Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Lanceurs d'alerte

Mme Marie-Christine Blandin .  - Chacun mesure la nécessité des lanceurs d'alerte, en tous domaines : les Panama papers le montrent encore. Or la loi de 2013 n'est pas appliquée. En attendant un texte harmonisé et plus exigeant, la transparence et la vigilance sur les panels de décision ne sont pas assurées car la commission ad hoc n'a pas été installée. Il s'agit de santé, d'environnement, de démocratie, de loyauté du Gouvernement vis-à-vis de la chose votée.

Si les représentants au sein de cette commission n'ont pas été désignés, est-ce un signe de peu d'appétit à voir dévoiler de mauvaises pratiques ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité .  - La loi du 16 avril 2013, qui me tient à coeur, prévoit un droit d'alerte accordé à toute personne ayant connaissance d'un risque grave pour la santé publique, y compris au sein de l'entreprise. Pour sa mise en oeuvre, deux décrets ont été pris le 26 décembre 2014, le premier dressant la liste des établissements concernés, le second précisant la composition et le fonctionnement de la commission ad hoc. Ne manquent aujourd'hui que les représentants du Conseil d'État, du Comité consultatif national d'éthique et des ministères de l'agriculture et de la recherche.

Dès que ces nominations auront eu lieu, la commission ad hoc pourra commencer ses travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Services d'insertion et de probation

Mme Cécile Cukierman .  - Monsieur le garde des sceaux a semblé découvrir l'état calamiteux de la justice française. Après quatre ans comme président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il n'est jamais trop tard... (Rires et applaudissements à droite) Le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France dénoncent une non-assistance à justice en danger.

Il est urgent d'aider la justice à se redresser, mais pas pour faire du « tout carcéral ». Il faut renforcer les moyens des Services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip). Vous avez enfin reçu leurs syndicats. La paralysie menace, il faut prolonger le plan triennal de recrutement et faire droit aux autres revendications des conseillers d'insertion et de probation - les seuls membres de l'administration pénitentiaire à n'avoir pas été revalorisés.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le Gouvernement a la plus grande estime pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Je ne les ai pas « enfin » reçus, je les ai reçus. Je les recevrai à nouveau. Nous avons prévu 1 000 créations de postes en 2016 et 2017, dont 640 pour les services de probation. Les engagements pris par Mme Taubira seront tenus.

Le budget de la justice est le huitième en importance et j'imagine que vous soutenez les créations de postes qui y ont été effectuées depuis 2012. Malgré tout, il y a une situation d'urgence. Je le dis pour que nous puissions ensemble décider ce qu'il convient de faire pour cette administration de la justice à laquelle font appel chaque année 400 000 personnes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Panama Papers

Mme Nicole Bricq .  - Monsieur le ministre Eckert, vous savez que les parlementaires ne sont ni juges ni policiers, mais ils exercent leur vigilance - surtout au Sénat - sur tout ce qui concerne la fraude et l'évasion fiscale.

Lors du précédent quinquennat, le Sénat avait refusé de ratifier la convention fiscale France-Panama mais l'Assemblée nationale avait eu le dernier mot et l'avait acceptée. À la suite de quoi, le Gouvernement d'alors avait retiré le Panama de la liste noire des paradis fiscaux, par un arrêté du 4 avril 2012. M. Sapin a jugé insuffisante la coopération de ce pays en matière fiscale et souhaite qu'on le réinscrive sur cette liste.

Il suffit d'un arrêté ministériel. Ma question est simple : quand le prendrez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le Panama avait été retiré de cette liste après sa signature d'une convention ; or il s'avère qu'il ne l'a pas respectée. L'arrêté réintroduisant Panama dans cette liste noire sera pris dans les jours qui viennent. Et c'est une décision lourde de conséquences : une retenue à la source de 75 % des montants.

J'ajoute que les dirigeants de la grande banque française impliquée dans ces révélations seront reçus au ministère dans les prochaines heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du RDSE)

Diabète

Mme Élisabeth Doineau .  - La journée mondiale de la santé sera consacrée cette année au diabète, qui touche trois millions de personnes en France et 300 millions d'humains.

On imagine mal les contraintes imposées par cette maladie dans la vie de tous les jours. Il faut agir sur toute la chaîne, encourager la recherche, faciliter la mise sur le marché des nouveaux traitements et leur remboursement. Or l'instruction des dossiers par la Commission économique des produits de santé a un an de retard...

En attendant le pancréas artificiel, la mesure en continu du glucose est une piste intéressante. Mais tous n'ont pas les moyens de se l'offrir. Envisagez-vous sa prise en charge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Les diabétiques seraient 5 à 6 % de plus chaque année dans le monde. Ils sont plus de trois millions en France, vous l'avez dit. Obésité, surpoids, absence d'exercice physique : les causes sont connues et la prévention doit être renforcée. La loi Santé a notamment imposé l'étiquetage des produits alimentaires, favorisé le dépistage nutritionnel, créé le parcours éducatif de santé et interdit les fontaines à soda.

