Questions cribles sur I'immigration

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur l'immigration. Je suis persuadé que chacun aura à coeur de respecter son temps de parole ; des afficheurs de chronomètres ont été disposés à cet effet.

Mme Bariza Khiari.  - (Applaudissements à gauche) Vous venez d'expulser en charter trois Afghans. C'est incohérent avec l'engagement de la France dans leur pays. La défense du droit ne justifie pas une telle décision : nous avons su faire preuve d'humanisme pour les Kosovars. L'opinion n'a pas approuvé cette expulsion : les Français n'aiment pas rajouter du malheur au malheur. J'espère que le grand débat sur l'identité nationale que vous annoncez n'est pas destiné à faire diversion des problèmes quotidiens et qu'il ne fait pas partie d'une stratégie de zapping politique pour surmonter les difficultés du Gouvernement. Je constate en tout cas qu'aucune zone n'est sûre pour le ministère des affaires étrangères qui recommande aux Français de ne pas retourner dans ce pays. Ce qui est vrai pour les Français ne l'est-il pas pour les Afghans ? Vous êtes en contradiction avec le ministère des affaires étrangères et avec le Haut commissariat aux réfugiés qui a renoncé à ces critères. Pour satisfaire le Royaume-Uni, allez-vous établir un tri sélectif des humains à envoyer vers des zones sûres, mais définies de quel droit et avec quels moyens ? Pour eux et pour notre conscience, nous espérons qu'il ne leur arrivera rien. (Applaudissements à gauche)

M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Je réponds à la partie de votre question relative à l'Afghanistan ; j'aurai l'occasion de revenir sur le reste de votre intervention. (Murmures à gauche) S'agissant du retour forcé en Afghanistan, nous sommes les plus généreux au monde...

M. Bernard Piras.  - C'est faux !

M. Eric Besson, ministre.  - ...et en Europe.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous ne le sommes plus !

M. Eric Besson, ministre.  - Le nombre de demandes d'asile a augmenté ainsi que leur octroi ! La France n'a à recevoir de leçon de générosité de personne. Un fléau menace le monde et l'Europe, ce sont les réseaux mafieux qui font payer très cher aux Afghans pour venir jusqu'à Calais afin de passer au Royaume-Uni. La Suède, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie et d'autres encore pratiquent des reconduites à la frontière. La France ne peut pas être la seule à ne pas le faire. Nous avons donc choisi des personnes qui avaient épuisé toutes les voies de recours jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme et exclu un retour volontaire que 180 avaient accepté. Elles ont été reconduites dans la zone la moins insécure ou la plus sûre, c'est-à-dire à moins de 200 kilomètres de Kaboul. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Raoul.  - C'est immoral !

M. Richard Yung.  - Vous avez été surpris par le mauvais accueil que l'opinion a réservé à votre opération : une large majorité des Français y est tout à fait hostile. Alors vous avez battu en retraite en lançant un grand débat national sur l'identité nationale. Avez-vous espéré que cette bonne petite opération politique gênerait la gauche ? Alors, je vous le dis tranquillement, nous ne sommes pas gênés. Vous n'avez pas le monopole de la fierté nationale et nous la partageons. (M. le ministre s'en réjouit) Nous sommes prêts à débattre de nos valeurs et à ce qu'on sensibilise les jeunes -mais qui a supprimé 60 000 postes d'enseignants dont beaucoup de professeurs d'histoire ? En revanche, nous ne voulons pas que la France se ferme et qu'on caresse la bête jamais endormie. Si vous mettez le nationalisme en avant, nous ne serons pas avec vous. (Applaudissements sur les bancs socialistes ainsi que sur plusieurs bancs du CRC-SPG)

Mme Éliane Assassi.  - Le 22 septembre, vous avez détruit les abris de fortune des migrants dans la jungle de Calais et organisé avec la Grande-Bretagne un retour forcé en Afghanistan. Êtes-vous le seul à ignorer que ce pays est en guerre ? C'est indigne de la France et de ses valeurs comme de l'Europe. La situation mérite au contraire des solutions humaines, durables et conformes à la dignité des personnes. L'appel initié par France Terre d'asile a recueilli de nombreuses signatures. Il demande la suspension temporaire des renvois forcés en Afghanistan tant qu'y règne le chaos, ainsi que la recherche immédiate de protection.

