Orientation des finances publiques

Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'orientation des finances publiques et l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

Discussion générale commune

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics .  - (M. Alain Richard applaudit.) Merci pour ces applaudissements nourris. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC) L'examen de la loi du règlement des comptes de 2017 est un moment central du contrôle parlementaire, je suis d'ailleurs venu la présenter devant votre commission des finances le jour même de son passage en Conseil des ministres. Vous savez combien Bercy souhaite renforcer le travail du Parlement sur l'exécution budgétaire.

Débattre en même temps de l'orientation des finances publiques, comme le veut le Sénat, permet d'articuler le passé et l'avenir ; de tirer les conséquences de l'exécution, d'une année sur l'autre. Le Sénat avait ainsi refusé de voter le projet de loi de finances présenté par mon prédécesseur, pour des raisons d'insincérité. Je salue le travail continu du Sénat sur les sujets budgétaires, il clôt un véritable « semestre d'évaluation » - qui vaut peut-être mieux encore que le « Printemps de l'évaluation » de l'Assemblée nationale. Soyez certains que j'y suis attentif pour construire le projet de budget, que j'ai entendu la demande de votre commission des affaires sociales de m'auditionner conjointement avec votre commission des finances - le rapport que nous vous devons a pris du retard mais les enjeux sont essentiels pour l'avenir.

J'en viens à la loi de règlement proprement dite, dans un contexte financier dégradé - dont nous avons hérité...

M. Claude Raynal.  - Ça commence bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous avons amélioré la situation des finances publiques d'exercice en exercice, nous avons obtenu des résultats incontestables et incontestés en dépit des impasses de financement de plus de 8 milliards d'euros auxquelles nous avons dû faire face.

Nous avons « sincérisé » les comptes publics. La diminution du gel de 8 % à 3 % est une bonne mesure de gestion. Cette année, aucune dérive budgétaire sur aucun des programmes n'est à déplorer, y compris sur les OPEX. Le ministère des comptes publics n'a pris aucune mesure de dégel alors que mon prédécesseur l'avait fait dès la première semaine de janvier.

En 2017, le déficit public s'est réduit de 0,8 point pour atteindre 2,6 % après 3,4 % en 2016. De même, le solde budgétaire de l'État s'est amélioré de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2016, atteignant son niveau le plus bas depuis 2008. Ces résultats, nous les devons à la reprise en main budgétaire des comptes publics par la nouvelle majorité, et non aux bonnes nouvelles fiscales. Avec 8 milliards d'euros d'impasses financières, nous serions au-dessus de 3 % de déficit malgré les recettes fiscales si nous n'avions pas pris des mesures de redressement ou de refroidissement de la dépense.

La situation de nos finances publiques, en dépit de ces bons résultats donc, reste durablement dégradée. Depuis quarante ans, notre pays dépense plus qu'il ne rapporte. L'assainissement de nos comptes est lointain, nous n'y parviendrons qu'en mobilisant l'intégralité des acteurs de la dépense publique, l'État en premier lieu qui doit fournir l'effort le plus important, la sécurité sociale mais aussi les collectivités territoriales qui représentent 20 % de la dépense publique.

J'entends parfois parler d'excédent. De quel excédent parle-t-on ? Notre dette atteint 2 200 milliards d'euros, nous avons dû émettre pour 185 milliards d'euros de titres pour refinancer notre stock de dette alors que les taux d'intérêt remontent.

À mes collègues patriotes, la dette de la France appartient à des non-Français pour les deux tiers, dont un tiers de non-Européens. La dette du Japon, qui atteint plus de 200 %, est quasi intégralement détenue par des nationaux. La situation est très différente !

Les dépenses des ministères ont augmenté de seulement 4 % en 2017; taux record des dix dernières années. Le plus dur reste à faire car nous continuons à nous endetter pour couvrir les dépenses courantes. À cela s'ajoute un encours de la dette en augmentation de 64 milliards d'euros par rapport à 2016. J'attends donc avec impatience les propositions des patriotes : ils veulent baisser la dépense publique mais ils ne disent pas comment...

M. Philippe Dallier.  - Vous non plus !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.  - Supprimer les ARS !

Mme Laurence Rossignol.  - Revenir sur la suppression de l'ISF !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Mme Pécresse et M. Peltier semblent avoir changé de logiciel puisqu'ils proposent d'augmenter le SMIC de 20 %.

M. Philippe Dallier.  - Cela nous a beaucoup étonnés, nous aussi !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sincérité budgétaire, baisse de la dépense publique, moins de dettes et moins de prélèvements obligatoires, nous nous tiendrons avec fermeté à notre politique. Nous nous engageons à baisser la dépense publique de 0,4 % l'an prochain toutes administrations confondues, même si l'on peut craindre une requalification de la dette de la SNCF. Quant aux plafonds, dont vous avez eu communication, nous les avons tenus à 500 millions d'euros près. Bref, nous respectons la loi de programmation des finances publiques et le programme de stabilité. Je serai heureux d'amorcer cet été aussi ensoleillé que studieux avec les propositions toujours sages de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Alain Richard.  - Et celle des autres groupes !

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Je me réjouis de faire un point d'étape devant vous et de pointer les défis restant à relever. En 2017, la croissance a été meilleure que prévue, le nombre d'investissements étrangers en France est au plus haut depuis dix ans, signe que la France est de retour.

M. Éric Bocquet.  - France is back ?

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. Nous sommes enfin sortis de la procédure pour déficit excessif, c'était indispensable pour rétablir la confiance. La réduction du déficit et de la dette sont d'absolues nécessités pour restaurer nos marges de manoeuvre en cas de coup dur, pour nos enfants et notre crédibilité auprès de nos partenaires. C'est ainsi que nous pouvons jouer un rôle d'impulsion en Europe, obtenir des avancées sur la zone euro ou une feuille de route française-allemande.

Les perspectives macroéconomiques sont bonnes, ce qui incite à tenir le cap. La France connaît une dynamique de reprise. La croissance s'est accélérée pour atteindre 2,3 %. Le dynamisme de l'activité se confirmerait avec une croissance proche de 2 % en 2018 et 2019 grâce à un environnement international porteur, en dépit des risques géopolitiques.

Les données conjoncturelles publiées depuis le programme de stabilité font part de signaux en léger repli mais n'appellent toutefois pas de révision de notre scénario. Nous verrons lors de la préparation du projet de loi de finances s'il y a lieu de réviser nos hypothèses. L'Insee dira le 27 juillet prochain son estimation de croissance pour le deuxième trimestre.

Notre économie devrait continuer à créer des emplois ; l'investissement des entreprises est dynamique ; la consommation des ménages bénéficiera des baisses de prélèvements obligatoires et de la revalorisation de l'AAH et du minimum vieillesse. Le pouvoir d'achat devrait continuer à croître en 2018.

