Fiscalité numérique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable.

Discussion générale

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi .  - Nous partons, les uns et les autres, de constats très largement partagés sur l'optimisation fiscale mise en oeuvre par les grandes multinationales de l'internet. Dès 2010, la question de l'évasion fiscale dans le domaine de l'économie numérique a été au coeur du rapport Zelnic, missionné par le président de la République d'alors. Cela s'était traduit, en droit positif, par un vote du Sénat en 2010. Le philosophe Bernard Stiegler disait : « L'industrie numérique menace la puissance publique de devenir incapable. N'ayant pas la capacité de percevoir l'impôt et de percevoir des taxes, elle est mise dans une situation d'incapacitation structurelle ».

Ces problématiques ne connaissent pas de frontières, notamment dans le domaine de la taxation du commerce électronique. Je travaille depuis trois ans sur l'absence de territorialité de l'économie numérique ; je me réjouis que ce soit devenu une question de société. Trois commissions se sont saisies pour avis ; je salue leur contribution au débat et leur soutien à la démarche d'ensemble. Le Sénat avait également abordé le sujet dans le cadre de la commission d'enquête sur l'évasion fiscale.

Je me suis déplacé en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne. Comme la France, ces pays ont entamé des procédures contre Google, Amazon ou Apple sur des affaires fiscales. Je n'ai pas d'informations de première main sur les enquêtes en cous mais il semble que la dilution de la matière fiscale représenterait des montants très importants. L'industrie numérique n'est d'ailleurs pas la seule concernée.

Les Allemands se sont focalisés sur la question de la captation par les moteurs de recherche de la publicité qui allait aux sites de presse. Ils proposent d'accorder aux éditeurs de presse un droit voisin de celui du droit d'auteur. Cette approche très intéressante est complémentaire du volet fiscal. De fait, le coeur de réacteur de la nouvelle économie numérique est la publicité, qui permet la fourniture de services apparemment gratuits. La voie que je défends dans cette proposition de loi se conjugue avec le contrôle fiscal, la notion d'abus de droit, la juste rétribution des auteurs. Elle ne prétend pas résoudre l'ensemble des problèmes. Je ne réclame aucun copyright, je n'ai aucun amour-propre d'auteur. (Sourires) Ce que je souhaite, c'est que les choses avancent.

La presse semble avoir pris conscience du problème : en témoigne un récent numéro de Challenges. Le défi de l'économie numérique, c'est d'oeuvrer pour une fiscalité du XXIe siècle adaptée à notre économie dématérialisée et sans frontières. À nouvelles assiettes, nouveaux impôts.

Les enjeux politiques s'appellent compétitivité, croissance des marchés, impact sur l'industrie européenne. Cela appelle un ensemble d'initiatives dont ma proposition de loi ne représente que le premier étage.

Il faut distinguer le court terme, qui correspond au niveau national ; le moyen terme, qui est le niveau communautaire, avec l'enjeu du délai de basculement de la TVA sur les services électroniques vers l'État de consommation ; enfin, le long terme, c'est-à-dire le niveau international, pour ce qui est de la répartition territoriale des bénéfices.

L'enjeu européen est de renégocier le calendrier d'application de la directive TVA du 12 février 2008 relative aux services électroniques. Cela se tranche à l'unanimité mais la position des grands États européens serait renforcée si ce dossier était sur la table de l'Écofin. Le coût s'élève à un milliard pour la France, à 1,5 milliard pour l'Allemagne, à 1,2 pour la Grande-Bretagne. Le compteur tourne, je ne rappelle pas la situation de nos finances publiques.

Nous bénéficions d'une conjonction favorable des astres. La réflexion au sein de l'OCDE a été relancée à l'initiative du Chancelier de l'Échiquier, rejoint par MM. Schäuble et Moscovici. Dans ce plan d'action BEPS (pour Base Erosion and Profit Shifting) se joue l'avenir de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci est de plus en plus inégalitaire (M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, approuve) entre les entreprises à vocation multinationale et celles qui sont ancrées sur le territoire. Le G20 de Moscou devrait prochainement valider la démarche, qui devra déboucher sur un plan d'action opérationnel.

Quel peut être notre rôle ici ? Faire naître le débat, l'ouvrir, en appeler à l'opinion publique.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi.  - Nous avons été très attentifs au rapport de MM. Pierre Collin et Nicolas Colin, qui ont engagé une démarche très intelligente. On ne pouvait pas en attendre moins d'un inspecteur des finances et d'un conseiller d'État. (Sourires)

L'économie numérique n'est pas un secteur de l'économie, elle est un vecteur de transformation de tous les secteurs de l'économie, écrivent-ils. Le droit fiscal peine à s'adapter aux effets de la révolution numérique. Le point commun à toutes les grandes entreprises du numérique est la collecte des données des utilisateurs. Ce sont les internautes qui créent la valeur des fonds de commerce des réseaux par l'apport d'informations gratuites que ceux-ci font circuler sur la Toile. Sortir de cette aliénation économique est une démarche intelligente, mais quelle assiette fiscale ? Quels redevables ? J'espère que les experts de la direction de la législation fiscale pourront le dire rapidement.