Votre politique est dangereuse, contre-productive, inhumaine et coûteuse. Le grand débat que vous lancez à la veille des régionales masque mal votre échec. Il a aussi des connotations pétainistes et vise à faire le tri entre les bons Français et les autres. (Protestations sur les bancs UMP) Cela bafoue les valeurs fondamentales de la République. Plutôt que d'exacerber les nationalismes d'extrême-droite, la France et l'Europe n'auraient-elles pas intérêt à changer de politique et à instaurer un régime d'asile européen ? Allez-vous contribuer à la suspension du règlement de Dublin II ? (Applaudissements à gauche)

M. Eric Besson, ministre.  - La jungle, c'est ainsi que les migrants nommaient ce lieu de racket, de violence et d'exploitation. Aucun mineur isolé n'a été reconduit aux frontières, car la France ne pratique jamais ces reconduites. Nous proposons au contraire à ces jeunes un hébergement et les aidons à bâtir un projet professionnel. Nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons. Il y avait dans cette zone 1 500 migrants en situation irrégulière, contre 150 à 200 aujourd'hui : cette opération a été un succès. (Exclamations à gauche) Nous avons scrupuleusement respecté les critères du Haut commissariat aux réfugiés : ne vous inquiétez pas pour l'opération.

Pourquoi limiter le moratoire à l'Afghanistan ? Le Nigeria, la Guinée-Conakry, le Pakistan sont en guerre. Voulez-vous que tous les ressortissants de ces États puissent résider en France, même s'ils sont entrés irrégulièrement et déboutés du droit d'asile ? Alors notre pays devrait accueillir des dizaines de millions d'étrangers. (« Oh ! » à gauche) La référence à Pétain, enfin, était indigne, mais je comprends que le PCF n'ait pas complètement réglé la question. (On applaudit à droite)

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est indigne !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Votre réponse n'est pas appropriée. Si on fait le lien avec votre débat sur l'identité nationale, je ne peux que rappeler comment vous définissiez en 2006 la stratégie du candidat Sarkozy : « trouver des boucs-émissaires qui lui permettent sur un coup médiatique de capitaliser les suffrages. Il se pose en défenseur du peuple face à des étrangers assimilés à des délinquants ». Allez-vous délivrer une carte d'identité nationale en remplacement de la carte nationale d'identité et sera-t-elle à points comme le permis ?

Ce matin, le Président de la République a rendu hommage à la terre. Qui honorera-t-il par la suite ? Les chefs d'entreprise qui cachent leur fortune dans des paradis fiscaux avant de mettre la clé sous la porte ou les travailleurs immigrés qui payent cotisations sociales et impôts ? (Applaudissements nourris à gauche)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Chacun évoque la politique française d'immigration et d'asile, mais l'échelle nationale ne suffit plus.

Mon intervention porte donc sur le traitement communautaire de ces sujets, énoncé dans le pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté en octobre 2008 par le Conseil européen sur proposition de la présidence française. Ce texte réaffirme la nécessité d'une gestion harmonieuse et efficace de l'immigration légale, associée à une lutte commune contre les arrivées illégales. Je me réjouis que ces questions figurent à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. Un an après l'adoption de ce pacte, quelles mesures ont été adoptées ?

Enfin, je me demande si le grand débat lancé sur l'identité nationale ne devrait pas s'accompagner d'une interrogation comparable sur l'identité européenne. La question serait : « Qu'est-ce qu'être européen aujourd'hui ? » (Applaudissements à droite)

M. Eric Besson, ministre.  - Vous avez raison d'aborder la dimension européenne. Mon prédécesseur, Brice Hortefeux, a fait adopter le pacte européen sur l'immigration et l'asile par nos partenaires européens.

L'espace Schengen assure la libre circulation des personnes. C'est un des plus beaux acquis de la construction européenne, mais pour qu'il perdure, nous devons harmoniser les politiques d'immigration et d'asile. Actuellement, l'Europe est un vrai supermarché : selon le pays par lequel vous y entrez, vous avez plus ou moins de chances d'y obtenir l'asile et, je le répète, en ce domaine, la France est particulièrement généreuse. Nous militons à Bruxelles pour la création du Bureau d'appui européen.

