Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Tiers-payant généralisé

M. Alain Milon .  - Le Conseil constitutionnel, il fallait s'y attendre, a invalidé une mesure phare du projet de loi Santé, le tiers-payant généralisé, mesure politicienne qui ne répond pas aux besoins des Français.

Nécessaire pour les plus fragiles, il va - s'il est généralisé - à l'encontre de la liberté de choix de leur médecin pour les patients et de la liberté de prescription des médecins.

Allez-vous vous conformer à la décision des Sages ou persévérer, madame la ministre des affaires sociales ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Je salue votre implication et celle de la commission des affaires sociales dans l'examen du projet de loi Santé.

Le tiers-payant ne porte atteinte ni à la liberté de choix de leur médecin par les patients, ni à la liberté de prescription du médecin, toutes deux réaffirmées par la loi. Le Conseil constitutionnel ne dit pas le contraire. Le tiers-payant s'appliquera dès maintenant aux femmes enceintes ainsi qu'aux patients atteints de maladies chroniques ou lourdes. À partir de 2017, il s'appliquera à tous pour ce qui est de la part de la sécurité sociale, et selon le choix du médecin pour la part complémentaire.

Cette loi de justice sociale ne remet donc pas en cause les principes de la médecine libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Milon.  - Le Conseil constitutionnel juge que la mesure est « mal encadrée », et que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence... Cette loi devra être abrogée. Dommage que vous n'ayez pas tenu compte de nos propositions élaborées, elles, après concertation des médecins.

Grippe aviaire

M. Jean-Claude Requier .  - Pour éradiquer l'épizootie de grippe aviaire, les éleveurs palmipèdes de 18 départements du sud-ouest devront arrêter leur production pendant plusieurs mois afin de créer un vide sanitaire. Cette mesure consiste à ne plus faire naître et à ne pas introduire de canetons durant au moins quatre mois.

Pour soutenir notre production de qualité, aux méthodes traditionnelles et aux produits sous labels issus des filières courtes, l'État apporte 130 millions d'euros pour les éleveurs et les accouveurs du sud-ouest. On pourrait aussi prendre des mesures comme d'autoriser après le vide sanitaire l'arrivée d'animaux prêts à gaver issus de régions indemnes de grippe aviaire, plutôt que d'avoir à repartir avec de petits canetons. Cela ferait gagner du temps. On pourrait aussi envisager une compensation financière pour tous les acteurs de la filière touchés par cet arrêt de la production. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE, à droite et au centre)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Ces palmipèdes, oui, participent à la renommée de notre agriculture. J'ai réuni tous les professionnels. Si l'on veut éradiquer la grippe aviaire, il faut appliquer un strict vide sanitaire, ce qui exclut votre proposition sur des canards prêts à gaver.

Soutenir les professionnels ? Oui : 130 millions d'euros ont déjà été débloqués pour les éleveurs et nous évaluerons le montant des remboursements nécessaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean-Claude Requier.  - Je regrette que vous fermiez la porte sur le premier point mais salue votre action. Pamela Anderson est venue - malvenue  - dire à l'Assemblée nationale qu'elle était contre le gavage. Pour ma part, je suis contre le silicone et le botox, en particulier à cause de leurs effets sur le cerveau ! (Rires partagés et vifs applaudissements)

Agriculture raisonnable

M. Joël Labbé .  - Notre agriculture a perdu 350 000 emplois en dix ans, et ce n'est pas fini. Toujours la même rengaine : concentration, investissements, et finalement surendettement. Les plans de sauvetage se multiplient mais les agriculteurs veulent vivre de leur travail, non de subventions. Ce modèle d'agriculture productiviste et subventionnée est à bout de souffle alors que les exploitations familiales en polyculture et poly-élevage sont viables. En réponse à la détresse paysanne, frémit un ébranlement des consciences.

Le Gouvernement est-il prêt à organiser un grand débat national pour tracer les lignes d'un horizon clair pour notre agriculture ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Vous opposez systématiquement agriculture « productiviste » et agriculture familiale. Notre agriculture a vocation à occuper tous les marchés car elle est diverse. On doit concilier trois performances : performance économique, pour que les exploitants vivent de leur travail, performance environnementale, avec ses conséquences économiques, performance sociale, en lien avec la recherche. Cette mutation prendra du temps ; en attendant nous soutenons nos agriculteurs et défendons une agriculture compétitive ! (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise de l'agriculture (I)

M. Michel Le Scouarnec .  - Les campagnes sont frappées par la crise. Beaucoup d'agriculteurs ne s'en sortent plus, à cause de la chute des prix qui n'en finit pas, et les exploitations disparaissent une à une. Démantèlement de la régulation, dumping social, concentration, pouvoir des centrales d'achat dans la grande distribution : les causes sont connues. La logique libérale est une impasse. Le plan de soutien de 290 millions d'euros ne suffit pas. Mettrez-vous en place une conférence des prix ? L'étiquetage est aussi très attendu. Quel marché, quels prix, quelle organisation pour ces filières, avec quel soutien de l'Union européenne ? L'État doit s'engager dans le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Je ne suis pas comptable de choix bien antérieurs à mes prédécesseurs. (Exclamations à droite) Ce n'est pas moi qui ai inventé l'économie de marché. L'État ne fixe pas les prix. Cela dit, des médiateurs ont été mis en place, pour évaluer les coûts de production. Certains acteurs économiques se sont alors retirés du marché du porc de Plérin. Je n'y peux rien !