Quelles traductions législatives concrètes ? Ma proposition de loi n'est pas parfaite. La déclaration du chiffre d'affaires serait difficile à faire appliquer et à contrôler, m'a-t-on objecté. Le portail électronique du « mini-guichet » européen pour les sites extracommunautaires n'a pas rapporté beaucoup à la France mais on ne remet pas en cause le système de la TVA pour autant ! Une taxe sur la publicité en ligne tuerait l'écosystème français ? La taxe locale sur la publicité extérieure a-t-elle tué la publicité sur la voie publique ? On m'oppose la nécessité d'un motif d'intérêt général pour instaurer une procédure dérogatoire de déclaration du chiffre d'affaires. Je défends l'idée que la sauvegarde du marché intérieur et la lutte contre les positions dominantes ressortissent à l'intérêt général. La libre concurrence est un point fondateur de l'Union européenne.

Le chef de cabinet de M. Almunia m'a indiqué que quatre griefs contre Google étaient retenus par la Commission européenne : manipulation des résultats de recherche et défaut d'objectivité des algorithmes ; utilisation d'informations de sites tiers en tant que « données Google », une sorte de vol ; clauses de contrats abusives ; restriction à la portabilité des campagnes de publicité vers les autres sites. (M. David Assouline s'impatiente) À la commission de se déterminer : contentieux ou transaction ? Le Gouvernement devra y être attentif. Une transaction, pour laquelle toute les forces du lobbying sont mises en oeuvre, apportera-t-elle vraiment de la transparence ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yvon Collin, rapporteur de la commission des finances .  - Le sujet est au coeur de l'actualité et du nouveau modèle de croissance. Les distorsions de concurrence, l'optimisation fiscale pour les grands acteurs de l'internet sont une préoccupation majeure. Sachons gré à M. Marini d'avoir été à l'initiative des travaux de notre commission sur ce sujet depuis 2009. Il a su mettre ces questions au coeur du débat public : c'est un succès pour le Sénat.

Le Gouvernement s'est aussi saisi de la question de l'optimisation fiscale, lançant une mission sur la fiscalité de l'économie numérique ; nous en avons auditionné les rapporteurs. Sur le plan international, le Gouvernement s'est associé à la saisine de l'OCDE et de la Commission européenne sur ces problèmes.

Ces questions techniques s'insèrent dans un environnement juridique très complexe et j'ai multiplié les auditions pour tenter d'acquérir un vernis de connaissances sur ce sujet.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.  - Quelle modestie !

M. Yvon Collin, rapporteur.  - La proposition de loi ne répond pas spécifiquement à une problématique de financement de tel ou tel secteur, sans pour autant fermer la réflexion sur l'affectation des recettes fiscales.

La taxation de la publicité s'applique aux divers supports. Pour M. Marini, rien ne justifie que la publicité en ligne y échappe, ni que les services en ligne échappent à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). Les entreprises françaises sont concurrencées par des sites basés à l'étranger, qui ne sont pas soumis au même taux de TVA, non plus qu'aux taxes destinées à financer l'audiovisuel public et le cinéma, les collectivités territoriales.

Cette proposition de loi institue, dans son volet procédural, une obligation de déclaration soit en désignant un représentant fiscal, sur le modèle de l'agrément accordé aux jeux en ligne, soit en utilisant le régime spécial de déclaration pour les services par voie électronique par une procédure dématérialisée. S'ajoute un volet fiscal, avec la taxe sur la publicité en ligne, la taxe sur les services de commerce électronique et la taxe sur les vidéogrammes à la demande. La taxe sur la publicité en ligne s'appliquerait aux régies publicitaires, et non plus aux annonceurs, comme en 2010, pour y assujettir les acteurs étrangers. Le taux serait de 0,5 % entre 20 et 250 millions d'euros, de 1 % au-delà. Le gain fiscal escompté serait de 20 millions d'euros environ. La taxe sur les services de commerce électronique serait due par les personnes vendant ou louant biens et services, par voie électronique, à tout particulier en France. Elle ne s'appliquerait qu'à partir d'un chiffre d'affaires annuel de 460 000 euros ; son taux serait de 0,25 % assis sur le montant hors taxes. La Tascom, quand elle est acquittée par le redevable, serait déductible à hauteur de 50 %. Le produit attendu serait de 150 millions en 2015 ; il serait affecté au bloc communal, qui a beaucoup souffert de l'érosion des bases fiscales ces dernières années. La proposition de loi étend aux acteurs du Net hors de France la taxe sur les vidéogrammes à la demande ; dans son principe, les professionnels y sont favorables. Enfin, cette proposition de loi prévoit un rapport au Parlement évaluant le coût de l'optimisation fiscale en la matière ; le rapport Collin et Colin satisfait en grande partie cette demande.

