Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié septies, présenté par MM. Houpert, Kern et Joyandet, Mme Berthet, M. Paccaud, Mmes Puissat, de Cidrac, Lassarade et Gruny, M. Charon, Mme F. Gerbaud, M. Laménie, Mmes Delmont-Koropoulis et Bories, M. H. Leroy, Mme Loisier, M. Chatillon, Mme Deromedi, M. Le Gleut, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mmes Goy-Chavent et Férat et MM. Rapin, Babary et Leleux.

I.  -  Alinéa 2

Après les mots :

code pénal

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

dès lors qu'ils ont été commis sur un mineur, est imprescriptible.

II.  -  Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Les deuxième et troisième alinéas de l'article 8 sont supprimés.

M. Alain Houpert.  - Mettons les bons mots sur les maux. Les crimes sur mineurs sont des crimes majeurs : les victimes sont des êtres en devenir, elles ne s'en remettent jamais. Cette violence sexuelle est la forme de violence la plus destructrice qu'un être humain puisse subir. Elle cause des dégâts irréversibles sur le cerveau et le système limbique, source de nombreuses pathologies : diabète, hypertension, cancers, pathologies gynécologiques...

Plus l'enfant est jeune et plus les conséquences sont dramatiques. L'obstacle le plus fort à la libération de la parole, c'est l'amnésie traumatique - l'hippocampe étant touché -, qui peut durer des décennies et cause, lors du retour à la conscience, un véritable cataclysme psychologique et physique.

La réforme de la prescription pénale de février 2017 ne prend pas en compte ces spécificités des crimes sexuels sur mineurs. 

Cet amendement les rend imprescriptibles, d'une part pour que les victimes ne puissent plus être déclarées hors délais, ce qui leur interdit de demander justice, et d'autre part pour que les auteurs sachent qu'ils ne sont pas à l'abri d'une sanction, même tardive.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Meunier et M. Jeansannetas.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers

par les mots :

est imprescriptible

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement rend imprescriptibles les crimes mentionnés aux articles 222-23 à 222-26 du code pénal lorsqu'ils sont commis sur des mineurs.

Muguette Dini s'appuyait sur un rapport du Conseil de l'Europe selon lequel un enfant sur cinq serait confronté à la violence sexuelle, sous une forme ou sous une autre. En France, cela représente 2,25 millions d'enfants.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié quinquies, présenté par MM. Buffet, Allizard et Babary, Mme Berthet, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Chaize, Chatillon, Dallier et Daubresse, Mmes de Cidrac, Deroche, Deromedi, Di Folco et Dumas, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Forissier, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houpert et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Lefèvre, Milon et Piednoir, Mme Puissat, MM. Rapin et Savin, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vial et Wattebled.

M. François-Noël Buffet.  - Doit-on passer à trente ans, à quarante ans, ou à l'imprescriptibilité, comme je vous le propose ? Ceux qui s'y opposent arguent de l'absence de preuve. La victime, elle, n'oublie pas.

À la différence des crimes de sang où l'enquête commence dès la victime découverte, c'est la capacité de la victime de ces crimes sexuels à révéler publiquement l'agression qui déclenche l'action publique.

Actuellement, la prescription court à compter de la majorité : les victimes peuvent dont porter plainte jusqu'à l'âge de 38 ans seulement. Or les médecins nous le disent : il faut du temps, une stabilité dans la vie sociale pour que, dans des conditions que nous ne connaissons pas, la victime soit capable de révéler les faits dont elle a été victime.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié sexies, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier, Garriaud-Maylam et Puissat, MM. Lefèvre, Brisson, P. Dominati, Bascher, Pierre, B. Fournier, Savary et Panunzi et Mmes Deromedi et Micouleau.

Alinéa 2

Remplacer le nombre :

trente

par le nombre :

quarante

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - Devant la gravité des faits et les difficultés des victimes à retrouver la mémoire après une amnésie traumatique, il nous est apparu nécessaire de porter la prescription de ces crimes à quarante ans, puisque l'imprescriptibilité ne s'applique pas. Cela semble un bon compromis.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Nos travaux nous ont pris du temps, mais aussi du coeur. Ces crimes sont les plus odieux. Mais l'imprescriptibilité ne saurait être une réponse valable. Quelles preuves peut-on recueillir, cinquante ans après les faits ? On mettrait les victimes en difficulté. Et l'on créerait un précédent. L'imprescriptibilité ne concerne que les crimes contre l'humanité - pour lesquels précisément on peut recueillir des preuves. À l'inverse, même dix ans après les faits, les crimes sexuels sont très difficiles à prouver. On ne peut les traiter de la même façon que la Shoah. Où placer la hiérarchie : pourquoi pas le terrorisme, les crimes de guerre, les homicides, les actes de barbarie, le trafic de drogue... ?