L'identité nationale française est spécifique. Elle inclut un rapport particulier à la terre. Lisez Jaurès (exclamations à gauche.), Péguy, Braudel...

Sans s'opposer à l'identité européenne, l'identité française n'y est pas soluble. Par exemple, nous avons un rapport particulier à la laïcité. Les Français y sont attachés ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Ce débat est très important. Il recouvre beaucoup de souffrance. Souhaitant qu'on l'aborde sans invectives, je regrette l'attitude de certains collègues. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises reprendre la politique que j'avais suivie comme ministre de l'intérieur et que vous approuviez à l'époque. (Sourires à gauche)

Il n'y a pas de politique idéale de l'immigration, bien qu'elle soit à la fois nécessaire et difficile. Mais êtes-vous disposé, comme je l'ai fait en 1997, à régulariser 80 000 demandeurs sur 140 000 ?

Si vous appliquez ma politique, pourquoi les ministres de l'intérieur qui se sont succédé depuis 2002 ont-ils modifié à plusieurs reprises la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile (Reseda) votée en 1998 ? Pourquoi avez-vous supprimé la clause de régularisation au fil de l'eau, qui permet précisément d'éviter les régularisations massives ? Pourquoi avoir fixé des objectifs chiffrés qui empêchent les préfets d'agir avec humanité ?

Pourquoi réunir immigration et identité nationale comme pour les opposer à la veille des élections régionales ? L'identité républicaine se définit non par opposition aux étrangers, mais par les valeurs d'humanité, de responsabilité et de droit ! (Applaudissements à gauche.)

M. Eric Besson, ministre.  - C'est un plaisir pour moi de vous répondre. (Vives exclamations sur les bancs socialistes)

Ma formule a été raccourcie, car je ne pense pas que nous menions la même politique. En fait, j'avais seulement dit que vous aviez fait du bon travail -j'espère que vous ne m'en voudrez pas- et que vous aviez été gênés par le manque de soutien du groupe majoritaire, auquel j'appartenais l'époque.

L'époque des régularisations massives est révolue, tout d'abord parce que le pacte européen les interdit, ensuite en raison du bilan de celle que vous avez décidée et de celle réalisée en Espagne par M. Zapatero, qui a reconnu après coup qu'il ne le referait pas si c'était à refaire...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Évidemment ! 600 000 régularisations !

M. Eric Besson, ministre.  - La France accueille généreusement chaque année 200 000 étrangers en long séjour et 2 millions pour un court séjour ; elle accorde en outre sa nationalité à 110 000 étrangers et pratique une politique d'asile très généreuse.

Nul n'a abrogé l'article 40 de la loi sur le séjour des étrangers, qui permet des régularisations.

Pourquoi opposez-vous immigration et identité nationale ? (On estime à gauche que cette opposition est le fait du ministre) Le Président de la République a dit ce que l'immigration avait apporté à notre pays et qu'il était à la tête d'une France métissée. Encore faut-il intégrer les personnes immigrées en leur faisant partager nos valeurs, ce qui ne doit pas choquer le grand républicain que vous êtes. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ma politique avait pour objet d'élargir les marges de manoeuvre d'un gouvernement de gauche, ce qui n'est pas exactement votre cas !

Depuis 1789, l'identité française est résumée par les principes républicains de liberté, d'égalité, de fraternité. Il n'y a pas lieu d'y revenir constamment, surtout à l'occasion de l'immigration, sauf à vouloir reprendre un débat sur l'origine citoyenne ou ethnique de la Nation, tranché en 1888 par Ernest Renan.

M. Eric Besson, ministre.  - Nul ne le propose.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il faut donc soustraire le sujet à l'opposition gauche-droite. C'est ce que j'ai fait, alors que votre surenchère sur le Front National aiguise de faux débats favorisant tous les extrêmes, de la xénophobie au sans-papierisme aveugle. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet.  - Vous avez annoncé dimanche à la télévision le lancement d'un grand débat sur l'identité nationale, un sujet de fond qui intéresse tous les Français. (On en doute vivement à gauche) A la radio et sur internet, j'observe des échanges importants, variés et productifs.