M. Marini veut jeter les bases de la fiscalité numérique au plan national pour préfigurer une taxation globale européenne. Quel dispositif adopter ? La mission Collin et Colin dresse un état des lieux. L'érosion des bases d'imposition est bien connue. La mission souligne que l'intensité de la collecte des données, rendue possible par le travail gratuit des utilisateurs, est la principale richesse des réseaux. Elle propose donc un prélèvement reposant sur cette collecte, en avançant l'objectif d'intérêt général de protection des données personnelles. C'est le principe du « prédateur-payeur ». (M. André Gattolin approuve) Cette taxe frapperait les entreprises françaises et celles non établies sur le territoire.

Cette proposition ne paraît toutefois pas immédiatement opérationnelle. Elle pose davantage de questions qu'elle n'apporte de réponses : quelles données ? Comment en fixer la valeur ? Quels redevables ? Quel volume de données ? Pour quelle utilisation ? Le motif d'intérêt général avancé sera-t-il suffisant pour justifier une dérogation au droit communautaire ? La mission n'avance aucun chiffrage... Sa proposition s'expose aux mêmes critiques que la taxe sur la publicité en ligne, les acteurs français seraient pénalisés. Les arguments en faveur de la taxation des données reprennent ceux de M. Marini : la taxe sur la publicité en ligne prévoit déjà un barème progressif d'imposition.

Il serait prématuré de porter un jugement définitif sur ces deux approches. Si l'objectif est commun, la proposition de loi se veut concrète et opérationnelle, tandis que le rapport de la mission est davantage académique et prospectif.

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi.  - Il brille par son intelligence.

M. Yvon Collin, rapporteur.  - La date d'examen de la proposition de loi est trop précoce pour proposer une réponse opérationnelle. Même si le Gouvernement semble convaincu d'agir rapidement au niveau national, sa démarche s'inscrit dans un calendrier : les 30 nouveaux membres du Conseil national du numérique viennent d'être nommés ; le rapport Lescure sera remis en mars ; enfin, il faudra tenir compte des décisions du G20.

Je souhaite donc que le Gouvernement précise ses intentions et je vous proposerai d'adopter une motion de renvoi en commission. (Applaudissements)

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Je rends hommage à M. Marini pour sa ténacité et sa persévérance. Il mène ce combat avec M. Arthuis depuis plusieurs années pour la neutralité et l'équité de la fiscalité numérique.

L'économie numérique est, bien sûr, notre avenir mais déjà, notre présent. Elle représente 5 % de notre PIB, elle a créé 750 000 emplois ces dernières années. Environ un quart à un tiers de la productivité provient de ce secteur en Europe. Comment ne pas rappeler que la première capitalisation boursière est Apple ? Le rapport de MM. Collin et Colin indique que 80 % de l'économie française serait impactée par cette proposition de loi. Autre preuve de la transversalité de l'économie numérique, la présence de trois rapporteurs pour avis.

L'an dernier, Jeremy Rifkin, dans un livre passionnant, a souligné que tous les grands bouleversements sont nés de la conjonction entre nouveaux moyens de communication et nouvelles énergies depuis la Mésopotamie et les révolutions industrielles jusqu'aux énergies renouvelables aujourd'hui. Le numérique n'est pas une menace, c'est une chance. Évitons donc deux écueils : la tentation de punir un secteur particulier, ce qui n'aurait pas de sens, et l'attitude consistant à considérer que ces anciens étudiants philanthropes travaillent au bien de l'humanité et qu'il faut les laisser faire.

Les choses bougent. En 1999, Bill Clinton fait passer l'Internet Freedom Tax Act. Aujourd'hui, David Cameron, à Davos, fait de la lutte contre l'évasion fiscale une priorité du G8, dont la Grande-Bretagne s'apprête à prendre la présidence après l'affaire Starbucks révélée par l'agence Reuters. C'est que les Google, Apple, Facebook, Amazone dits « Gafa » sont en position dominante, que les États vivent une crise de la dette souveraine, qu'une fracture se crée entre l'économie physique et l'économie numérique. M. Marini rappelle que la Tascom ne s'applique pas au commerce en ligne, que l'économie numérique est taxée à 0,4 %, contre 6 % pour l'économie traditionnelle. Il y a donc distorsion de concurrence, y compris au sein même de l'économie numérique où les grands groupes profitent des données gratuitement. Il fallait donc faire quelque chose, mais comment ?

Les grands groupes de l'internet, de par leur nature, compliquent notre tâche. Ils sont jeunes, agiles fiscalement et aisément délocalisables.

Il faut tenir trois fronts à la fois, à commencer par le front national. Nous avons deux propositions, celle de M. Marini, concrète, opératoire, qui procède par analogie avec la fiscalité existante, et celle de MM. Colin-Collin, qui constitue un sommet intellectuel. À lire leur rapport, on éprouve un vrai plaisir à prendre de la hauteur car ils ont excellemment décrypté le fonctionnement de l'économie numérique. Leur objectif est double : rapatrier les bases fiscales, comme M. Marini, mais aussi créer des comportements vertueux. Il y a là quelque chose de paradoxal, d'autant que la proposition Collin et Colin aboutirait à une intensification de l'utilisation des données. En tout état de cause, la nouvelle notion d'établissement virtuel stable sera utile dans les discussions du G20.

Le front national sera inconsistant si l'on ne résout rien au niveau communautaire. L'enjeu est l'application de la directive TVA sur les services électroniques en 2015. Grâce au Luxembourg, ou à cause de lui - et personne n'a oublié comment le chef du gouvernement luxembourgeois nous prodiguait ses conseils pour gérer nos finances publiques ... - le rendez-vous a été reporté à 2019. Il faut avancer les délais à 2014 et 2018, c'est important pour nos entreprises.

Sur le front international, on observe, comme l'a dit M. Marini, une conjonction des planètes. On évoque souvent le sandwich hollandais à la sauce irlandaise. Avec 1 400 milliards de dollars bloqués dans les paradis fiscaux, les États-Unis veulent désormais agir et ils seront notre allié. Il en sera de même avec les pays émergents. Le rapport de l'OCDE est donc fondamental. Peut-être une convention multilatérale permettrait-elle d'être plus rapide.

Ayons une vision anticipatrice car on ne peut calquer les règles de la nouvelle économie sur celles de l'ancienne. Rendons à César ce qui est à César : merci encore à M. Marini. (Applaudissements à droite)

M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Les Gafa enregistrent des bénéfices démesurés mais sont ridiculement peu taxés. Les États sont démunis face aux géants d'internet. Ne renonçons pas, pour autant, à trouver la voie d'une fiscalité numérique juste et équitable.

La proposition de loi de M. Marini constitue une voie pour sortir de l'impasse avec deux taxes nouvelles : la Tascoé et l'extension de la taxe sur la VOD aux acteurs étrangers - cette dernière finançant le Centre national du cinéma  (CNC).

Notre commission a tenu plusieurs tables rondes sur le sujet en 2012 avec le groupe « culture et nouvelles technologies ». Toute modification de la législation sur le numérique impactera le secteur de la culture, qui bénéficie de taxes affectées dont les bases fiscales s'érodent. Ce texte est inopérant en matière d'affectation des taxes au financement de la culture. Seul l'article 2 crée un mécanisme au bénéfice du CNC ; l'article premier, coeur du dispositif, ne dit mot des industries culturelles, la Tascoé et la taxe sur la publicité étant affectées au budget de l'État et des collectivités territoriales. Pourtant, les acteurs de la culture ont des besoins de financement considérables, à commencer par le Centre national du livre  (CNL). Idem pour le secteur de la musique où le succès de Deezer met en péril les grands acteurs traditionnels tels que la Fnac. Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) doit devenir un acteur clé, à condition que son budget soit augmenté. Quoi qu'il en soit, la taxe sur la VOD ne rapporterait que 20 millions par an, à partager entre ces deux organismes.

La proposition de loi anticipe sur les travaux en cours : les propositions audacieuses et quelque peu iconoclastes de MM. Collin et Colin, qui prônent une fiscalité incitative assise sur la collecte et l'exploitation des données personnelles, la table ronde sur la fiscalité numérique organisée le 18 janvier par le Gouvernement, et la mission Lescure qui rendra ses conclusions en mars.

La réflexion progresse également en Europe où tous les États sont confrontés à la difficulté de recouvrer l'impôt à l'étranger et aux distorsions de concurrence.

Aussi, si le gouvernement français a vocation à lancer un signal fort sur la fiscalité numérique, il ne peut en dessiner seul les contours. Pour preuve, la déclaration conjointe de la France, de la Grande Bretagne et de l'Allemagne les 5 et 6 novembre 2012. Des propositions transversales verront bientôt le jour. Pouvez-vous, madame la ministre, en dévoiler les grandes lignes ? En tout état de cause, notre commission veillera au financement du secteur de la culture. Bref, en attendant des recommandations européennes ou internationales, il apparaît urgent d'attendre. La commission de la culture a donné un avis favorable à la motion de renvoi en commission.

La séance, suspendue à 11 h 35, reprend à 11 h 40.

M. Yves Rome, rapporteur pour avis de la commission du développement durable .  - À titre liminaire, je me félicite que le projet de monopole des lois financières n'ait pas vu le jour. Nous n'aurions pu débattre de la fiscalité numérique, sinon par bribes entre quelques articles, comme nous le fîmes récemment. Notre incapacité à bâtir une fiscalité numérique ne tient-elle pas à la précipitation à laquelle nous condamne la procédure budgétaire ?

La commission des finances nous fait la très sage proposition de prolonger le temps de notre réflexion. Nous nous y rallions, mais non par souci de lenteur. Au contraire, il y a urgence à adapter notre économie aux enjeux d'aujourd'hui et à mieux lutter contre l'évasion fiscale. Cette dernière ne peut pas être régulée, il faut restaurer la souveraineté fiscale mise à l'encan par les grands groupes de l'internet. Nous savons gré à M. Collin d'inscrire la réflexion dans un calendrier plus global.

