CDG Express (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle.

Discussion générale

M. Louis Nègre, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP est parvenue le 30 novembre à un accord sur ce projet de loi qui marque un élan nouveau dans l'histoire chaotique du CDG Express. Comme beaucoup de grands chantiers d'infrastructures en France, ce projet s'était enlisé depuis une dizaine d'années ; il fallait agir dans l'urgence car il n'y a pas d'autre option crédible pour absorber la croissance à venir de Roissy et répondre aux besoins des voyageurs dans une démarche de développement durable - sans compter la candidature de Paris aux jeux Olympiques et aux manifestations suivantes. Sénat et Assemblée nationale se sont prononcés sans ambiguïté pour ce projet d'intérêt général.

Sur le montage juridique, similaire à celui du Grand Paris Express - séparation de la construction et de l'exploitation - il n'y a pas eu de débat. Je me félicite que l'exploitation fasse l'objet d'une mise en concurrence, cela compense l'attribution de gré à gré de la construction de l'infrastructure à une société de projet filiale de SNCF Réseau et d'ADP... Le Sénat avait sécurisé l'entrée éventuelle de la CDC au capital de la société et repoussé le délai permettant le recours à la procédure d'extrême urgence pour les expropriations. La CMP a retenu ces dispositions.

Nous avions exprimé quelques inquiétudes au regard de l'impact du projet pour les usagers du RER B, en dépit de l'enveloppe de 125 millions d'euros. Des perturbations sont inévitables au cours des travaux, puis ensuite. Il faudra veiller à respecter les besoins des voyageurs du quotidien.

Le schéma de financement est resté flou jusqu'au dernier moment. Il faudra 1,4 milliard d'euros aux conditions économiques de 2014 pour construire la ligne, 285 millions d'euros pour le matériel roulant et les équipements - en fait sans doute plus au fil du temps. L'exception exceptionnelle à la règle d'or sur l'endettement de SNCF Réseau me paraissait inacceptable. Des améliorations ont finalement été apportées au texte par la CMP sur proposition du rapporteur de l'Assemblée nationale : avis préalable de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) pour tout projet d'investissement - montant fixé aujourd'hui par décret à 200 millions d'euros - et rémunération de SNCF Réseau, notamment pour les capitaux investis. C'est l'esprit de ce que le Sénat avait voté en parlant d'une « rentabilité suffisante ». Républicain, je respecte cette décision...

Monsieur le ministre, vous avez annoncé 400 millions d'euros de fonds propres répartis entre SNCF réseau, ADP et, avez-vous dit, « probablement » la Caisse des dépôts - c'est nouveau -, plus une avance remboursable de 100 millions d'euros d'ADP. Je me félicite que cette dernière solution, que j'avais proposée, ait été retenue : c'est la preuve qu'une dérogation à la règle d'or n'était peut-être pas indispensable...

Je regrette en revanche l'augmentation de 40 % de 1 euro à 1,40 euro du montant de la taxe sur les compagnies aériennes. C'est la solution de facilité. Il était au moins indispensable de la repousser à la date d'entrée en service de l'infrastructure. Le Gouvernement est resté sourd aux appels, y compris de sa majorité, qui demandaient une remise à plat de la taxe ou l'affectation du surplus de recettes qui résulte de l'écrêtement.

Sur le volet financier, nous aurions pu faire beaucoup mieux. Je redoute déjà le jour où SNCF Réseau sera appelé à recapitaliser la société de projet... Il faudra rester attentif à la dette de la SNCF.

Je me réjouis cependant de l'engagement de ce projet important pour l'Île-de-France. Le Parlement aura su oeuvrer rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Vidalies.

M. Jean Desessard.  - Une panne de RER ?

M. Matthias Fekl, ministre.  - Le CDG Express est indispensable pour mieux relier Paris à son principal aéroport. Fin 2023, depuis l'aéroport, on pourra rejoindre directement la gare de l'Est en vingt minutes. Le projet, qui conjugue attractivité économique et développement durable, sera un argument de poids pour les candidatures de Paris aux jeux Olympiques et paralympiques et l'Exposition universelle.

Ce projet est complémentaire du Grand Paris Express et des transports du quotidien, qui bénéficient eux-aussi d'investissements, à commencer par le RER B, la ligne K du Transilien et le TER Picardie.

