Débat sur la Corse

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la Corse et la réforme territoriale, à l'initiative du groupe RDSE.

M. Nicolas Alfonsi, pour le groupe RDSE .  - Je me félicite du succès de l'équipe de France, expression d'une solidarité qu'on aimerait voir étendue à d'autres domaines.

Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté ce débat, dont on peut cependant se demander s'il est toujours d'actualité, maintenant qu'il a été repoussé jusqu'après votre voyage en Corse. Il permettra, espérons-le, d'éclaircir quelques zones d'ombre. Il concernera l'organisation territoriale de la Corse, mais c'est l'ensemble des problèmes propres à ce territoire que nous voulions à l'origine évoquer.

Il existe, de la part des élus et de l'Assemblée de Corse, une revendication permanente de légitimité. L'Assemblée s'arroge le droit de voter des motions qui ne relèvent pas de sa compétence normale... Autre donnée fondamentale : le sentiment permanent que les Corses ont de leur différence. On se veut tellement différent qu'il suffirait que la France devînt un État fédéral pour que nous réclamions l'indépendance ! Dans ces conditions, le dialogue est naturellement difficile...

1982, 1992, 2002, 2012 : il existe comme une fatalité décennale en Corse. Depuis l'élection de 2010, on ne cesse de parler d'une nouvelle réforme. Monsieur le ministre, à Ajaccio, vous avez dit l'essentiel sur la langue. Mais je suis toujours partisan de la proposition 56 du candidat Hollande sur une révision constitutionnelle qui concernerait toutes les régions, mais opposé à toute mesure spécifique pour la Corse. Vous avez dit votre position sur le statut de résident. Des élus ont déposé un texte. Il a été voté, par 29 voix contre 9. Enfin, sur le troisième point, fondamental, je n'ai pas réussi à décrypter votre discours sur la révision constitutionnelle.

Une résolution a été votée par la droite et la gauche pour introduire un nouvel article 72-5, au prix d'un quiproquo car pour les uns il s'agit du droit de résident, pour les autres du droit de chasse. Au fond, on se range aux positions du FLNC. Dans sa dernière déclaration, celui-ci réclame un nouveau statut « négocié avec l'État français ». L'Assemblée de Corse et le FLNC disent la même chose car depuis dix ans les nationalistes ont la volonté de négocier sur un pied d'égalité avec l'État. Vous avez parlé de « dialogue », ce n'est guère différent... Vous avez dit que l'inscription de la Corse dans la Constitution pourrait servir de base à une reconnaissance de la singularité corse. Comme pour la Nouvelle-Calédonie, à ceci près que, pour celle-ci, l'article 77 énumère précisément les compétences transférées.

Ce ne serait certes pas contraire au principe constitutionnel d'égalité, mais cela nous placerait dans une situation inextricable, en encourageant de nouvelles revendications qui nous éloigneraient encore de la République. Après tant de palabres, il est temps de prendre position. Vous parlez d'une aspiration légitime à une singularité institutionnelle. Institutionnelle ou constitutionnelle ? C'est tout le débat. Il serait temps que le président de la République prenne une position claire.

Après avoir dit ce que je crains, il est temps de dire ce que je souhaite : opposé à toute révision constitutionnelle, je suis favorable à une évolution institutionnelle pour régler des problèmes de fond.

Tout d'abord le régime électoral. Je me suis battu pour obtenir du Congrès un amendement constitutionnel prévoyant un statut particulier pour la Corse. J'avais obtenu du Sénat une prime pour la liste arrivée en tête, mais j'ai joué trop petit bras : celle-ci ne se monte qu'à 17 % au lieu de 25 % dans le régime général. C'est trop peu pour que la Corse soit gouvernable.

Deuxième point : la suppression des départements. J'ai toujours été opposé à la suppression des départements afin d'éviter tout risque de recentralisation. Je faisais mien le principe « il faut que le pouvoir divise le pouvoir ». Mais je me prends à douter. Ferons-nous la réforme organisationnelle à chaud, en même temps que l'on réforme « la carte et le territoire », après avoir perdu de nombreuses années, ou bien prendrons-nous le temps de la réflexion ?

J'aurais pu aussi parler de la fiscalité : en Corse, c'est un peu comme à Naples, où, selon un mot fameux, les gens meurent de faim mais tremblent de peur dès que le Vésuve fume... Ou encore de la loi Littoral : chacun souhaite protéger un patrimoine qu'il n'a pas et les élus sont sous la pression des associations.

Si les concours financiers de l'État ont pu donner l'illusion que les retards auraient été comblés par rapport à la métropole, trop de connivences et de non-dits ont perturbé cette quête. Tous les acquis ont été obtenus grâce à l'évolution de la société civile. La Corse mérite mieux que la mauvaise réputation dont on veut bien l'affubler. (Applaudissements)

Mme Éliane Giraud .  - Le groupe socialiste se félicite de la tenue de ce débat. Élue de l'Isère et vice-présidente de la région Rhône-Alpes, je suis sensible au charme de la Corse, cette montagne posée sur la mer, aux merveilles de ses réserves marines et terrestres. La Corse mérite notre soutien pour ce qu'elle nous a apporté et pour son importance stratégique en Méditerranée hier, aujourd'hui et demain.

Je rends hommage, monsieur Alfonsi, à votre action et à votre engagement en faveur de l'unité de la République et de la reconnaissance de la spécificité de la Corse. Le gouvernement de M. Valls, après celui de M. Ayrault, est particulièrement à l'écoute de la Corse et de ses habitants. Après l'adoption par l'Assemblée de Corse d'une résolution, le Gouvernement a reçu plusieurs élus. Une unité de travail a été installée pour réfléchir sur le statut de la langue corse.

Un établissement foncier régional a été créé, ainsi qu'une taxe pour financer les réserves naturelles. Vous-même, monsieur le ministre, vous êtes rendu en Corse. Depuis 1982, les compétences de la région Corse se sont accrues. La loi de 2002 a apporté un nouvel essor. Ainsi, la vie des citoyens s'est améliorée. La Corse a connu la plus forte croissance des régions françaises ces dernières années. Les réflexions de M. Chaubon s'inscrivent dans la bonne perspective. Il s'agit de tenir compte des nouvelles aspirations de la population.

Le redécoupage des régions ne concerne pas la Corse, mais les élections régionales auront lieu en décembre 2015. Parmi les pistes, la simplification, afin de ne plus rendre nécessaire la mention explicite de la Corse dans les lois pour les rendre exécutoires, un soutien au pluralisme, un prolongement du plan d'investissement, etc. Mendès France disait qu'un responsable politique ne se détermine pas selon les conséquences bonnes ou mauvaises que son action peut avoir pour lui, mais en fonction de l'intérêt général. C'est ce que fait le Gouvernement, c'est ce que nous faisons. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Je ne parlerai pas de la Corse avec le même talent que M. Alfonsi, car si j'ai quelques racines dans l'île, je n'ai pas les mêmes fondamentaux...

Me rendant en Corse en 1991, j'ai rencontré des habitants qui résumaient la situation de leur territoire par ces deux mots : insularité, marginalité. Les choses ont fort heureusement changé. Et puis, la collectivité territoriale de Corse était créée. Les Corses ont trouvé un mode de fonctionnement, ont expérimenté un transfert de compétences large, ont bénéficié d'un régime original où l'exécutif est responsable devant son Assemblée.

Vingt ans après, la Corse s'interroge à nouveau. Elle est soumise aux mêmes problèmes que la métropole - sécurité, accès au logement, développement... - avec, en outre, la contrainte de l'insularité. Plusieurs membres du Gouvernement se sont déplacés en Corse. Ni M. Valls, ni Mme Lebranchu, ni vous-même, monsieur le ministre, n'avez ménagé votre peine.

Nous examinerons un texte sur la Corse à la rentrée, inspiré des préconisations exprimées par l'Assemblée de Corse : l'applicabilité directe à la Corse de toutes les dispositions valables pour les autres régions, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux dispositions propres à la Corse ; la possibilité de modifier la liste des compétences de l'exécutif au cours du mandat ; la possibilité de retour au sein de l'Assemblée des membres de l'exécutif en cas de démission collective ou de vote de défiance ; enfin, le prolongement de deux ans du programme exceptionnel d'investissement de la Corse. Mais qu'adviendra-t-il après ?

Je connais votre accord de principe, monsieur le ministre, et votre souci d'obtenir le consensus le plus large. Nulle révision de la Constitution n'est nécessaire pour cela, mais il faut être attentif au démarches des élus corses : unité, diversité, subsidiarité.

Un mot enfin sur la problématique sécuritaire. Je salue le dévouement et le courage des forces de sécurité qui risquent leur vie pour faire leur devoir.

J'espère que les promesses d'apaisement de certaines factions se concrétiseront, que la Corse sera belle d'une harmonie retrouvée.

M. Ronan Dantec .  - À travers la chronique des faits divers la Corse apparaît de prime abord comme un territoire à problèmes, une terre de violence atavique ou un symbole des impuissances de l'État. Je crois, pour ma part, qu'elle peut être un laboratoire d'excellence de la modernité territoriale. La Corse mérite mieux qu'un affrontement sans fin entre autonomistes et républicanistes sourcilleux, une exaspération qui masque les enjeux réels et empêche de trouver des solutions.

La Corse n'est pas dénuée d'atouts. Son environnement d'abord : la société corse a su mieux que d'autres en Méditerranée préserver son patrimoine naturel. L'adoption d'un Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse ira dans le même sens. La Corse peut être aux avant-postes de la transition énergétique, pour peu que l'on fasse les investissements nécessaires. De même, la Corse a su défendre sa langue. Il faut la soutenir. Il est temps d'en finir avec les vieilles lunes jacobines. La France, chantre de la diversité culturelle, gagnerait en crédibilité en soutenant la co-officialité de la langue corse et ratifiant la Charte des langues minoritaires.

La pression touristique fait flamber les prix de l'immobilier entraînant une crise de l'immobilier. Il faut sortir l'île de sa dépendance au tourisme. L'industrie de l'énergie solaire est une piste. Étendons aussi la loi Duflot et plafonnons le taux de résidences secondaires. Si le statut de résident semble bien contraire à la Constitution, comme le droit du sang, on peut réfléchir à une citoyenneté de résidence, afin de sortir des clientélismes. Il faut accompagner les politiques modernes au service d'un territoire qui fut longtemps en avance sur son temps.

Mme Colette Giudicelli .  - En février dernier, Mme Lebranchu a mis en place un comité de travail sur l'organisation de la Corse. Le Gouvernement a exprimé son soutien aux revendications de l'Assemblée de Corse, suscitant de nombreuses réserves, d'autant que certains ont souhaité la co-officialité de la langue et la création d'un statut de résident.

Aussi, hostile à une rupture, soucieux d'affirmer le principe d'égalité et d'unité, vous avez fermé la porte à une réunion constitutionnelle. Mais votre annonce a déçu la population corse attachée à la parole donnée. La désillusion est à la hauteur des espoirs suscités ! Il y a une marge d'action entre la fin de non-recevoir que vous avez choisie et la rupture inévitable. La Corse a été en pointe statutairement : dès 1755, elle connaissait le suffrage des femmes.

Notre rôle n'est pas de freiner toute réforme, mais de veiller au bien-être de notre île.

Nos territoires ont besoin que l'on respecte leur diversité, et que leur patrimoine soit transmis aux nouvelles générations dans la maison France. La réforme territoriale pourrait être fatale à la Corse, qui ne bénéficiera pas des mêmes leviers de mutualisation que les autres régions.

La Corse est un symbole de notre identité millénaire, unitaire mais plurielle. Quelle est donc la position réelle du Gouvernement sur la réforme des institutions corses ?

Je remercie à mon tour M. Alfonsi d'avoir pris l'initiative de ce débat car nous avons tous la Corse au coeur. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Je m'associe à ces remerciements. Ce débat peut être rapproché de celui concernant les basques.

Dans la perspective d'une évolution future, il convient de dialoguer sans a priori. Après avoir appartenu à la République de Gênes, indépendante en 1735, la Corse a été rattachée finalement à la France. Il existe des liens singuliers entre la République et la Corse : c'est la seule collectivité territoriale à statut particulier au sens de l'article 72-1 de la Constitution. La loi du 2 mars 1982 a créé l'Assemblée de Corse, disposant de larges compétences ; mais ensuite les autres régions ont acquis des compétences proches. Néanmoins, la loi de 1991 a donné à la Corse un statut sur mesure. Aujourd'hui, le projet de loi relatif à la nouvelle représentation de la République consacre un chapitre à la Corse. Le premier enjeu est de garantir l'identité culturelle de la Corse, comme des autres territoires. Le deuxième est économique : attention à ne pas créer des régions à deux vitesses.

Parmi les mesures envisagées, l'application à la Corse de toutes les mesures de droit commun applicables aux régions et la prolongation du programme d'investissements vont dans le bon sens.

L'Assemblée de Corse a formulé de nouvelles demandes qui se heurtent à des dispositions de droit national et européen, mais méritent d'être étudiées.

Régionalisme et République peuvent-ils être conciliés ? Oui, résolument !

Dans le domaine de la langue, de la culture, les spécificités doivent se refléter au niveau de la gouvernance.

Pour endiguer la violence, le dialogue doit se poursuivre ! Égalité ne signifie pas uniformité. Au Pays Basque, en Bretagne ou en Corse, la réforme territoriale doit être l'occasion de traiter des spécificités régionales et de créer des modes de gouvernance adaptés et responsabilisants, en concertation avec l'ensemble des partenaires.

M. Thierry Foucaud .  - Quelle logique anime la réforme territoriale du Gouvernement ? Nous commençons à l'envers, avec un redécoupage territorial dont on ne comprend pas les critères, avant d'étudier la répartition des compétences. Les départements seront vidés de leur substance et, à terme, inutiles... La Corse, elle, échappe au big bang. Elle aurait pu être regroupée, comme d'autres et de manière aussi improbable, avec une région telle que la région Paca... Mais il ne fallait pas froisser les susceptibilités...

L'article 13 concerne cependant la Corse. Toute réforme doit avoir pour seul objectif d'améliorer l'existant. Le 31 mars, l'Assemblée de Corse a formulé des propositions : nous en reparlerons cet automne. Nous redirons alors notre opposition à la suppression des départements.

En revanche, monsieur le ministre, nous estimons nous aussi inopportun d'ouvrir la voie à des évolutions institutionnelles pour la Corse, d'une autre nature que la réforme territoriale, qu'il s'agisse des compétences fiscales de l'Assemblée corse, de la co-officialité de la langue, ou du statut de résident.

Ces dernières semaines, la question du statut de la Corse a refait irruption. Le FLNC, estimant que la plupart des élus rejoignaient sa propre doctrine, a annoncé sa volonté de renoncer aux armes. J'estime pour ma part, comme mon ami Dominique Buchini, président de l'Assemblée corse, que la solution aux problèmes de la population corse n'est pas là.

J'espère aussi que le dialogue permettra d'effacer les aspects négatifs de la réforme.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Je remercie à mon tour M. Alfonsi d'avoir organisé ce débat, occasion d'évoquer non seulement les questions institutionnelles et constitutionnelles, qu'il a distinguées avec rigueur, mais aussi le développement économique, le logement, la spéculation financière...

J'ai entendu, madame Giudicelli, votre satisfaction face aux mesures prises par le Gouvernement, mais aussi votre impatience. La politique est un processus itératif...

Il importe de respecter ceux à qui on s'adresse, c'est l'esprit de Pierre Mendès France, de ces grands républicains qui ont voulu affronter les problèmes de leur temps avec rigueur intellectuelle, sans tordre le droit, sans tout sacrifier aux charmes de la politique, et en tenant le même discours en tous lieux.

Le débat est aussi ancien que la République : en France, l'État a préexisté à la nation et la nation s'est incarnée dans l'État, dans un processus de centralisation. La République, une et indivisible, est-elle compatible avec la diversité de ses territoires ? Telle est notre question. Elle n'est ni simple, ni insurmontable, si l'on procède avec bonne foi et en privilégiant le dialogue.

Vous avez parlé d'économie et du droit des Corses à voir les atouts de leur île valorisés. La République s'est toujours efforcée d'accompagner la Corse : il y a dix ans, le gouvernement Jospin promettait un programme d'investissements : grâce à ces 2 milliards d'euros, la Corse a connu un taux de croissance annuel de plus de 2 %, supérieur à celui de bien des régions du continent. Il était normal que l'État compensât les obstacles liés à l'insularité.

Une question d'actualité concerne l'accès au logement et le droit de propriété. Jusqu'ici, la Corse était dotée d'un régime des successions particulier, en raison de la difficulté d'établir les titres de propriété, problème non résolu depuis 1801. Le Gouvernement n'a pas été sourd aux doléances des élus de Corse : souvenez-vous des amendements débattus ici même lors du projet de loi de finances, auxquels le Gouvernement avait donné un avis de sagesse malgré les risques d'inconstitutionnalité. Les juristes divergeaient, le Conseil constitutionnel a tranché, je ne discute pas ses décisions mais tiens compte de ses considérants pour élaborer un nouveau texte qui ne serait pas jugé contraire au principe d'égalité. Nulle fermeture d'esprit de ma part, donc. Les postures ne sont rien, ce qui compte est de trouver un chemin. Si je ferme une porte, c'est sur une impasse !

Autre sujet : le statut de résident. En raison de la spéculation foncière qui rend les prix prohibitifs, la collectivité territoriale de Corse propose un statut de résident donnant accès à la propriété. Cette proposition mérite-t-elle d'être méprisée ? En aucun cas, car le problème est réel. Mais elle se heurte au principe d'égalité face à la propriété, principe éminemment républicain, figurant dans la Déclaration des droits de l'homme et qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Faut-il donc changer la Constitution ? Non, car on se heurterait alors au droit européen - des dispositions transitoires n'ont été admises que dans les nouveaux États membres. Dire le droit, quand on est chargé du contrôle de légalité, est-ce fermer la porte ? Non, c'est cela aussi, la République.

Continuons à rechercher ensemble des solutions, comme la mise en place d'un établissement foncier permettant à la puissance publique d'acquérir les terrains où les spéculations sont les plus fortes. Voyez que j'ouvre des portes, toutes grandes... Pour agir vite, mieux vaut prendre les chemins les plus courts !

Troisième sujet : la langue. Beaucoup de Corses sont tristes de voir leur lange s'étioler. Cette préoccupation est légitime. Ce qui est plus discutable, c'est la solution proposée, c'est-à-dire la co-officialité de la langue corse : ainsi, pour accéder à l'emploi public en Corse, il faudrait être en mesure de répondre aux administrés en Corse ? Le principe d'égalité des citoyens face aux emplois et charges publics s'en trouverait malmené.

La co-officialité ne donne d'ailleurs aucune garantie sur l'enseignement du corse dans le système scolaire. Je souhaite, moi aussi, que la pratique du corse s'étende. Je crois, moi aussi, que le français n'a rien à en craindre. Mais les solutions recherchées doivent être réellement efficaces, conformes à notre droit, et résidant dans l'éducation.

Préconiser une révision constitutionnelle - pour écrire quoi, d'ailleurs ? - suppose que l'on obtienne une majorité des trois cinquièmes au Congrès. Cela ne dépend pas de la seule volonté de l'Assemblée de Corse... Attaquez-vous aux problèmes urgents plutôt que de vous en remettre à des solutions aléatoires.

Évitons donc les procès d'intention. D'autres se sont exprimés avant moi, et ont rappelé le cadre juridique : je n'ai rien dit de plus. Je n'ai pas voulu décevoir les enthousiasmes, mais les mobiliser sur un chemin au bout duquel il y ait de la lumière. Aux élus de Corse, quelle que soit leur sensibilité, je veux dire qu'ils trouveront toujours dans le Gouvernement un gouvernement ouvert, rigoureux dans son approche du droit, désireux de trouver des solutions. J'espère que nous aurons bientôt l'occasion de reparler de ce sujet, trop passionnant et important pour qu'on l'aborde sans rigueur intellectuelle. (Applaudissements des bancs socialistes aux bancs UMP)