et potentiellement concurrents. Je rappelle que, dans un courrier du 2 juin 2021, la Commission européenne avait ouvert la porte à une telle dérogation.

Il est à cet égard regrettable que, dans l'attente d'une clarification des exigences de la directive par la Cour de justice de l'Union européenne, ces modalités d'adaptation aux groupes de société des procédures de signalement n'aient pas été explicitement intégrées dans le décret du 3 octobre 2022. Cette absence risque, d'une part, de nuire à la lisibilité d'ensemble du régime pour les lanceurs d'alerte potentiels et, d'autre part, de créer une nouvelle charge administrative superflue pour les groupes de sociétés.

Certes, toutes les entreprises de moins de 250 salariés peuvent mutualiser les moyens de traitement des alertes internes. Mais cette faculté reste très en deçà des dispositions qui ont été, sur l'initiative du Sénat, inscrites dans la loi, où il est bien question d'une procédure commune au sein des groupes de sociétés.

J'en appelle donc à une vigilance collective sur ce sujet et invite le Gouvernement à procéder, dès que possible, à cette indispensable adaptation des règles pour les groupes de société.

M. André Reichardt, rapporteur de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. - À l'époque, vous vous en souvenez, j'avais critiqué la méthode employée : le texte était visiblement une « fausse » proposition de loi, rédigée par les directions centrales des ministères concernés, déposée par les députés du groupe majoritaire, puis discutée au Parlement, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, le tout dans un domaine qui n'était pas anodin, puisqu'il s'agissait de procéder en une heure au retrait de contenus à caractère terroriste en ligne. Des dispositions similaires avaient d'ailleurs été censurées dans la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia.

Le Gouvernement souhaitait aller vite. La proposition de loi dont j'étais le rapporteur visait à adapter la législation française au regard du règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, qui était entré en vigueur le 7 juin 2022.

Compte tenu de ces enjeux, le Sénat avait accepté de « jouer le jeu » et d'adopter ce texte en urgence pendant la session extraordinaire de juillet. Je vous rappelle quel avait été le calendrier : 6 juillet, examen en commission ; 12 juillet, examen en séance ; 19 juillet, commission mixte paritaire ; 26 juillet, adoption en séance publique des conclusions de la CMP.

La loi a été promulguée le 16 août 2022 après une décision de conformité du Conseil constitutionnel. Que s'est-il passé depuis ? Rien ! Faute de décret d'application, cette loi n'est pas applicable.

Le décret définissant les modalités d'application de son article unique, et en particulier les modalités d'échange d'informations entre les différentes autorités nationales ou étrangères impliquées dans les procédures d'injonction de retrait, n'est toujours pas publié. On nous l'annonce maintenant pour juin ou juillet prochain...

Dans l'attente de ce décret, aucune injonction de retrait nationale n'a pu être émise par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), tandis qu'aucune injonction de retrait transfrontalière émanant d'une autorité européenne ne peut être traitée.

Heureusement, il semble qu'il n'y ait pas eu d'injonction de retrait transfrontalière émise en direction de la France sur la période ; tant mieux. La personnalité qualifiée de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) n'a donc pas été empêchée de faire son travail, mais vous avouerez que cette situation est anormale.

En définitive, seule la nomination d'un suppléant de la personnalité qualifiée nommée au sein de l'Arcom est intervenue ; derechef, tant mieux, mais c'est là un bilan bien maigre après tous les efforts de célérité déployés côté Parlement, s'agissant d'une proposition de loi examinée dans des conditions acrobatiques, sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, je le répète...

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). - Le bilan de l'application de la loi 3DS qu'avec Mathieu Darnaud nous allons faire risque d'entretenir une certaine forme de déprime chez le législateur...

Davantage que les décrets d'application en eux-mêmes, je voudrais évoquer les questions de la qualité de la loi et de son applicabilité par les collectivités territoriales, étant entendu que les préfets et les sous-préfets devraient exercer le rôle d'animation et de diffusion des dispositions introduites par une loi à destination des collectivités locales. Très peu d'élus, en effet, connaissent les mesures que nous avons prises en leur faveur, par exemple la possibilité de procéder à des transferts de compétences « à la carte » au sein du bloc communal ou la soumission de l'exercice de certaines compétences, notamment la voirie, à la reconnaissance d'un intérêt communautaire ou métropolitain dans les communautés urbaines et les métropoles. L'État ne semble pas prendre toute sa part de l'effort consistant à garantir une application réussie des lois, comme le rapport d'information sur la déconcentration établi au titre de la délégation aux collectivités territoriales par nos collègues Agnès Canayer et Éric Kerrouche l'a clairement établi.

Je déplore par ailleurs la méconnaissance de dispositions que nous avons votées, à commencer par le fameux droit de veto sur l'implantation d'éoliennes. Un débat de fond avait eu lieu à l'époque de l'examen du projet de loi 3DS ; nous avions à juste titre considéré qu'un droit de veto donné aux maires était un revolver mis sur la tempe de l'édile, ainsi coincé entre les « pour » et les « contre ». Nous avions donc adopté une disposition plutôt intelligente, qui permettait, par le biais d'une modification simplifiée du plan local d'urbanisme (PLU), de définir un zonage d'installation d'éoliennes à l'échelle du territoire communal ou intercommunal.

Or, quelques mois après la promulgation de la loi 3DS, le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables est déposé. Très curieusement, il nous est apparu lors des débats sur ce texte que le ministère de la transition énergétique ignorait tout bonnement la disposition figurant dans la loi 3DS. Je n'ose tirer de cet exemple quelque conclusion que ce soit...