Nous sommes confrontés à un problème de cohérence dans les peines. Pour un trafic de stupéfiants, on encourt la perpétuité ; pour un crime sexuel, vingt ans de prison. Le Conseil d'État a d'ailleurs émis des réserves. La prescription ne protège pas les criminels mais garantit le droit à un procès équitable et respecte les victimes. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement rejoint l'analyse de Mme Mercier. Le Conseil constitutionnel admet l'imprescriptibilité pour les crimes qui touchent à l'ensemble de la communauté internationale ; une telle disposition s'expose à un risque de censure. Dans son projet de loi, le Gouvernement proposera un allongement à trente ans, solution préconisée par la mission de consensus Flament-Calmettes. Quarante ans, c'est une complexification. Avis défavorable.

Mme Esther Benbassa.  - Nous avons déjà eu ce débat. L'allongement de la prescription, gage de considération pour les victimes, parait inéluctable. Pourtant, s'il est essentiel que le délai commence à courir à compter de la majorité de la victime, la tendance à l'allongement n'est pas une réponse adéquate à la souffrance. Le Syndicat de la magistrature l'a rappelé lors de la réforme de la prescription, il y a un an : les bonnes intentions ne font pas les bonnes législations. La prescription n'est pas l'ennemi de la justice mais un de ses piliers, la garantie d'un procès équitable et une condition de l'apaisement social.

La parole des victimes, aussi crédible soit-elle, ne saurait à elle seule fonder une condamnation dans un État de droit. Les plaintes tardives aboutissent souvent à un classement sans suite où à un non-lieu. Quelle souffrance pour les victimes ! Le phénomène n'appelle pas qu'une réponse législative, mais aussi sociale et sociétale.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - En matière de crime sexuel sur mineurs, le délai de prescription commence à la majorité de la victime.

Les régimes de prescription ont été modifiés il y a un an, tant pour les délits que les crimes. Depuis, la question de l'amnésie traumatique est revenue dans le débat.

Au sein du groupe de travail, nous avons jugé qu'il fallait allonger le délai de dix ans, mais refuser l'imprescriptibilité. En droit français, le délai de prescription varie en fonction de la gravité du délit et l'imprescriptibilité est réservée au crime contre l'humanité.

Lorsque tant années ont passé, on peut douter de la possibilité d'un procès équitable. Le groupe socialiste retiendra la proposition du groupe de travail et repoussera ces amendements.

M. Jacques Bigot.  - Il y a un an, nous avions eu de longs débats sur cette même question. La prescription doit courir depuis la majorité de la victime, mais nous n'avions pas jugé, suivant en cela le rapporteur, François-Noël Buffet, qu'il fallait en allonger le délai. (M. François-Noël Buffet opine.) Cela n'a pas de sens. Soit nous jugeons qu'il faut attendre que l'amnésie traumatique se dissipe, et alors l'imprescriptibilité proposée par François-Noël Buffet est la seule réponse valable - il y a des pays où la prescription n'existe pas -, soit nous en restons à ce que nous avions décidé il y a un an. Personnellement, c'est ce que je ferai.

Mme Françoise Gatel.  - Il est difficile de trouver une réponse satisfaisante, à supposer qu'elle existe. Ce que nous voulons, c'est aider les victimes à se reconstruire. Au départ, je pensais que l'imprescriptibilité y participerait. En écoutant les personnes auditionnées, dans leur diversité, j'ai compris que cela ne servirait pas forcément les victimes. Au contraire, faute de pouvoir apporter la preuve du crime, voire retrouver l'agresseur, l'imprescriptibilité crée le risque d'un non-lieu qui aurait pour effet d'accroître le sentiment de culpabilité et d'abandon de la victime. Bref, je ne suis pas favorable à l'imprescriptibilité.

M. Alain Houpert.  - Le Sénat peut montrer la juste voie sur ce sujet. Le Conseil d'État n'a jamais évoqué l'efficacité de l'imprescriptibilité ; dans son avis du 1er octobre 2015, il rappelle que le législateur a un large pouvoir d'appréciation en la matière. Ni la Constitution, ni la Convention européenne des droits de l'homme ne comportent de dispositions relatives à la prescription en matière pénale.

M. Alain Richard.  - À quoi sert la prescription ? Non pas à pardonner ou oublier, mais à s'assurer que le jour où les poursuites seront engagées, elles seront en situation d'aboutir équitablement. C'est la raison pour laquelle le délai est fonction de la gravité de l'infraction. Plus la peine encourue est élevée, plus on doit se garantir contre toute erreur judiciaire. Supprimer la prescription, c'est prendre le risque d'un procès qui a toutes les chances d'aboutir à un fiasco judiciaire. Plus le temps passe, et plus les preuves matérielles, les témoignages deviennent fragiles, contestables, ce qui peut conduire le juge à écarter la culpabilité, faute de pouvoir la démontrer.