Je souhaite que la mesure en continu du taux de glycémie soit admise au remboursement, et que les discussions aboutissent rapidement avec le Comité économique des produits de santé et les industriels au bénéfice de tous les patients et notamment des plus jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et RDSE)

Mme Élisabeth Doineau.  - Avançons, ces dispositifs ont fait leurs preuves. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Moyens de la justice

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Les magistrats doivent assurer toujours plus de missions avec toujours moins de moyens. Le parquet se désengage des procédures les moins prioritaires. La justice n'est plus la même sur tout le territoire. Dans les Hautes-Alpes, la pénurie de magistrats est criante. Alors que la société se judiciarise et que la délinquance augmente, la justice est à bout de souffle. Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il, et pas seulement à Bobigny, pour que la justice fonctionne normalement ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je ne ferai pas de polémique. (Exclamations à droite) Je pourrais ! Nous ouvrons 268 postes cette année. Si, aujourd'hui, 480 postes de magistrats ne sont pas pourvus, c'est que pour les trois années 2008, 2009 et 2010 (Protestations à droite), 105 postes de magistrats seulement ont été ouverts au concours alors qu'on attendait 1 400 départs en retraite en quatre ans. Les mêmes années, moins de 200 greffiers ont été recrutés. Vous me forcez à le dire, la paupérisation a été organisée ! (Vives exclamations à droite)

À Gap, les trois postes au parquet et les neuf au siège sont pourvus, ne manquent que deux fonctionnaires. D'autres juridictions sont moins bien loties.

Venez avec moi à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale des greffes voir les 368 élèves magistrats !

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Voilà quatre ans que vous gouvernez... On attend du concret ! (Applaudissements à droite)

Haut-Karabagh

M. Michel Amiel .  - Ma question porte sur la crise qui frappe le Haut-Karabagh, où 30 000 morts avaient été dénombrés dans les années 90. Depuis le début du mois, le conflit a repris dans cette zone stratégique. Depuis deux ans, vingt-deux pays du groupe Minsk de l'OSCE, co-présidé par la France, la Russie et les États-Unis, cherchent une solution à ce conflit.

Le représentant du Haut-Karabagh en France estime l'escalade arrivée à un tel point qu'il ne suffit plus de se contenter d'appels au calme. Il demande que soient « prises des mesures sérieuses et concrètes, pour contraindre le régime azerbaïdjanais à cesser cette attaque, cette offensive, et surtout ces bombardements sur les villes ».

Je rappelle le triste bilan de l'Azerbaïdjan dans nos efforts de rapprochement : suspension des négociations pour un accord d'association avec l'Union européenne en 2014, fermeture du bureau de l'OSCE à Bakou en 2015.

Quelle est la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs RDSE)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Vous avez raison de signaler la gravité de la situation. La France joue un rôle majeur, avec la Russie et les États-Unis, au sein du groupe de Minsk. Dès samedi, le président de la République et Jean-Marc Ayrault ont appelé au cessez-le-feu et au retour à la table des négociations. Cette démarche a produit ses effets : un cessez-le-feu a été signé, puisse-t-il tenir.

Notre mobilisation est à la hauteur des enjeux. François Hollande avait accueilli les deux présidents concernés successivement à Paris. On ne peut laisser se développer un tel foyer de déstabilisation à nos portes.

Respect de l'intégrité territoriale, et droit à l'autodétermination des peuples, la France restera attachée à ses principes fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Finances publiques

M. Richard Yung .  - L'Insee, qui vient de revoir à la hausse ses prévisions macroéconomiques, attend 1,2 % de croissance en 2015, 1,6 % en 2016. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - On est sauvés !

M. François Grosdidier et M. Albéric de Montgolfier.  - C'est grâce aux collectivités !

M. Richard Yung.  - Ces chiffres devraient vous réjouir. Quant au déficit public, l'Insee l'évalue à 3,5 % en 2015, à 3,2 % en 2016.

M. Philippe Dallier.  - Merci aux collectivités !

M. Richard Yung.  - Je veux rappeler qu'il s'établissait à 140 milliards d'euros en 2010, il n'est que de 77 milliards aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Vives exclamations à droite) Je vois que la question est sensible !

Les impôts ont de plus été réduits de 17 milliards d'euros en 2015.

Quelles sont les prévisions du Gouvernement en vue de la loi de finances et au-delà ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Au milieu de l'année dernière, les Cassandre prédisaient que les recettes fiscales ne seraient pas au rendez-vous, que de nouvelles dépenses n'étaient pas financées. En réalité, notre déficit recule, alors même que nous finançons nos priorités : éducation nationale, justice, défense.