Toutefois, l'adoption de la motion de renvoi ne doit pas diminuer notre ardeur à construire une fiscalité numérique neutre et équitable. L'économie numérique connaissant une croissance exponentielle, le Gouvernement tirera grand profit de notre mobilisation générale. La proposition de loi promet plus par son titre qu'elle ne tient, mais définit clairement les enjeux.

Oui, il faut instaurer la neutralité entre acteurs français et étrangers, entre économie traditionnelle et économie numérique. Cette dernière, avec des bénéfices massifs et une taxation ridicule, réduit singulièrement les dividendes fiscaux pour alimenter les paradis fiscaux - certains territoires de l'Union européenne servant de conduit à l'évasion fiscale internationale.

La remise en ordre de l'économie numérique répond donc à des enjeux considérables : il y va de la justice fiscale, de l'équité fiscale, et donc de la régularité de la concurrence (M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi, approuve), de la capacité de notre pays à redresser la trajectoire de nos finances publiques, de la croissance, et donc du financement de notre modèle social.

Face à cette situation, que dire de la solution présentée par M. Marini ? Son objectif limité ne répond pas aux attentes. La démarche globale engagée par le Gouvernement doit prévaloir. Il y aurait d'ailleurs inconvénient à procéder à une construction fiscale par une proposition de loi. Nous déplorons l'intégrisme des institutions européennes en matière de concurrence ; hélas, il faut en tenir compte. Nous avons trop l'habitude des censures qui coûtent si cher à notre budget. Madame la ministre, je vous demande de dénoncer haut et fort les ravages de la concurrence fiscale dans l'Union, qui font obstacle à l'objectif, tant annoncé, de faire de l'Europe l'économie la plus compétitive du monde.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Yves Rome, rapporteur pour avis.  - Ce texte, en tout cas, invite à la réflexion de même que le rapport de MM. Collin et Colin. Mobilisons notre diplomatie fiscale pour aboutir rapidement ! Le Sénat doit continuer à jouer tout son rôle dans ce travail collectif.

Pour finir, un dernier voeu, qui n'est pas le moindre. L'amélioration de l'économie numérique passe par une contribution juste à l'équipement du territoire en réseaux de troisième et quatrième générations. On recense trop de passagers clandestins, alors que les collectivités territoriales et l'État sont très sollicités. La France rurale doit-elle financer les dividendes d'un habitant de Los Angeles ou alimenter des comptes détenus dans des territoires timbre-poste ? Imagine-t-on que le contrôleur de la SNCF verse à d'autres que les entreprises du rail le produit du billet contrôlé ? Il faut des ressources dynamiques et pérennes pour les réseaux.

Le « Vendée Globe », n'est-ce pas monsieur Retailleau, a soufflé en direction de la proposition de loi de M. Marini, merci au président de la commission des finances ! (Applaudissements)

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique .  - Les débats techniques et riches en commission ont abouti à un consensus : il faut, pour l'économie numérique, une fiscalité neutre et équitable. M. Marini a été l'initiateur de cette réflexion mise à l'ordre du jour des réunions européennes et internationales. Le changement radical de notre économie exige, en effet, une adaptation de notre droit fiscal.

D'où la mission que j'ai confiée à MM. Collin et Colin dès juillet 2012. Ministre de l'économie numérique, je suis sans cesse saisie de cas de distorsions de concurrence.

Si les problématiques culturelles sont importantes, ne perdons pas de vue que le glissement de valeurs, provoqué par la dématérialisation, affecte l'ensemble de notre économie. Notre objectif doit donc être de mettre fin à une rupture d'équité fiscale entre tous les acteurs.

Les règles en matière de domiciliation fiscale des entreprises n'ont plus d'accroche. Il faut un plan de sauvetage de l'impôt sur les sociétés si l'on veut en rétablir la territorialité.

Première proposition de M. Marini : l'obligation de déclarer et payer des taxes, soit par désignation d'un représentant fiscal, soit par déclaration d'activité par voie électronique. La première option se heurte au droit communautaire, qui exige un motif d'ordre public - comme pour les jeux en ligne. Comme le relève le rapport Collin et Colin, la collecte des données personnelles est au coeur de la création de valeur pour les entreprises concernées ; l'impératif de protection de ces données pourrait à terme justifier de leur imposer une représentation en France. Il paraît difficile en l'état de mettre en place cette obligation déclarative.

La proposition de loi crée deux taxes. Celle sur la publicité en ligne, sur le modèle de celle créée par la loi de finances pour 2011, porte sur les régies, afin d'éviter les difficultés rencontrées avec la taxe Google. Le Gouvernement n'y est pas favorable, car elle sera répercutée sur les annonceurs et pénaliserait les acteurs français, déjà fragiles. Il existe en outre déjà de nombreuses taxes sur la publicité. Nous risquons de manquer la cible.

La Tascoé frapperait elle aussi les acteurs français sans que l'État ait les moyens de taxer les entreprises installées à l'étranger. La déductibilité de la Tascom pose un problème de compatibilité avec le droit communautaire. Les professionnels s'inquiètent légitimement de cette proposition que le Gouvernement ne soutient pas.