Gardons-nous, quelle que soit l'émotion qui nous saisit, de prendre une position d'apparence dont nous ne verrons pas les conséquences avant des décennies, avec le risque que nos successeurs constatent que cela nous a menés dans une impasse.

Mme Michelle Meunier.  - Nous vivons un moment rare et je me félicite de la qualité du débat dans notre Haute assemblée.

Fidèle à ce que j'ai toujours défendu, en accord avec ce que m'ont confié les associations de victimes, je voterai pour l'imprescriptibilité. Un délai, quel qu'il soit, condamnera toujours certaines victimes au silence.

Flavie Flament, avec un délai allongé, aurait pu obtenir réparation, et l'auteur condamné. En se taisant, on protège l'agresseur, au risque qu'il fasse d'autres victimes. L'imprescriptibilité enrayerait aussi la récidive.

Pour reprendre les mots de la comédienne Andréa Bescond, le silence, le secret, la honte sont les complices des violences sexuelles. N'ajoutons pas à cette macabre énumération le temps qui passe.

Mme Laurence Cohen.  - La question, complexe, nous interroge.

Nous voulons tous que les victimes soit protégées et les coupables châtiés. J'entends les arguments de Mme Meunier ; elle est fidèle à son combat, que je partage.

L'imprescriptibilité est destinée au crime contre l'humanité, il faut le réaffirmer. Dans notre groupe, nous aurons des positions différentes sur l'allongement du délai. Personnellement, je voterai pour l'allongement à trente ans ; l'étude des mécanismes psychologiques montre que les victimes peuvent avoir besoin de ce temps supplémentaire pour que la parole se libère. Une multiplication des dénonciations peut entraîner une réaction plus vive de la justice.

Ces interrogations rappellent celles que nous avions lors de l'examen de la proposition de loi Meunier-Dini. Chacun se détermine en son âme et conscience.

M. Marc Laménie.  - Le sujet est complexe et sensible. Bien que signataire de l'amendement, j'ai écouté avec intérêt les explications convaincantes du rapporteur, dont je salue le travail. Nous avons été sensibilisés à ces questions dans le cadre de la délégation aux droits des femmes. Il faut faire confiance à la justice, lutter contre l'impunité et inciter les victimes à parler. Après réflexion, je suivrai le rapporteur.

M. François-Noël Buffet.  - Je n'ai pas le sentiment que nous serions proies à une émotion qui nous interdirait la raison et la hauteur. Ce débat est nécessaire, il mérite d'être tenu.

M. Houpert a raison de rappeler la position du Conseil d'État dans son avis de 2015.

Certes, monsieur Richard, la prescription est là pour garantir un procès équitable. C'est ce qui a conduit la proposition de loi Tourret-Fenech de février 2017 à allonger les délais pour tenir compte des évolutions technologiques permettant de révéler la vérité et de faire progresser les enquêtes.

De même, il nous faut aussi intégrer les progrès de la médecine et des sciences sur l'amnésie traumatique. Cela relève de notre responsabilité. Il y a un an, en tant rapporteur du texte sur la prescription, je n'avais pas de conviction profonde ; un an plus tard, les choses ont évolué. Je me réjouis d'avoir refusé l'amendement de M. Kanner, car cela a donné lieu à la création du groupe de travail grâce auquel nous avons aujourd'hui ce débat. Le Sénat doit être capable de se projeter et d'entendre ce qui se passe.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes.  - Je voterai contre ces amendements, même si je comprends les positions des uns et des autres. Certains témoignages sont pénibles à entendre... Mais magistrats et associations de victimes ont trouvé un consensus sur l'allongement à trente ans.

M. François Pillet.  - Toutes les positions, même guidées par l'émotion, sont respectables. Ce débat n'est pas un débat d'intention, mais de moyens : l'imprescriptibilité est-elle le moyen d'apporter davantage de justice ? Je ne le crois pas.

La preuve matérielle, dans ces affaires, existe rarement ; la preuve testimoniale déjà problématique quinze jours après les faits, devient invérifiable quarante ans après. L'accusé à toute chance d'être relaxé ou acquitté au bénéfice du doute.

Gare aux erreurs judiciaires. Nous ne servirions pas l'intérêt des victimes, auxquelles nous causerions au contraire une autre blessure. Enfin, les décisions risquent fort d'être incomprises, quand des quinquagénaires seront jugés comme des adolescents pour des faits commis à 16 ou 17 ans...

M. Jean-Pierre Grand.  - Sans entendre ces débats, je n'aurais pas voté la fin de la prescription. Qu'est-ce qui est imprescriptible en France ? Les crimes contre l'humanité et les abus de biens sociaux. (On le conteste à gauche.)