Il peut arriver par ailleurs que le pouvoir réglementaire prenne effectivement les mesures d'application nécessaires, mais déforme, ce faisant, l'intention du législateur. Nous l'avons vécu à propos du « zéro artificialisation nette » (ZAN), mais j'en donnerai un autre exemple tout aussi remarquable.

Souvenez-vous, à l'article 229 de la loi 3DS, il a été offert aux collectivités qui le souhaitent, plutôt les plus peuplées et dotées financièrement, la possibilité de solliciter la chambre régionale des comptes pour une évaluation des politiques publiques qu'elles conduisent.

Or, chose merveilleuse, le décret du 8 décembre 2022 pris pour l'application de cet article dispose que « la chambre régionale des comptes peut, de sa propre initiative, procéder à l'évaluation d'une politique publique relevant des collectivités territoriales et organismes soumis à sa compétence de contrôle des comptes et de la gestion ». Cette capacité d'autosaisine me semble excéder très largement l'esprit du texte. J'ai posé au Gouvernement une question écrite à ce sujet ; je vous épargne la réponse qui m'a été faite, sorte de fin de non-recevoir qui met en doute ma compréhension des décrets d'application...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). - Dans le prolongement de ce que vient de dire ma collègue Françoise Gatel, notamment sur les difficultés posées par la non-prise de mesures d'application pourtant prévues par la loi, si nous pouvons nous satisfaire de quelques mesures qui ont été prises avec diligence et célérité, s'agissant notamment du transfert des routes - le Sénat ayant recentré le sujet sur les départements et précisé les conditions de transfert - ou sur des sujets d'ordre réglementaire comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), nous dénombrons malheureusement encore trop de sujets qui font défaut.

Permettez-moi d'en citer quelques-uns. Je prendrai notamment trois exemples, sur le sujet des routes.

Nous constatons aujourd'hui que certaines mesures de contrôle routier sur les voies transférées ou mises à disposition des collectivités ne peuvent être prises, faute d'un arrêté du ministre de la justice et des ministres chargés de la voirie routière nationale et des collectivités territoriales qui doit déterminer les conditions d'assermentation d'agents de la région nouvellement compétents pour la réalisation de contrôles routiers et faute du décret prévu à l'article 53 de la loi pour la détermination des modalités de dépôt et d'instruction des demandes formulées par les collectivités territoriales concernant l'installation de radars routiers sur les routes dont elles ont la charge.

Ces actes n'ont pas été pris, et leur absence prive d'effet des dispositions pourtant souhaitées par certaines collectivités territoriales et de nature à renforcer la sécurité routière.

Parmi les mesures d'application faisant fortement défaut, je souhaite également évoquer deux mesures dont l'absence fait aujourd'hui obstacle à une meilleure application du principe de différenciation, qui, rappelons-le, était l'un des 3D du texte éponyme.

D'une part, le décret en Conseil d'État prévoyant les conditions et le plafond dans le respect duquel le régime des redevances dues aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou aux syndicats mixtes pour l'occupation provisoire de leur domaine public par les chantiers de travaux peut être fixé respectivement par le conseil municipal, l'organe délibérant ou le comité syndical, n'a toujours pas été pris. L'inapplicabilité de cette disposition est d'autant plus regrettable que le renforcement du pouvoir réglementaire local a constitué l'un des principaux points d'attention lors des discussions parlementaires, notre commission étant particulièrement vigilante au renforcement des marges de manoeuvre des collectivités territoriales et de leurs groupements en la matière.

D'autre part, le décret en Conseil d'État devant permettre aux dispositions relatives à l'harmonisation du tissu commercial, auxquelles je sais ma collègue Françoise Gatel très attachée, fait toujours défaut. Cette mesure favoriserait pourtant la revitalisation des bourgs-centres et développerait les activités économiques sur nos territoires...

Enfin, plusieurs dispositions relatives aux outre-mer demeurent inapplicables, faute de mesures réglementaires. Ainsi, l'article 241 relatif à la prévention des risques naturels outre-mer - sujet que le Sénat a largement contribué à faire avancer - prévoit de nombreuses mesures d'application, dont aucune n'est prise. L'article 263 crée un statut ad hoc pour Clipperton, incluant la création d'un conseil consultatif assistant le ministre des outre-mer dans l'administration de ce territoire.

En outre, que serait un bilan d'application d'une loi sans un point sur les ordonnances prises en application d'habilitations votées par le législateur ? Sur ce sujet, la loi 3DS ne donne pas satisfaction - c'est un euphémisme.

D'une part, une ordonnance a été prise, qui ne semble pas donner pleine satisfaction : je pense à l'ordonnance du 8 février 2023 relative au phénomène de « retrait-gonflement des argiles » - sujet que nous avions largement évoqué -, dont le régime juridique pourrait de nouveau être modifié dans les prochains mois. Sur ce point, à quoi sert que le Parlement se dessaisisse de sa compétence s'il est contraint de revoir la copie du Gouvernement quelques mois après la prise d'une ordonnance ? Ce n'est pas un fait nouveau, mais nous le déplorons malheureusement encore une fois aujourd'hui.

D'autre part, deux habilitations prévues par le législateur n'ont pas donné lieu à la prise d'ordonnances. L'article 198 de la loi habilitait le Gouvernement à réviser par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, le régime de la publicité foncière. Cette ordonnance n'a pas été prise, et une nouvelle habilitation figure dans l'avant-projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, que le Gouvernement a soumis à consultation et que nous examinerons prochainement.

De même, l'article 256 de la loi habilitait le Gouvernement à prendre sous dix mois par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour créer un statut de grand port maritime pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette ordonnance est encore attendue sur ce territoire.

M. François-Noël Buffet, président. - Merci. Vos interventions respectives montrent qu'il y a encore du travail pour que l'application des lois votées soit pleinement effective.

La réunion est close à 11 h 35.