Financement de la sécurité sociale pour 2011 (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du PLFSS.

Discussion générale (Suite)

M. Serge Dassault.  - Mon intervention a pour objet de vous aider à maîtriser les dépenses de l'assurance maladie, dans les conditions économiques que nous connaissons, avec les 35 heures et le poids des charges sur les entreprises -qui atteignent 43 %, au lieu de 30 % en Grande-Bretagne et 15 % aux États-Unis. Celles-ci sont donc amenées à ne pas embaucher, à licencier ou à délocaliser.

L'assurance maladie devrait plutôt être financée par un coefficient d'activité : calculer les charges non sur les salaires mais sur le chiffre d'affaires diminué de la masse salariale. Les importations se trouveraient ainsi taxées. Les autres charges sur salaires financeraient le chômage, la vieillesse etc. dans un premier temps. Ainsi augmenterait-on l'emploi.

L'État aussi bénéficierait de cet allégement de charges, à hauteur de 30 milliards, qui seraient réduits de la moitié, soit 15 milliards de moins pour le déficit. Au total, le coefficient d'activité permettrait d'économiser 30 milliards. Ce n'est pas rien !

Il va de soi que le coefficient d'activité ne pourrait s'appliquer qu'au secteur marchand, puisque le non-marchand n'a pas de chiffre d'affaires.

Je souhaite donc que vos services étudient les avantages et les éventuels inconvénients de cette proposition. Le pire serait de ne rien faire.

Mme Patricia Schillinger.  - Ce PLFSS s'inscrit parfaitement dans la politique du Gouvernement : rigueur, austérité, injustice. Vous souhaitez une privatisation de la sécurité sociale avec un glissement vers les complémentaires santé, alors que 40 % de Français en sont à renoncer à des soins pour des raisons financières.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Ces chiffres sont faux !

Mme Patricia Schillinger.  - Les années passent et le constat est toujours plus amer : on démantèle toujours plus la sécurité sociale alors que 8 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Ce projet de financement est en total décalage par rapport à la situation économique et sociale, que l'inertie du Gouvernement ne fait qu'aggraver. Les déficits s'accumulent, sans que les réponses du Gouvernement soient à la hauteur. La politique familiale en est à économiser les bouts de chandelle. Vous supprimez la rétroactivité de l'aide au logement qui est d'autant plus importante que les familles modestes ne pensent pas d'emblée à demander une aide. Les personnes en situation d'exclusion peuvent peiner à rassembler les multiples justificatifs requis.

Une suppression pure et simple de cette ressource peut créer des difficultés de trésorerie aux associations spécialisées dans l'intermédiation locative. Vous vouliez même retarder d'un mois l'allocation du jeune enfant -sans gain sensible pour les finances publiques et au désavantage des plus pauvres. C'est dès l'arrivée de l'enfant que les familles défavorisées, et souvent monoparentales, ont besoin de cette allocation !

Le Haut conseil de la famille a indiqué en septembre que la branche famille ne pourrait pas retrouver l'équilibre avant 2017 et effacer la dette avant 2023. Le Gouvernement passe en force au détriment de la branche famille, pour reporter, une fois encore, la charge de la dette sur les jeunes générations. C'est la double peine ! D'autres solutions existent ! On pourrait revenir sur la loi Tepa, et en particulier sur le bouclier fiscal !

Le Gouvernement, pour faire face aux déficits, ne cherche pas de nouvelles ressources mais préfère mettre à contribution les plus modestes ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - Je me réjouis de l'exception française : un taux d'emploi féminin élevé et la plus forte natalité d'Europe. C'est aussi le pays qui consacre le plus de crédits à la politique familiale. Si nos voisins ont dû prendre des mesures plus dures que nous à propos des retraites, c'est aussi que leur démographie est moins dynamique.

On ne peut faire de la famille le parent pauvre du dispositif social. C'est, comme l'a dit Mme Morano, par excellence une dépense d'investissement. Le financement des retraites et celui de la politique familiale sont intimement liés.

L'Allemagne s'est inspirée de notre politique familiale en matière de garde d'enfants. Le chef de l'État a annoncé la création de 200 000 places, réparties pour moitié entre garde privée et collective. Les parents préfèrent la solution des assistantes maternelles. Il est regrettable que certaines CAF restent frileuses en la matière, notamment s'agissant de l'innovation des jardins d'éveil. Je m'interroge sur leur participation financière en fonction d'un barème relatif à celle des parents, barème qu'elles fixent elles-mêmes, alors qu'il est d'ordre public...

Nous sommes attachés à une politique familiale, une politique d'avenir. Le Gouvernement va dans cette direction mais il doit nous assurer que la politique familiale ne sera pas sacrifiée sur l'autel de considérations étroitement comptables. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Teulade.  - La saga des textes sociaux se poursuit, après la loi organique sur la dette sociale et la loi sur les retraites. Nous n'en aurons pas fini là ! Ainsi va se poursuivre la remise en cause de la construction sociale qui avait depuis un demi-siècle mis fin à l'inégalité la plus intolérable : celle devant la maladie.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - C'est toujours le cas !

M. René Teulade.  - Les finances de notre protection sociale ne sont pas en bonne santé. Le déficit s'est accru. Vous le justifiez par la crise, qui a eu lieu il y a deux ans. A l'époque, vous expliquiez que notre pays serait épargné, avant de faire un plan de relance qui n'a eu qu'un faible impact.

Vos hypothèses sont fondées sur les prédictions de croissance très optimistes : un demi-point de plus que ce que prévoit le FMI -dont les textes ne vous intéressent que quand ils vont dans votre sens ! Les cotisations sur les salaires représentent les trois quarts des recettes. Il faut en trouver de nouvelles, d'abord en élargissant l'assiette, par exemple grâce à un impôt progressif à faible taux. Les responsables mutualistes souhaitent comme nous que de vraies mesures, structurelles soient prises. Encore faut-il que la concertation ait lieu ! Les allocations familiales seront financées par une taxe sur des recettes... incertaines. Autant dire que vous organisez le déficit !

Comme les mutuelles vont devoir augmenter leur participation au financement de l'assurance maladie, elles n'auront d'autre solution qu'une augmentation des cotisations, ce qui va provoquer une démutualisation des plus modestes qui ne pourront plus se soigner ! En 2008, selon l'Irdes, le renoncement aux soins était à plus de 15 %, contre 12 % en 2002. Les médicaments à vignette bleue seront moins remboursés. Qui paiera ? Un seul principe devrait valoir : l'efficacité du médicament.

Les mesures d'économie prises sur l'hôpital frapperont aussi les plus démunis. Les hypertendus ne seront plus pris en charge à 100 %, les diabétiques n'auront plus droit qu'à un test de glycémie par jour au lieu des quatre préconisés par la Haute autorité de santé !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Pour le diabète insulino-dépendant ! Vous ne connaissez pas les deux types de diabète ?

M. René Teulade.  - Vous culpabilisez les malades.

Le problème de fond, c'est que nous n'avons jamais trouvé l'équilibre entre prescriptions libérales et prestations socialisées.

La loi Hôpital devait révolutionner l'organisation des soins. La T2A est encore en cours de démarrage.

À quand la création du cinquième risque, pour la perte d'autonomie, qui devrait être financé par la solidarité nationale et non par un système assurantiel ?

Avant de conclure, une parenthèse sur la mission Santé de la loi de finances. Les députés ont voté une franchise de 30 euros pour les bénéficiaires de l'AME.

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. René Teulade.  - Il paraît que c'est pour payer l'ouverture du dossier. J'espère que ce n'est pas pour créer un fichier !

En 1979, M. Barre voulait instaurer un ticket modérateur d'ordre social. Il a fallu une pétition de 7 millions de signatures pour que le Gouvernement y renonce.

Aucune étude ne prouve l'effet des franchises sur la consommation de soins et donc une diminution des déficits. Puissent vos optimistes hypothèses s'avérer... Il n'en reste pas moins que votre budget n'est pas juste : il touche les plus faibles et épargne les plus forts. C'est pourquoi nous défendrons des amendements. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Milon.  - C'est dans un esprit de responsabilité que nous avons voté la réforme des retraites, pour sauvegarder notre système par répartition. Notre système de protection sociale a joué un rôle d'amortisseur de crise en 2008.

Après la courageuse réforme des retraites, la prochaine devrait être celle de l'assurance maladie. La crise économique a fortement dégradé les comptes du régime général (approbation au banc de la commission) dont le déficit est passé de 10 à 20 milliards depuis 2008.

L'Ondam laisse des marges de manoeuvre importantes face à l'évolution technologique. Le transfert à l'assurance maladie de 100 millions de la sous-enveloppe « personnes âgées » de l'Ondam, non consommés en 2008, va contre la loi qui prévoit non un transfert mais un report.

Et comment expliquer que ces crédits n'aient pas été dépensés malgré les besoins manifestes ? Sur le financement des maladies orphelines, l'Assemblée nationale a modifié le projet initial du Gouvernement. L'industrie pharmaceutique n'est guère enthousiaste à engager des recherches en la matière, vu le petit nombre de patients concernés. Le relèvement des crédits, à l'article 20, suffira-t-il ?

Les maisons de naissance seront jumelées avec les maternités. Mais pouvez-vous nous préciser le statut de ces maisons, ainsi que les conditions de sécurité ? La commission des affaires sociales était hostile à ces maisons.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Sa majorité !

M. Alain Milon.  - La convergence fait problème pour des actes comme les accouchements. Le vouloir à tout prix ne risque-t-il pas d'avoir un effet négatif sur la qualité des soins ? Les députés ont demandé un rapport sur l'allocation de solidarité vieillesse, mais les professionnels de santé attendent des mesures concrètes. Quelles sont vos intentions ?

Le report de la Paje a été supprimé par l'Assemblée nationale, tant mieux.

Aucune prestation familiale ne sera supprimée et nous pouvons continuer d'avoir la meilleure natalité d'Europe. Très bien. Quid de l'allongement du congé de maternité tel que souhaité au sein de l'Union européenne ?

L'Ondam médico-social traduit un effort important envers les handicapés et envers nos aînés. La médicalisation des maisons de retraite sera poursuivie. Qu'allez-vous faire pour les services à domicile ?

Le financement des maisons pour ceux qui ont la maladie d'Alzheimer doit être clarifié. Quelles sont vos intentions ?

Pour nous montrer dignes de notre héritage d'une sécurité sociale qui a fait la renommée de notre pays, nous devons être imaginatifs pour le préserver et le transmettre à notre tour.

Je conclurai sur une note personnelle. Plusieurs députés se sont émus que l'AME soit plus favorable que ce qui est accordé aux Français. Telle n'est pas mon analyse, mais il faudrait faire en sorte que les bénéficiaires de la CMU et de la Cmuc ne soient pas désavantagés. (Applaudissements à droite)

M. François Baroin, ministre.  - On peut être atteint de cécité et d'amnésie ; c'est dangereux pour deviner l'avenir, monsieur Cazeau ! L'essentiel des causes du déficit tiennent à l'effondrement des recettes du fait de la crise de 2008. M. Teulade ne peut pas l'ignorer. J'ai été surpris par une telle facilité de parole, si opposée à l'esprit de responsabilité qui doit animer des partis du Gouvernement.

M. François Autain.  - Il n'y avait pas de déficit avant la crise ?

M. François Baroin, ministre.  - Il a doublé en un an ! M. Fischer lui-même l'a reconnu. Parce que la masse salariale s'est contractée, pendant que les dépenses devaient s'accroître pour ceux que la crise a mis en difficulté. Voilà pourquoi le Gouvernement refuse toute augmentation des impôts et de la CRDS. Nous avons ouvert toute une trajectoire de maîtrise des dépenses.

Oui, monsieur Barbier, nous préparons l'avenir ! M. About y a insisté aussi. Nous reprenons130 milliards de dettes sociales, avec un Ondam à 2,9 alors que nous le respectons pour la première fois. Nous apportons 8 milliards à la sécurité sociale. Sans doute ne sommes-nous pas aussi ambitieux que le voudrait M. Dassault.

M. Guy Fischer.  - Il veut la révolution !

M. François Baroin, ministre.  - De fait, monsieur Vasselle, 8 milliards de niches, ce n'est pas rien ! C'est bien parce que la situation financière de la sécurité sociale est mauvaise, monsieur Cazeau, qu'il faut agir ! Nous ne formulons pas nos hypothèses de croissance au doigt mouillé. M. Jégou se souvient-il que les pessimistes parlaient l'an dernier de 0,7 alors que nous avons eu 1,6 ? Se souvient-il que le déficit n'est pas de 8,6 % mais de 7,7 ? Il n'y a rien d'anormal à supposer une croissance de 2,5 % d'ici 2014. C'est une tendance.

J'en viens à la dette sociale et aux mesures concernant la Cades. Le schéma de financement est ambitieux : il faut financer 130 milliards de dettes. L'important était de trouver une approche globale, équilibrée et responsable. Comme s'y est engagé le Président de la République, nous ne voulons pas augmenter les impôts ...

M. Guy Fischer.  - Faux !

M. François Baroin, ministre.  - Le Gouvernement a dit non à une augmentation de la CRDS par cohérence ; de même, n'avons-nous pas touché à la TVA ni aux impôts directs quand bien même la situation est difficile. Nous voulons d'abord agir sur la dépense.

Notre stratégie, après avoir laissé jouer les amortisseurs sociaux durant la crise, est de ne pas laisser cette dette à l'Acoss. Dans notre approche globale, après la réforme des retraites vient le projet de financement qui est donc un texte d'avenir. De nombreux parlementaires souhaitent une augmentation de la CRDS, non par dogmatisme.

M. François Autain.  - Qui est dogmatique ?

M. François Baroin, ministre.  - Dans un pays où la dépense publique est si forte, où les prélèvements obligatoires sont si élevés, il fallait d'abord agir sur les dépenses.

Je prends l'engagement de poursuivre la politique de réduction des niches fiscales -75 milliards- et sociales -45 milliards. Nous voulons clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale, conformément aux engagements du Président de la République.

S'agissant de la branche maladie, je laisse à Mme Bachelot le soin de répondre aux orateurs. M. Woerth vous répondra sur le secteur médico-social.

Le respect de l'Ondam est un marqueur important de notre volonté de maîtriser les dépenses. La réforme des retraites bénéficiera aussi au FSV. Nous reviendrons plus précisément sur chacun de ces points lors de l'examen des articles. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Je ne vais pas refaire le débat sur les retraites.

Mme Annie David.  - Nous y sommes prêts !

M. Éric Woerth, ministre.  - Je n'en doute pas ! (Sourires)

Le contexte des déficits de nos comptes sociaux impose de prendre des mesures pour les résorber, notamment sur la retraite et la santé.

Monsieur Dassault, les charges sur les salaires sont effectivement élevées. Vos propositions ont été étudiées et le seront de nouveau, mais le problème est aussi celui de la maîtrise de la dépense.

Certaines mesures contestées sont nécessaires. M. Cazeau et Mme Schillinger sont opposés à la suppression de la rétroactivité du versement des aides au logement. Tout d'abord, parce qu'elle représente 120 millions d'économie. Au reste, la rétroactivité n'existe pas pour les autres allocations comme le RSA. Il s'agit donc d'une harmonisation. Il est logique de tenir compte de la date du dépôt du dossier.

M. Guy Fischer.  - Les moins informés et les plus faibles trinqueront !

M. Éric Woerth, ministre.  - C'est un retour au droit commun.

M. Guy Fischer.  - Vous revenez sur beaucoup de choses.

M. Éric Woerth, ministre.  - Aucune prestation familiale, aucune allocation n'est remise en cause.

Monsieur Lardeux, vous craignez que la branche famille soit fragilisée par des transferts de charges ; mais la reprise de dette par la Cades l'aidera à faire face aux déficits 2009 et 2010.

L'enveloppe pour l'Ondam médico-social, madame Desmarescaux, sera déterminée au début de l'an prochain quand nous connaîtrons les excédents de la CNSA, excédents qui financent les investissements des établissements. Le nouveau mode de calcul permettra d'être plus proche de la réalité. La restitution de 100 millions -ce sont des excédents- à l'assurance maladie ne limite en rien la création de places dans les établissements médico-sociaux. L'État tient ses engagements. Les pharmacies internes, madame Desmarescaux, sont facteur de rationalisation.

