Orientation et réussite des étudiants (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants.

Discussion générale

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Au coeur de ce projet de loi, il y a l'ambition de refonder l'enseignement supérieur autour de trois principes : la confiance, l'ouverture et la réussite.

La confiance a été ébranlée par le recours au tirage au sort et les difficultés rencontrées par les lycéens et leurs familles dans l'utilisation d'Admission post-bac, APB. Il faut instituer de nouvelles règles claires, justes et transparentes. Nous avons tous en mémoire la situation de l'été dernier, nous devons apporter des réponses pour aborder sereinement la rentrée 2018. C'est une nécessité juridique que la CNIL et le Conseil d'État ont rappelée, mais aussi une obligation politique, celle d'accompagner les étudiants et leurs familles dans leurs choix.

C'est pourquoi j'ai souhaité que Parcoursup ne soit pas une boîte noire automatisée où l'on entrerait une série de voeux d'où ressortirait, par un processus obscur, une proposition et une seule dans le meilleur des cas, mais le lieu d'un dialogue où l'étudiant pourra exprimer son intérêt pour une formation et où les établissements pourront lui répondre par une proposition adaptée. Il ne s'agit donc nullement d'optimiser un logiciel d'affectation mais de laisser l'étudiant et sa famille décider à partir de propositions concrètes sur la base d'une information complète. Telles sont les conditions du rétablissement de la confiance.

Deuxièmement, l'ouverture. Le baccalauréat, premier grade de l'enseignement supérieur, ouvre à chaque jeune qui l'obtient le droit de poursuivre des études. Redonner tout son sens à ce principe suppose d'aider chacun à construire sa réussite dans les études et, plus généralement, dans l'emploi. Le Gouvernement s'y emploie par une démarche globale allant de la rénovation du lycée à l'entrée dans le premier cycle universitaire en passant par l'apprentissage et la formation tout au long de la vie.

Nous en avons la conviction profonde : notre pays a besoin de nouvelles compétences, voire de compétences inconnues. Les métiers se transforment, notre monde évolue, il faut armer notre jeunesse pour qu'elle y trouve sa place. Ce texte traite de l'entrée dans l'enseignement supérieur, le moment venu seront examinées vos propositions concernant les autres chantiers que le Gouvernement a ouverts.

Dans le système actuel, les bacheliers ne sont pas égaux. Ceux qui viennent des voies professionnelles et technologiques ne parvenaient pas à accéder aux BTS et aux IUT. Nous devons absolument développer ces formations car l'ouverture doit être sociale comme territoriale. Je connais l'attachement de la Haute assemblée à la méritocratie républicaine. Oui, en métropole et en outre-mer, en ville ou en milieu rural, tous les lycéens doivent bénéficier des mêmes chances. Ainsi, chacun se verra offrir une proposition dans son académie et, s'il le souhaite, hors de son académie. C'en est fini d'APB qui enfermait le jeune dans son académie dès lors qu'il voulait rejoindre une filière en tension, comme la médecine ou le droit. Dans chaque formation, un nombre minimal de places, précisé par le recteur, sera réservé aux étudiants venant d'autres académies. De même, il existera un plancher minimal de boursiers, qui donnera corps à la méritocratie républicaine. Appuyons-nous sur les initiatives telles que « Premiers de cordée » pour lutter contre l'autocensure.

Le Gouvernement a placé la vie étudiante au coeur de la réforme. C'est le sens de la suppression du régime de sécurité sociale étudiante, lequel n'offrait pas le même niveau de service et d'accompagnement que le régime général. Les étudiants les plus fragiles étaient les premiers à en souffrir, les retards de remboursement les mettaient en grande difficulté. La politique de prévention envers les étudiants et les jeunes actifs fait l'objet, en accord avec la ministre de la santé, d'une nouvelle organisation nationale et territoriale. Le rapporteur a clarifié le texte sur ce point, ce dont le Gouvernement le remercie. La suppression des cotisations de sécurité sociale dès 2018 et leur remplacement par une contribution à la vie étudiante dégageront 100 millions d'euros de pouvoir d'achat pour les étudiants.

Troisièmement, la réussite. Ancienne présidente d'université, je sais qu'elle ne se décrète pas mais je sais aussi que notre devoir est de mieux prendre en compte les attentes singulières des bacheliers. De nombreux professeurs et enseignants-chercheurs y consacrent déjà du temps. Ils ont besoin de moyens et d'un cadre institutionnel, c'est ce qui ressort des rencontres que j'ai eues avec une cinquantaine de présidents d'université ces dernières semaines. Les moyens sont là : le Plan Étudiants s'accompagne d'un investissement de plus d'un milliard d'euros sur le quinquennat. Des crédits supplémentaires ont été fléchés, dans le budget pour 2018, vers l'augmentation des capacités d'accueil et la mise en place des modules d'accompagnement pédagogique. Ces crédits, que vous avez votés, arrivent désormais dans les universités. Quant au cadre institutionnel, c'est ce projet de loi qui le trace en consacrant les parcours personnalisés dans l'offre de formation après trois ans, cinq ans et huit ans d'études. Notre objectif est de donner à l'étudiant la possibilité de passer la licence au rythme qui lui convient ; bref, d'aller plus loin beaucoup plus loin dans la logique de spécialisation progressive autour d'une licence modulaire.

Clarifier les attendus des formations participera également de la bonne information des étudiants. Ces attendus existent dans la pratique depuis des années sans que les étudiants en soient informés. Et c'est ainsi que nombre d'entre eux s'inscrivent en Staps, pensant suivre une formation sportive, en ignorant la part importance que les sciences y occupent. L'information doit aussi porter sur le taux de réussite, le taux de poursuite des études et le taux d'insertion professionnelle. Dire aux étudiants les choses comme elles sont, ce n'est pas les décourager ; c'est un devoir de vérité : ils doivent choisir en toute connaissance de cause. Cela participera de la rénovation de l'orientation à laquelle le Sénat a appelé le Gouvernement à de nombreuses reprises.

Parcoursup doit être un outil d'information et d'orientation exemplaire. Le Gouvernement vous soutiendra dans votre volonté de garantir une information accessible à tous sur la nouvelle plateforme. Nous ne fermerons aucune porte aux étudiants : s'ils ne possèdent pas les attendus, ils se verront proposer un accompagnement personnalisé.

Confiance, ouverture, réussite, ces trois principes sont le fruit de la vaste concertation que le Gouvernement a menée. Fait rare, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Cneser, a donné un avis favorable à ce texte. La communauté universitaire, que je salue, le soutient. Au-delà des 24 millions d'euros dégagés pour accompagner cette réforme, je veux d'ailleurs engager une concertation sur la façon de mieux reconnaître l'engagement pédagogique.

Les décisions de la CNIL et du Conseil d'État nous obligent à saisir le législateur dans un temps resserré. Pour autant, ce texte est autre chose qu'une réponse à apporter en urgence. Le Sénat peut s'y retrouver, lui dont les nombreux rapports ont trop peu retenu l'attention des gouvernements par le passé. La Haute assemblée s'est montrée précurseur sur de nombreux sujets : l'orientation à l'initiative de M. Guy-Dominique Kennel ; la suppression du régime étudiant avec Mme Catherine Procaccia. Bien que les délais nous obligent, le Sénat, dont on a vu l'esprit de responsabilité en 2007, en 2013 ou encore sur la réforme du master, apportera sa marque à ce projet de loi. Montrons que l'État considère sa jeunesse et l'accompagne vers l'épanouissement citoyen et l'insertion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes RDSE et UC)

M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La sélection, selon Le Larousse, est « l'action de choisir les personnes qui conviennent le mieux ». C'est donc une démarche positive et constructive mais elle impose aussi, lorsqu'il s'agit de notre jeunesse, de nos enfants, qu'aucun d'eux ne soit laissé seul et sans espérance. C'est par cette belle formule que Jean-Léonce Dupont concluait son intervention sur la sur la proposition de loi sur la sélection à l'entrée du master.

La sélection est une chance. Le mot a hélas disparu du dictionnaire de la politique française depuis l'échec de la loi Devaquet, dont je salue la mémoire, et surtout, depuis le terrible assassinat de Malik Oussekine. Mme la ministre ne l'a pas même prononcé. Pourtant, il représente une solution juste et égalitaire, profondément républicaine, gage de réussite pour les étudiants. La sélection ne revient aucunement à fermer les portes de l'université, mais à faire en sorte que chaque jeune puisse suivre un parcours adapté à ses ambitions et à ses perspectives professionnelles. Cessons nos fausses pudeurs de chaisières : plus de 50 % des cursus sont déjà sélectifs. Soyons courageux : offrons la sélection pour tous au lieu d'une sélection par l'échec qui frappe d'abord les classes populaires et les filières techniques. Dans la dernière édition du journal Le Monde, un enseignant à l'université témoigne de ce qu'il doit donner des cours d'alphabétisation avant de songer à enseigner sa matière... L'hypocrisie a été poussée à son paroxysme avec le tirage au sort par une circulaire de Mme Vallaud-Belkacem entre les deux tours des élections présidentielles. Madame la Ministre, vous qui introduisez enfin la sélection à l'entrée dans notre enseignement supérieur, je vous reconnais du courage politique. Mais osez aller jusqu'au bout ! « On ne peut faire semblant d'avoir du courage », disait Napoléon.

Un satisfecit mais aussi des inquiétudes. Le rythme de la réforme est très rapide en raison des décisions de la CNIL et du Conseil d'État. Quelque 850 000 étudiants risquent d'en essuyer les plâtres à la rentrée 2018. Chaque université examinera des milliers de dossiers de candidature puisque les voeux ne seront plus hiérarchisés : 1 000 en moyenne pour chaque licence, 15 000 dans les formations les plus demandées.

Alors que plus de 30 000 candidats supplémentaires se presseront aux portes de l'enseignement supérieur l'an prochain, le Gouvernement prévoit d'ouvrir 22 000 places. Certes, 135 000 places étaient restées vacantes à la fin d'APB 2017 mais une vigilance particulière s'impose en privilégiant les créations dans les filières avec des débouchés rapides, comme les IUT et les STS.

Enfin, la procédure du dernier mot obligera le recteur à faire une proposition de formation à ceux qui n'auront pas obtenu de place. Cela ressemble au droit à la poursuite d'étude en master que nous avions refusé. Le rectorat sera submergé de demandes durant l'été. Nous avons amélioré le dispositif en prévoyant qu'un dialogue devra se nouer avec l'établissement, lequel donnera son avis.

Voilà la manière dont la commission de la culture a examiné ce texte auquel elle a apporté sa marque. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)