Avoir été maire - je l'ai été pendant 35 ans - a du bon. Je me suis souvenu de cette jeune femme venue me raconter que son père continuait à perpétrer sur sa fille les horreurs qu'il avait commises sur elle et sur sa soeur. Ces détraqués sont des pervers qui ne s'arrêtent jamais. Ce n'est pas un seul crime, mais un grand nombre de crimes qui risquent d'être révélés avec le procès ! Je voterai les amendements qui proposent l'imprescriptibilité.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous avons la chance, au Sénat, d'avoir des débats de cette qualité.

Derrière cet amendement, il y a la question de l'imprescriptibilité d'autres crimes. Nous pourrions sans doute trouver également des raisons pour rendre imprescriptibles l'assassinat d'enfants...

M. Jean-Pierre Grand.  - Il faut le faire.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - ... ou les crimes terroristes de masse. L'idée sous-jacente de ces amendements est noble : ne jamais mettre fin à la traque des coupables. Mais c'est ouvrir une brèche dans le régime de la prescription que nous venons de réformer en profondeur.

Il y a d'autres moyens de prendre en compte l'amnésie post-traumatique : l'amendement suivant de M. Buffet propose ainsi de faciliter la suspension du délai de prescription sur avis médical, ce qui permettrait à la victime de déposer un recours à tout moment. Au bénéfice de cet amendement, je demande à nos collègues de ne pas voter l'imprescriptibilité.

M. Maurice Antiste.  - Je suis très troublé. L'imprescriptibilité est réservée aux crimes contre l'humanité. Mais y a-t-il plus grand crime que de violer ? Violer une femme, c'est violer celle qui donne l'humanité. Enlevez les femmes et il n'y a plus d'humanité. Fort de cette réflexion, je voterai les amendements.

À la demande du groupe UC, l'amendement n°5 rectifié septies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°73 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 14
Contre 326

Le Sénat n'a pas adopté.

(Mme Esther Benbassa et M. Loïc Hervé applaudissent.)

À la demande du groupe UC, les amendements identiques nos4 et 9 rectifié quinquies sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°74 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 19
Contre 318

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Madame Boulay-Espéronnier, j'insiste : la priorité est de libérer la parole pour que les victimes déposent plainte le plus tôt possible. Retrait de l'amendement 8 rectifié quinquies ?

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - Soit.

L'amendement n°8 rectifié quinquies est retiré.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié quinquies, présenté par MM. Buffet et Allizard, Mme Berthet, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Chaize, Chatillon et Dallier, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes de Cidrac, Deroche, Deromedi, Di Folco, Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Forissier, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houpert et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Milon et Piednoir, Mme Puissat, MM. Rapin et Savin, Mme Troendlé et MM. Vial et Wattebled.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 706-48 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une telle expertise peut également être ordonnée pour apprécier l'existence d'un obstacle de fait insurmontable rendant impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, en application de l'article 9-3 du code de procédure pénale. »

M. François-Noël Buffet.  - Par principe, cet amendement devrait obtenir un avis favorable. Il s'agit de reconnaître l'amnésie traumatique, reconnue par un médecin, un obstacle insurmontable suspendant le délai de prescription. Cette notion, développée par la jurisprudence, a été consacrée dans la loi du 27 février 2017. Cette avancée, puisque le Sénat n'a pas accepté l'imprescriptibilité, permettrait aux victimes de faire prospérer valablement leurs griefs contre leur agresseur.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement faciliterait la reconnaissance par la justice des troubles post-traumatiques et permettrait la prise en charge des expertises médicales relatives à la reconnaissance de l'amnésie traumatique au titre des frais de justice. Avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage l'objectif mais les textes autorisent déjà la reconnaissance de ces troubles ainsi que leur expertise. Pour des questions de forme, avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - La loi prévoit depuis peu la suspension de la prescription en cas d'obstacle insurmontable, une évolution qui a fait suite à la décision de l'assemblée plénière de la cour de Cassation du 16 novembre 2014. La possibilité de l'expertise est ouverte à l'article 706-40 du code de procédure pénale. Cet amendement est donc un peu étrange, il n'apporte rien de nouveau sur le plan juridique. Le groupe socialiste votera contre.

M. Alain Houpert.  - Au contraire, c'est une juste avancée que propose M. Buffet. Elle empêchera les prédateurs de recommencer car les auteurs de violences sexuelles sur les mineurs sont souvent des récidivistes. Je soutiendrai cet amendement haut et fort.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°10 rectifié quinquies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°75 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 226
Contre 117

Le Sénat a adopté.

L'amendement n°10 rectifié quinquies est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Supprimer le mot :

morale

M. Jacques Bigot.  - Je l'ai souligné en commission : la contrainte n'est pas que morale, elle peut être de nature diverse.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Alain Marc et plusieurs membres du groupe UC.  - Pourquoi ?

L'amendement n°7 est adopté.