Le projet de loi donne à ce projet et à son montage juridique des fondements législatifs. Une filiale de SNCF Réseau et d'ADP se verra confier la conception, la construction, le financement et l'entretien de la ligne, et un opérateur ferroviaire désigné par appel d'offres son exploitation, selon les mêmes modalités que pour le Grand Paris Express.

Les ressources tirées de la billetterie ne suffiront pas ; le Gouvernement a donc proposé, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, une taxe sur les seuls voyageurs aériens de Paris Charles-de-Gaulle, à compter de l'entrée en service de la ligne et avec un plafond de 1,40 euros.

Le Gouvernement salue l'accord en CMP. Grâce à un amendement sénatorial, les conditions de la contribution financière de SNCF Réseau ont été précisées. Je remercie le rapporteur Louis Nègre de son travail.

Le Gouvernement soutient donc pleinement le texte qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également)

M. Jean Desessard .  - Grâce à ce projet de loi, touristes et acteurs économiques pourront, en 2023, rejoindre la capitale depuis l'aéroport Charles-de-Gaulle en 20 minutes. Le RER B, la ligne la plus fréquentée d'Europe avec 900 000 passagers/jour, ne correspondait pas, dit-on, aux standards de qualité.

M. Philippe Dallier.  - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Jean Desessard.  - Les écologistes ont trois objections. La dégradation de la ligne du RER B...

M. Roger Karoutchi.  - Pas seulement elle !

M. Jean Desessard.  - ...d'abord, malgré le plan de rénovation de 600 millions annoncé il y a quelque temps. L'état des rames est déplorable, les pannes et les retards fréquents.

M. Jean-Pierre Bosino.  - C'est un euphémisme !

M. Jean Desessard.  - Et on nous propose un investissement de 1,7 milliard pour transporter 20 000 voyageurs quotidiens... Toutes les études montrent que des travaux structurels très importants doivent être réalisés sur la ligne - on l'a vu récemment, les caténaires lâchent dès que la fréquentation augmente...

Le coût de l'aller simple en CDG Express, 24 euros, et le fait qu'il ne sera pas couvert pas le pass Navigo, le rendra inaccessible pour beaucoup. Le report du RER B sur le CDG Express est estimé à seulement 6 %. On crée ainsi un système à deux vitesses. Il y avait les deux classes dans le métro, il y aura les lignes de première et de deuxième classe.

M. Philippe Dallier.  - C'est la lutte des classes !

M. Jean Desessard.  - Dans les autres capitales européennes, rejoindre l'aéroport coûte beaucoup moins cher : 3 euros à Berlin, 14 euros à Rome, 8,5 euros à Bruxelles, soit des prix plus proches de celui du RER B actuel.

Pire, les 152 rames du CDG Express qui circuleront chaque jour, non seulement ne bénéficieront pas aux habitants de la Seine-Saint-Denis mais seront pour eux sources de nuisances visuelles et sonores. Et elles partageront une partie des voies avec le RER B - de nouveaux retards en perspective... Sans compter que le projet semble redondant avec la future ligne 17 du Grand Paris Express...

Le montage financier reste opaque. J'aimerais être sûr qu'un système de transports aussi inégalitaire ne sera pas financé sur fonds publics...

Les débats ne nous ont pas rassurés. Vous l'avez compris, le groupe écologiste ne soutient pas le projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et communiste républicain et citoyen)

Mme Nicole Bonnefoy .  - L'aéroport Charles-de-Gaulle, premier de France, deuxième d'Europe, est la principale porte d'entrée dans notre pays. Pourtant, ses trois voies d'accès routières et ferroviaires sont congestionnées, avec des temps de trajet jusqu'au centre de Paris pouvant aller jusqu'à une heure trente. Pour le confort des voyageurs, pour l'image de notre pays, il est indispensable que nous nous dotions d'une ligne ferroviaire rapide entre la capitale et l'aéroport.

L'enjeu économique est considérable avec les candidatures de Paris aux jeux Olympiques et à l'Exposition universelle et notre objectif d'accueillir 100 millions de touristes par an à l'horizon 2020. L'amélioration de la qualité de l'accueil est un des axes de travail, sachant que nous avons perdu un million de touristes de janvier à août de cette année.