Ce sujet n'évitera ni les polémiques, ni les excès. Le parti socialiste estime que le sujet fleure le nationalisme. Le général de Gaulle a écrit : « Être patriote, c'est aimer son pays. Être nationaliste, c'est détester les autres ». (Applaudissements à droite) Loin d'être nationaliste, je suis profondément patriote, comme nous tous.

Monsieur le ministre, vous avez esquissé les modalités du débat sur l'identité nationale, qui doit s'achever avec une synthèse en janvier. Vous avez aussi proposé que quatre séances d'éducation civique soient organisées au profit d'adultes volontaires dans deux départements. Pourriez-vous être plus complet quant au déroulement de ces deux initiatives ? (Applaudissements à droite.)

M. Eric Besson, ministre.  - Pourquoi le débat sur l'identité nationale ? Parce qu'il avait été promis par le Président de la République pendant sa campagne électorale. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes) Il faut respecter les promesses.

Ce matin, j'étais en compagnie du ministre britannique de l'immigration. Répondant à des journalistes qui l'interrogeaient sur le débat que j'ai annoncé, mon homologue a répondu que l'initiative était légitime et qu'un débat semblable serait organisé en Grande-Bretagne. Je suis heureux que pareils propos aient été tenus par un travailliste. Du Mexique au Cameroun, tous les pays sont fiers de leur identité. Ce sujet ne pose problème qu'à une partie de la représentation nationale.

Je proposerai à tous les préfets, de même qu'aux parlementaires qui le souhaiteront, d'organiser des débats avec les citoyens, les associations et les forces vives du pays. Je suis heureux de constater, comme vous, que les Français s'en sont déjà saisis.

Les élites peuvent discourir, mais le peuple s'est emparé de cette question. N'est-il pas légitime de s'interroger sur ce qui constitue notre communauté nationale, notre héritage, nos valeurs, notre projet commun ? Nous n'avons pas à en rougir ! (Applaudissements à droite ; vives protestations à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Avant les élections ?

M. François-Noël Buffet.  - A l'UMP, nous aborderons ce débat sereinement, simplement mais sans simplisme, mais je comprends que d'autres soient gênés. (Mêmes mouvements)

Mme Claudine Lepage.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je voudrais évoquer la question sensible des mineurs étrangers isolés. A leur arrivée en France, ces derniers peuvent être soumis par la police aux frontières à une expertise médicale, en cas de doute sur leur âge réel. Même ceux qui présentent un titre d'identité sont soupçonnés. Les services médico-judiciaires procèdent alors à un examen clinique qui, selon le corps médical, ne peut fournir qu'une estimation très approximative de l'âge : la marge d'erreur est de 18 mois. Comment admettre que le sort de ces jeunes gens puisse dépendre exclusivement d'un tel examen ?

Celui-ci est souvent pratiqué sans le consentement averti des mineurs qui ne bénéficient pas toujours de l'assistance d'un interprète. Jusqu'à 60 % des personnes maintenues en zone d'attente se déclarant mineures ont été considérées par la police comme majeures ! Cette procédure est indigne de la patrie des droits de l'homme. Tout mineur étranger isolé doit être présumé mineur en danger.

Que deviennent les mineurs « certifiés conformes » ? Tout se passe à peu près bien jusqu'à leur majorité : ils sont placés dans un centre d'accueil et scolarisés. Mais une fois majeurs, ils ne sont plus protégés par aucun statut juridique. Ils se retrouvent sans ressources ni papiers, devenus irréguliers dans le pays où ils espéraient vivre et travailler, et sont la proie facile de filières criminelles. Ils ne peuvent même plus avoir de contacts avec les éducateurs qui les ont suivis jusqu'à la veille de leurs 18 ans. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette situation indigne de notre pays ? (Applaudissements à gauche ; M. Jacques Mézard applaudit également)

M. Eric Besson, ministre.  - Je suis très surpris du ton de votre intervention. (On ironise à gauche) La France est l'un des rares pays du monde et d'Europe à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés. (On le conteste à gauche) Je serais heureux que l'on m'apporte la preuve du contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mme Lepage vous a posé une question précise !