Mme Esther Benbassa.  - Les affaires de Pontoise et Melun ont mis en évidence les difficultés liées à la qualification de viol. Trop peu d'agressions font l'objet de poursuites et condamnations : sur près de 25 000 plaintes, 400 pour viol, 2 000 pour agression sexuelle et moins de 300 pour atteinte sexuelle.

L'interdiction pénale est très clairement posée puisque la loi proscrit toute relation sexuelle d'un adulte avec un mineur de moins de 15 ans. Cela suffit-il ? La tendance à la correctionnalisation des affaires montre que l'instauration d'une prescription de contrainte dans le cas d'incapacité de discernement pour le mineur ou de différence d'âge significative entre l'agresseur et sa victime est une piste à explorer. Pour autant, l'essentiel n'est pas là. Clarifier la définition de viol tant pour les victimes majeures que mineures, voilà ce qu'il faudrait faire.

Mme Laurence Cohen.  - Le groupe CRCE s'abstiendra, faute, en effet, d'une réflexion plus globale sur la question. Aucun seuil d'âge n'a été fixé. La définition proposée pour la présomption de contrainte est trop subjective. À refuser de trancher le seuil d'âge, on se heurtera à la même difficulté pour déterminer le critère de différence d'âge qui devra s'appliquer. L'essentiel est d'envoyer un signal fort de protection des mineurs. À cet égard, l'article 3 reste insuffisant, trop flou et difficilement applicable.

Mme Laurence Rossignol.  - Nos débats le démontrent, il faut construire une fusée à plusieurs étages pour protéger les mineurs. L'article 3 est un de ces étages, qui crée une présomption de contrainte jusqu'à 18 ans. Cela protégera les mineurs qui ne sont pas forcément matures à 15 ans et demi et peuvent, devant une offre de relation sexuelle, être plongés dans un état de sidération que les avocats de la défense interprètent comme un signe de consentement. Un écart d'âge significatif, nous savons à quoi cela correspond. Le Québec l'a fixé à cinq ans. Nous voterons cet amendement en insistant sur le deuxième étage que nous vous proposerons d'ajouter à la fusée : un seuil d'âge à 13 ans pour le consentement sexuel. Prise en compte individuelle des maturités mais aussi protection collective, c'est ainsi que nous bâtirons un texte complet pour lutter contre les violences sexuelles faites aux mineurs.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-23 du code pénal, il est inséré un article 222-23-... ainsi rédigé :

« Art. 222-23-...  -  Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis par un majeur sur un mineur de treize ans est un viol puni de vingt ans de réclusion criminelle. »

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement met un terme à ce qui a paru inacceptable à de nombreux parlementaires et à la société : à savoir qu'on débatte dans un tribunal du consentement d'un enfant de moins de 13 ans à une relation sexuelle. Disons clairement qu'une relation sexuelle avec un enfant de moins de 13 ans n'est pas tolérable, n'est plus tolérable. L'argument de l'inconstitutionnalité ? Le Conseil constitutionnel est seul juge. N'anticipons pas sur sa censure. Lorsque j'étais ministre, tout le monde me promettait la censure de mes dispositions contre les sites anti-IVG : elles ont été validées. Bien sûr, l'auteur pourra arguer du fait qu'il a été trompé sur l'âge de la victime. C'est la seule hypothèse où la discussion sur le consentement pourrait avoir lieu.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est contraire aux exigences constitutionnelles. Tout acte de pénétration sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans est puni par la loi. La défense est libre : aucun changement législatif n'empêchera un débat à l'audience sur le consentement.

Initialement, le Gouvernement comptait également proposer un seuil fixé non à 13 ans mais à 15 ans, qu'il a écarté après avoir été éclairé par le Conseil d'État. Le Conseil constitutionnel n'accepte de telles présomptions que si elles ne sont pas irréfragables et préservent les droits de la défense ; la commission d'une infraction repose sur un élément matériel mais aussi intentionnel. Or cet élément ne figure pas dans l'amendement tel qu'il est proposé.

La protection des mineurs de 15 ans existe déjà dans notre droit. Ne l'affaiblissons pas en instaurant un seuil d'âge. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est revenu sur cette disposition pour des raisons d'égalité devant la loi. La mission pluridisciplinaire...

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - ...est favorable au seuil !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - ...préconise plutôt de rattacher des dispositions à la définition du viol. Surtout, il faut éviter de faire coexister deux régimes de peine ; ce serait incompréhensible pour les victimes.

L'objectif est recherché et partagé. Les dispositions liées à la contrainte morale et à la surprise seront applicables dès que le projet de loi s'appliquera. Avis défavorable.

M. Jacques Bigot.  - En fonction des circonstances, la présomption de contrainte pourra s'appliquer, c'est une chose. Cependant, l'auteur de l'agression pourra toujours arguer que l'enfant avait manifesté son consentement qui, pour nous, ne peut pas exister avant 13 ans.