N'opposons pas ce mode de transport aux transports du quotidien : ils sont complémentaires et le CDG Express délestera en partie les autres lignes et le transport routier.

Je me félicite donc de l'accord en CMP, et je remercie le Gouvernement d'avoir entendu nos préventions sur le montage financier initialement envisagé. Il importe d'ici 2024 d'aider nos compagnies aériennes à résorber leur déficit de compétitivité. Le CDG Express est une bonne nouvelle pour celles-ci, pour le secteur touristique et l'attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Éliane Assassi .  - Le projet du CDG Express, inutile et coûteux, est même une provocation pour les usagers du RER B, qui viennent encore de subir les effets du lâchage de caténaires datant de... 1946.

Avec un billet facturé à 24 euros, la majorité des Franciliens ne pourront se payer le trajet en CDG Express. Pour un habitant de Drancy, il faudra 35 minutes pour rejoindre l'aéroport Charles-de-Gaulle en empruntant la nouvelle ligne - 15 minutes jusqu'à la gare du Nord, puis 20 minutes en CDG Express, pour 24 euros - alors qu'il faut 25 minutes en RER B avec le pass Navigo !

Il ne faudrait pas opposer les projets ? Où sont les financements des infrastructures du quotidien ?

Mme Nicole Bricq.  - Ils sont inscrits !

Mme Éliane Assassi.  - Où est le pacte d'actionnaires pour le doublement du tunnel de Châtelet ? La région et l'État se renvoient la balle...

Des transports du quotidien de qualité sont indispensables à notre candidature aux jeux Olympiques. Un métro neuf automatique entre la capitale et l'aéroport, ce n'est pas un projet d'intérêt général : ces transports à deux vitesses selon les moyens financiers des usagers, ne correspondent pas à notre conception des services publics et constituent une violation des droits fondamentaux, parmi lesquels figure le droit à la mobilité. C'est le rôle de l'impôt que de redistribuer : la commission d'enquête exigeait une grille de circulation qui garantisse l'absence d'impact sur les transports existants.

Nous n'en disposons pas. Nous restons donc opposés à ce projet.

La loi de finances rectificative prévoit une taxe de 1,40 euros par billet, mais elle est trop tardive pour financer le projet. Tous les partenaires sont publics. Devrait-il entrer dans la règle d'or ? Un compromis a été trouvé. Mais nous contestons cette règle : la reprise de la dette par l'État est bien plus urgente.

La préservation des terres agricoles est un objectif important. Or ce projet en consommera 25 hectares à Mitry-Mory, et je ne parle pas du rognage du parc de la Poudrerie, en zone Natura 2000, ni de l'environnement des riverains de la porte de la Chapelle qui va se dégrader.

Pourquoi investir autant alors que ce projet est redondant avec la nouvelle ligne 17 du Grand Paris Express qui va relier Pleyel à Roissy ?

Pourquoi persévérer dans un projet qui n'est pas accepté par les populations ? En effet, lors de l'enquête publique de cet été, seulement 9 % des 705 avis déposés étaient favorables. Tous les élus dont les territoires sont concernés se prononcent contre cette liaison.

Fiabilité, ponctualité, qualité et confort ne doivent être un luxe réservé aux seuls passagers de l'aérien mais rester les attributs du service public pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean Desessard applaudit également)

M. Robert Hue .  - Depuis 1974, l'aéroport Charles-de-Gaulle est devenu le deuxième d'Europe. Avec Orly, il est la porte d'entrée vers d'autres destinations françaises. Il a donc un caractère stratégique. Le tourisme représente 7,3 % de notre PIB. La France reste la première destination touristique et Paris a présenté sa candidature aux jeux Olympiques de 2024 et à l'Exposition universelle de 2025.

Il est urgent de fixer le cadre juridique de cette ligne, dont l'utilité n'est plus à prouver. Dans un contexte de hausse permanente du trafic du RER B, le report modal est une bonne chose. Mais deux inconnues persistantes et regrettables demeurent : l'impact sur le RER B compte tenu que le même tronçon serait utilisé par les deux services, ainsi que le financement.

Nous connaissons tous les incidents quotidiens d'un réseau victime d'un sous-investissement chronique.

Quant au prix de 24 euros, il est excessivement élevé : il sera plus intéressant pour une famille de prendre un taxi et les plus patients prendront le RER B. C'est pourquoi il faut donner la priorité au financement des transports du quotidien...

Il nous faut être le plus clair possible sur le financement. La règle d'or a été écartée au motif que le projet serait rentable, ce qui a inquiété le Sénat et les compagnies aériennes ; 100 millions d'euros d'avance remboursable de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) s'y sont ajoutés.

Tout en étant conscient de ces inconnues et de ces lacunes, le groupe RDSE votera les conclusions de la CMP, afin que la loi voie le jour rapidement.

M. Vincent Capo-Canellas .  - Le Sénat a choisi, samedi, de voter conforme la disposition de la loi de finances rectificative qui permettra au projet du CDG Express de se concrétiser enfin - il était temps, sachant que notre pays est montré du doigt dans le monde entier pour la difficulté d'accès de sa capitale depuis son aéroport principal.

Les amendements de Louis Nègre, sur la durée des expropriations notamment, ont été retenus en CMP, ce qui a permis de sortir par le haut du débat financier.

Cela ne pourra qu'être utile au transport aérien, qui vit des moments difficiles. Merci au rapporteur Louis Nègre également pour son apport sur la règle d'or, grâce auquel le consensus a pu s'établir. (M. Antoine Lefèvre et M. Mathias Fekl, ministre, confirment) Rares sont les rapporteurs qui défendent à ce point l'intérêt général.

Tout n'est pas réglé pour autant : les transports du quotidien devront être l'objet d'un soin tout particulier, notamment le RER B. Il faudra faire preuve de la même inventivité sur ces sujets.

La ligne 17 ne sera pas en concurrence avec le CDG Express, direct en vingt minutes, puisqu'un changement à Pleyel sera nécessaire, et qu'il y aura ensuite neuf stations pour rejoindre Roissy par ce moyen.

Louis Nègre nous l'a bien dit, il faudra surmonter des handicaps, l'interdiction notamment du financement public. Après le montage, désormais arrêté, il faudra faire en sorte que des financements bancaires puissent être mobilisés. L'écrêtement de la taxe de solidarité, qui abondait le budget de l'État, a été supprimé par l'Assemblée nationale ; il faudra aussi trouver des mesures de compétitivité pour les compagnies. (Applaudissements au centre)

M. Christian Manable .  - Des anciennes régions françaises, Amiens, était la seule capitale à ne pas être reliée par le TGV.

La liaison Picardie-Roissy est stratégique pour les Hauts de France. C'est le noeud international des liaisons rapides, mais aussi le coeur d'une zone d'activités très importante débouchant sur le sud de la Picardie et le Val d'Oise. Il faut donc en parler. Étudions l'opportunité de ce barreau Creil-Roissy et examinons son impact sur les liaisons avec Paris intramuros.

Le CDG Express peut-il être une nouvelle entrée dans Paris pour les passagers venus de Picardie, soulageant ainsi le RER B ? Ces questions n'ont, à ma connaissance, pas été traitées par l'enquête publique.

Pourtant, un barreau pourrait relier Creil à la gare de TGV, sans compter les autres avantages.

Au nom du collectif d'élus picards que je préside, je demande que cette question soit étudiée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yves Daudigny.  - Bravo pour la Picardie !

M. Matthias Fekl, ministre .  - Selon les conclusions de l'enquête en date du 16 décembre, les trois incidents indépendants des 6 et 7 décembre sur les voies du RER B ne sont pas imputables à un défaut de maintenance... (Exclamations incrédules sur plusieurs bancs)

Mme Éliane Assassi.  - Il faut changer les caténaires, c'est tout !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ils datent de 1946 !

M. Matthias Fekl, ministre.  - Le projet CDG Express ne doit rien enlever aux trains du quotidien qui restent la priorité du Gouvernement. Cet engagement prend la forme de traductions financières concrètes. Nous enregistrons d'ailleurs des gains de ponctualité : nous prévoyons 1 milliard d'euros pour ces infrastructures et 1,5 milliard pour le renouvellement des rames. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction issue de la CMP.

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.