Quant à la taxe sur les vidéogrammes à la demande, elle ne pourra être opérante qu'à partir de 2015, quand les nouvelles règles de territorialité de la TVA et le guichet unique seront effectifs. Le Gouvernement préconise donc le renvoi en commission de ce texte.

Le Gouvernement propose un plan d'action, à la suite du rapport Collin et Colin. Il comporte un volet international et la France présentera des propositions à la Commission sur l'imposition des entreprises. À ceux qui trouveraient l'attente trop longue, je rappelle qu?il y a trois ans, la Commission avait tendu la main à la France mais que le précédent gouvernement ne l'avait pas saisie... Aujourd'hui, nos partenaires européens sont tous mobilisés, comme l'est l'OCDE, pour établir une définition de l'établissement stable. Les États-Unis sont également concernés.

En matière de TVA, la France exigera le respect du calendrier. Dans ce contexte, tout projet de taxe sectorielle pour financer tel ou tel secteur de l'économie serait mal reçu par nos partenaires. Enfin, nous expertisons toutes les formes de taxation : taxe au clic, rémunération des bandes passantes, etc. Il en va de la compétitivité de la France. Le Gouvernement soutient la motion de renvoi en commission. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du groupe écologiste)

M. Jean Arthuis .  - Je salue l'opiniâtreté de M. Marini, qui a permis l'inscription à l'ordre du jour de cette question particulièrement sensible. Je remercie également le rapporteur et les rapporteurs pour avis, ainsi que la ministre.

L'annonce de la fermeture du Virgin Mégastore des Champs-Élysées traduit brutalement un bouleversement qui n'est pas dû qu'à la crise économique. Avec la finance, le numérique est une des expressions les plus abouties de la globalisation. En vingt ans, toutes nos habitudes de consommation, en particulier d'accès aux biens culturels, ont radicalement changé par la dématérialisation. La mondialisation, je ne cesserai de le dire, remet en cause des pans entiers de notre législation.

L'activité des géants du net interroge la territorialité de l'impôt, sur quelque rive de l'Atlantique ou du Pacifique qu'on se trouve. Dans une économie globalisée, il est absurde, suicidaire même, de taxer la production ; c'est inciter aux délocalisations et à la désindustrialisation. La France en fait amèrement l'expérience. Taxons enfin ce qui est réellement imposable : les produits. Je suis très réservé sur de nouvelles taxes qui créeront de la complexité et ouvriront la voie à de nouvelles optimisations. Seule la TVA garantit aux États des ressources et une concurrence saine. La cacophonie européenne sur ce sujet est désolante, révélatrice de nos frilosités.

La tartufferie des dispositions actuelles profite au Luxembourg, qui a obtenu une dérogation pour les transactions immatérielles ; il peut ainsi pratiquer le dumping fiscal au détriment de ses partenaires. Le taux normal de TVA y est de 15 %, sans parler du livre numérique... L'Irlande impose les bénéfices des sociétés à 12,5 %, contre une moyenne européenne supérieure à 30 %. Et elle fait appel à l'Union européenne pour équilibrer son budget !

Il nous tarde de voir la directive TVA entrer en vigueur : l'impôt sera enfin perçu par l'État de résidence du consommateur. Une fraction du produit de TVA devra être allouée aux collectivités territoriales, le commerce en ligne étant un défi à la territorialisation de l'impôt.

Je veux dénoncer l'inconséquence de la Commission européenne et du Conseil européen sur ce dossier. Leur complaisance favorise les fraudeurs. Google est l'exemple des pires comportements du passager clandestin : domicilié aux Bermudes, elle efface 4,5 milliards de dollars de son bénéfice, qui sera imposé, en Irlande, à 12,5 %. Pour éviter les taxes sur le transfert, on passe par les Pays-Bas : c'est le fameux double sandwich, qui est bien indigeste. Est-ce pour son indulgence fiscale que l'on a nommé le ministre des Pays-Bas à la présidence de l'Eurogroupe ? Il est vrai que son prédécesseur était luxembourgeois...

L'absence de régulation européenne nous condamne à la gesticulation. Il faut convaincre certains États membres de cesser de faire cavalier seul, comme l'Autriche qui vient de signer une convention d'échange d'informations avec les États-Unis - mais le refuse à ses partenaires européens.

L'économie numérique n'en est qu'à ses balbutiements et son fonctionnement est déjà vicié. Nous ne pouvons nous contenter de jeter un voile pudique sur cet enjeu majeur. De nombreux travaux sont en cours, le groupe de travail de l'OCDE doit encore rendre ses conclusions. Le rapport de MM. Colin et Collin est intéressant, mais il faut prendre la mesure de la porosité de nos bases fiscales dans un contexte mondialisé. Je salue les initiatives de notre commission de la culture et Mme Morin-Desailly. Seul le niveau communautaire est pertinent pour obliger Google, Facebook ou Amazon à s'asseoir à la table des négociations et à contribuer à juste proportion de leurs profits au financement des politiques publiques. À quand une fiscalité numérique effective ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. André Gattolin .  - Merci à M. Marini pour ses travaux sur la fiscalité numérique. Sa proposition de loi ouvre le débat sur nos capacités à financer, demain, nos politiques publiques, sur les défis que pose l'économie numérique.