L'analyse du Conseil d'Etat sur l'élément intentionnel de l'infraction est inexacte. Le majeur doit considérer que l'enfant ne peut pas consentir à une relation sexuelle. Cela est fondamental car, dans certaines cours d'assises, on a plaidé le consentement de l'enfant qui se serait montré provocant, voire l'amour dans une relation incestueuse. Le président de la République avait fait des annonces fortes. Et voici que le Gouvernement recule comme on a longtemps reculé sur ce sujet. Les enfants sont-ils des sujets de droit ? Si oui, on peut affirmer qu'ils ne sont pas consentants à un acte sexuel.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Le débat est grave. Nous avons la possibilité d'affirmer que la relation entre un adulte et un mineur de moins de 13 ans est un viol. On m'oppose l'argument curieux que des personnes jugées pour un même délit seraient condamnées à des peines différentes. S'il fallait vous suivre, autant renoncer à légiférer et revenir à nos chères études.

Ce recul incroyable, c'est la responsabilité du Gouvernement. Le Sénat, lui, peut affirmer clairement qu'une relation entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans est un viol.

Mme Laurence Cohen.  - J'avais déposé une proposition de loi pour fixer le seuil du consentement à 15 ans, nos collègues proposent 13 ans. Ce doute sur le consentement de l'enfant me fait penser à ce que vivent des milliers de femmes dans notre société où subsiste une culture du viol. On les interroge : comment étiez-vous habillée ? Où vous trouviez-vous et à quelle heure ? Après tout, elles l'ont bien cherché... À 13 ans, on est encore un enfant. Notre devoir de législateur est de protéger les enfants. Le Sénat s'honorerait à accomplir un acte d'avant-garde. Il est crucial de donner le signal fort d'un interdit. Nous voterons cet amendement.

Mme Françoise Gatel.  - Je salue la volonté unanime sur ces bancs d'oeuvrer pour la protection des enfants. Le sujet est compliqué car la réalité est compliquée et, encore, je ne parle que de ce qui est visible...

Cet amendement, s'il constitue une réponse forte et symbolique, ne réglera pas forcément la situation. Un arsenal juridique important existe déjà pour protéger les mineurs. Le seuil d'âge a quelque chose d'absurde. Pourquoi 13 ans ? Et à 13 ans et deux jours, plus rien ? La présomption de contrainte, si elle n'apparaît pas comme le summum de la modernité ou de l'avant-garde, me semble une solution efficace.

M. Alain Marc.  - Prenons un exemple : une jeune fille de moins de 13 ans a des relations sexuelles avec un garçon de 17 ans et 11 mois. Ce n'est pas un violeur. Un mois plus tard toutefois, il entrerait dans le champ de qualification du viol. Je me range à l'avis de notre rapporteure.

M. Arnaud de Belenet.  - La présomption de contrainte protège les moins de 15 ans fortiori les moins de 13 ans.

Mme Laurence Cohen.  - Pas dans le cas des atteintes sexuelles.

M. Arnaud de Belenet.  - Et à plus forte raison de viol.

Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol.  - Mais non !

M. Arnaud de Belenet.  - Il est étonnant que vous preniez à partie le Gouvernement avec tant de véhémence quand il présentera bientôt un projet de loi plus complet et plus large.

Mme Laurence Cohen.  - Il faut protéger les enfants, pas le Gouvernement !

Mme Laurence Rossignol.  - Le Sénat a commencé à travailler et a déposé sa proposition de loi avant même que le Gouvernement ait prévu un texte. Il y avait alors consensus, après les affaires de Pontoise et Melun, sur l'idée qu'il fallait qualifier de viol une relation entre un adulte et un mineur de moins de 13 ans, Le procureur Molins, qui suscite un respect unanime, a dit et redit qu'il était favorable au seuil d'âge de 13 ans. Nous ne faisons pas de l'innovation juridique farfelue.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes.  - Je voterai cet amendement. Les dernières affaires l'ont montré : il est nécessaire. La délégation aux droits des femmes a auditionné le procureur Molins qui nous a convaincus.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Au Sénat de la République, garant de la Constitution, nous n'avons pas l'habitude de nous en remettre purement et simplement au Conseil constitutionnel pour défendre les droits et libertés. Nous ne pouvons pas concevoir qu'une peine de 20 ans de réclusion puisse être prononcée sans que l'accusé bénéficie de la possibilité de se défendre. Or l'amendement le prive de cette possibilité en ne définissant l'infraction que par des éléments de fait. Nous sommes unanimes à considérer que lorsqu'un majeur a commis un acte sexuel sur un mineur de moins de 13 ans, c'est un viol. Cependant, ce n'est pas à nous mais à la justice d'en décider. Dans la plupart des cas, la culpabilité sera prononcée.