Mais cela ne doit pas nous inciter à relâcher nos efforts. Malgré les progrès, notre économie souffre encore, en matière de compétitivité, de productivité, d'emploi. Le chômage de masse frappe 9 % de nos concitoyens. La réponse réside dans une transformation structurelle de notre économie pour en libérer le potentiel. Nous avons entamé une réforme profonde du marché du travail qui va de pair avec la sécurisation des parcours professionnels.

Nous avons engagé une révolution fiscale en 2018 en simplifiant la fiscalité sur le capital pour que nos entreprises se financent plus facilement. Nous poursuivons le mouvement avec la loi Pacte, pour soutenir l'audace d'entreprendre et faire grandir nos PME.

Dans chaque secteur clé de l'économie, nous combinons réformes structurelles et politiques d'investissement. Nous créons un fonds de 10 milliards d'euros pour l'innovation de rupture et l'intelligence artificielle ; nous investissons massivement dans l'éducation et la formation ; nous renforçons enfin notre modèle social. Avec Pacte, nous encouragerons la participation et l'intéressement.

Notre capacité à réformer repose sur le retour à l'équilibre de nos finances publiques - sachant que la dépense publique représente 56 % du PIB. Notre cap est clair : améliorer l'efficience de nos services publics, baisser les impôts, réduire la dette pour réduire notre vulnérabilité.

En 2018, le déficit sera de 2,3 % en 2018. Nous diminuerons les prélèvements obligatoires et la dépense publique, trop longtemps considérée comme un remède miracle. Nous réduirons la dette, sachant qu'une hausse d'un point des taux d'intérêt représenterait 2 milliards d'euros cette année et 16 milliards d'euros en 2025 ! C'est de l'argent jeté par la fenêtre. Ce cap sera tenu.

M. Roger Karoutchi.  - En marche pourrait approfondir tout de même !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) J'aurais envie de partager votre enthousiasme, Madame la Ministre. (M. Roger Karoutchi renchérit.) Mais les documents lacunaires dont nous disposons ne portent pas trace de ces ambitions.

L'année 2017, année électorale, est atypique : nous jugeons à la fois la gestion de la précédente majorité et du Gouvernement actuel. Sans compter que le contexte macroéconomique a évolué en cours d'année. L'embellie conjoncturelle a facilité la tâche de la nouvelle majorité.

M. Claude Raynal.  - Largement !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Sans doute s'agissait-il d'une croissance de rattrapage - d'où la question de l'atterrissage.

La France est enfin parvenue à respecter son engagement européen en ramenant son déficit en-deçà du seuil de 3 % du PIB. Cela tient essentiellement à la hausse des recettes publiques, du fait de l'élasticité des prélèvements obligatoires...

M. Vincent Delahaye.  - Pour moitié, au moins !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Sans ces recettes bienvenues, le déficit nominal serait resté supérieur à 3 %.

M. Claude Raynal.  - Eh oui !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Le déficit structurel se serait même creusé, car la croissance de la dépense publique en volume a été deux fois plus rapide en 2017 qu'entre 2010-2016 !

Certes, vous avez pâti des choix du précédent gouvernement et n'avez pu procéder à des ajustements puisque vous avez fait le choix de ne pas présenter de loi de finances rectificative. Reste que la France est le seul grand pays de la zone euro dont l'endettement poursuit sa hausse ! Il atteint désormais 96,8 % du PIB !

Selon les sous-secteurs d'administration publique, les trajectoires sont contrastées. Certes, le déficit de l'État s'est réduit globalement de 1,4 milliard, mais 9 milliards d'euros de dépense supplémentaire ont été enregistrés. La baisse du déficit s'explique par le dynamisme des recettes, la baisse des prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales et des mesures de périmètre.

Les craintes d'insincérité ne sont pas dissipées, puisque les dépenses de l'État ont dépassé la dotation autorisée de 4,2 milliards d'euros. L'exercice reste bancal, mais la commission des finances recommande toutefois l'adoption de ce texte.

Un mot des perspectives pour 2019.

Le débat d'orientation des finances publiques, selon l'article 48 de la Lolf, est une étape essentielle de la préparation des lois de finance et de financement. Il n'apporte toutefois aucune réelle valeur ajoutée par rapport au programme de stabilité présenté en avril : le scénario, que le Gouvernement n'a pas voulu modifier, peut être jugé optimiste.

La suppression de la taxe d'habitation, qui va au-delà des annonces de campagne, ne sera pas financée par des économies, contrairement à ce qui avait été dit en commission : elle pèsera donc sur le déficit, ce qui n'est pas sans nous inquiéter. Le scénario budgétaire, en outre, ne tient toujours pas compte de la reprise de la dette de la SNCF ; une opération à 35 milliards d'euros aura forcément un impact budgétaire, quel que soit le traitement comptable. Là aussi, les informations qui nous sont transmises sont lacunaires.

Les économies annoncées, de 80 milliards, sont inédites, mais peu ou pas documentées ; ce n'est pas moi qui le dis, mais Joël Giraud ! La presse elle-même s'en est émue, elle qui semble souvent mieux informée que le Parlement. L'annonce des propositions du comité Action publique 22, elle, a été sans cesse reportée... Or les annonces récentes - lutte contre la pauvreté, service universel - seront coûteuses et ne sont pas financées.

Sur les effectifs, je vois mal comment supprimer 50 000 postes sans toucher aux ministères prioritaires Avec le tiré à part de deux pages transmis hier, nous n'irons pas loin... Sur les plafonds d'emploi, pas d'information non plus, hélas.

Votre esprit de synthèse forcerait l'admiration, Monsieur le ministre, s'il ne réduisait le Parlement à un rôle d'observateur, à l'affût des informations dans Les Échos ! (Sourires) Il est donc trop tôt pour juger de la crédibilité de vos choix, et je m'inquiète pour l'avenir de la procédure budgétaire, à la veille des débats sur la révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - En 2017, pour la première fois depuis la crise financière, les comptes des administrations de sécurité sociale (ASSO) sont revenus à l'équilibre, et affichent même un excédent de 0,2 point de PIB. Mais la satisfaction ne doit pas empêcher la lucidité.

La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) enregistre certes un excédent de 14,3 milliards d'euros, mais elle est appelée à disparaître. Le régime général et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) affichent un solde négatif de 5,1 milliards, l'assurance chômage, de 3,4 milliards, le régime Agirc-Arrco de 569 millions d'euros. Il est trop tôt pour crier victoire.

L'embellie des comptes est largement due à la hausse des recettes, qui ont progressé de 4 % en 2017. Les prélèvements obligatoires en faveur des ASSO représentent 24,1 % du PIB.

La progression des dépenses a été contenue à 2,4 %. L'Ondam, fixé à 2,2 %, a été respecté. Au niveau des sous-objectifs, le résultat n'est pas le même, avec une sous-exécution des établissements de santé et une sur-exécution des soins de ville. Selon le comité d'alerte sur le respect de l'Ondam, les choses empirent et nous attendons avec impatience les propositions de réorganisation du système de santé.

L'excédent des ASSO devrait atteindre 0,7 point en 2022. Nous serions revenus à l'équilibre durable des comptes sociaux ? Cet équilibre est en réalité instable. La compensation à la sécurité sociale du crédit des impôts sur la taxe sur les salaires, de 600 millions d'euros, est une première incertitude.

Plus fondamentalement, les comptes des ASSO sont sensibles à la conjoncture, surtout ceux de l'assurance chômage. Or la croissance devrait ralentir à 1,7 %, loin des 2 % affichés par le Gouvernement ! Une croissance réelle supérieure à la croissance potentielle pendant six ans, ce serait inédit depuis quarante ans !

Vous visez une hausse des dépenses entre 0,1 et 0,9%. Or l'Ondam est à 2,3 %, et les dépenses liées aux retraites vont également monter en puissance. Et les économies envisagées ne sont pas documentées pour le moment. En matière de dépendance et d'assurance chômage, les annonces vont plutôt dans le sens d'une hausse des dépenses. Comment, enfin, réformer les retraites à coût constant ?

Un rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale prévue par la loi de programmation des finances publiques était attendu en mars : nous l'attendons toujours...

Bref, les bonnes nouvelles ne lèvent pas toutes les incertitudes. Surtout, la sécurité sociale n'a pas vocation à accumuler les excédents et l'État des déficits. Revenons à des principes simples : priorité au remboursement de la dette sociale, maintien des comptes à l'équilibre sur le moyen terme, à défaut de quoi, comme les Shadoks, nous creuserions un trou pour en boucher un autre...

M. Philippe Dallier.  - C'est le sapeur Camember ! (M.Jean-François Husson le confirme.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Quelle culture !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Chacun ses références...

Enfin, Monsieur le Ministre, nous avons une différence d'approche avec le Gouvernement sur l'assurance chômage. Souhaitez-vous abandonner le système assurantiel financé par les cotisations au profit d'un système d'indemnisation financé par l'impôt ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; exclamations réjouies sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Ministre, nous avons toujours le plaisir à vous retrouver.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Plaisir partagé.

M. Claude Raynal.  - Assurance, brio, morgue parfois, provocation toujours !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Et un peu d'humour ?

M. Claude Raynal.  - Ce projet de loi est conforme : l'amélioration de la croissance, résultat de la politique de vos prédécesseurs, permettait en toute hypothèse la baisse du déficit, qui, sans vos mesures prises en toute hâte, aurait été ramené à 2,7 % au lieu de 2,6 %. (On s'amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.) Reconnaissons que l'objectif ne pouvait être atteint qu'avec une croissance plus forte que prévue en loi de finances initiale.

M. Philippe Dallier.  - C'est sûr !

M. Claude Raynal.  - Vous avez instrumentalisé un document de la Cour des comptes pour mettre en place des mesures brutales, sur les contrats aidés ou les APL, et alimenter des polémiques stériles sur l'action de vos prédécesseurs. Nous nous abstiendrons donc.

Voici ce que vous répondiez au rapport de la Cour des comptes de juin 2018 sur la situation des finances publiques : « s'agissant des dépenses de l'État, la Cour estime à 1,5 milliard d'euros les tensions liées à des sous-budgétisations. Elles sont le fruit des aléas naturels qui apparaissent en gestion... » C'est beau comme l'antique ! (M. Julien Bargeton s'exclame.)

M. Roger Karoutchi  - C'est l'ancien monde !

M. Claude Raynal.  - Avec 1,5 milliard d'euros de sous-budgétisation pour 2018, je comprends qu'à votre tour, vous vous émouviez. Nous n'avons pas eu longtemps à attendre pour que vous vous agaciez : sous-budgétisation aujourd'hui, insincérité demain... Vous n'en avez pas fini avec les reproches de la Cour et vous pourrez compter sur nous pour vous les rappeler. (MM. Roger Karoutchi et Philippe Dallier ironisent.) Les mots me manquent : consternation, enfumage généralisé, indigence... (On fait mine de s'offusquer à droite.)

M. Julien Bargeton.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant.

M. Claude Raynal.  - Le tiré-à-part qui retrace l'évolution des missions budgétaires ne nous a été remis qu'hier. Et vous affirmez sans rire vouloir renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement ! Vous voudriez faire croire qu'il a suffi de quelques mois à votre Gouvernement pour produire une croissance de 2,2%.

M. Julien Bargeton.  - Le choc de confiance !

M. Claude Raynal.  - Tous les organismes sérieux mettent les résultats au crédit du gouvernement Hollande. (On s'amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.) Choc de confiance ? Croissance trimestrielle retombée à 0,2 %, première perte de pouvoir d'achat depuis 2015... Bravo, Monsieur le Ministre !

D'autres sujets sont traités fort discrètement : suppression de la taxe d'habitation financée par l'emprunt, reprise de la dette de la SNCF, fort nébuleuse, baisse annoncée de la dépense publique, non documentée. Rien sur l'impact comptable de la suppression de l'exit tax, alors que le manque à gagner est évalué à 800 millions d'euros par le Conseil des prélèvements obligatoires mais à 2,5 milliards par le Gouvernement... Et à 6 milliards d'euros par le directeur de la législation fiscale ! Cela nous laisse pantois.

Sur les comptes sociaux, c'est le même flou. Bruno Le Maire trouve légitime de réduire la politique sociale sur l'emploi, vous-même et Mme Buzyn niez toute remise en cause des aides sociales... Puis vous laissez entendre qu'il y a trop d'aides sociales - mais qu'il ne faut pas diminuer les prestations individuelles...

La presse, décidément mieux informée que le Parlement, se fait l'écho de pistes d'économies... Le rapport, lui, est muet. Pouvez-vous confirmer ces informations ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce n'en est pas.

M. Claude Raynal.  - Que retenir de cela ? Après vous êtes attribué indûment les résultats de vos prédécesseurs, vos premiers résultats sont décevants, et vous hésitez tellement sur vos propositions budgétaires que vous videz de son contenu ce débat d'orientation... Transparence, disiez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Yves Daudigny.  - Bravo !

M. Emmanuel Capus .  - Ce débat est porteur d'espoir et de craintes.

M. Roger Karoutchi.  - En même temps ! (Sourires)

M. Emmanuel Capus.  - La croissance a été robuste ; cette loi de règlement est une loi de rémission pour notre économie. Elle acte le retour de la France sur un chemin de croissance stable qui nous fait sortir de la procédure pour déficit excessif. Certes, cela est largement dû au dynamisme des recettes, mais la France retrouve une crédibilité nécessaire pour prétendre réformer la zone euro.

Les administrations de sécurité sociale retrouvent en 2017 un solde positif, en attendant les excédents prévus dès 2019. Ce n'était pas arrivé depuis 2002.

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est pas encore arrivé !

M. Emmanuel Capus.  - Qu'en fera-t-on ? Il faudrait consacrer ces excédents au désendettement.

M. Antoine Lefèvre.  - On va encore parler de cagnotte !

M. Emmanuel Capus.  - Espoir aussi avec l'évolution de la situation financière des collectivités locales, assainie et sécurisée.

M. Philippe Dallier.  - Elles sont à l'équilibre !

M. Emmanuel Capus.  - Alors que la Conférence nationale des territoires se tient sans les grandes associations d'élus, le Gouvernement devra restaurer la confiance avec les territoires. C'est une nécessité politique, démocratique et financière.

« Il n'y a pas d'espoir sans crainte », écrivait Spinoza...

M. Roger Karoutchi.  - Allons bon !

M. Emmanuel Capus.  - Nous avons beau créer des observatoires, commander des rapports, nous n'arrivons pas à réduire la dépense publique. Or c'est à cette aune que l'action du président de la République sera jugée. Cela suppose un grand volontarisme politique : derrière chaque niche, il y a un chien, derrière chaque poste un syndicat, derrière chaque politique publique, un électeur.

Notre dette continue de croître. La France est le seul grand pays de la zone euro à ne pas avoir débuté son désendettement. L'Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal se désendettent en un an à la mesure de ce que nous faisons en cinq ans. Cela met en danger la souveraineté de notre pays tout en pesant sur l'avenir de nos enfants.

Le groupe Les Indépendants votera cette loi de transition. L'héritage du quinquennat Hollande doit être soldé. (M. Claude Raynal proteste.) Il ne tient qu'à vous, Monsieur le Ministre, d'alimenter nos espoirs et d'apaiser nos craintes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Julien Bargeton.  - Bravo !

M. Jean-Marc Gabouty .  - Le Gouvernement constate un déficit de 67,7 milliards d'euros, soit 1,4 milliard de moins par rapport à 2016, au plus bas depuis 2008. Cela représente 2,6 % du PIB, mais malgré tout entre 20 % et 30 % du budget total... Ce résultat s'inscrit dans une trajectoire qui semble crédible, malgré les incertitudes macroéconomiques : le groupe RDSE votera ce projet de loi.

Le dérapage des dépenses publiques, qui aurait pu être pire sans un effort de rigueur du nouveau Gouvernement, est imputable à la précédente majorité.

M. Julien Bargeton.  - Très bien.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Par contre, la paternité de l'amélioration des recettes et de la situation économique doit être partagée.

La France respecte pour la première fois depuis dix ans ses engagements européens, grâce à un effet de rattrapage sensible partout en Europe et au choc de confiance dû à l'arrivée d'un nouveau président.

Enfin, l'instauration de la contribution exceptionnelle de près de 5 milliards d'euros a neutralisé l'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes.

Le solde structurel s'est toutefois dégradé, passant de 1,6 point à 2,2 points de PIB en 2017. Le taux des prélèvements obligatoires s'est accru, ainsi que le taux d'endettement public, qui frise les 100 % du PIB.

Le principal enjeu pour l'avenir sera la maîtrise des dépenses. L'appareil administratif de la France n'est pas à l'os ; elle compte plus d'une soixantaine d'agences. Le maintien de technostructures souvent inutiles et de doublons dans les territoires interroge. La France apparaît suradministrée. Les annonces de réorganisation territoriale et de contractions d'effectifs au ministère des finances vont dans le bon sens.

La Cour des comptes recommandait déjà une baisse plus structurelle de la dépense publique, accompagnée de plans d'investissements.

Ce sont les administrations centrales, l'État et ses excroissances, qui sont responsables de l'essentiel du déficit, alors que les collectivités locales sont à l'équilibre, puisque la règle d'or le leur impose.

Sur le projet de réforme du calendrier budgétaire, on ne peut que souscrire à la volonté d'augmenter les capacités de contrôle du Parlement. Le Gouvernement doit préserver le Parlement comme lieu privilégié de débat et d'évaluation en matière budgétaire.

Le prélèvement à la source est désormais définitivement acté. Même si on peut s'attendre à quelques difficultés, les inconvénients semblent avoir été beaucoup surestimés par certains. (M. le ministre approuve.)

J'invite le Gouvernement à être plus à l'écoute de la France périphérique, de ses élus et de ses habitants. Je prends bonne note de l'engagement du président de la République lors du Congrès de Versailles de rééquilibrer sa politique dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Georges Patient .  - Le vote de la loi de règlement est l'occasion de faire le point sur le passé et d'évoquer les perspectives d'avenir.

L'année 2017 a été celle de la remise en ordre des finances publiques. Il a fallu faire face à l'impasse de financement de 8 milliards d'euros pointée par la Cour des comptes et à l'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes. Grâce à un effort de 5 milliards d'euros en recettes et d'autant en dépenses, la France est sortie de la procédure pour déficit excessif.

La dette publique continue toutefois d'augmenter à 96,8 % en 2016, soit plus 0,2 point du PIB.

L'évolution de la dépense passe de 1,5 % du PIB en 2017 à 0,7 % en 2018, évolution la plus contenue depuis 2011.

Selon la Cour des comptes, la prévision de croissance de 2,3% en 2018 est atteignable, la prévision de dépense est plausible et la budgétisation plus sincère. Notre groupe partage l'inquiétude du rapporteur général sur le déficit et sur la dette. Mais la loi de programmation des finances publiques définit une trajectoire sincère et ambitieuse, avec une réduction de la dépense publique à 0,4 % en 2019.

La dette publique passera de 96,8 % à 96 % du PIB, de 2017 à 2019, avec un geste fiscal de 5 milliards d'euros d'impôts en 2018, sans précédent pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Si la mission outre-mer voit son budget augmenter, je reste vigilant sur l'évolution d'une enveloppe où s'alimentent tous les moyens pour faire face aux difficultés exceptionnelles : crise en Guyane, mais aussi tempêtes, ouragans, cyclones aux Antilles.

Les accords de Guyane se sont soldés par une facture d'un milliard d'euros sur dix ans, au rythme d'environ 100 millions d'euros par an à débourser par l'État. Idem pour les accords de Mayotte de 2018. Ces milliards seront-ils puisés sur le budget du programme 123, « Conditions de vie outre-mer » ? Ce ne serait pas tenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs des groupes RDSE et UC)

M. Pascal Savoldelli .  - Le budget et les comptes, ce sont des chiffres, n'est-ce pas ? En voici un : 20,32. Ce n'est ni celui du déficit de l'État, ni celui du déficit de la sécurité sociale... mais la moyenne obtenue au Bac par une lycéenne de Polynésie qui, par la grâce de Parcoursup, se trouve en liste d'attente dans un lycée métropolitain pour intégrer une classe préparatoire de mathématiques, faute d'avoir pu intégrer l'établissement de son choix.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - C'est faux !

M. Julien Bargeton.  - Quel rapport avec la choucroute ?

M. Pascal Savoldelli.  - Si vous ne me laissez pas parler, j'aiguiserai le propos...

M. Julien Bargeton.  - Aiguisez le couteau !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Entre les dents !

M. Pascal Savoldelli.  - Voilà le résultat de votre action, traduit également par ce projet de loi inamendable : coup de tabac sur le prix de l'essence et du gaz, désencadrement des loyers, explosion de la précarité au travail, puisque 29 % des contrats de travail signés en 2018 ne sont que d'un seul jour ! On gèle le point d'indice, on bride la progression du SMIC et on ponctionne les étudiants avec les APL et les retraités avec la CSG : n'allons pas chercher ailleurs les motifs de l'insatisfaction relative de l'opinion publique.

À écouter le gouverneur de la Banque de France, puisque les déficits publics ne baissent pas assez vite, il faut agir sur les recettes.

Nous dépensons 30 milliards d'euros par an à entretenir un « tiers-secteur » de la population active, composé par les millions de salariés à temps partiel, journaliers et autres qui seront bientôt dépossédés de leurs droits sociaux. Aucune relance de l'investissement, aucune création d'emplois, sinon précaires.

Qu'avons-nous à faire d'un équilibre budgétaire s'il se fait sur les déserts médicaux et sur le redressement social du pays ?

Stoppons la confusion entre économies et financiarisation. Faisons de l'emploi une priorité. Je parle de l'emploi qualifié, reconnu par une rémunération décente.

Pas moins de 900 000 jeunes quittent la France pour aller travailler à l'étranger parce qu'ils ne trouvent pas d'emplois correspondant à leurs compétences en France. L'innovation minimale et la recherche chiche sont à la base de cette situation dont souffre l'économie française.

Il est temps que la puissance publique reprenne la main. Les taux d'intérêt restent faibles. Qu'attend la France pour relancer l'investissement ? Le niveau des comptes 2017 est médiocre : l'investissement est à 3 % du PIB !

Quant aux collectivités locales, le Gouvernement doit s'engager à un dégrèvement total au titre de la taxe d'habitation.

Nous avons mieux à faire que de mobiliser l'encours du Livret A pour financer des start-up.

Remettons du droit commun partout dans la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Ministre, vous avez un temps d'avance sur le débat de la réforme institutionnelle qui concernera la loi de finances. Vous venez de nous montrer par un document indigent que le débat d'orientation des finances publiques ne sert à rien. Peu de chiffres et donc pas d'insincérité, puisqu'il n'y a rien... Nous attendons le rapport sur les liens de l'État et de la sécurité sociale.

Est-ce cela la réforme institutionnelle voulue par la technocrature et le populisme antiparlementariste ambiant ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne suis pas technocrate, pour ma part...

M. Jérôme Bascher.  - Je le sais. Je suis très heureux, pour la France, que nous soyons sortis de la procédure pour déficit excessif, quand bien même nous sommes le dernier pays d'Europe à le faire, ce n'est pas une grande gloire, mais cela nous permettra de continuer à donner des leçons au reste du monde...La Cour des comptes a dit que c'était grâce à la croissance, mais aussi, je le reconnais, sous l'effet d'une réduction de la dépense publique, due cependant à l'improvisation d'une politique de stop and go sur les emplois aidés. Bref, c'est surtout grâce à la croissance et aux recettes que la situation s'est améliorée.

J'aime bien faire confiance à la météo, mais je préfère qu'il y ait du charbon dans la chaudière pour avoir chaud et nous vous attendons, Monsieur le Ministre, car pour l'instant, c'est surtout de l'éolien qu'il y a dans votre document, du vent ! (Sourires)

Pour diminuer les effectifs de la fonction publique de 50 000 emplois il faudra un quinquennat de cinquante ans ! (Sourires) Vous y serez sans doute...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce n'est pas sûr...

M. Jérôme Bascher.  - Monsieur le Ministre, vous êtes bien seul au Gouvernement à travailler à la réduction de la dépense publique, comme vous l'êtes en ce moment à votre banc. Le départ de la secrétaire d'État Gény-Stephann marque l'irrespect à l'égard du Parlement, car le débat d'orientation des finances publiques suppose qu'il y ait deux ministres présents, jusqu'au bout. (Murmures)

Votre méthode montre les limites du « en même temps » : Cap 2022 et le plan pauvreté, « en même temps » ; en septembre ; des économies et plus de fonctionnaires, « en même temps » ; moins de parlementaires et pas d'économies, « en même temps » ; soit, on ne sait pas où l'on va...Votre document ne mentionne que les Administrations publiques centrales (APUC) sans distinguer l'État des Organismes divers d'administration centrale (ODAC). C'est dire que les démembrements sont à l'oeuvre. Bref, c'est ambigu, et on ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens. Si c'est aux dépens des sondages présidentiels ce n'est rien, si c'est au détriment des Français, c'est plus grave ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Chaque année nous dénonçons un manque de temps pour examiner cette loi de règlement. L'assemblée nationale a évoqué un « printemps de l'évaluation » et vous un semestre d'évaluation : c'est bien optimiste quand nous n'avons que quelques jours pour examiner un projet de loi de règlement qui vient très tard.

Comme M. Savoldelli, j'aime les chiffres. Or les ministres que nous avons auditionnés sont venus sans aucun chiffre - même vous, Monsieur Darmanin !

Vous parlez de réforme du calendrier budgétaire en préconisant d'abaisser à cinquante jours l'examen de la loi de finances. Pourquoi pas ? Mais à condition de passer plus de temps sur la loi de règlement. Il faudrait que cette loi soit bornée par le mois d'avril, ce qui éviterait le chevauchement de deux gouvernements dans les années bâtardes comme celle que nous avons connue.

Le déficit baisse de 1,4 milliard d'euros. C'est un trompe-l'oeil, car il reste à 67,7 milliards et pour le combler, il faudrait, ce que tous ceux qui s'en acquittent ici pourront apprécier, doubler l'impôt sur le revenu ! Cependant, nous avons dépensé 66 milliards d'euros de plus qu'en 2016 et 50 milliards d'euros de taxes en plus sont prélevés. Quant à la dette publique, elle a encore augmenté. Les Français vivent-ils mieux pour autant, avec de meilleurs services publics ? Je ne le pense pas.

En bon centriste, à la lecture de cette loi de règlement, je balance entre sévérité et indulgence. (Sourires)

M. Philippe Dallier.  - C'est « en même temps »... (Même mouvement)

M. Vincent Delahaye.  - L'insincérité des prévisions du présent gouvernement avait ainsi été relevée par la Cour des comptes. Les dépenses ont augmenté de 12 milliards d'euros et la masse salariale de 4 % seulement. Ce n'est pas acceptable.

En même temps, il faut saluer vos efforts de sincérité. Le déficit a été assez faiblement réduit si l'on considère que la croissance a dopé des recettes, très élastiques.

Entre sévérité et indulgence, nous nous abstiendrons, ce qui signifie que nous invitons le Gouvernement à aller plus loin. Nous vous savons gré, je le répète, de votre plus grande sincérité. Mais des efforts restent à fournir en matière de prudence, notamment pour vos prévisions de croissance : afficher 2 % pour les cinq prochaines années, c'est inédit !

Les économistes ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls, aime à dire le rapporteur général : retenir une prévision de croissance minorant leur consensus de 0,5 point serait plus prudent.

Quant aux économies, il faut qu'elles soient plus drastiques. Faire travailler les fonctionnaires 37 heures plutôt que 35, à défaut de 35 heures réelles, est une piste, pour ne citer que celle-ci dans le temps imparti, que je ne souhaite pas dépasser.

Le groupe UC s'abstiendra donc. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE ; M. Alain Richard applaudit aussi.)

M. le président. - Merci pour votre respect du temps de parole.

M. Jean-François Husson .  - L'année 2017 a été marquée par une croissance économique de 2,2 % quand la loi de finances initiale prévoyait 1,5 %. C'est une bonne nouvelle pour notre économie et nos finances publiques. Elle a permis de repasser sous la barre de 3 % de déficit public et de sortir de neuf années de procédure pour déficit excessif. Le Gouvernement s'en attribue les mérites. La réalité est autre.

Il y a à cela cinq causes : le taux de croissance du PIB a augmenté d'un point, tout comme le taux d'investissement grâce à la baisse de cinq points de l'investissement des collectivités territoriales. La sécurité sociale a produit un excédent de 5 milliards d'euros et les APUL de 800 millions d'euros. Quotidiennement, l'élasticité des prélèvements obligatoires a permis un gain budgétaire de 10 milliards d'euros. Enfin, une moindre contribution au budget européen nous a fait économiser 2,3 milliards d'euros.

Les dépenses de l'État ont fortement dérapé en 2017, avec plus de 9 milliards d'euros de dépenses supplémentaires liées à des mesures catégorielles dont le dégel du point d'indice des fonctionnaires. Les dépenses de personnel ont augmenté de quatre points, soit plus que les six dernières années, ce qui explique plus de 90 % de la hausse des dépenses de l'État.

L'intégration des mesures catégorielles dans l'objectif des dépenses publiques que l'État a imposé aux collectivités territoriales est unique. L'application du bonus dépendra du bon vouloir des préfets : c'est une nouvelle forme de tutorat.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Non.

M. Jean-François Husson.  - Pour toutes ces raisons, nous préférons nous abstenir. Il est temps que le Gouvernement prenne le taureau par les cornes et s'attaque à la réduction de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Avec ce débat, nous allons enfin pouvoir sinon solder les comptes - ce serait trop beau ! - du moins tourner la page du quinquennat Hollande. Que dire du dernier rapport de l'ancienne majorité ? Somme de contradiction, rigueur de façade, relâchement des vannes de la dépense publique - année électorale oblige - masqués par des sous-budgétisations.

Comparé aux obligations affichées en 2012, le bilan est éloquent : nous devions revenir aux 3 % en 2013, à l'équilibre en 2015, inverser la courbe de la dette et du chômage en 2014. Rien de tout cela n'est advenu, ne vous en déplaise, Monsieur Raynal ! (M. Claude Raynal s'exclame.)

Baisse des APL, des aides à la presse... Ce sont surtout les circonstances qui nous ont permis de revenir à meilleure fortune en 2017. Las, l'effort structurel est négatif et l'essentiel de l'effort a été porté par les collectivités locales.

Nous devrions surtout nous interroger sur la pérennité de cette embellie. Ne vous êtes-vous pas laissé griser, Monsieur le Ministre ? Pendant ce temps, les indicateurs se sont assombris sur fond de guerre commerciale.

Création du service universel, défiscalisation des heures supplémentaires, plan pauvreté... Les annonces non financées se sont multipliées. Comment les réaliser et réduire la dette tout « en même temps » ? (Sourires) Lundi encore, devant le Congrès, le président a promis la meilleure recherche, la meilleure université et la meilleure armée. Comme les financer ? Avec des économies ? Il faudrait les documenter ! Avec des recettes en hausse ? Oui, grâce à la croissance, mais pas avec de nouveaux impôts !

En 2012, François Hollande persuadé que la croissance revenait, a repoussé les efforts. Ne faites pas la même erreur : il ne vous reste que quatre ans, le temps presse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances .  - Nous débattons du projet de loi de règlement du budget et de l'orientation des finances publiques. Cette discussion générale conjointe est particulièrement bienvenue, le passé devant éclairer l'avenir, même si les informations fournies par le Gouvernement manquent singulièrement de précision cette année.

Concluant le débat, je ne commenterai pas les chiffres trop longtemps : le déficit est ramené à 2,6 %, soit sous les 3 % pour la première fois depuis 2017, ce qui nous a fait sortir de la procédure pour déficit excessif ouverte en 2009. Certes, c'est largement grâce à la croissance, disent certains.

Le Gouvernement met en avant ses efforts, recommandés par la Cour des comptes en juillet 2017. La vérité, c'est qu'ils ont été continus depuis 2012. (M. Claude Raynal renchérit.) La question est de savoir s'ils pourront être prolongés.

Nos auditions - nous avons entendu Mme Pénicaud et M. Travert - et le travail de contrôle des membres de la commission des finances ont donné lieu à un rapport de 586 pages, qui n'aura d'intérêt que si le Gouvernement en tient compte. Ce contrôle de l'exécution n'aura de sens que s'il alimente le débat et les amendements sur le projet de loi de finances, qui constitue l'acte juridique par lequel le Parlement consent à l'impôt et autorise la dépense publique.

La photographie offerte par ce projet de loi de règlement n'est en effet pas suffisante pour nourrir le débat budgétaire.

La dépense de l'État ne représente que 29 %, soit moins du tiers, des dépenses publiques, pour 46 % pour les organismes de sécurité sociale et 19 % pour les administrations publiques locales : élargir le champ de notre contrôle en exécution le rendrait plus pertinent. Surtout, le travail intervient trop tard. Clore les comptes plus tôt et les présenter au Parlement au printemps serait préférable.

Enfin, rien de nouveau ne semble être produit depuis le programme de stabilité en avril, alors que des annonces ont été faites ! Le président de la République a annoncé que le Premier ministre présenterait ses décisions « d'ici quelques semaines »...

Une plus grande transparence sur les choix budgétaires du Gouvernement serait souhaitable... (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - État de la préparation des textes financiers à venir, les débats d'orientation doivent en théorie servir à éclairer les choix budgétaires à venir sur la base des résultats obtenus. Ces dix lignes consacrées au bilan et la page consacrée aux perspectives peinent à suffire. Le rapport nous annonce l'excédent des administrations de sécurité sociale, inédit depuis 2008, ce que nous savions grâce à l'Insee depuis le 30 mai dernier, et évoque quelques mesures sans détail. Pour qui voulait en savoir plus sur les hôpitaux (résultat de moins 1,5 milliard d'euros) ou la dette sociale (226 milliards d'euros), il faudra repasser.

Quant à la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, dix lignes mentionnent un rapport, que la loi de programmation des finances publiques promettait déjà au Parlement pour le premier trimestre de 2018 : nous resterons là aussi avec nos interrogations.

La commission des affaires sociales n'a pas jugé bon de transférer à l'État les excédents de la sécurité sociale, tant que subsiste une dette de trésorerie à court terme portée par l'Acoss. La résorption rapide de ces plus de 20 milliards d'euros est une priorité absolue. Les excédents AT-MP n'ont pas vocation à couvrir le déficit de l'assurance maladie.

Or les notions de cotisations et d'impôts subissent un brouillage croissant au sein même des différents projets du Gouvernement.

Les annonces faites dans le cadre de la réforme des retraites transforment notre système. Les Français n'en ont retenu que la hausse de la CSG...

Je regrette que 700 milliards d'euros - c'est beaucoup de « pognon » ! - de dépenses publiques ne donnent pas lieu à davantage de débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre .  - J'engage le Sénat à apporter sa touche à la révision constitutionnelle à venir. Ne feignons pas de découvrir que nous ne débattons là que de 29 % des dépenses publiques. Notre système est ainsi fait depuis qu'il existe un budget de la sécurité sociale et une loi de règlement.

Imaginer une loi de règlement de toutes les administrations publiques ? J'y suis personnellement favorable. La révision constitutionnelle est une occasion parfaite pour rééquilibrer les temps de débats en diminuant le temps budgétaire au profit du temps consacré à l'exécution.

On n'imagine pas un chef d'entreprise passer des jours à la prévision et si peu de temps à ce qui s'est passé. Même chose pour un président d'exécutif local.

Vous proposez d'avancer le débat. L'argument est fondé. Je suis le premier des ministres à vous présenter une loi de règlement avec dix jours d'avance. Il faudrait que la Conférence des présidents consente à réduire le délai entre la discussion en commission et celle dans l'hémicycle. Je conteste d'ailleurs que vous ayez manqué de chiffres en commission.

Sur le fonds je conteste aussi que le Sénat manque de documents comptables.

Les plafonds communiqués en juillet, qui n'ont rien à voir avec le débat d'orientation des finances publiques, ont toujours porté sur les dépenses de l'État. Ils sont conformes à la loi de programmation des finances publiques et ne changeront pas - 500 millions d'euros sur 340 milliards seulement diffèrent.

À quoi sert le débat d'orientation sur les finances publiques ? Il s'est toujours agi d'un échange sur les grandes priorités, me semble-t-il. Nous avons tenu trois débats d'orientation budgétaires ; c'est déjà bien. Réactualiser les chiffres tous les mois ne serait pas raisonnable. Le FMI comme l'OCDE - que vous ne citez pas... - estiment notre croissance entre 1,7 % et 2 %. Nous ne rectifierons pas son estimation ici. Nous le ferons comme traditionnellement à la fin de l'été : ne confondons pas les pouvoirs ! Le Gouvernement élabore le budget, le Parlement modifie éventuellement les affectations de crédits et en contrôle l'utilisation.

Je n'ai pas entendu, Monsieur Dallier, de proposition de baisse des dépenses publiques. Dans d'autres cénacles locaux, vous étiez sans doute plus constructifs... Vous l'étiez à coup sûr pendant la campagne présidentielle...

Il est faux que les crédits destinés aux contrats aidés ont baissé : nous leur avons consacré 190 millions d'euros pour couvrir les besoins créés par les engagements du gouvernement précédent, qui avait consommé en quatre mois 70 % des crédits prévus, à l'approche des élections - par hasard sans doute.

L'élasticité de prélèvements obligatoires est en effet exceptionnelle. Nous avons obtenu plus d'un milliard de TVA dans les quinze derniers jours de 2017, ce qui m'a conduit à dégeler des crédits du ministère des armées. L'accélération des recettes en fin d'année a conduit certaines sorties de François Hollande à qualifier nos mesures d'inutiles. Reste qu'elles n'expliquent qu'une infime partie des dépenses supplémentaires. Remettons l'église au centre du village.

La base taxable de l'exit tax représente 20 millions à 30 millions d'euros et non les milliards évoqués ici ou là.

Les crédits gelés s'élèvent à 3,6 milliards d'euros.

Le Premier président de la Cour des comptes lui-même évoque une incertitude de 1,9 milliard d'euros : aucun gouvernement n'a présenté d'aussi bons résultats depuis quinze ans. Le chiffre est tout à fait raisonnable sur les 340 milliards d'euros budgétés.

J'ai tenu ma promesse : je n'ai pas pris de décrets d'avance. (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, le confirme.)

Sur le chômage, le président de la République a fait des annonces lors du Congrès, il reçoit ce mois les partenaires sociaux. Le Gouvernement n'a pas de position idéologique sur son financement, tout dépendra des négociations.

Le débat entre impôts et cotisations, se pose, certes, mais que ce soit l'un ou l'autre, tout vient de la poche des Français.

M. Philippe Dallier.  - L'un ne concerne que la moitié des Français !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Tous les Français paient la TVA et c'est notre premier produit. Nous ne pouvons conserver un budget social excédentaire si celui de l'État est en déficit. Si les cotisations augmentent, c'est que l'activité est stimulée et sans doute grâce un peu aux efforts de l'État qui a réduit l'impôt sur les sociétés... Le rapport promis arrivera.

Sur la contractualisation, 70 % des grandes collectivités territoriales l'ont signé, y compris ceux qui sont contre : M. Baroin pour Troyes, comme le président du groupe Les Républicains, M. Wauquiez, ainsi que le maire communiste d'Arles. Comme quoi, c'est oecuménique. (Protestations)

M. Roger Karoutchi.  - Je n'y suis pour rien.

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Ils sont contre et ils disent oui !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Monsieur le Président de la commission des finances, vous avez baissé les dotations aux collectivités territoriales de 11 milliards d'euros...

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Je n'y suis pour rien !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pour les régions, ce sera plus de 180 millions d'euros supplémentaires. J'entends que la politique s'assoit parfois sur la vérité budgétaire mais tout de même. C'est bien la mission Richard-Bur qui a permis de rétablir la confiance, largement entamée au cours des années précédentes. Les contrats, qui préservent les investissements des collectivités, ont été intégralement validés par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. André Gabouty applaudit également.)

M. Jean-Louis Tourenne.  - Alors, c'est le paradis !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Parfaitement !

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles

ARTICLE LIMINAIRE

M. Vincent Delahaye .  - M. le ministre est donc d'accord pour arrêter les comptes de l'État fin avril, cela nous laisserait davantage le temps de travailler.

La Cour des comptes fait un excellent travail, qui ne plaît pas toujours d'ailleurs ; depuis 2006, elle certifie les comptes publics et ceux de l'État. Elle avait formulé treize réserves substantielles, il en reste quatre. Nous devons les lever progressivement.

L'article liminaire détaille le solde budgétaire. Si nous avions conservé le niveau des dépenses publiques de 2007, nous ne serions pas en déficit. Je n'aime pas parler des 3 % de déficit ; pour le citoyen, cela ne veut rien dire. Le déficit moyen de la zone euro est de 0,4 % ; nous sommes à 2,6 %, beaucoup reste à faire pour être exemplaire et porter haut la voix de la France en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

L'article liminaire est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Vincent Delahaye .  - Il nous faudrait des éléments sur l'élasticité des recettes par rapport à la croissance sur laquelle j'ai invité le Gouvernement à faire des prévisions plus prudentes.

Les réductions de dotation des collectivités territoriales ont en réalité atteint 28 milliards d'euros cumulés sous la précédente majorité. Les comptes publics ont bénéficié cette année des efforts combinés des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Nous attendons un effort plus important de l'État. Or le président de la République a annoncé beaucoup de nouvelles dépenses sur la recherche et l'enseignement supérieur, la suppression de la taxe d'habitation, le service universel, la dette de la SNCF.

M. Marc Laménie .  - Tous les articles sont importants mais celui-ci l'est encore plus que les autres. Un chiffre important : 67,8 milliards d'euros de déficit. Le déficit, que nous évoquons année après année, avait tendance à se creuser. Notre combat permanent doit être de le limiter.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Vincent Delahaye .  - La dette a augmenté de 1 000 milliards d'euros depuis 2007 - elle atteint quasiment 100 % de notre richesse nationale. L'augmentation probable des taux d'intérêt fait peser une menace non négligeable.

Le groupe CRCE s'interroge sur la dette en prenant pour exemple les Japonais. Cependant, la dette japonaise est détenue par les Japonais eux-mêmes. Elle pompe toute leur épargne et leur économie stagne. Il faudrait amorcer un reflux - que nous ne voyons pas venir.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - La parole est à l'infatigable président Delahaye.

M. Vincent Delahaye .  - J'ai trouvé une astuce pour prolonger la discussion générale...

M. Philippe Dallier.  - On a vu, oui !

M. Vincent Delahaye.  - En 2018, on nous a annoncé une réduction de seulement 1 600 emplois sur les 120 000 promis durant le quinquennat.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - 50 000... !

M. Vincent Delahaye.  - ...pour l'État. J'ai donné le chiffre, toutes administrations confondues. Déjà, si les fonctionnaires faisaient 35 heures de travail effectif, on ferait des économies. On en ferait encore plus en passant à 37 heures.

M. Michel Canevet .  - Je veux, moi aussi, exprimer ma satisfaction devant le niveau du déficit inférieur à ce qui était prévu. On le doit, entre autres, aux mesures de recettes prises in extremis en 2017 dont je me réjouis notamment concernant la taxe sur les dividendes.

En revanche, je m'inquiète, dans cette exécution 2017, du niveau des charges à payer. Elles ont significativement augmenté, de l'ordre de 10 milliards pour dépasser la barre des 100 milliards. Cela doit nous préoccuper car, sur le terrain dans le Grand Ouest, des agriculteurs mettent la clé sous la porte parce que les aides, notamment à la conversion, ne leur sont pas réglées. Toujours dans le Grand Ouest, aux deux tiers de la période contractuelle, moins d'un tiers des engagements pris par l'État ont été honorés dans le contrat de plan État-région ; et encore, ils l'ont été parce que la région a fait des avances de fonds.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. Vincent Delahaye .  - Dernière intervention.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Déjà ?

M. Vincent Éblé, président de la commission.  - Des promesses !

M. Vincent Delahaye.  - Qui seront tenues, elles !

Pour 2018, les crédits de dix missions sont en baisse tandis que ceux de dix-neuf autres augmentent.

Rémi Féraud et moi pouvons en témoigner, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » baissent sans doute trop. L'image de la France doit être préservée. Le groupe centriste s'abstiendra, par sévérité pour le gouvernement précédent, malgré notre indulgence pour M. le ministre qui doit faire ses preuves.

M. Marc Laménie .  - On peut regretter le peu d'heures consacrées à ce débat. Il y a eu des dépassements de dépenses, cela a été dit. Certains chapitres sont importants, car prioritaires, telle la défense avec 42,2 milliards d'euros, les engagements financiers de l'État avec 42,3 milliards d'euros, l'enseignement scolaire avec plus de 70 milliards et j'en passe. Au bout du compte, on arrive à plus de 439 milliards d'euros. Où pouvons-nous faire des économies ? Là est la question.

L'article 4 est adopté, ainsi que l'article 5.

ARTICLE 6

M. Michel Canevet .  - En ce qui concerne les dépenses de l'année prochaine, notre collègue Vincent Capo-Canellas a fait d'excellentes propositions sur le contrôle aérien : j'invite le Gouvernement à s'en saisir. Même chose sur la rationalisation des activités de la direction de l'information légale et administrative, la DILA.

Rapporteur spécial du budget de l'action du Gouvernement, je sais que l'exécution a été inférieure de 100 millions d'euros à la prévision.

M. Alain Richard .  - Pour finir, une touche d'optimisme... Ancien combattant arrivé il y a quarante ans dans l'autre chambre du Parlement, je souhaitais vous rappeler que la loi de règlement était votée au printemps de la deuxième année. En quelques décennies, nous avons fait du chemin !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - L'informatique n'était pas aussi développée !

L'article 6 est adopté.

Explications de vote

M. Pascal Savoldelli .  - Il est bon de ne pas examiner l'exécution des comptes à la hâte. Certains disent qu'il faut réduire la dépense publique, d'autres la maîtriser ; pour M. le Ministre, il faut la « refroidir ». Nous n'assistons pas à un refroidissement mais à une surchauffe des marchés financiers. La crise qui s'annonce pourrait être plus grave qu'en 2008. Le CAC 40 a fait plus 22 %. Vous connaissez un chef de PME ou un artisan qui fait plus 22 % ? Un ouvrier, un infirmier qui gagne plus 22 % ? Il ne s'agit pas que tout le monde gagne la même somme, il s'agit de constater un décrochage.

La dette privée, à 140 % du PIB, va s'inviter dans le débat. Les entreprises sont en difficulté, nos concitoyens aussi. À droite, on veut allonger le temps de travail. Vous rendez-vous compte qu'un tiers des jeunes, 29 %, ont décroché un contrat de travail en début d'année qui n'était que d'un jour ?

M. Julien Bargeton .  - Une touche d'optimisme aussi. La transformation numérique de l'État permettra des économies et facilitera la vie des usagers. L'intelligence artificielle est un formidable levier de transformation de l'État. Chaque intervention est traversée par une défense de la baisse de la dépense publique en général mais de sa hausse pour telle ou telle action particulière. La partie qualitative, en l'occurrence, le redimensionnement du format de l'action publique en fonction des bouleversements du numérique, est la seule voie qui résoudra la contradiction.

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

La séance est suspendue quelques instants.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°211 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés   69
Pour l'adoption   54
Contre   15

Le Sénat a adopté.

M. Alain Milon, président de la commission.  - Il était prévu que l'on reprenne la discussion du projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel à 18 heures. Nous avons perdu une demi-heure. Je demande une suspension de séance pour que la commission des affaires sociales s'organise.

M. le président.  - Soit.

La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 40.

M. Alain Milon, président de la commission.  - A priori, nous n'aurons pas terminé l'examen du texte demain, à 18 heures. J'ai appris que le Gouvernement demande l'ouverture d'une séance supplémentaire, lundi matin. Nous sommes d'accord, pour une fois !