M. Eric Besson, ministre.  - Devons-nous pour autant ignorer l'afflux auquel nous sommes confrontés ? C'est justement parce que la France a la réputation de ne jamais reconduire les mineurs à la frontière qu'elle est une destination privilégiée pour les passeurs. Ce problème se pose au niveau européen, et la présidence suédoise a l'intention d'en faire l'une des priorités du programme de Stockholm ; la présidence espagnole y sera également très attentive.

Certes, il existe une zone floue. Les mineurs arrivés à 14 ou 15 ans ne sont pas systématiquement régularisés lorsqu'ils deviennent majeurs : j'ai mis en place avec France Terre d'asile et des experts un groupe de travail pour réfléchir à ce problème. S'agissant de l'examen médical, contrairement à ce que vous avez suggéré, le doute profite toujours à l'intéressé. Mon ministère a débloqué pas moins de 700 000 euros pour subvenir aux besoins des 100 jeunes Afghans tirés de la « jungle » de Calais. Si ce n'est pas là une preuve irréfragable de la générosité de la France, que vous faut-il ? (Applaudissements à droite)

Mme Claudine Lepage.  - J'avais insisté sur le moment où ces jeunes deviennent majeurs. Du jour au lendemain, ils ne sont plus protégés, et pour certains d'entre eux versent dans la criminalité. Pourtant, s'ils ont suivi un cursus scolaire d'une ou plusieurs années en France, ils parlent français et sont mieux placés que personne pour être naturalisés ou, à défaut, pour se voir délivrer un permis de séjour ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Bernard-Reymond.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Les questions de fond ayant été abordées, vous me permettrez de soulever des problèmes d'organisation et de moyens.

Votre ministère est récent, puisqu'il a été créé en 2007. Depuis, votre prédécesseur et vous-même avez entrepris d'importantes réformes de structure : rattachement du Conseil national du droit d'asile au Conseil d'État, fusion des Agences nationales de l'accueil des étrangers et pour la cohésion sociale, regroupements de services, etc. Ces réformes vont-elles se poursuivre ?

En outre, votre ministère est loin de couvrir tout le champ de la politique de l'immigration, qui concerne dix ministères, quinze programmes et onze missions budgétaires, pour un total de 3,6 milliards d'euros alors que le budget de votre ministère ne se monte qu'à 560 millions. Ne serait-il pas opportun de rassembler ces moyens ? Sachant que le problème de l'immigration s'accentuera dans les années à venir, il est nécessaire de mieux coordonner nos actions.

Enfin, si l'on prend en compte les 60 000 naturalisations qui ont lieu chaque année, (on conteste ce chiffre à gauche) les 42 000 demandeurs d'asile accueillis en France en 2008 et les 100 000 contrats d'accueil et d'intégration signés en 2008, force est de constater que vous n'êtes pas seulement le ministre de la « jungle » de Calais ou du retour en Afghanistan. (De vives protestations à gauche couvrent un moment la voix de l'orateur) Pourquoi donc avoir attiré l'attention sur ce qui est le plus conflictuel et impopulaire ?

M. Eric Besson, ministre.  - Merci de vos questions. (On ironise à gauche) Je ne fais qu'appliquer la lettre de mission qui m'a été adressée par le Président de la République et le Premier ministre, et qui comprend environ 80 actions à mener à bien.

Vous avez bien voulu souligner l'ampleur des réformes de structures accomplies par mon ministère. (Même mouvement) Nos moyens ne sont pas illimités, puisque nous ne disposons que de 675 agents ; afin d'améliorer notre productivité, nous avons donc choisi de simplifier nos procédures et de rationnaliser nos actions. Le visa de long séjour valant titre de séjour permet de faire gagner du temps aux étrangers -auparavant contraints de s'adresser d'abord au consulat puis à la préfecture- et aux fonctionnaires, qui seront affectés à d'autres tâches, par exemple au traitement des demandes de naturalisation, domaine dans lequel nous avions du retard. J'ai fait récemment l'essai à Roissy des nouveaux sas automatiques qui nous permettront d'améliorer le contrôle de nos frontières tout en simplifiant les démarches des passagers, sur la base du volontariat. Il sera mis fin à la double instruction des demandes de naturalisation : désormais les préfectures instruiront seules les demandes, tandis que les préfectures s'assureront de l'homogénéité de traitement sur le territoire.

Mais je ne suis pas d'avis de rassembler dans un même ministère les moyens financiers et humains. Nous formons un ministère d'état-major, et notre collaboration avec les autres ministères comme celui de l'intérieur est satisfaisante. En ces temps de rigueur budgétaire, il faut veiller à la bonne utilisation de l'argent public et éviter les doublons.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Mes collègues ont insisté sur le caractère profondément cynique et révoltant du renvoi de trois Afghans vers un pays en guerre, au mépris de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette décision nous incite à nous pencher sur l'état du droit d'asile en Europe : il est temps d'apporter une réponse digne, humaine et cohérente à la situation catastrophique à laquelle nous sommes confrontés.

Pas plus que la fermeture de Sangatte, l'évacuation de la « jungle » n'a rien réglé. En quête de protection, les migrants reviennent et c'est bien normal. S'agissait-il pour vous d'un simple coup médiatique ? En ma qualité de co-rapporteur du paquet européen sur l'asile, je me suis rendue à Calais où j'ai rencontré de nombreux intervenants et fait des propositions, mais vous ne m'avez pas entendue.

En 2001, pendant la crise des Balkans, une directive européenne avait pourtant permis d'accueillir plus de 100 000 réfugiés de cette région.

Cette directive obligeait les États à ne pas renvoyer les réfugiés qui fuyaient la guerre, tout comme la France devrait s'engager, aujourd'hui, à ne pas expulser des Afghans vers Kaboul. Pour être efficace, cette protection temporaire doit procéder d'une action commune des États de l'Union car la solution est européenne avant d'être française. Ce que nous avons été capables de faire ensemble, hier, pour les Balkans, nous devrions être capable de le faire, aujourd'hui, pour les Afghans.

Ma question est simple : allez-vous enfin décider de régler, de manière concertée et digne, le sort des Afghans, ou allez-vous continuer dans la voie du cynisme et du mensonge en procédant à des expulsions contraires au droit européen et aux décisions de la Cour européenne ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Eric Besson, ministre.  - Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez à ne pas entendre que la Cour européenne des droits de l'homme a validé nos procédures, que nous appliquons à la lettre les recommandations du Haut commissariat aux réfugiés. Et nous allons plus loin. Vous n'avez heureusement pas contesté le fait que nous ne reconduisons pas à la frontière des mineurs isolés, alors que le HCR permet une telle reconduite si le mineur dispose d'un abri acceptable sur place ! Nous ne le faisons pas !

S'agissant de l'asile, je redis que nous y consacrons des moyens importants : la moitié des 600 millions alloués à mon ministère. Et nous allons encore ouvrir des budgets supplémentaires pour les centres d'accueil pour demandeurs d'asile.

Les demandes d'asile avaient augmenté de 20 % en 2008, elles ont encore augmenté d'autant depuis le début de l'année. Et les octrois d'asile ont augmenté dans la même proportion.

Mais nous croyons à la nécessité de réguler les flux migratoires car immigration et intégration sont les deux faces d'une même médaille et nous ne pouvons permettre qu'une immigration incontrôlée empêche l'intégration des immigrés régulièrement installés en France.

L'asile est une trop noble cause pour qu'on se permette de la détourner, et c'est ce que certains sont en train de faire. (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne reviendrai pas sur la Cour européenne qui a maintes fois condamné la France, ni sur le HCR qui a demandé qu'on trouve une autre solution.

Je vous demande que, lors du prochain Conseil européen des 29 et 30 octobre, la France, qui a pesé si lourdement dans la mise en place du Pacte européen sur l'immigration, pèse également de tout son poids pour la mise en oeuvre d'un instrument de protection européen spécifique. D'urgence, cette directive de 2001 doit être réactivée puisqu'elle fixe de manière précise les conditions d'octroi d'une protection spécifique temporaire. Chaque État membre, individuellement ou collectivement, a le pouvoir de reconnaître des protections, temporaires ou humanitaires. Relisez la Charte européenne des droits de l'Homme, c'est écrit dedans !

A long terme, nous devons construire une politique européenne d'asile, harmonisée, protectrice, respectueuse des droits humains et, donc, instaurer un régime d'asile européen commun, cela, de façon concertée, puisque vous aimez tant ce mot... (Applaudissements sur les bancs socialistes).

La séance, suspendue à 17 h 50, reprend à 18 h 5.