Avec la DGCCRF et Bercy, nous resterons vigilants sur le respect des règles commerciales, en particulier de l'interdiction de la vente à perte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Crise de l'agriculture (II)

M. Yannick Botrel .  - Monsieur le ministre de l'agriculture (Exclamations), la situation appelle des mesures urgentes qui doivent être appliquées durablement par les différents partenaires. Les agriculteurs dénoncent les distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Union européenne, l'application variable des règles sanitaires, l'orientation très libérale du commissaire européen à l'agriculture.

Quelle place des producteurs dans le partage des marges ? La PAC était dans l'impasse, quelle politique européenne pour répondre à l'attente de nos concitoyens et garantir une juste rémunération du travail des agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - L'année blanche dans le remboursement des annuités doit mobiliser les banques. L'État a contribué pour 25 millions d'euros, la date limite de dépôt des dossiers a été reportée au mois de juin.

Quelle politique européenne ? Sur demande française, l'observatoire du lait, considérant que la production laitière continue d'augmenter de plus de 3 % par an dans certains pays européens alors que nous sommes en surproduction, appelle à réagir. En conséquence, je vais proposer cette semaine un mémorandum comprenant de nouveaux outils de régulation. Il est vrai que nous sommes confrontés à beaucoup de libéraux qui croient que le marché réglera tout... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Libye

M. Jean-Marie Bockel .  - A l'heure où le djihadisme se répand, la question libyenne est brûlante. On ne peut laisser prospérer un nouveau sanctuaire terroriste, menace terrible pour la France, la Méditerranée et l'Afrique.

La question d'une intervention militaire au sol est sur la table. Pourtant M. Fabius a dit depuis Rome qu'elle n'était pas d'actualité. Certes, il convient d'attendre une demande du Gouvernement libyen, mais comment nous préparons-nous à cette perspective ? Avec quels moyens ? (Applaudissements au centre)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La stabilité de la Libye est une question essentielle. Nous devons tout faire pour éviter que se développe là un refuge pour Daech, qui perd du terrain en Syrie et en Irak. Pour cela, nous soutenons le processus de transition en cours en Libye. Après l'accord de Skhirat, un Gouvernement provisoire a été constitué mais le parlement libyen ne l'a pas soutenu. Une nouvelle liste de membres est en préparation et devrait lui être soumise le 5 février. Il faut absolument un tel accord.

Nous travaillons avec l'Union européenne et les États-Unis pour préparer des sanctions, protéger les ressources pétrolières, assurer la stabilité du pays. La seule voie est une solution politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marie Bockel.  - Vous ne pouviez pas dire autre chose... Toutefois, il faudra être prêt à intervenir, nous en reparlerons.

Migrants

M. François-Noël Buffet .  - Plusieurs morts au large de la Grèce, des policiers blessés, une nouvelle jungle à Grande-Synthe après celle de Calais....

Face à cette situation, les moyens mis en oeuvre sont très insuffisants. La sécurité des sites n'est pas assurée, les auteurs d'infractions ne sont pas poursuivis. L'Ofpra n'assume qu'une mission temporaire. À quand une agence européenne de contrôle des frontières et une renégociation des accords du Touquet ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Pourquoi ne pas souligner le rôle de Bernard Cazeneuve dans la prise de conscience européenne en la matière ? Avec les élus locaux, comme Mme Bouchart, nous avons multiplié les réponses à Calais : dispositif policier sans précédent, comprenez 17 unités mobiles, la BAC, la police des frontières, travaux de sécurisation... La frontière est aujourd'hui étanche, il faut que cela se sache : cela ne vaut pas la peine de venir à Calais dans l'espoir de passer en Angleterre ! Le ministre de l'intérieur a donné des instructions très fermes pour démanteler les filières -  27 ont déjà été démantelées  - et 1 754 personnes en situation irrégulière ont été reconduites à la frontière depuis Calais. Des structures d'accueil ont été ouvertes, comme un nouveau centre d'accueil de jour qui accueille 681 personnes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. François-Noël Buffet.  - 2 000 migrants avant l'été, 4 000 en septembre, 10 000 aujourd'hui : il est temps d'agir efficacement (Applaudissements à droite et au centre)

Aéroport Notre-Dame des Landes

M. Yannick Vaugrenard .  - Nos concitoyens ont besoin de cohérence politique, y compris sur le futur aéroport du grand ouest. Le projet est triplement légitime : économiquement, juridiquement et démocratiquement. Il est attendu depuis des années par les acteurs économiques, le trafic de l'aéroport actuel continuant à croître ; il a été déclaré d'utilité publique depuis longtemps et les recours ont été rejetés ; toutes les collectivités territoriales de la région l'appellent de leurs voeux. Or une poignée de zadistes font vivre les habitants dans la terreur brisant la liberté d'aller et venir !

Quand la force du droit l'emportera-t-elle ? Quand la zone de non droit sera-t-elle résorbée ? Quand la force du droit sera-t-elle respectée ? (Applaudissements vifs et prolongés à droite, ainsi qu'au centre et sur les bancs du groupe socialiste et républicain).

M. Éric Doligé.  - Il est des nôtres !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le tribunal administratif de Nantes a rejeté l'ensemble des recours contre le futur aéroport : le projet est parfaitement conforme. Le tribunal de grande instance de Nantes vient d'ordonner l'expulsion des 14 derniers occupants -  260 sont déjà partis à l'amiable. Les collectivités locales ont salué cette nouvelle étape. L'automne prochain verra les travaux démarrer (Applaudissement au centre et à droite) Des problèmes d'ordre public se posent, le Premier ministre a demandé la plus grande fermeté - tous les Républicains devraient s'y associer, la violence ne saurait être une réponse ! Nous renforcerons la présence des forces de l'ordre dans les communes concernées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Natalité

M. Dominique de Legge .  - Pour la première fois depuis longtemps, la France n'assure plus le renouvellement des générations : 20 000 naissances en moins. La modulation des allocations familiales comme la baisse des autres prestations en sont-elles responsables ? Reviendrez-vous dessus ? (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Y a-t-il un lien entre la politique familiale du Gouvernement et la baisse de la natalité ? Non. Sachez d'abord que la modulation des allocations familiales n'étant entrée en vigueur qu'en juillet 2015, il y a peu de risques qu'elle ait eu un effet négatif sur les naissances la même année ! Oui, monsieur le sénateur, il faut toujours au moins neuf mois pour faire des enfants ! (Rires et applaudissements à gauche) Cependant, le taux de fécondité, à ne pas confondre avec la baisse de natalité, reste à 1,96 en France. C'est le plus élevé en Europe.

M. Éric Doligé.  - Tout va bien alors !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Toutefois, le nombre de femmes en âge d'avoir des enfants est moins important aujourd'hui à cause d'un creux de natalité subi il y a vingt ans : il nous manque quelque 300 000 femmes en âge de procréer par rapport à il y a quelques années.

Le Gouvernement cherche à réorienter les prestations vers celles qui en ont le plus besoin, notamment les familles monoparentales qui concentrent toutes les difficultés. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - Je parlais de politique familiale. Vous me parlez de politique sociale. La politique familiale n'en est pas un sous-produit, mais est universelle. L'essentiel est de créer un climat favorable. Le Gouvernement a rompu le consensus qui a toujours prévalu sur ce sujet. Bilan : non seulement l'économie est en crise mais notre démographie aussi ! (Applaudissements à droite)

Virus Zika

M. Félix Desplan .  - Le virus Zika a gagné la Guyane et les Antilles. Le Gouvernement déconseille aux femmes enceintes de s'y rendre, en raison d'un risque qui n'est certes pas scientifiquement établi. Reste que 10 000 cas de microcéphalie ont été enregistrés en 2015 après 154. La vigilance s'impose donc.

Les professionnels du tourisme s'inquiètent alors qu'une reprise de l'activité s'esquissait.

M. le président.  - Votre question ?

M. Félix Desplan.  - Le Gouvernement doit veiller à adopter une communication maîtrisée. L'OMS juge les restrictions de voyage injustifiées : avec l'expérience de la dengue et du chikungunya, nous connaissons les précautions à prendre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Cette épidémie, qui touche massivement l'Amérique latine, a atteint la Martinique et la Guyane mais pas la Guadeloupe ni Saint-Martin. Elle appelle des mesures fortes. L'OMS en a fait une urgence internationale, appelant à accélérer la recherche sur les liens entre Zika et les malformations congénitales recensées. D'ici là, je recommande aux femmes enceintes de ne pas se rendre sur place, comme l'ont fait les États-Unis, le Canada et même le Brésil dans la perspective des jeux Olympiques. Je recevrai demain les élus locaux pour les informer du protocole scientifique mis en place.

Il ne s'agit pas d'inquiéter outre mesure, mais d'apporter la meilleure protection à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 17 h 35.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 17 h 50.