Nous présenterons dans les prochains jours le programme de stabilité, qui sera examiné en Conseil des ministres le 13 avril 2016 avant sa transmission à Bruxelles, en continuant à financer nos priorités y compris celles dictées par la conjoncture, je pense au milliard d'euros de baisses de cotisations déjà mises en oeuvre pour l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Dotations aux collectivités territoriales

Mme Anne Chain-Larché .  - Ma question est un cri d'alarme. La France, avec le Portugal et la Croatie, est l'un des trois pays membres de l'Union européenne à présenter à la fois des déséquilibres forts et un déficit public excessif macroéconomiques. Le Gouvernement se félicite de la baisse du déficit public mais celui-ci est dû essentiellement à la baisse de 4,6 milliards d'euros des investissements des collectivités territoriales, le reste provenant d'une conjoncture favorable que nos voisins, eux, ont su mettre à profit.

Les collectivités territoriales ont dégagé un excédent de 700 millions d'euros en 2015, fruit de la baisse de leur investissement. Et la Direction générale des collectivités locales a annoncé ce matin que la baisse de la dotation globale de fonctionnement l'an prochain serait encore plus forte que cette année, alors qu'elle devrait être, au pis, stabilisée !

Le Gouvernement cessera-t-il de faire les poches des collectivités territoriales ? (Vifs applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Les transferts financiers entre l'État et les collectivités territoriales sont neutres au regard du déficit public. (Vives protestations à droite) La hausse là annule la baisse ici...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Vous vous moquez du Sénat ! Scandaleux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.  - L'excédent de 700 millions des collectivités territoriales est une nouveauté, signe que certaines capacités d'investissement n'ont pas été mobilisées. Cela résulte de nombreux facteurs : transferts de compétence, fusions de collectivités, incertitudes sur l'avenir, etc... (Le brouhaha à droite couvre la voix de M. le ministre)

Je suis prêt à venir devant la commission des finances pour étudier les chiffres en détail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Abattoirs

M. Alain Fouché .  - Après la révélation de nouveaux cas de violence sur animaux, le doute frappe les 263 abattoirs que compte la France. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un renforcement des contrôles, le recrutement de cent soixante personnes dans les services vétérinaires et donné instruction aux préfets de procéder à des vérifications dans le mois qui vient. Pendant ce temps-là, tout sera clean, bien sûr, mais ensuite ? 

Vous annoncez également la présence de représentants pour la protection animale désignés au sein des salariés des abattoirs et bénéficiant d'un statut protecteur. Ils existent déjà ! On a vu leur efficacité à Mauléon-Licharre.

Il s'agit de redonner confiance aux éleveurs et aux consommateurs. La protection animale doit être prise en considération, au même titre que les conditions sanitaires et les conditions de travail.

Que comptez-vous faire pour mettre un terme à ce scandale qui affecte l'économie de toute une profession et qui indigne, à bon droit, nos compatriotes ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Le sujet, grave, dépasse l'actualité. La loi d'avenir de l'agriculture prévoyait déjà un renforcement de la transparence.

Oui, le Gouvernement va créer 60 nouveaux postes de vétérinaires en 2015 et autant en 2016 et en 2017. Pour mémoire, 440 postes avaient été supprimés lors du précédent quinquennat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Je vous invite d'ailleurs à réfléchir à deux fois avant de promettre la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires...

La responsabilité est celle de l'État, mais aussi de la profession. Les salariés ne sont pas invités à dénoncer ceux qui les emploient. Je prévois ainsi l'autocontrôle et propose qu'un statut protégé soit introduit dans la loi Sapin pour les lanceurs d'alerte.

La France sera en outre le premier pays à introduire le séchage dans l'oeuf pour mettre fin aux actes de violence dont les poussins font l'objet et qui ont choqué à juste titre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain).

M. Alain Fouché.  - L'article 521 du code pénal réprime déjà les actes de cruauté contre des animaux. Le syndicat des inspecteurs vétérinaires préconise la mise en place de caméras et de comités d'éthique dans les abattoirs.

Autisme

Mme Claire-Lise Campion .  - Le troisième plan Autisme prévoit 205 millions d'euros pour répondre aux difficultés que rencontrent les autistes, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé, et ouvrir 3 400 places d'accueil supplémentaires.

Pouvez-vous madame Neuville, dresser un bilan d'étape ? Erreur de diagnostic, diagramme tardif, encombrement des centres médico-psychologiques, manque de place dans les établissements spécialisés... Les problèmes sont connus.

Il faut aussi combattre la peur de l'autre, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU recommande des campagnes contre les préjugés. Où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je connais votre implication sur ce sujet, madame la sénatrice. Je dresserai le bilan devant le Comité national Autisme le 21 avril, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 27 avril, et je serais heureuse de faire de même au Sénat si vous m'y invitez...

La scolarisation des enfants autistes est une priorité du troisième plan Autisme. Les unités dédiées en maternelles, vraie réussite, déjà une centaine, seront dix de plus à la rentrée prochaine ; Mme Najat Vallaud-Belkacem et moi-même y travaillons activement.

Une campagne de sensibilisation a également été lancée : spot diffusé dans plus de 150 salles de cinéma jusqu'au 15 avril, site expérientiel, site internet de référence, Youtubers mobilisés... Le Gouvernement agit pour combattre les préjugés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance, suspendue à 17 h 35, reprend à 17 h 45.