Nous venons de créer une présomption de contrainte dans le cas où le mineur n'aurait pas le discernement suffisant pour échapper à la contrainte ou que l'écart d'âge serait significatif. C'est le moyen parfait de protéger les mineurs en préservant ce principe de la justice qui veut que tout accusé soit en mesure de se défendre. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°6 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°76 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 305
Pour l'adoption 94
Contre 211

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

M. Maurice Antiste .  - Le code pénal prohibe toute relation entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans. Dans tous les cas, l'inceste constitue une circonstance aggravante. Les personnes auxquelles peut s'appliquer la qualification de viol incestueux sont énumérées à l'article 222-31-1. Les cousins germains, le grand-oncle n'en font pas partie. Or, en Martinique, en 2016-2017, 195 viols et 177 agressions sexuelles sur mineurs ont été commis et 16 % des viols sur mineurs sont le fait de proches, dont un grand nombre par des cousins germains. Il faut mener une réflexion sur les contours familiaux de l'inceste. Rien n'oblige à aligner le droit pénal sur le droit civil.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Antiste.

I.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le 2° est complété par les mots : « , le fils ou la fille d'un oncle ou d'une tante » ;

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le 2° de l'article 227-27-2-1 du code pénal est complété par les mots : « , le fils ou la fille d'un oncle ou d'une tante ».

M. Maurice Antiste.  - Je l'ai défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°12, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche.

M. Arnaud de Belenet.  - Le mariage entre cousins germains étant autorisé en France, cet amendement perd de sa pertinence.

L'amendement n°12 est retiré.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable. Le code civil autorise, en effet, les cousins germains à se marier.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

M. Maurice Antiste.  - J'insiste. Une réflexion sur la famille s'impose.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Antiste.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au 4° de l'article 222-24, au 2° de l'article 222-28 et au 2° de l'article 222-30, les mots : « un ascendant » sont remplacés par les mots : « toute personne mentionnée à l'article 222-31-1 » ;

2° Au 1° des articles 227-26 et 227-27, les mots : « un ascendant » sont remplacés par les mots : « toute personne mentionnée à l'article 227-27-2-1 ».

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement fait du caractère incestueux d'un viol ou d'une agression sexuelle une circonstance aggravante justifiant la possibilité d'une peine plus lourde. Cela est déjà le cas pour les ascendants mais pas pour les autres personnes visées à l'article du code pénal qui qualifie l'inceste. Cet amendement élargit le champ des circonstances aggravantes d'un viol ou d'une agression sexuelle à tout auteur d'acte incestueux et non plus seulement aux ascendants.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable car cet amendement pose de nombreuses difficultés juridiques ; il faudrait le retravailler.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté de même que l'article 6.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mmes L. Darcos et Doineau, MM. Milon, Retailleau, Marseille et Babary, Mme Billon, MM. Bockel et Bonnecarrère, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Buffet, Cadic, Capo-Canellas, Cardoux, Chaize et Chatillon, Mme de Cidrac, MM. Daubresse et Delcros, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Deromedi, MM. Détraigne et Dufaut, Mmes Dumas et Férat, M. Frassa, Mmes Garriaud-Maylam, Gatel et F. Gerbaud, M. Gilles, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Guidez, MM. Houpert et Husson, Mme Imbert, MM. Kern et Laménie, Mmes Lamure et Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Lefèvre, Leroux et H. Leroy, Mme Létard, MM. Louault, Magras et Mayet, Mme Micouleau, MM. Moga, de Nicolaÿ, Piednoir et Pierre, Mmes de la Provôté et Puissat, MM. Rapin, Revet, Savary et Savin, Mme Sollogoub, M. Vanlerenberghe, Mmes Vérien et Vermeillet et M. Vial.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 223-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionné au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. »

2° L'article 434-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « à un mineur ou » sont supprimés ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le défaut d'information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. »

Mme Laure Darcos.  - Je reprends une proposition de la loi de Mmes Elisabeth Doineau et Isabelle Debré, que nous avions votée.

Les chiffres de la maltraitance infantile sont alarmants. Dans 86,8 % des cas, les violences ont lieu au sein de la cellule familiale et elles sont souvent répétitives. Telle cette affaire dans laquelle la femme de l'agresseur faisait des puzzles tranquillement au salon avec sa fille, pendant que le père battait leur fils et l'enfermait dans la machine à laver... Pour lutter contre ce fléau, il importe d'agir sur les entourages familiaux en les responsabilisant davantage.

L'article 223-6 du code pénal punit d'une peine d'emprisonnement de cinq ans et de 75 000 euros d'amende quiconque s'abstient volontairement d'empêcher la survenance d'un crime ou d'un délit. Cet amendement aggrave la peine encourue dès lors que la victime possède la qualité de mineur de moins de quinze ans.