Ce PLFSS vise à maîtriser les dépenses et à mieux soutenir les plus fragiles ; il complète la réforme des retraites et porte plusieurs mesures de recettes décidées dans ce cadre.

J'en viens à la question de l'amiante, sur laquelle nous étions tombés d'accord lors du débat sur les retraites. Les règles de prescription du Fiva sont précisées, ce qui répond aux attentes des associations. M. Dériot souhaite une harmonisation entre régimes, qui ne serait pas toujours dans l'intérêt des bénéficiaires, et une coordination des dispositifs de cessation anticipée ; celle-ci pourra être mise en oeuvre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, dès lors que sa soutenabilité financière aura été examinée. La décision de 2010 du Conseil constitutionnel, qui confirme le régime fondé sur la réparation forfaitaire, monsieur Godefroy, n'empêche pas la victime de demander une réparation intégrale en cas de faute inexcusable de l'employeur. Nul besoin de modifier la loi. Votre objectif est satisfait.

Le financement de la création de maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer est garanti depuis le vote de l'Assemblée nationale ; un amendement du Gouvernement au Sénat précisera la participation de la CNSA. La couverture de la PCH et de l'APA sera discutée dans le cadre de la réforme que nous présenterons dans les prochains mois.

Jamais un gouvernement n'a fait autant pour aider à concilier vie professionnelle et vie personnelle via la création de places d'accueil pour des jeunes enfants ; M. de Legge a rappelé l'existence des maisons d'assistantes maternelles.

Nous avons veillé à ce que ce texte réponde au double enjeu de la maîtrise des dépenses et de l'aide aux plus démunis ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Non, monsieur Fischer, non, monsieur Cazeau, la construction de l'Ondam 2011 ne repose pas sur les assurés, mais sur les programmes de maîtrise médicalisée.

M. Guy Fischer.  - C'est pareil !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'autre grand poste d'économie c'est la baisse des tarifs et des prix, en biologie ou en radiologie, 200 millions, ou des produits de santé, 500 millions. Monsieur Teulade, je regrette que vous ayez confondu les diabètes insulinodépendants et les autres ; nous appliquons les référentiels de la HAS. Une erreur pareille est étonnante pour un ancien ministre aux affaires sociales !

Mme Raymonde Le Texier.  - Certains ministres en exercice font des erreurs bien pires !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Monsieur Barbier, la modification du régime des ALD reflète les évolutions des techniques de soin. Le coût de la réforme LMD -soit 140 millions en 2011- est intégré dans le calcul tendanciel pluriannuel de l'Ondam. Le surcoût est pris en charge par l'assurance maladie. L'évaluation des charges de fonctionnement des établissements de santé par le Gouvernement et les fédérations hospitalières n'ont jamais été aussi proches, signe de sa fiabilité !

J'en viens à la T2A et à la situation financière des hôpitaux. Contrairement aux idées reçues, celle-ci s'améliore. La différence entre les données du ministère et celles de la Cour des comptes est d'ordre technique ; l'évaluation de la Cour des comptes ne remet pas en cause l'amélioration des pratiques de gestion et de la situation financière des hôpitaux...

M. Guy Fischer.  - A quel prix !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - La mise en place des EPRD et la certification des comptes des établissements de santé vont dans le sens de pratiques vertueuses. Ce qui n'interdit pas de prendre en compte la diversité des situations. C'est le travail des ARS et de l'Agence nationale d'appui à la performance.

La dette des établissements de santé, monsieur Jégou, s'explique pour l'essentiel par la réhabilitation nécessaire du parc hospitalier dans le cadre des plans 2007 et 2012. Le recours à l'emprunt est encadré par le texte de programmation 2011-2014. Pour autant, le meilleur moyen d'encadrer le recours à l'emprunt est d'être plus drastique dans la sélection des projets d'investissement ; c'est ce que nous faisons pour la deuxième tranche du plan Hôpital 2012.

Monsieur Leclerc, la procédure d'autorisation des médicaments par la commission de transparence est bien contradictoire, mais après que celle-ci ait rendu un projet d'avis. Concernant les laboratoires de biologie médicale, l'ordonnance portant réforme de la biologie a amélioré la situation sans déposséder les biologistes.

Les baisses tarifaires ne sont pas décidées arbitrairement. Cette réforme permet le regroupement sur des plateaux techniques, gage d'efficacité !

Question très importante : le renoncement aux soins et les dépassements d'honoraires. Il existe de grandes disparités entre les régions dans les dépassements d'honoraires -le taux de dépassement va de 25 % en Limousin à 63 % en Île-de-France- disparités qui se retrouvent dans les établissements et les spécialités. D'où notre politique d'aide à la complémentaire santé -94 % des Français sont couverts par une complémentaire ; nous allons relever le plafond sous lequel on peut en bénéficier.

Il faut également agir sur les dépassements en généralisant les devis et l'information sur les praticiens du secteur 1 aux alentours du domicile. Le but du secteur optionnel est d'attirer des praticiens du secteur 2. (Marques de scepticisme à gauche) L'accord du 15 octobre 2009 n'a pas été refusé par le Gouvernement, il faut seulement préciser sa rédaction.

De nombreuses questions ont été posées sur les recettes nouvelles et les réformes structurelles. Il n'y a pas de solution miracle ! Nos marges de manoeuvre sont étroites. La taxation des revenus du capital est déjà fléchée vers les retraites, de quelque côté qu'on se place.

Mme Annie David.  - Les flèches sont plus grosses de notre côté !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Ayons le courage de dire qu'il faudra, à terme, augmenter la participation financière des assurés.

M. Guy Fischer.  - C'est un aveu !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Le plafonnement des franchises en fonction des revenus comme la solution de M. Dassault d'une nouvelle assiette des cotisations sociales relèvent du débat de campagne présidentielle !

M. Guy Fischer.  - Dassault président ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Nos impératifs sont l'accès aux soins pour tous, la modernisation constante du système, la responsabilisation de chacun via la promotion des génériques, l'adaptation des remboursements au SMR, l'application des référentiels de la HAS, une meilleure gouvernance de l'hôpital.

L'expérience des Capi est un succès. La rémunération à la performance pousserait les médecins libéraux à la responsabilisation. Je ne suis pas hostile à généraliser ce qui fonctionne bien...

Monsieur Fischer, il n'y a pas de transfert de l'assurance maladie vers les mutuelles ; celles-ci vont même réaliser des économies. J'ai accepté un amendement au projet de loi de finances pour transformer en taxe la contribution à la charge des complémentaires pour financer la CMU ; cela permettra de mieux distinguer ce qui relève de la politique tarifaire des organismes et ce qui relève de décisions des pouvoirs publics.

M. Cazeau s'est inquiété des revenus des médecins libéraux ! Si l'on ne tient pas compte de leurs éventuels gains salariaux, le revenu moyen net de charges s'élevait à 78 000 euros annuels en 2005 -109 400 pour les spécialistes des 14 spécialités les plus fréquentes ; ne parlons pas de paupérisation des médecins !

M. Bernard Cazeau.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Depuis 2002, les revenus des médecins ont augmenté de 1 % par an en euros constants.

Concernant les ASV, je renvoie M. Milon à mon propos liminaire. Les réserves du régime ASV seront épuisées en 2015. Prenons le temps de la réforme en concertation avec les acteurs concernés pour assurer la solidarité intergénérationnelle, le partage de l'effort.

Enfin, je ne résiste pas et je termine par la pique de M. Vasselle sur les circulaires de mon ministère aux ARS : au total, il n'y en pas eu 300 mais seulement 250, dont 25 % d'instructions signalées. On ne réunit pas sept administrations en une sans phase de rodage ! En cela, le chiffre de 250 circulaires est un signe de bon fonctionnement ! (Sourires) Le flux se ralentit, je vous rassure.

Je n'ai pas répondu à toutes les questions. Ce sera pour la discussion des amendements.

M. François Autain.  - Et l'AME ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'AME relève de la loi de finances. Je renvoie chacun à sa connaissance de la mécanique budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.  - Motion n°279, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 84, 2010-2011).

Mme Isabelle Pasquet.  - Les projets de loi se succèdent mais la logique reste la même : l'argent prime sur l'humain ! De recul social en recul social, vous préparez une société du chacun pour soi, vous continuez votre destruction méthodique de l'héritage du Conseil national de la Résistance.

Comme la loi sur les retraites, ce texte d'ultra-austérité fait peser l'essentiel du financement sur les ménages. Vous dites qu'il n'y a pas d'autres solutions. Mais si. D'autres solutions existent. Vous dressez un tableau alarmant pour mieux imposer vos réformes. Mais ce ne sont pas les marchés qui décident, mais vous ! Les droits à la santé et à la sécurité sociale ont valeur supérieure aux lois depuis 1971 et l'insertion du Préambule de 1946 dans le bloc de constitutionnalité.

Votre texte remet en cause l'effectivité de nos droits sociaux : vous mettez en place un système à deux vitesses, un plafond de verre de l'accès aux soins. De plus, vous hypothéquez les droits des générations futures : pas moins de 130 milliards sont transférés à la Cades. Au nom de la résorption des déficits actuels, vous aggravez les déficits futurs. C'est, en définitive, un jeu comptable, de la poudre aux yeux !

Les hypothèses de croissance et d'évolution de la masse salariale retenues pour bâtir le PLFSS sont des chimères. Je vous renvoie aux études de la plupart des experts. Est-ce sérieux ?

M. Guy Fischer.  - Non !

Mme Isabelle Pasquet.  - N'est-ce pas tromper nos concitoyens ? Ce n'est pas ainsi qu'on prépare l'avenir. Pourtant, le code de la sécurité sociale et le Conseil constitutionnel sont clairs : les conditions générales de l'équilibre financier doivent être sincères. Or elles sont faussées.

L'accès aux soins est un droit constitutionnel ; vous le remettez en question. La crise n'explique pas tout : il y a de l'argent, il faut aller le chercher où il se trouve ! Votre taxation des revenus du capital relève de l'affichage. Les dépenses de santé doivent être sanctuarisées : refusons l'hyper-austérité ! Les hôpitaux publics sont montrés du doigt : mais comment faire toujours mieux avec toujours moins ? L'allongement de l'espérance de vie, dont nous devons nous réjouir, pourrait bientôt se tasser en raison de votre politique de réduction des coûts de la santé.

Si le nombre de maladies infectieuses régresse, d'autres affections chroniques se développent et il semble que la mortalité infantile ne baisse plus. Après avoir fermé des maternités « non rentables », vous voulez mettre en place des « maisons de naissance ». Nous sommes opposés à cette démédicalisation dangereuse de l'accouchement. C'est parce que les femmes ont accouché dans des lieux sûrs que la mortalité infantile a diminué. Vouloir que l'on fasse de la médecine partout ailleurs que dans les institutions médicales est illogique et dangereux -je pense aussi à la chirurgie ambulatoire de la cataracte.

Cessons la caricature ! Les fraudes aux ALD ne sont que marginales !

Malgré vos annonces sur la prétendue traque aux niches sociales, les retraites chapeau et stock-options seront épargnées alors que les déremboursements se feront tout de suite. Vous vous refusez par idéologie à chercher de vraies recettes dynamiques.

Ce projet de loi de financement remet en question le droit à la santé. Vous voulez une société où la santé est de moins en moins l'affaire des pouvoirs publics et de plus en plus celle des assureurs privés. Cette remise en question de l'égalité et de la sécurité sociale contredit notre Constitution et pourrait aggraver les inégalités face au droit à la santé.

C'est le sens de notre exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Sans doute n'avez-vous pas lu attentivement le texte ! Tout ce qui s'y trouve va contre votre argumentation.

M. Guy Fischer.  - On n'a pas vu cela !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Relisez-le. Dans l'immédiat, nous sommes opposés à cette motion.

M. François Baroin, ministre.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - C'est le service minimum !

La motion n°279 est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 139
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance demain, mardi 9 novembre 2010, à 10 heures.

La séance est levée à 23 heures 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 9 novembre 2010

Séance publique

À 10 HEURES, À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat (n° 91, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 92, 2010-2011).

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 84, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Vasselle, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 88, 2010-2011) ;

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 90, 2010-2011).