La nouvelle taxe sur la publicité en ligne est une piste intéressante pour imposer des bénéfices réalisés sur notre territoire et rééquilibrer un peu la position des entreprises françaises face aux Gafa. Son affectation au budget général de l'État est également positive. Mais cette proposition oublie les entreprises qui collectent des données personnelles ou encore celles qui agrègent des données collectées par d'autres... La recette attendue devient marginale.

Le rapport Collin et Colin apporte de nouvelles pistes pour élargir l'assiette fiscale. Donnons-nous le temps d'en étudier les propositions. Le principe « prédateur-payeur » est très intéressant. Le groupe écologiste souscrira à la motion de renvoi, même s'il y a urgence à établir une vraie fiscalité numérique.

Notre économie se transforme profondément et rapidement, mais notre fiscalité reste inscrite dans le cadre national d'une production matérielle et territorialisée ; elle est fondée sur une logique de stock. Or l'économie est de plus en plus mondialisée, les biens sont de plus en plus virtuels, la frontière entre consommation et production est de plus en plus difficile à établir, la création de valeur, fondée sur une logique de flux, est de plus en plus dématérialisée.

C'est l'architecture globale de notre fiscalité que nous devons repenser. Pour les écologistes, elle doit répondre à trois défis : la mondialisation économique, la révolution numérique et la transition écologique. C'est dire que la fiscalité numérique devra s'articuler - le retard à combler est énorme - avec une véritable fiscalité écologique ...

M. Philippe Marini.  - Cela reste un peu flou !

M. André Gattolin.  - ... et avec la taxation des transactions financières. Voilà quinze ans que nous la demandons. Les choses avancent...

M. Philippe Marini.  - Londres s'en réjouit !

M. André Gattolin.  - ... mais les bases sont encore trop réduites.

Comment l'État pourra-t-il faire face aux défis de demain si ces nouvelles taxes ne représentent pas, d'ici dix ans, 10 % de ses recettes budgétaires ?

M. Michel Le Scouarnec .  - Les Gafa pratiquent une optimisation fiscale scandaleuse, avec des montages complexes pour échapper à l'impôt. L'évasion fiscale se monterait à 50 milliards d'euros en France. D'après le Conseil national du numérique, les revenus des Gafa oscillent entre 2,5 et 3 milliards par an et ils n'acquittent que 4 millions d'euros d'impôt sur les sociétés. Ils devraient en payer en France 125 fois plus !

Les services numériques échappent aussi à la TVA. La publicité est taxée sur les médias traditionnels, mais pas sur internet ; les surfaces commerciales sont soumises à la Tascom, mais pas les services électroniques. Le manque à gagner de TVA était estimé à 300 millions d'euros en 2008 ; ce serait sans doute 600 millions en 2014. Des réflexions sont engagées au niveau européen qui ne devraient cependant déboucher qu'en 2015 - encore une période transitoires est-elle prévue jusqu'en 2019.

La proposition de loi comporte des propositions intéressantes. L'obligation de déclaration d'activité vise à rétablir l'équité fiscale : c'est notre objectif commun. Le texte propose trois taxes : sur la publicité, sur les services électroniques et sur la VOD. Leur rendement est toutefois insuffisant à nos yeux : nous sommes loin des 500 millions évoqués par le CNN. Taux et assiette méritent débat au regard des besoins en haut débit et de développement des acticités culturelles. Le rapport Collin et Colin suggère de taxer l'utilisation des données personnelles. La réflexion doit être approfondie, toutes les solutions doivent être creusées avant de porter un jugement définitif.

Comme l'a dit Mme la ministre, il faut aborder le sujet dans sa globalité, fiscalité, contenus, « tuyaux », sans le segmenter. La loi doit aborder la question du financement de la culture sur internet, de l'utilisation des articles de presse, avec un droit voisin du droit d'auteur.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Michel Le Scouarnec.  - Elle doit réglementer les usages. Free a bloqué la publicité pour viser Google : la question de la neutralité du net se pose.

Dans un souci de justice et d'efficacité, nous soutenons le renvoi en commission. Luttons, tous ensemble, contre l'évasion fiscale pour construire de nouvelles solidarités. (M. François Marc approuve) L'Europe doit nous y aider. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Plancade .  - La fiscalité du numérique est aujourd'hui inexistante. C'est une problématique transversale, on l'a dit. M. Marini a été un précurseur sur ce sujet. Merci à Yvon Collin pour son excellent rapport : c'est Collin, non au carré, mais au cube ! (Sourires) Félicitations aussi à M. Retailleau pour son intervention pertinente. Yves Rome a raison d'évoquer la fracture territoriale. Je salue aussi M. Domeizel : les financiers de la commission des finances oublient parfois un peu la culture...

M. David Assouline.  - Et l'exception culturelle !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Le numérique est parfois vu comme menace : le rapport Collin et Colin qualifie l'économie numérique de « vorace ». Mais elle est aussi porteuse de croissance et d'emploi.

Les Gafa multiplient les stratégies d'optimisation pour échapper à l'impôt sur les sociétés et à la TVA. Cela nous choque, quand on voit le chiffre d'affaires de Google en hausse de 32 % pour dépasser 50 milliards de dollars - qui ne paie que 5 millions d'impôt sur les sociétés... Les enjeux sont démultipliés dans l'économie numérique avec la dématérialisation. D'où l'urgence de développer de nouveaux instruments. C'est tout l'enjeu de la proposition de loi Marini, qui risque toutefois de ne pas atteindre ses objectifs, voire d'être contreproductive. La Tascoé pourrait ainsi de peser sur les acteurs nationaux. Quant au régime de déclaration, il poserait des problèmes pratiques de mise en oeuvre.

Le plan d'action annoncé par madame la ministre va dans le bon sens. Il faut des solutions à l'échelle européenne et internationale, ce qui ne doit pas empêcher la France de prendre des mesures qui pourront servir d'exemple. En attendant, le groupe RDSE soutient l'analyse du rapporteur Yvon Collin. (Applaudissements)

M. Francis Delattre .  - M. Marini a entamé cette démarche depuis 2009, nous saluons sa persévérance. Les Gafa, installés en Irlande et au Luxembourg, échappent à toute taxation de leurs bénéfices en France. Google réalise 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 10 milliards de bénéfices, et ne paye que quelques millions d'impôt. Le changement de son algorithme a évincé des PME, notamment françaises : illustration de sa position dominante.

La taxe dite Google, adoptée par le Sénat, a été abrogée avant son entrée en vigueur à l'été 2011 car elle semblait mal calibrée et frappait les PME françaises. M. Marini a proposé la Tascoé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 puis retiré son amendement retiré en séance à la suite de l'engagement du gouvernement de l'époque de lancer une réflexion globale. Nous y sommes ! Le rapport de MM. Collin et Colin a été publié le 18 janvier. Il préconise une fiscalité neutre et équitable, via la taxation du comportement des acteurs du numérique au regard de la manière dont ils collectent et utilisent les données personnelles - l'externalité positive.

La nouvelle taxe sur la publicité en ligne, mieux calibrée, frappe désormais les régies. Elle pourrait s'appliquer à Google au titre du milliard de chiffre d'affaires engrangé sur le marché français. La Tascoé est moins symbolique, avec un produit estimé à 200 ou 300 millions à l'horizon 2015. La proposition de loi étend également aux acteurs étrangers la taxe sur la VOD.

La commission des finances a voté à l'unanimité une motion de renvoi en commission : le groupe UMP s'y rallie pour voir prospérer la proposition de loi de notre collègue. Mme la ministre s'est engagée à approfondir les travaux pour aboutir d'ici l'été à un texte. Je crois beaucoup au rapport de l'OCDE : nos interlocuteurs sont parfaitement conscients des questions qui nous préoccupent. L'échange d'informations fiscales est crucial. Nous comptons aussi sur le prochain G20.

Notre groupe soutient la démarche de la proposition de loi : dans le respect du principe de neutralité et d'équité fiscale, de nouvelles recettes seront bienvenues pour nos finances. Il faudra bien cibler les nouvelles taxes pour ne pas pénaliser les PME françaises.

Cette proposition de loi est une étape : nous voterons son renvoi en commission. (Applaudissements à droite)

M. Yannick Botrel .  - Le sujet est d'actualité, nous venons d'auditionner MM. Collin et Colin la semaine dernière. Le président Marini qui se penche depuis trois ans sur la fiscalité numérique a été précurseur. Le président de la République a bien pris la mesure des enjeux stratégiques du secteur en diligentant une mission d'expertise dès le mois de juillet dernier. Le Gouvernement n'a pas non plus été inactif, qui s'est associé à la saisine de l'OCDE sur la question de la territorialité. La Commission européenne a elle aussi été saisie pour définir une approche communautaire contre la fraude et l'optimisation. Il existe un consensus pour agir.

Les entreprises numériques échappent à l'impôt dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices, alors que leurs profits sont considérables. Le Monde le rappelait encore hier... Or le droit fiscal peine à s'adapter à la révolution numérique. Il faut agir avec méthode pour ne pas prêter le flanc à la contestation. L'impôt sur les sociétés est l'outil le plus adapté, à condition de définir la notion d'établissement stable, dit le rapport Collin et Colin. La proposition de loi envisage, quant à elle, de nouvelles taxes. Les pistes sont donc nombreuses. Le G20 prendra des décisions sur la base du prochain rapport de l'OCDE. Mme la ministre a présenté les projets du Gouvernement et pris des engagements.

Je me rallie donc, au nom du groupe socialiste, à la position équilibrée de la commission des finances. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vais suspendre la séance. La suite du débat se déroulera le 28 février prochain.

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.