L'article 434-3 du code pénal punit d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, toute personne qui, ayant eu connaissance de mauvais traitements, d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à une personne vulnérable, n'en a pas informé les autorités judiciaires ou administratives. Le présent amendement propose de faire de la minorité de la victime une circonstance aggravante de l'infraction.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Merci, chère collègue, d'avoir repris cet amendement issu d'une proposition de loi cosignée par Isabelle Debré, Françoise Gatel et Yves Détraigne et beaucoup d'autres. Avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État.  - Ces aggravations ne paraissent pas s'imposer, eu égard à l'échelle des peines. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Doineau.  - Je me réjouis que Mme Darcos reprenne cette initiative ; près de la fin d'un débat riche, entre émotion et raison, et productif, nous devons ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans l'ombre, dans un silence lourd de conséquences pour les êtres en devenir que sont les enfants.

Mme Françoise Gatel.  - Nous achevons ce débat sur le silence qui règne dans certaines familles et c'est heureux. Nous pouvons à cet égard saluer Mme Debré, qui a suivi nos travaux en tribune.

Madame le Ministre, je vous confesse mon incompréhension de ce qui fonde votre avis défavorable ; vous souhaitez pénaliser le harcèlement de rue - ce qui sera très difficile à faire - et vous refusez cette évolution effective ? Je ne sais comment vous y parviendrez mais ne vois pas la cohérence de votre position. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et RDSE)

L'amendement n°3 bis rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 7 (Nouveau)

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I. - À l'article 711-1 du code pénal, la référence : « loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » est remplacée par la référence : « loi n°       du       d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles ».

II. - Le premier alinéa de l'article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : 

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n°       du       d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

L'amendement n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7 est ainsi rédigé.

Explications de vote

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - Nous avons eu un débat de grande qualité, suivant des travaux de grande qualité au sein du groupe de travail.

Nous avons su, sur de nombreux points, trouver des convergences. Le groupe socialiste a défendu la présomption irréfragable de viol en cas de relations avec un mineur de 13 ans, ce que le Gouvernement a refusé ; nous le déplorons et nous nous abstiendrons en conséquence.

Mme Maryvonne Blondin .  - Le travail accompli par le groupe de travail de Marie Mercier a été riche, c'est vrai, mais je me suis étonnée qu'il ait donné lieu à une proposition de loi alors que les travaux de la délégation aux droits des femmes et du Gouvernement avaient été lancés...

« Sans hier et sans demain, aujourd'hui ne vaut rien. » écrivait Pierre Jackez-Hélias, écrivain breton et agrégé de français, latin et grec...

La France a signé en octobre 2007 la convention de Lanzarote et l'a ratifiée en septembre 2010 comme 42 États membres du Conseil de l'Europe ; elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Cette convention protège les enfants contre toute exploitation et agression sexuelles. Un colloque sur le sujet s'est même tenu à Strasbourg en octobre dernier. On parle de la campagne « Un sur cinq » : c'est la part des enfants victimes d'agressions sexuelles dans un cercle de confiance.

Il faut une approche holistique, globale, qui suppose davantage de moyens humains et financiers. Hélas, nous ne les avons pas encore.

Mme Laurence Cohen .  - Nous n'avons pas à nous excuser de prolonger un débat qui a été de grande qualité ; nous avons progressé, il faut s'en réjouir et en féliciter Marie Mercier et les membres du groupe de travail.

Au groupe CRCE, nous regrettons toutefois que nous ne soyons pas parvenus à fixer un seuil d'âge en deçà duquel toute relation sexuelle avec un majeur est considéré comme un viol.

Je rejoins enfin Mme Blondin : nous manquons de moyens pour donner à ce texte sa portée. Nous nous abstiendrons.

M. François-Noël Buffet .  - Je salue le travail de la commission des lois. La présomption de contrainte est un élément nouveau dans notre droit et il faut le saluer.

Libérer la parole rapidement nécessitera incontestablement des moyens budgétaires et humains.

Un regret enfin, Madame la Ministre : l'accueil que vous avez réservé à nos propositions n'est pas acceptable. Qu'un texte gouvernemental soit en préparation ne devrait pas empêcher de faire prospérer les bonnes idées. On nous avait déjà fait le coup en matière de justice... (Murmures d'approbation à droite) C'est très regrettable - et ce n'est pas la conception que nous avons de la belle politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)

Mme Marie Mercier, rapporteur .  - Je suis fière de ce que nous avons fait ensemble pour mieux protéger les enfants.

« L'homme n'est jamais si grand que lorsqu'il se baisse pour aider un enfant ». Merci ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et RDSE ; Mme Marie-Christine Blondin applaudit également.)

À la demande du groupe LaREM, l'ensemble de la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°77 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 232
Pour l'adoption 229
Contre 3

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Prochaine séance, demain, mercredi 28 mars 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 40.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus