Allocution du président du Sénat

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - Notre session est maintenant commencée. La semaine passée, nous avons examiné un texte important sur la lutte contre le terrorisme, nous l'avons adopté. Dans une semaine, nous débuterons l'examen en deuxième lecture du projet de loi sur la délimitation des régions. Nous voici à la tâche !

Le 28 septembre, c'est une nouvelle majorité que les délégués sénatoriaux ont choisie pour notre Haute assemblée. Pour moi, leur vote est l'expression d'une confiance dans le Sénat. Cette confiance nous oblige tous, sénatrices et sénateurs, majorité comme opposition, car au-delà de nos divergences et de nos parcours, c'est le même constat que nous partageons : il faut relever le Sénat et agir concrètement pour faire vivre le bicamérisme. C'est l'esprit de la feuille de route que je vous propose de suivre ensemble, nous les 348 sénateurs. Elle peut se résumer en un mot : confiance.

Le Sénat est le reflet de nos territoires mais, au-delà, il incarne la Nation, avec ses différences et sa diversité, mais aussi ses valeurs et son unité. La Nation est un tout.

La France doute, la politique est en crise. Notre responsabilité est collective car, quand il s'agit de la France, c'est l'intérêt du pays qui seul doit guider notre action. Ce n'est donc pas l'affaire d'un seul camp mais l'impératif de tous. Majorité et opposition doivent se retrouver sur cet objectif. Nous devons être l'assemblée de l'élan collectif et agir ensemble.

L'opposition est essentielle à la vie d'une démocratie mais elle n'est utile au pays que si elle s'inscrit dans une démarche constructive. Les Français nous observent et ils nous jugeront sur notre capacité à nous mobiliser face à l'ampleur des réformes à accomplir.

Les Français attendent que leurs représentants aient le courage d'assumer des choix, qui peuvent être difficiles, bousculer les clivages partisans, dépasser les seuls rendez-vous électoraux, qui appellent à préférer l'intérêt national.

Nous devons être le lieu de la confiance retrouvée entre élus et citoyens.

Oui, le Sénat doit redonner du sens à la politique, tracer des perspectives d'espoir. Il doit, face aux tentations du repli communautariste, consolider notre pacte républicain et réaffirmer les valeurs de laïcité auxquelles nous sommes attachés.

Nous, sénateurs, nous puisons notre force dans notre ancrage territorial. Nous puisons notre crédibilité nationale à la source de l'expérience locale. Le pouls de la République bat dans nos territoires.

Le quinquennat a changé le rythme de notre démocratie : la Ve République fonctionne autour d'un bloc monolithique : Élysée, Matignon, Assemblée nationale. Ces trois institutions avancent d'un même rythme, dont le tempo est donné par le sommet.

Le seul frein institutionnel à ce rouleau compresseur, c'est le Sénat. Il est le balancier stabilisateur de nos institutions. Il est la voix de la différence car il n'est pas dans le temps du quinquennat. Il permet de prendre en compte, entre deux élections présidentielles, les expressions démocratiques locales. C'est ce que nous avons vécu en mars dernier et le 28 septembre.

Mais notre légitimité démocratique n'est pas limitée à la seule démographie. Nous représentons les Français à travers leur lieu de vie : le territoire. Oui, le Sénat ressemble à la France. Nous sommes même le principal représentant des territoires pauvres en démographie. Sans nous, que pèseraient-ils en termes d'aménagement ou de solidarité budgétaire ? Garant de la cohésion territoriale, le Sénat est un garant de l'unité nationale. Le critère démographique est-il le critère exclusif de représentativité ? La démocratie du nombre et celle du territoire doivent se combiner pour améliorer la représentation du citoyen. (Vifs applaudissements sur les bancs UMP, UCI-UC et RDSE)

Le Sénat représente la ruralité et les espaces urbains et périurbains. Il est l'assemblée des territoires, ceux de métropole et d'outre-mer. Il aura d'ailleurs une responsabilité particulière de souveraineté avec le rendez-vous législatif sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes les porteurs de la diversité territoriale française.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. le président.  - Il nous faut donc imaginer ensemble un Sénat qui soit aussi hors les murs. Un Sénat qui aille au-devant des réalités de terrain et dont une part des travaux pourrait se dérouler dans nos départements, nos régions, outre-mer. C'est là aussi que nous sommes attendus, que nous démontrerons la proximité de notre Assemblée avec les Français.

Je souhaite être un président qui rassemble, un président fédérateur de la majorité sénatoriale, attentif à chacune et chacun de ceux qui la composent, mais aussi un président attentif aux droits de l'opposition, à l'écoute de toutes les sénatrices et tous les sénateurs, quel que soit leur engagement.

C'est maintenant qu'il nous faut être imaginatifs et réactifs. Il nous faut être ambitieux pour le Sénat. Nous prouverons l'utilité de notre Assemblée en allant au-devant des difficultés qu'affrontent les Français et les élus territoriaux.

Je pense en premier lieu à l'emploi. Chacun d'entre vous, dans son territoire, dans sa propre famille, est confronté au fléau du chômage. Ce sont nos entreprises qui, enracinées dans nos communes, créent les emplois. Il faut être à leur écoute, alléger leurs contraintes. Je vous ai proposé une nouvelle délégation dédiée aux entreprises. Sa création devrait être à l'ordre du jour d'un prochain Bureau.

Je pense également à l'empilement normatif qui étouffe la créativité, décourage l'initiative dans nos communes et nos départements, pèse sur les finances publiques. Là aussi, je vous ferai des propositions. La France ne peut plus attendre. (Applaudissements au centre et à droite)

L'organisation territoriale va constituer l'un des tout premiers enjeux de nos travaux. Sur ce dossier, le message que je porte est simple : on ne peut pas raisonnablement réformer l'organisation territoriale en ignorant notre Assemblée ! C'est ce que j'ai dit au président de la République lorsque je l'ai rencontré après mon élection à la présidence. Je lui ai fait des propositions pour que nous ayons, nous les sénateurs, les moyens de débattre sereinement et de manière constructive sur les textes territoriaux, dans l'intérêt général de notre pays.

Le Premier ministre, conformément à l'article 50-1 de la Constitution, fera donc une déclaration la semaine prochaine devant notre Assemblée sur la réforme territoriale. Elle sera suivie d'un débat qui précédera l'indispensable deuxième lecture du projet de loi sur la délimitation des régions.

Le texte sur la nouvelle organisation territoriale de la République que le Sénat devait initialement examiner en novembre sera programmé fin décembre. Nous aurons le temps de travailler sans excès de lenteur ni de vitesse.

C'est cela l'opposition constructive que j'appelle de mes voeux. C'est elle qui devra guider nos rapports avec l'exécutif et l'Assemblée nationale.

Il nous incombera d'apporter à ces textes la « plus-value territoriale » du Sénat. Pour accroître notre aptitude à créer cette plus-value, je vous propose de rétablir, par redéploiement de moyens, des prestations d'expertise et de conseil vous aidant à répondre aux questions des élus locaux qui vous saisissent de leurs problèmes.

Relever le Sénat, c'est donner plus de lisibilité à notre action. Cela passe par une révision de nos méthodes de travail et de nos outils. Je propose de mettre rapidement en place un groupe de travail pluraliste pour faire le bilan des réformes du Règlement de 2009 et 2011 et ouvrir des perspectives. Ce groupe devra réfléchir à un meilleur équilibre entre travail en commission et travail en séance publique, ainsi qu'à une meilleure coordination de nos travaux. Il faut que nous puissions établir des agendas plus cohérents.

Nos actions sur les politiques publiques et la législation doivent être plus compréhensibles pour l'opinion. Il nous faudra imaginer aussi de nouveaux modes de votation pour mieux signaler les modifications que nous aurons apportées. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Une autre mesure pourrait également être mise en oeuvre rapidement, le remplacement des questions cribles thématiques par des questions cribles ministérielles portant sur l'ensemble des politiques publiques conduites par un membre du Gouvernement. J'en ai saisi les présidents de groupes ; ils me feront des propositions.

La Conférence des présidents et le Bureau auront à débattre des préconisations mais c'est au Sénat dans son ensemble qu'il appartiendra de prendre les décisions dès lors qu'il s'agira de modifier notre Règlement.

A l'heure où l'avenir du monde repose sur des forces économiques globalisées, notre rayonnement en Europe doit être une priorité. Cela suppose un dialogue renforcé avec le Parlement européen et les parlements nationaux des autres États membres. L'Europe sera plus puissante si la collaboration franco-allemande est renforcée. (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC et écologistes)

Quant à la parole du Sénat au-delà des frontières européennes, je la porterai avec notre commission des affaires étrangères et nos autres commissions, en m'appuyant sur nos collègues représentant les Français établis hors de France.

Une gouvernance responsable et une bonne gestion collective participent aussi de notre ambition. Nous adapter à ces temps de contraintes est nécessaire. Nous l'avons déjà montré et le montrerons. Je ne laisserai pas caricaturer le Sénat et les sénateurs !

Je vous le dis et je le dis à nos fonctionnaires, à nos collaborateurs et à ceux des groupes politiques : servir le Sénat de la République doit être une fierté. Notre administration, placée sous l'autorité des questeurs et de l'ensemble du Bureau, doit symboliser une fonction publique innovante, exigeante, ouverte sur l'extérieur. La confiance retrouvée de l'opinion implique d'améliorer notre communication institutionnelle.

Le Sénat gagnerait à se doter d'un comité exécutif pluraliste afin de mieux structurer nos actions de communication. Nos travaux devront avoir une résonnance plus importante sur les réseaux sociaux et internet, notamment en valorisant l'open data du Sénat, une avancée remarquable qui doit être mieux connue. Notre action peut emprunter de multiples canaux. Sachons oser !

Nous gagnerons la bataille pour le Sénat par l'écoute du pays, la qualité de nos initiatives et la force de nos idées. Parmi les propositions que nous pouvons avoir, il y aurait, en partenariat avec les professions du droit, une « Fondation de la loi » dont la mission serait pédagogique ; expliquer ce qu'une nouvelle législation change dans l'ordre juridique préexistant. L'image du Sénat doit être le reflet de ce que notre Institution est en réalité. C'est comme cela aussi que nous prouverons son rôle essentiel pour une République apaisée et que nos engagements seront tenus.

Oui, la République a besoin du Sénat. Nous avons une responsabilité en cette période de gros temps politique. Nous devons être rassemblés et ressembler à la France. Nous devons être l'Assemblée de la France qui se sent oubliée mais aussi celle de la France de l'innovation, des créateurs, de l'excellence, des réussites locales.

Le peuple français doit retrouver confiance en ses élus. Nous sommes dépositaires de la légitimité nationale. Les valeurs de la République sont au coeur de mon engagement. Je suis sûr qu'elles sont aussi au coeur de l'engagement de chacun. Le Sénat peut tant apporter à la République ; nous allons ensemble en apporter la preuve. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes UMP et UDI-UC se lèvent et applaudissent longuement ; applaudissements à gauche également)

La séance est suspendue à 14 h 50.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.