Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie - Suite)

Engagements financiers de l'État

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux », « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », « Participation de la France au désendettement de la Grèce », et « Participations financières de l'État ».

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je profiterai de l'examen de cette mission pour vous faire part de quelques observations et de quelques propositions pour améliorer notre situation économique qui, quoi qu'on en dise, n'est guère brillante. Les hypothèses de croissance du gouvernement sont tout sauf prudentes, dit le Haut conseil des finances publiques. Nous continuons à financer nos dépenses de fonctionnement par l'emprunt, et notre note est régulièrement dégradée. La prochaine dégradation risque de déclencher une augmentation des taux d'intérêt, qui pourrait nous mettre en cessation de paiement.

La principale raison de notre faible croissance réside dans notre système fiscal : ISF, prélèvements sociaux à 15,5 % sur les dividendes, taux d'impôt sur le revenu à 45 %, soit un total de 65 %, qui fait fuir les investisseurs et freine toute croissance.

Quand l'Allemagne, notée AAA, dégage un excédent budgétaire parce qu'elle a fait les économies nécessaires, la France, elle, crée de nouvelles dépenses. Il faut que les riches paient plus, sans doute, mais il y a une limite au-delà de laquelle ils partiront investir ailleurs. Les impôts sont payés à 80 % par 20 % des contribuables... Trop d'impôt tue l'impôt ! Les pays les plus riches sont ceux où la pression fiscale est la plus basse.

Tous les contribuables devraient payer l'impôt !

En 2016, nous rembourserons 127 milliards d'euros d'emprunts grâce à d'autres emprunts. Ni les entreprises, ni les collectivités territoriales n'ont le droit de le faire. Cela relève de la faillite.

L'encours de la dette de l'État atteindra 1 647,1 milliards fin 2016, soit une hausse de 4 %. Cela ne peut plus durer. La situation tient grâce à des taux exceptionnellement bas - mais selon l'Agence France Trésor, ils pourraient repartir à la hausse et atteindre 1,4 % fin 2015 et 2,4 % en 2016. Les banques sont confiantes, mais cela pourrait ne pas durer.

Quelques propositions donc, pour réduire le chômage et relancer la croissance. D'abord, mettre en place la flexibilité de l'emploi, supprimer les emplois d'avenir - qui n'en ont aucun -, et permettre aux entreprises de licencier, ce qui sera plus efficace. Instaurer une flat tax ensuite, ou un impôt à trois ou quatre tranches, de 5 %, 10 %, 20 % ou 30% au plus, payé par tous les contribuables. Vous ne relancerez pas la croissance tant que vous ne baisserez pas les impôts des plus riches, qui sont ceux qui investissent ! (Mouvements à gauche) Supprimer les 35 heures enfin, qui pénalisent les entreprises et nous privent de 21 milliards d'euros de recettes budgétaires.

Ces mesures ne sont ni de droite, ni de gauche...

M. André Gattolin.  - D'extrême gauche !

M. Serge Dassault.  - ... elles sont de bon sens.

Tant qu'on ne les appliquera pas, nous continuerons à courir à l'abîme, à nous enfoncer dans le déclin économique et social.

La commission des finances vous recommande cependant d'adopter ces crédits, car la France doit honorer ses engagements à l'égard de ses créanciers.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.  - Merci pour la dernière phrase !

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial de la commission des finances pour les participations financières de l'État .  - Le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État relate la gestion des participations de l'État dans l'économie, soit un total de 110 milliards d'euros, à travers 77 entreprises, majoritairement dans le secteur de l'énergie, mais aussi des transports, de la défense, de l'automobile, de la finance et des services.

Depuis quatre ans, le Gouvernement a affirmé le principe d'une gestion active du portefeuille de l'État, en combinant logique financière, logique industrielle et logique de souveraineté nationale.

En 2015, le produit des cessions - Safran, aéroport de Toulouse-Blagnac - a été inférieur aux prévisions : 2,8 milliards d'euros. L'acquisition de parts au capital de Renault, pour 1,258 milliard d'euros, et d'Air France, pour 42 millions, avait pour objet de garantir à l'État le bénéfice des droits de vote double, prévus par la loi Florange. L'État a ainsi garanti sa capacité d'action et d'influence.

Les difficultés financières et stratégiques d'Areva, dont la branche fabriquant des réacteurs a été acquise par EDF, sont connues. Comment assurer la recapitalisation de 2 à 3,5 milliards d'euros en 2016 ? La restructuration de la filière nucléaire est d'ampleur.

L'Agence des participations de l'État (APE) soutient également le développement des hautes technologies : plus de 500 emplois seront ainsi créés au Laboratoire de fractionnement des biotechnologies, dans le Nord, grâce à la participation de la BPI.

En 2016, sur 5 milliards d'euros de produits de cession attendus, 2 milliards ont vocation à servir au désendettement. Les participations de l'État dans les aéroports de Nice et Lyon seront cédées. Reste posée la question de l'acquisition de titres d'Alstom. Malgré les succès de la politique de gestion des participations, le compte d'affectation spéciale aura-t-il réellement les moyens de contribuer en 2016 au désendettement de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les participations financières de l'État .  - M. Chatillon, dont je partage le point de vue, se félicite que l'État ait tiré parti en 2015 du vote double instauré par la loi Florange afin d'augmenter son influence dans certains établissements sans accroître sa part en capital. Il appelle cependant à plus d'audace et de réalisme : pourquoi ne pas ouvrir les conseils d'administration à des personnalités expertes du monde économique et industriel, qui feraient sans doute preuve de plus de pragmatisme et d'imagination ? L'exemple d'Areva illustre les errements passés... (M. André Gattolin confirme)

Il conviendrait que l'État privilégie les entreprises à fort potentiel de croissance, des ETI, plutôt que d'acheter pour 2 milliards d'euros des parts d'Alstom... L'emploi y gagnerait également.

Réduire l'endettement public en utilisant le produit des cessions de titres est un choix économiquement absurde. Compte tenu du différentiel entre la charge de la dette et le taux de rémunération des participations de l'État, mieux vaudrait utiliser les dividendes au désendettement.

M. Daniel Raoul.  - C'est le bon sens.

M. Philippe Leroy, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis.  - La commission des affaires économiques a émis un avis de sagesse sur le vote des crédits du compte d'affectation spéciale.

Mme Nathalie Goulet .  - Quatre minutes, c'est à peine un témoignage. Je m'étonne du sort réservé à ce budget qui, avec 110 milliards d'euros, est le deuxième de l'État. Les participations de l'État sont devenues des recettes de poche, disait M. Arthuis. En 2015, 2,8 milliards d'euros de cessions de titres, pour seulement 1,69 milliards d'acquisition : l'objectif semble bien de dégager des recettes ponctuelles.

L'État actionnaire est parfois schizophrène : au moins devrait-il s'assurer que les entreprises concernées ne pratiquent pas l'optimisation fiscale ! On parle de 4 milliards d'euros de pertes sur l'EPR, qui traverse de graves difficultés. Idem pour Air France et Areva...

Cela conduit à s'interroger sur les limites de l'APE. La lecture régulière des jaunes budgétaires est un émerveillement continu : dans ce jeu de Monopoly, comment l'État peut-il réaliser ses opérations avec prévisibilité et contrôle, compte tenu de la diversité des secteurs ? Comment nos voisins européens fonctionnent-ils ?

La participation de l'État était une bouée indispensable pour les Chantiers de l'Atlantique. Quid de l'armement, sachant que la France est le plus grand marchand d'armes du monde ? Des comparaisons internationales seraient utiles.

Le groupe UDI-UC votera le budget.

Mme Marie-France Beaufils .  - La dette publique nous est présentée comme un épouvantail qui doit guider la politique budgétaire. Il fut décidé de respecter des critères de stabilité n'ayant aucun sens : dette et déficit par rapport au PIB, taux d'intérêt. Si notre dette publique représente 100% du PIB, en hausse constante quoique moins rapide depuis 2012, les taux d'intérêt sont de moins en moins pesant. Ce taux est même négatif pour les bons du trésor à court terme. Ceux à court terme sont inférieurs à la croissance. A dix ans, le taux moyen est supportable, de l'ordre de 1 %.

La dette 2016 sera consacrée à 60 % pour le financement. La dette française est assez intéressante pour que les marchés y consacrent encore 120 milliards d'euros. Le service de la dette, avec 45 milliards d'euros, doit être considéré comme trop élevé. Mais ne soyons pas dupes : il résulte de choix politiques. Il nous faut emprunter 3 milliards d'euros de plus pour payer les 15 milliards de CICE, et 13 milliards pour les 5,5 milliards de CIR.

Notre groupe votera majoritairement contre.

M. André Gattolin .  - Certains choix de l'État actionnaire peuvent surprendre. Le secteur énergétique représente 60 % de son portefeuille, 43 % pour EDF, dont le cours de l'action a baissé. Les déboires d'Areva peuvent être imputés à sa gouvernance sans contrôle, ayant pour conséquence le désastre de l'EPR de Finlande ou les investissements frauduleux dans des mines.

Ce qui reste d'Areva sera repris par un groupe qui constitue le coeur de complexe militaire industriel chinois.

En cédant l'aéroport de Toulouse, l'État recapitalisera cette entreprise qui ne peut pas être considérée comme un investissement d'avenir.

Prenons acte de l'obsolescence de notre orientation pour le nucléaire. L'argument économique devrait suffire : certaines énergies raisonnables sont moins chères et en tout cas plus créatrices d'emplois.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Francis Delattre .  - A la phrase désormais historique, « Le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité », nous opposons que les deux ne sont pas incompatibles. Or nous assistons encore à un accroissement de la dette en 2016 ; la dette, dans l'histoire, a souvent nourri les guerres. À 100 % , aujourd'hui, elle a un niveau trop élevé, même avec des taux d'intérêt bas. Les 52 000 nouveaux chômeurs sonnent comme une alerte. La commission européenne, avant le 13 novembre, était sceptique sur votre capacité à réduire la dette. Les critères ne sont pas un totem.

Autre chiffre inquiétant, le refinancement de la dette atteindra un niveau record en 2016, inédit dans la zone euro : il faudra emprunter 200 milliards d'euros. La France est exposée à une remontée des taux d'intérêt, comme l'envisage la Federal Reserve, ce qui creuserait la charge de la dette.

On finançait jadis la croissance avec de la dette : aujourd'hui, c'est avec la maîtrise des finances publiques que l'on peut espérer renouer avec la croissance. Vous aggravez la fiscalité cette année, après avoir augmenté les prélèvements obligatoires de 90 milliards d'euros entre 2012 et 2014, pour en porter le taux à 45 %, à contre-courant de tous nos voisins. Pourquoi, à l'image de ceux-ci, ne pas nous tourner vers de vraies réformes structurelles !

La situation est insupportable, lorsque nous pensons aux 5,5 millions de personnes au chômage. Cette dette nous sanctionnera tôt ou tard. Abandonnons les oripeaux keynésiens et le culte de la dépense publique. Néanmoins, ne voulant pas remettre en cause les engagements de la France, le groupe Les Républicains votera les crédits.

M. Martial Bourquin .  - Pour le compte d'affectation spéciale, 2015 est une année de concrétisation des nouvelles orientations de l'État actionnaire : nous avons en effet, avec l'ordonnance du 20 août 2014, l'outil qui manquait à notre stratégie.

Pour la première fois, des cessions d'actifs - Safran, Aéroport de Toulouse, GDF-Suez - ont servi non seulement au désendettement mais aussi au réinvestissement stratégique, pour 1,26 milliard d'euros dans 14 millions de titres Renault, mais aussi dans Air France KLM, dans l'AFD, etc... Atteindre 19,74 % dans Renault a donné accès à des droits de vote double, conformément à la loi du 19 mars 2014. Cette stratégie a permis de promouvoir une gouvernance plus diverse et féminisée. Nous obtiendrons des droits de vote double aussi dans Thales, PSA Citroën, ADP, Areva, Orange, EDF ou Engie...

L'investissement est central pour la reprise de la croissance, pour une stratégie de la productivité. À travers ce budget, le Gouvernement s'en donne les moyens. Cette reconquête industrielle me paraît bienvenue pour relever les défis du XXIe siècle.

Monsieur le rapporteur spécial, vous parliez de déficit ; avec 600 milliards en plus pendant le dernier quinquennat, vous êtes un spécialiste. Merci, monsieur le ministre, de donner par ces crédits une base puissante à notre industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. André Trillard.  - Puissant, c'est le mot qui convient.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions dans le détail.

Cette mission est très importante en montant. Depuis 2012, la charge de la dette a diminué, malgré la hausse de l'encours : 46,3 milliards en 2012, 44,9 milliards en 2013, 43,2 milliards en 2014, un rythme qui se ralentit. Elle devrait s'établir fin 2015 à 42,4 milliards, soit 2 milliards de moins que dans la loi de finances initiale.

Les taux, dans notre prévision, qui relève plus de la précaution que d'une démarche scientifique, passeraient de 1,4 % à 2,4 % au cours de l'année. Le risque est donc budgété.

S'agissant du fonds d'aide aux collectivités territoriales pour sortir des emprunts toxiques, l'appréciation du franc suisse cette année a exigé une forte réactivité du Gouvernement. Les dotations ont été doublées et la doctrine d'emploi revue. La taxe sur les banques, qui finance la moitié du fonds, sera doublée également : 278 millions d'euros en crédits de paiement seront donc disponibles pour 2015-2016. Déjà 700 dossiers ont été déposés auprès du service à compétence nationale qui en est chargé.

Depuis le mois dernier, il a notifié les premières aides.

L'État actionnaire a besoin d'une vision de long terme pour défendre à la fois l'emploi et nos intérêts stratégiques industriels, ce qui justifie les droits de vote double. J'ai demandé, madame Goulet, à ce que chaque entreprise où l'État est présent me donne une liste de ses filiales à l'étranger, qui seront fermées si leur seule utilité est l'optimisation fiscale. Les cessions permettent des réorientations mais aussi une réduction de l'endettement. Pour la première fois depuis 2007 - eh oui, monsieur Delattre ! - nous avons inscrit 4 milliards d'euros pour le désendettement. Cet objectif initial a été ramené à 2 milliards, à cause des conditions de marché : il ne s'agit pas de brader nos actifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux » sont adoptés.

ARTICLE 26 État D

Mme la présidente.  - Amendement n°II-276, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

 - 

+

 - 

Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

8 800 000 000

8 800 000 000

Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

Avances à des services de l'État

Avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex

TOTAL

8 800 000 000

8 800 000 000

SOLDE

+ 8 800 000 000

+ 8 800 000 000

M. Michel Sapin, ministre.  - Les avances de l'Agence de services et de paiement assurent le préfinancement des aides de la PAC. Initialement estimés à 7,2 milliards d'euros, ses crédits sont relevés à 16 milliards.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

L'amendement n°II-276 est adopté.

Les crédits du compte spécial « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Participations financières de l'État » sont adoptés.

Régimes sociaux et de retraite

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial de la commission des finances   - Les régimes spéciaux sont au nombre de dix - j'en parle avec plaisir sous la statue de Colbert, qui a créé le régime des marins. La baisse des crédits est provoquée par la faible inflation, la diminution du nombre des retraités ainsi que par des mesures de convergence prises ces dernières années. L'âge moyen de départ en retraite est de 63 ans dans le régime général, de 61 ans pour les fonctionnaires, il reste entre 54 et 58 ans pour les régimes spéciaux. Peut-être verrons-nous un jour une harmonisation, qui signalerait la fin du corporatisme dans notre pays...

Pour les pensions civiles et militaires, nous assistons à la même diminution avec l'allongement des durées de cotisation. Élément original cette année, les crédits sont un peu au-delà des prévisions : 2,9 milliards, au lieu d'un milliard. Cela aurait pu constituer un gage. Il est vrai que le chiffrage de l'accord sur les retraites des fonctionnaires n'est pas encore connu. L'absence d'amendement est une marque de la sincérité de ce budget sur lequel la commission des finances émet un avis favorable.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Il semble logique que l'État accompagne l'extinction des régimes fermés à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Le métier de marin est dangereux et pénible, il justifie des règles inchangées et une subvention de 825 millions d'euros.

Saluons les efforts de gestion ; l'Enim, dont la performance était bien inférieure à celui du régime général, a diminué ses dépenses de fonctionnement de 13 %, grâce à la dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) signée avec l'État. La prochaine COG devra aller encore plus loin.

En revanche les régimes de la SNCF et de la RATP perçoivent 3,9 milliards d'euros de subventions d'équilibre. Nos concitoyens n'admettent plus ces régimes particuliers pour des métiers qui ne le justifient pas. Leur alignement sur les retraites de la fonction publique entamé en 2008 devra être poursuivi.

M. Olivier Cadic .  - L'amélioration de la situation de cette mission depuis une dizaine d'années est notable. Mais pouvons-nous nous en réjouir ? Certes, c'est l'effet des réformes des retraites et du recul des régimes fermés. Mais c'est surtout la solidarité nationale qui a été mise à contribution, et pour 6,3 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

Les spécificités des métiers pénibles doivent être prises en compte, mais cela doit-il passer par des régimes spéciaux ? Ces derniers devraient évoluer comme les autres régimes. Partir à la retraite à 56 ans et 4 mois à la SNCF - à 52 ans et 4 mois pour les roulants ! - et à 54 ans et 6 mois à la RATP, au lieu de 63 ans pour le régime général, est-ce compréhensible pour nos compatriotes ? Certes, la loi de finances prévoit un relèvement progressif de l'âge de départ, à la SNCF et la RATP, mais à compter de 2017, alors que les autres régimes ont consenti des efforts dès 2010...

Pour répondre au sentiment d'injustice, nous appelons à une grande réforme aboutissant à un régime universel par points ou comptes notionnels, prenant en compte par divers critères les situations particulières. Mais parce que les caisses ont fait des efforts, et parce que ces crédits sont en baisse, le groupe UDI-UC les votera. (M. Marc Laménie applaudit)

Mme Laurence Cohen .  - Cette mission ne « subventionne » pas les régimes spéciaux, mais compense leur déséquilibre démographique. La reconnaissance des mineurs licenciés en 1948, après la grande grève réprimée dans le sang, est à saluer. Grâce à leur courage, grâce Dominique Watrin qui a porté leur voix dans cet hémicycle, leur cas a été connu, ils ont été entendus. Nous avions déposé un amendement pour sécuriser leur reconnaissance, nous l'avons retiré, devant les engagements de Mme la garde des sceaux.

La future convention d'objectifs et de gestion ne doit pas être utilisée pour remplacer ceux qui partent à la retraite par des ordinateurs et des logiciels. C'est ce qui a été fait à la Cnam, provoquant des cafouillages administratifs sans fin. Selon la CGT, 8 000 pensions ont été versées en retard. Il faut stopper les fermetures des points accueil sur le territoire.

Le décret de la ministre de la santé relatif au droit opposable à la retraite ne vaut que pour le régime spécial, pas pour les régimes spéciaux, ni pour les pensions de réversion. C'est un problème, des femmes seules se retrouvent dans des situations inextricables.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ces crédits.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Les mesures d'économie transverses limiteront la progression des dépenses en 2016 à 1 %. Il y a aussi le facteur démographique, et l'augmentation de l'âge de départ à la retraite, comme les mesures prises par le gouvernement précédent, et celles de notre majorité. Je songe au décalage de la date de revalorisation, à l'augmentation de la durée d'assurance, qui valent pour tous les régimes.

La réforme, dans ce projet de loi de finances, des modalités de revalorisation et les mesures de recettes touchent aussi les fonctionnaires. C'est un effort significatif de ces derniers au redressement des comptes publics. La modernisation de la gestion, avec la centralisation des services chargés de préparer les dossiers au sein du service des retraites de l'État (SRE), sera achevée lorsque le ministère de la défense rejoindra le système en janvier.

La mission « Régimes spéciaux et de retraite » compte 6,3 milliards d'euros, soit 100 millions d'euros de moins qu'en 2015. Les régimes fermés, celui des mines ou de la régie des tabacs, doivent faire appel à la solidarité nationale, de même que les régimes en déficit démographique, comme ceux des transports terrestres. La contribution de l'État baissera pourtant de 1,6 % en 2016.

Les crédits de la mission « Régimes spéciaux et de retraite » sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Pensions » sont adoptés.

Remboursements et dégrèvements

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale de la commission des finances .  - La mission « ?Remboursements et dégrèvements » est la plus lourde à 100,2 milliards d'euros, montant quasiment stable. S'agissant du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État », la baisse de 3,2 % de ces crédits fait suite à deux années de hausse. L'augmentation anticipée du bénéfice fiscal des entreprises entre 2014 et 2015 s'élève à près de 10 % en raison de la reprise estimée de la croissance. De ce fait, les premiers acomptes versés par les entreprises en 2016 - au titre des revenus 2015 - devraient dans l'ensemble être inférieurs au total de l'impôt dû et donner lieu à moins de restitutions. La baisse drastique des remboursements liés à la prime pour l'emploi (PPE) est le résultat de la suppression du dispositif à compter de 2016, par la seconde loi de finances rectificative pour 2014.

S'agissant des impôts locaux, les crédits demandés en 2016 au titre des remboursements et dégrèvements s'élèvent à 11,97 milliards d'euros, en hausse de 2,8 %, soit 325 millions d'euros. Il est constaté une hausse du contentieux de 3,2 % sur les deux taxes, taxe d'habitation et taxe foncière, sans qu'elle soit compensée par une baisse des demandes gracieuses. Peut-être est-ce le signe d'une plus grande vigilance des collectivités territoriales sur l'évolution de leurs bases fiscales, dans le contexte de la forte diminution des concours de l'État.

Je souhaite également insister sur l'importance de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Au-delà des effets qu'elle aura en matière de justice fiscale et de justice entre collectivités, cette révision pourrait avoir des effets très importants sur les dégrèvements d'impôts locaux, si elle devait se traduire par une baisse relative de la valeur locative des logements des ménages de condition modeste.

Quelques mots enfin d'un contrôle budgétaire que j'ai mené sur le CICE. C'est une dépense fiscale extrêmement coûteuse, plus de 13 milliards d'euros. Sa charge de gestion est en outre très lourde sur l'administration fiscale - je l'ai constaté sur place. Le CICE n'est pas concentré sur les entreprises exportatrices, et son efficacité n'est pas prouvée, ni par le rapport de Jean Pisani-Ferry, ni par celui de l'Insee, abondamment cité. Celui du comité de suivi est plus circonspect encore : le CICE pèserait peu sur les processus de décision des grands groupes et n'entre pas dans les business plans des PME-TPE. Je poursuivrai ce contrôle en 2016...

La commission des finances a proposé d'adopter ces crédits, mais mon groupe votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. André Gattolin applaudit aussi)

M. Maurice Vincent .  - L'architecture de cette mission en fait l'une des plus lourdes : 26 % des recettes fiscales brutes. Il s'agit essentiellement de l'application de mesures assez techniques.

La justice sociale sera renforcée en 2016, avec la fusion du RSA activité et de la PPE, et la disparition quasi totale des effets du bouclier fiscal.

Du côté des impôts locaux, les dégrèvements s'élèvent à 12 milliards, via le plafonnement de la taxe d'habitation, qui a concerné 9 millions de foyers en 2015, ou son exonération pour les plus modestes, 3,7 millions de foyers. On voit aussi la différence entre des choix de gauche et des choix de droite...

Les effets sur la croissance et l'emploi du CICE seront visibles à moyen ou long terme. Les enquêtes citées par Mme Beaufils montrent que le bilan est globalement positif : 40 % de la créance totale du CICE profite aux PME de moins de 50 salariés, qui voient leur compétitivité renforcée.

La mission parlementaire préconisait de renforcer le dialogue social dans l'usage des aides du CICE. Il faudrait également renforcer la lutte contre la fraude fiscale, qui coûte par exemple 14 milliards par an en matière de TVA, et contre l'optimisation fiscale.

Nous voterons ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. André Gattolin .  - Cette mission est atypique : ses dépenses viennent en atténuation des recettes. J'insisterai sur les dégrèvements et exonérations de contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui représentent 513,8 millions d'euros, soit 14 % de son produit.

Les dégrèvements, justifiés par la faiblesse des ressources du foyer ou la présence d'une personne handicapée, résultent d'un empilement de dispositions dérogatoires dont certaines sont peu compréhensibles, alors que l'audiovisuel public manque de moyens.

Une contribution à l'allemande augmenterait d'un million le nombre de redevables, mais la moitié d'entre eux rentreraient dans les critères d'exonération totale - qui, obsolètes pour certains d'entre eux, concernent aujourd'hui 4,1 millions de foyers. Or le quart des foyers exonérés souscrivent un abonnement à une offre payante plus onéreuse que ce que leur coûterait la contribution à l'audiovisuel public... M. le ministre, une étude à ce sujet serait utile ! (MM. Didier Guillaume et Bernard Lalande applaudissent)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - L'examen des crédits de cette mission m'incite à évoquer les principaux contentieux susceptibles de grever les finances publiques.

Le contentieux OPCVM devrait coûter moins des 1,4 milliards prévus.

Le contentieux dit « précompte mobilier » devrait être apuré en 2016, sauf nouvelle saisine, peu probable, de la CJUE ; rien n'a donc été budgété.

Nous anticipons un coût de 800 millions d'euros lié aux contentieux de Ruyter sur la CSG et Steria sur l'impôt sur les sociétés.

De manière générale, nous sommes prudents sur le coût des contentieux fiscaux dans la mesure où les aléas sont importants. Nous suivons ces affaires avec attention, et en rendrons compte au Parlement à la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

ARTICLE 24 État B

Mme la présidente.  - Amendement n°II-253, présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

 

120 000 000

120 000 000

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

TOTAL

 

120 000 000

120 000 000

SOLDE

- 120 000 000

- 120 000 000

M. Michel Sapin, ministre.  - Amendement de coordination avec les articles 21, 22, 23 et 24 de la première partie.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale.  - Avis favorable de la commission des finances, cependant prudente sur les sommes en cause. Il s'agit des modifications consécutives aux modifications du barème de l'impôt sur le revenu.

L'amendement n°II-253 est adopté.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

La séance est suspendue à 18 h 50.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 21 heures.

Aide publique au développement

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » (et article 48), ainsi que du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La discussion de ce budget est marquée cette année par quelques grands rendez-vous internationaux, dont la COP21, mais aussi par l'épidémie d'Ebola et la crise des réfugiés. Une nouvelle ambition est nécessaire, alors que notre politique d'aide publique au développement s'est effondrée, de 0,5 % du RNB en 2010 à 0,36 % cette année, quand le Royaume-Uni respecte l'objectif de 0,7 %.

Cette discussion se caractérise aussi, cette année, par sa complexité. À la suite de l'annonce du président de la République d'une hausse de 4 milliards d'euros du budget dès 2020, le Gouvernement a présenté, deux jours plus tard, un budget en forte baisse ; le décalage était tel que des amendements ont été promis, pour revenir au niveau de 2015 et tenter de sauver les apparences. Cela n'a pas suffi aux députés, qui ont voulu doter l'Agence française de développement (AFD) de 270 millions de plus grâce à l'affectation d'une partie supplémentaire du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF). Votre majorité elle-même demandait que « les actes succèdent aux discours ». Et pourtant, le Gouvernement a donné un avis défavorable, et diminué les crédits de 262 millions en seconde délibération...

Finalement, entre crédits de la mission et taxes affectées, nous en sommes revenus au niveau de 2014, le plus bas depuis quinze ans. En outre, l'exécution du budget n'est pas satisfaisante : plus de 100 millions d'euros annulés par le dernier décret d'avance après 200 millions non consommés en 2014 ! La commission des finances vous propose donc de rejeter les crédits de la mission et du compte spécial.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je partage en partie le constat de Fabienne Keller sur les évolutions récentes de notre politique d'aide publique au développement et les regrette, d'autant plus qu'à l'occasion de la COP21, nous aurions dû être exemplaires. Néanmoins, les annonces récentes, combinées aux mesures adoptées à l'Assemblée nationale, nous incitent à voir le verre à moitié plein.

Concernant le budget 2016, le montant affecté au développement devrait être égal à celui de l'an dernier, grâce à une augmentation fléchée sur cet objectif au sein de l'AFD.

Les prêts augmenteraient de 75 % d'ici 2020. En 2015, ils ont atteint un encours record de 8 milliards d'euros, les augmenter de 4 milliards d'euros en six ans paraît crédible, d'autant plus que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) renforcera les fonds propres.

Une communication en Conseil des ministres, le 14 octobre dernier, prévoit que le montant des dons serait en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui.

Enfin, les éléments qui nous ont été récemment transmis par le Gouvernement prévoient une hausse de niveau de notre aide publique au développement en proportion du RNB. Nous atteindrions 0,37 % en 2015 et 0,38 % en 2016 et 2017. Ce n'est pas parfait mais la courbe est inversée. Aussi vous proposé-je, à titre personnel, d'adopter ces crédits.

La loi de finances rectificative pour 1991 prévoyait un plafond à 2,85 milliards d'euros pour les remises de dettes additionnelles accordées par la France aux pays pauvres très endettés (PPTE). Compte tenu des annulations décidées en 2014 et qui auront des effets sur les années à venir, le plafond serait dépassé en 2016. Il est donc proposé de le relever à 3,850 milliards d'euros, afin de tenir compte des différentes échéances déjà prévues. Grâce à quoi la France pourra honorer ses engagements. Nous vous proposons donc d'adopter l'article 48 sans modification.

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Le sommet des Nations unies, en septembre, a dressé le bilan de la mise en oeuvre des objectifs du millénaire. Entre 1990 et 2015, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté a diminué de moitié, passant de 1,9 milliard de personnes à 836 millions ; le nombre d'enfants non scolarisés a été réduit quasiment de moitié dans le monde ; 13,6 millions de personnes atteintes du VIH reçoivent aujourd'hui un traitement antirétroviral qui a permis d'éviter 7,6 millions de décès depuis 1995.

Dans ce contexte, le président de la République a annoncé le 24 août un rapprochement de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations. Devant l'Assemblée générale des Nations unies, il a ensuite déclaré que la France allait augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020.

Le budget initial prévoyait pourtant une baisse de plus de 6 % des crédits, s'éloignant encore de l'objectif de 0,7 % du RNB atteint par l'Allemagne et dépassé par le Royaume-Uni.

L'Assemblée nationale a corrigé le tir, malgré un regrettable amendement de seconde délibération : finalement, 100 millions d'euros ont été récupérés. La commission des affaires étrangères a donc donné un avis favorable à l'adoption des crédits.

Deux questions cependant. Où en sont les négociations européennes sur la TTF ? Élargir les missions de l'aide publique au développement aux questions de lutte contre le changement climatique sans lui donner des ressources supplémentaires, n'est-ce pas prendre un risque ?

Mme Hélène Conway-Mouret , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - L'aide au développement et la lutte contre le changement climatique vont de pair, car ce sont les pays les plus pauvres qui souffriront le plus de ce dernier. On parle de 200 millions de réfugiés climatiques en 2050... Les 4 milliards supplémentaires annoncés par le président de la République prendront la forme de prêts de l'AFD et de Proparco ; le Gouvernement s'est également engagé à augmenter les subventions de 370 millions d'euros. Dans la continuité des décisions d'Addis-Abeba, les crédits destinés aux ONG humanitaires et aux autres acteurs du développement progressent pour atteindre 79 millions d'euros. Dommage, en revanche que les crédits de la francophonie baissent de 2 millions d'euros.

J'en viens au rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts. L'objectif est double. D'abord, concrétiser l'annonce d'un accroissement des prêts en faveur du développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020, l'adossement de l'AFD à la CDC augmentant les fonds propres de l'Agence, de manière à accroître dès l'année prochaine le montant de ses prêts. Sur un plan plus stratégique, le rapprochement des deux entités se justifie également par le nouvel accent mis sur le développement durable comme problématique transversale. Il est logique, pour les pays qui souhaitent accroître leur effort en matière de développement durable, de se doter d'un organisme capable de lancer et de soutenir des projets à la fois sur le territoire national et dans les autres pays. Cet axe est-il bien celui privilégié par la mission de préfiguration ? Madame la ministre, vous avez déclaré vouloir aller vite : quand connaîtrons-nous les modalités de ce rapprochement ?

Mme Leila Aïchi .  - À l'heure de la COP21, nous savons tous que développement et transition énergétique sont intimement liés. D'où mon incompréhension devant le projet de budget en berne tel que présenté en Conseil des ministres. Les députés ont procédé à d'importants ajustements et pour la première fois depuis 2010, le budget de l'aide publique au développement devait augmenter. Hélas, le Gouvernement a fait procéder à une coupe de 162 millions en seconde délibération. Quant au Sénat, il a supprimé en première partie l'élargissement de l'assiette de la TTF. Deux signaux malheureux... À 0,36 % du RNB, notre aide publique au développement reste bien loin des objectifs internationaux de 0,7 % du RNB. Les additions et soustractions témoignent de l'instabilité de ce budget, devenu une variable d'ajustement.

Nous proposerons de revenir au niveau proposé en loi de finances initiale. L'aide publique au développement est essentielle à la prévention des conflits et à la reconstruction des zones en crise. Quelle absence de vision globale des enjeux de la part du Gouvernement ! La guerre asymétrique à laquelle nous sommes confrontés ne trouvera aucune issue dans le tout sécuritaire. Couper l'aide, c'est au mieux de la légèreté, au pire, du cynisme.

L'AFD sera-t-elle enfin soumise à une transparence et à un contrôle plus strict de sa gestion ? Ou faut-il envisager sa dissolution ?

Notre contribution au fonds pour l'environnement mondial et au fonds vert pour le climat reste très insuffisante, à 774 millions d'euros, alors que le Giec souligne combien les défis environnementaux - stress hydrique, course aux matières premières, accaparement des terres rares - sont des facteurs de conflit. Nous réservons notre vote.

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Jamais le monde n'a été si riche, jamais il n'a été si inégalitaire : 1 % de la population possède 48 % de la richesse mondiale, 1 milliard de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour ; les 80 plus fortunés de la planète ont vu leur richesse croître de 600 milliards de dollars entre 2010 et 2014... La globalisation financière et commerciale ne s'est pas accompagnée d'une mondialisation de la solidarité, déplore le Secrétaire général adjoint de l'ONU, M. Douste-Blazy. Les élites économiques ont pris le pas sur les élites politiques, le capitalisme libéralisé s'est substitué au capitalisme social.

Quand un enfant meurt toutes les trois secondes faute de quelques centimes pour acheter des médicaments, comment le monde pourrait-il vivre en paix ?

Hélas, l'aide publique au développement a été sacrifiée à l'assainissement des comptes publics : le budget de cette mission baisse encore de 6 % cette année. On peut d'ailleurs s'interroger sur le ciblage des ressources : le Maroc en serait le premier bénéficiaire avec 539 millions d'euros, alors qu'il fait partie de la tranche supérieure des pays en voie de développement selon une étude de Morgan Stanley. Il y aussi le Brésil, 223 millions d'euros, le Mexique, 220 millions, la Turquie... et même la Chine !

Le 8 septembre, le président de la République a annoncé 4 milliards de plus d'ici 2020 pour l'aide au développement, et un rapprochement entre AFD et CDC pour professionnaliser la gestion des fonds. La conférence d'Addis-Abeba, en juillet dernier, a mis en évidence l'importance des financements innovants, par des micro-crédits ou des canaux internationaux plus larges. La France s'est montrée innovante dans les années 2000, avec Unitaid, mais notre contribution, là encore, est en baisse.

La TTF a suscité de grandes espérances. Mais son produit reste faible, et elle n'a guère prospéré hors de France. Le projet présenté par la Commission européenne a rencontré l'hostilité de ce paradis fiscal qu'est le Royaume-Uni et des milieux financiers. L'application annoncée pour 2017 par M. Moscovici, dans le cadre d'une coopération renforcée entre onze pays, reste incertaine.

À l'Assemblée générale des Nations Unies en 2014, le président congolais a annoncé une taxe de 0,001 % sur chaque baril de pétrole vendu, pour financer la lutte contre la malnutrition infantile, ce fléau humain et économique : l'initiative mérite d'être saluée et encouragée.

L'aide au développement est incontournable, les finances publiques nationales n'y suffiront pas. Concentrons au moins nos forces sur des problèmes ciblés, dans les pays les moins avancés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Michel Billout .  - Cette année encore, ce budget témoigne du décalage entre les paroles et les actes. Les choses s'annonçaient bien : en septembre à New York, le président de la République annonçait 4 milliards d'euros de plus pour l'aide publique au développement d'ici 2020. Quelle déception quand le projet de loi de finances a été présenté ! Dans un contexte d'instabilité planétaire, il nous faut faire preuve de cohérence. Luttons donc contre ce qui fait fuir les migrants, guerre, famine, changement climatique !

L'an dernier, nous proposions d'élargir la taxe sur les transactions financières et d'en affecter une part supplémentaire à l'AFD. Selon les rapporteurs spéciaux, le budget augmenterait finalement de quelque 100 millions d'euros, mais cette hausse provient surtout de la TTF, tandis que les crédits budgétaires diminuent. Espérons que les gouvernements successifs ne se dédouaneront pas de leurs obligations au profit de financements innovants et peu transparents. Il est également scandaleux que les financements dédiés à la justice et aux droits de l'homme diminuent.

En étant composée essentiellement de prêts destinés à financer des infrastructures pour lesquelles nos entreprises se portent candidates, notre aide au développement est trop soumise à des intérêts économiques privés. Mieux vaudrait subvenir aux besoins élémentaires des populations les plus pauvres. Selon Oxfam, 7 % de l'aide publique au développement française seulement est constituée de dons. L'Allemagne, elle, verse 2 milliards d'euros sous cette forme...

Le rapprochement de l'AFD et la CDC m'inquiète : l'AFD pourrait y perdre son identité pour devenir une banque finançant l'économie des pays émergents.

Le budget de la francophonie, lui non plus, n'est pas à la hauteur des enjeux : songez que le monde comptera 750 millions de locuteurs français en 2050 !

Le groupe CRC, déçu, soutiendra les amendements qui visent à rééquilibrer les prêts et dons et s'abstiendra s'ils ne sont pas adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - « Liberté, égalité, fraternité » : la devise de la République nous rappelle aussi une autre valeur qui nous est chère, la solidarité.

Depuis des années, notre aide publique au développement a beaucoup évolué. Cette notion est cependant bien ancrée dans les esprits, au niveau international. L'aide de nos jours ne consiste plus en un transfert de ressources au détriment de la mobilisation des ressources locales. La transparence s'est imposée et l'aide publique au développement s'est concentrée sur la lutte contre la pauvreté. La réduction du fossé entre pays riches et pauvres doit se faire d'une manière viable pour tous, disait M. Fabius.

Tous aspirent à un monde plus juste, sachant qu'il est possible. Nous vivons dans le monde fini annoncé par Paul Valéry. Les humains, mieux informés et connectés, sont de plus en plus nombreux à avoir conscience de l'injustice de leur condition. Il en résulte des conflits, mais aussi des déplacements de populations à l'échelle mondiale.

La France continue à agir, soutenant le développement local, les collectivités territoriales des pays pauvres, organisant la COP21. On peut se réjouir de l'annonce par le Président de la République d'une hausse de 4 milliards des fonds de l'aide publique au développement. L'AFD a également annoncé que les deux tiers de ses subventions seraient réservés aux pays les plus pauvres.

Avec l'Afrique, le Gouvernement a tourné la page du discours de Dakar du 27 juillet 2007 : « l'homme africain est entré dans l'histoire, la grande ». Le ministère de la coopération a changé de nom, il est devenu le ministère du développement et de la francophonie, signe de l'évolution de notre politique extérieure.

La baisse du budget de la francophonie, en revanche, est un signe inquiétant pour nos partenaires. Nous n'atteindrons jamais les 750 millions de locuteurs français en 2050 si nous ne nous donnons pas les moyens. L'abrogation de la circulaire Guéant était indispensable, car l'accueil d'étudiants étrangers conditionne l'influence de notre pays dans le monde. Il faut soutenir la culture et l'éducation partout où il y a un désir de langue française.

L'adossement de l'AFD à la CDC est une façon d'augmenter les capacités financières de la nouvelle entité. Cet outil formidable qu'est l'AFD, qui a construit une doctrine responsable au plan éthique et environnemental, doit cependant être préservé dans le nouvel ensemble.

La France ne serait plus elle-même si elle renonçait à oeuvrer en faveur de la paix et de la solidarité dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Robert Hue .  - La misère, chacun le sait, est un facteur de tensions dans de nombreuses régions du monde. Le changement climatique aussi. La France doit absolument tenir ses engagements en matière d'aide publique au développement. L'année des grands rendez-vous internationaux, ce budget aurait pu être plus ambitieux. Le Gouvernement a néanmoins fait un signe, avec son amendement majorant de 100 millions d'euros le produit de la TTF au profit du fonds de solidarité pour le développement. Le montant total de l'aide au changement, dans les pays du Comité de l'aide au développement, atteint 132,2 milliards de dollars, mais l'aide à l'Afrique a diminué de près de 5 % entre 2013 et 2014. Ne relâchons pas nos efforts dans le continent de tous les défis : défi démographique avec 2 milliards d'habitants attendus en 2050, climatique, sanitaire - avec l'épidémie d'Ebola - ou sécuritaire, dans la bande sahélo-saharienne. La croissance sur le continent atteint 4,5 % mais les inégalités restent criantes. Notre aide publique au développement doit être concentrée en faveur des pays les moins avancés. Le rapprochement de l'AFD et de la CDC accroîtra les fonds propres de la première et, partant, sa capacité de prêt ; veillons cependant à ne pas rogner la part des dons. L'aide au développement économique ne doit pas non plus prendre le pas sur l'aide éducative et sanitaire.

La mobilisation des ressources domestiques et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sont également essentielles, l'OCDE s'est emparée de cette problématique.

« Promouvoir l'avènement de sociétés pacifiques, l'accès de tous à la justice et à des institutions efficaces » : le seizième objectif du millénaire trouve aujourd'hui une singulière résonnance. La France doit être fidèle à ses valeurs humanistes.

Le RDSE votera ces crédits. (Applaudissements)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Ce budget reste très insuffisant et éloigné des annonces de l'exécutif. Son rejet par le Sénat serait cependant mal compris. J'attends donc des engagements et des éclaircissements de la part du Gouvernement.

On parle beaucoup de développement durable. N'oublions pas que la capacité des populations du Sud à vivre dignement est la condition de la durabilité de notre propre mode de vie. La misère fait le lit des extrémistes. Inversement, l'éducation des femmes et des jeunes a des incidences positives bien plus larges qu'on ne l'imagine.

L'aide publique au développement est essentielle à la prévention des crises économiques, sociales, politiques et humanitaires.

Et la situation s'aggrave, notre pourcentage d'APD par rapport au PIB est inférieur à la moyenne des pays du comité d'aide au développement de l'OCDE.

Ce budget va loin dans l'insincérité. En septembre, le président de la République annonçait 4 milliards supplémentaires pour l'aide publique au développement ; posture démagogique puisque les 4 milliards ne prendront la forme que de prêts et de bonifications, et ce après 2020 ! Après moi le déluge... Le Gouvernement a de plus raboté de 162 millions le programme 209 après que les députés ont tenté de limiter la casse... Ce jeu de bonneteau est indécent.

Pouvons-nous nous réjouir d'être revenus au niveau de 2014, année historiquement basse ? La chute des crédits n'est que partiellement compensée par le recours aux financements innovants ; taxe Chirac et TTF n'avaient pas vocation à remplacer les ressources traditionnelles mais à s'y ajouter... Attention aussi à ne pas donner l'impression d'une aide publique au développement punitive si elle repose trop sur des ressources fiscales ; l'exemple de l'écologie devrait nous servir de leçon.

La politique de développement avait vocation à voir son champ s'élargir. L'aide publique au développement doit continuer à jouer un rôle préventif pour faciliter l'accès à l'emploi, à la sécurité alimentaire, à l'amélioration des services de base dans les pays du sud. Je m'inquiète de la disparition des crédits consacrés au codéveloppement et à la francophonie, politique transversale qu'une part du programme 209 ne saurait résumer...

Des progrès restent à faire pour nous mettre au niveau de nos voisins européens, en matière d'évaluation notamment. La lutte contre la corruption et les paradis fiscaux, pour le contrôle de l'utilisation des fonds doit aussi être une priorité.

À Addis-Abeba, en juillet, a été évoquée la création d'un organisme fiscal international voué à la lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscale ; l'OCDE a repris la main. Une occasion manquée.

Le rapprochement entre l'AFD et la CDC présente des risques pour l'autonomie de l'identité de l'Agence ; la mission de préfiguration aura un rôle essentiel.

Le décalage entre les discours et les actes est désastreux. L'aide publique au développement est un marqueur de notre crédibilité internationale.

Mme Claudine Lepage .  - Nous examinons les crédits de l'aide publique au développement à trois jours de l'ouverture de la COP21. Ce timing - si vous permettez cet anglicisme madame la ministre de la francophonie - est parfait.

Les tragiques événements qui ont frappé notre pays rendent l'aide publique au développement plus indispensable que jamais. La réponse ne pourra pas être que militaire. Nous devons faire preuve de plus de solidarité encore.

Au regard du contexte budgétaire, il faut se féliciter des efforts consentis. L'an passé, à la même époque, l'urgence était sanitaire, avec l'épidémie d'Ebola. Cette année, elle est migratoire. Nous devons accueillir les réfugiés et faciliter leur intégration sur notre territoire. Je me félicite du déblocage de 50 millions pour soutenir le HCR et le PAM ; l'aide aux réfugiés finance des actions concrètes et identifiables. Cet effort est amené à être pérennisé, donc à trouver sa place dans les budgets futurs.

Pendant des années, on a imaginé que le changement climatique ne concernait que les générations futures. Or l'année 2015 a été la plus chaude jamais enregistrée, et chaque année les catastrophes naturelles déplacent 26 millions de personnes... Le défi est là, devant nous.

Le 27 septembre, le président de la République, devant les Nations unies, a annoncé le déblocage de 4 milliards d'euros d'aide d'ici 2020, dont 2 consacrés à des actions de lutte contre le changement climatique. Le fonds vert pour le climat est une réponse adaptée ; la France y a contribué à hauteur d'un milliard de dollars. Je me réjouis que les pays plus fragiles soient aidés en priorité. Le Malawi bénéficiera ainsi d'un programme d?aide de 12,3 millions de dollars pour réduire la vulnérabilité de ses habitants aux phénomènes climatiques extrêmes.

Je me fais ici l'écho des inquiétudes de nos compatriotes en Asie du sud-est. L'Indonésie est en proie à des feux de forêts qui rejettent des nuages toxiques jusqu'au-dessus des pays voisins ; ils provoquent des affections respiratoires et perturbent gravement le trafic aérien. C'est aussi une catastrophe écologique puisque la forêt de Sumatra et de Bornéo partent en fumée. Il faut exprimer notre préoccupation aux autorités indonésiennes à l'occasion de la COP21.

L'adossement de l'AFD à la CDC est le moyen d'augmenter les capacités de l'Agence, suivant l'exemple du Kreditanstadt für Wiederaufbau allemand. Jusqu'où ira-t-il, madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Robert Hue applaudit également)

Mme Christiane Kammermann .  - Merci aux rapporteurs, qui se sont beaucoup investis. En commission, Henri de Raincourt nous a rappelé qu'investir dans l'APD n'était pas un luxe.

Je veux vous parler du Liban. Ce pays traverse une crise politique, sociale, mais aussi de gouvernance, qui a conduit les Libanais, victimes de la mauvaise gestion des ordures ménagères, à manifester par milliers pour dire leur dégoût et dénoncer l'incurie de l'administration au cri de « vous puez ! ». Si on ajoute les graves conséquences du conflit en Syrie, on a un pays au bord de l'explosion sociale et politique alors qu'il se remettait à peine.

Le montant cumulé des encours de l'AFD au Liban depuis 1999 atteint 1,167 milliard d'euros, dont 875 millions au titre de l'aide budgétaire et 292 millions au titre de l'aide projets. Cette aide soutient les populations vulnérables, l'accès équitable à l'éducation et à la santé, le renforcement du secteur privé, le développement des villes durables. La France peut aider le Liban dans sa crise des déchets. Ce beau pays, qui a tant souffert, dans lequel j'ai vécu, a bénéficié du soutien récent du président Larcher. Dans quelle mesure peut-il compter sur un soutien concret de la France, madame la ministre ? (Applaudissements à droite)

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie .  - L'année est exceptionnelle, marquée par de grands rendez-vous internationaux, à Addis-Abeba, New York et Paris pour la COP21.

Les attentats de janvier et novembre ont changé la donne. Face au terrorisme, la France sera implacable. Mais elle restera généreuse. L'aide publique au développement, c'est la générosité de la France en action. Le président de la République l'a dit : elle sera maintenue et montera même en puissance avec 4 milliards d'euros supplémentaires, dont 2 milliards pour le climat. Le volet dons sera augmenté.

Notre politique d'aide au développement évolue. Elle s'adapte au monde qui bouge, à la crise des migrants, à la fin de l'épidémie d'Ebola, au retrait d'Afghanistan. Elle construit le monde de demain, à zéro carbone et zéro pauvreté. La contribution française de 1 milliard d'euros au fonds vert en témoigne.

La France tient ses engagements. Elle maintient ses aides projets, renforce son aide bilatérale ; l'aide aux réfugiés financera des actions concrètes en multilatéral via le HCR et le PAM. Les fonds climatiques devront cibler les pays les plus vulnérables - États africains, insulaires. Face à l'urgence, les aides alimentaires, humanitaires, subventions aux ONG et crédits dédiés à la sortie de crise restent stables.

Les engagements d'Addis-Abeba sont la marque d'une démarche collective. L'aide aux ONG augmente de 8 millions d'euros pour atteindre 79 millions. Les crédits dédiés à la coopération décentralisée, au volontariat restent stables.

Ce budget porte un message fort : il met un terme à la diminution des crédits - 500 millions d'euros en cinq ans. Il réoriente la trajectoire vers les 0,7 % du RNB.

Le budget a évolué depuis le mois de septembre. Pour l'équilibrer, le Gouvernement a proposé deux amendements, y apportant 50 millions d'euros pour les réfugiés puis 100 millions pour le climat. Les députés ont voulu aller plus loin en affectant 25 % du produit de la TTF à l'AFD. Le Gouvernement a entendu le message, mais a voulu ramené cet effort à des proportions compatibles avec la maîtrise des comptes publics. Le budget augmentera donc de 106 millions d'euros par rapport à 2015, de 256 millions par rapport au texte initial. Nous serons ainsi en mesure de respecter nos engagements internationaux notamment en matière de santé et d'éducation. L'avis du Gouvernement sur les amendements déposés ne pourra être positif.

Nous avons lancé à nos opérateurs un appel à plus d'efficacité, car nous le devons aux Français.

La réforme institutionnelle de cette politique comporte trois volets : rapprochement AFD-CDC, Expertise France, réforme de la gouvernance.

Messieurs de Raincourt et Hue, les objectifs de développement durable validés à New York sont transversaux ; n'opposons pas climat et développement, le monde que nous voulons construire est à la fois zéro carbone et zéro pauvreté. Les 4 milliards supplémentaires annoncés à New York se partagent d'ailleurs entre les deux volets, lutte contre la pauvreté, lutte contre le changement climatique. Notre cible, c'est l'adaptation, donc le développement.

Monsieur Pozzo di Borgo, la France est le premier pays à avoir mis en place la TTF. Les discussions politiques impliquent onze pays. La France met toute son énergie à trouver un accord prochainement au conseil Ecofin, de sorte qu'une partie substantielle du produit aille au développement et au climat.

Le rapprochement AFD-CDC entend faire changer notre politique d'échelle sur le plan financier. Le savoir-faire de la CDC, qui travaille depuis longtemps avec les entreprises et les collectivités territoriales, sera très utile à nos structures d'aide au développement. Plusieurs scénarios de gouvernance sont à l'étude ; le préfigurateur est à la disposition du Parlement.

Les parlementaires représentés au Centre national de coopération au développement (CNCD) et au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI), doivent être associés à ces réflexions.

La francophonie me tient à coeur. Avec plus de 47 millions d'euros en 2016, la France est le premier contributeur à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Certes, les crédits diminuent, mais j'ai demandé aux opérateurs de se réorganiser. Les Français doivent prendre conscience de cet atout, de cet outil de rayonnement, que nous devons pousser plus loin. On nous promet 750 millions de locuteurs en 2050, cela suppose en effet d'y mettre les moyens et de travailler avec nos 80 partenaires de l'OIF.

J'attends avec impatience la COP21. C'est un défi aussi pour les pays francophones. Le Canada a fait évoluer ses positions... Je m'en réjouis.

Dans le domaine de la santé, la France privilégie l'action multilatérale, qui a montré son efficacité face à Ebola. Nous sommes avec le Brésil à l'origine de la création d'Unitaid. Nous l'appelons à renforcer ses liens avec les contributeurs. La taxe sur les billets d'avion devra être la plus globale possible - le montant 2016 n'est pas encore arrêté.

Au-delà de 4 milliards d'euros d'ici 2020, plus de 370 millions supplémentaires seront dégagés pour les dons. Ne les opposons pas aux prêts : les deux sont utiles, et la France peut s'enorgueillir d'avoir autant d'outils à sa disposition : subventions, dons, prêts, garanties, prises de participation, coalition d'acteurs...

M. le président.  - Veuillez conclure...

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État.  - Oui, la France est un pays solidaire, sur tous les fronts, et nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

ARTICLE 24 État B

M. le président.  - Amendement n°II-213 rectifié, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

 - 

+

 - 

Aide économique et financière au développement

Solidarité à l'égard des pays en développement

dont titre 2

112 000 000

112 000 000

TOTAL

112 000 000

112 000 000

SOLDE

+ 112 000 000

+ 112 000 000

Mme Leila Aïchi.  - Cet amendement porte les crédits de la mission aide publique au développement à leur niveau proposé par le projet de loi de finances initiale, dans la droite ligne des annonces du président de la République.

L'amendement n°II-188 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°II-200 rectifié bis.

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial.  - Cet amendement corrige en partie l'évolution négative des crédits de la mission. La commission des finances s'est interrogée sur le signal à envoyer : fallait-il l'approuver, même en en restant à un niveau inférieur à celui de 2013, sachant qu'il disparaîtra lors du débat à l'Assemblée nationale ?

La commission des finances a préféré rejeter en bloc les crédits et donner un avis défavorable à cet amendement. À titre personnel toutefois, je considère que toute tentative, même désespérée, doit être tentée.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage votre objectif : nous avons ajouté 250 millions à la loi de finances initiale, soit une hausse de 106 millions d'euros par rapport au budget de 2015. Mais pour les raisons évoquées, avis défavorable.

Mme Leila Aïchi.  - Cela me rappelle le film Les dieux sont tombés sur la tête... À l'approche de la COP21, nous faisons preuve de dissonance cognitive, ou de double langage... Ce peut être dangereux.

Mme Fabienne Keller.  - Absolument !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Les membres du groupe UDI-UC ont décidé de suivre la position de la commission des finances. Ils voteront contre l'amendement et contre les crédits.

L'amendement n°II-213 rectifié n'est pas adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 48 est adopté.

Les crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.

Prochaine séance, demain, samedi 28 novembre 2015 à 10 heures.

La séance est levée à 22 h 50.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du samedi 28 novembre 2015

Séance publique

À 10 heures et 14 h 30

Présidence :

Mme Isabelle Debré, vice-présidente

M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac

M. Bruno Gilles

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale (n°163, 2015-2016).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n°164, 2015-2016).

Économie (+ articles 52 à 53 bis)

Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

- Culture

- Discussion des missions et des articles rattachés reportés.