Collectivité européenne d'Alsace (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.

Discussion générale

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La CMP a débouché le 11 juillet sur un accord avec l'Assemblée nationale pour donner vie à la nouvelle Collectivité européenne d'Alsace (CEA). C'est le fruit de la volonté des présidents des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et de la région Grand Est de redonner naissance à l'Alsace dissoute lors du découpage des nouvelles grandes régions. L'accord repose sur la déclaration commune de Matignon du 29 octobre dernier et qui a servi de base à ce projet de loi.

Afin d'en faire plus qu'un simple département mais moins qu'une collectivité autonome revendiquée par certains, le texte confie à la nouvelle collectivité des compétences nouvelles liées aux particularismes alsaciens sur le transfrontalier, le bilinguisme ou la gestion du trafic routier.

Le Sénat, lors de la première lecture, et après des débats houleux, avait souhaité aller beaucoup plus loin afin de donner à l'Alsace les véritables moyens de sa différenciation et d'offrir aux autres départements transfrontaliers la possibilité d'expérimenter.

L'Assemblée nationale a préféré revenir à une version plus proche de l'accord signé à Matignon, tout en préservant des avancées significatives introduites par le Sénat.

Ainsi, le texte issu de la CMP reprend les apports du Sénat concernant le transfrontalier et le bilinguisme : la mise en cohérence du schéma de coopération transfrontalier de l'Eurométropole de Strasbourg avec celui de la CEA, la possibilité pour les EPCI de déléguer certaines de leurs compétences à la CEA pour la mise en oeuvre du schéma transfrontalier, ainsi que la possibilité de recruter des enseignants pour assurer l'enseignement des langues et cultures régionales.

Concernant la sécurisation des compensations du transfert des routes et autoroutes non concédées, certaines avancées du Sénat ont été maintenues comme le transfert de personnel, le pouvoir de police et la compensation financière. Si l'accord ne retient pas toutes les garanties introduites par le Sénat, notamment l'introduction dans la base de calcul des dépenses d'entretien courantes inscrites au Contrat de Plan État-Région, l'Assemblée a accepté que l'éventuelle écotaxe ne vienne pas en déduction des compensations financières : c'est une avancée significative.

La CMP a surtout conservé la neutralisation des conséquences pour la CEA des engagements pris par l'État à l'égard de la société concessionnaire de l'autoroute de contournement ouest de Strasbourg. En effet, la CEA ne disposera plus des pouvoirs nécessaires pour réguler le trafic vers la A 35 puisque non seulement le préfet gardera le pouvoir de police mais surtout les voies de circulation sur lesquelles doivent être interdits les poids lourds seront directement transférées à l'Eurométropole de Strasbourg.

Les dispositions sur les élections sénatoriales, introduites dans le corps du texte, ont aussi été validées.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a maintenu diverses dispositions ajoutées par le Sénat comme la possibilité pour l'État de déléguer la gestion des actions relevant du fonds social européen (FSE), la création d'un conseil de développement, cher à Guy-Dominique Kennel et la possibilité de créer des chaînes de télévision locale, chères à la présidente Catherine Troendlé.

Enfin, l'Assemblée a inséré des dispositions nouvelles comme la dénomination des conseillers d'Alsace, l'ajout des liaisons fluviales dans le volet du schéma transfrontalier et la possibilité pour les ordres professionnels, les fédérations sportives et culturelles de s'organiser sur le territoire de la CEA.

Au final, ce texte ressemble à une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine selon le point de vue. Étant de nature plutôt optimiste, j'ai le sentiment que cette loi n'est pas vide. Le Sénat a rempli son rôle de chambre des territoires et je remercie les élus alsaciens pour leurs conseils et leurs encouragements.

Ce texte donne un avant-goût des débats sur le droit à la différenciation.

Comme le dit un proverbe alsacien, la moitié d'un oeuf vaut mieux qu'une coquille entière ; je vous invite donc à voter ce texte de compromis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je me réjouis que la CMP soit parvenue à un accord sur ce texte emblématique de la relation nouvelle que le Gouvernement veut promouvoir avec les collectivités territoriales, fondé sur les principes de confiance et de responsabilité. La contribution des deux chambres est dans ce cadre indispensable. Selon cette approche, l'action sur les territoires doit être le fruit d'une coproduction entre l'ensemble des acteurs. L'État assure la garantie de la cohésion des territoires et veut être le catalyseur du développement local.

C'est ce que nous avons pu, avec vous, démontrer, depuis l'engagement des travaux de concertation en janvier 2018, pour répondre au « désir d'Alsace ». Dans un délai très court, nous avons réussi à élaborer un schéma institutionnel original à droit constant, en assurant la concertation avec tous les acteurs et en préservant l'unité de la République. (M. François Grosdidier s'exclame.)

Je voudrais revenir sur les conditions d'émergence de ce projet de loi. Il importe d'abord de rappeler que ce dernier est attendu par les acteurs locaux, depuis l'échec du référendum de 2013 sur la collectivité territoriale unique d'Alsace, et la création en 2015 de la région Grand Est.

Le préfet de région a rempli sa mission avec intelligence et je veux ici l'en remercier.

Au terme de nombreux échanges, une déclaration commune engageant le Gouvernement a été conclue le 27 octobre 2018, que ce texte concrétise.

Ainsi, la création de la CEA se matérialise par plusieurs étapes : le regroupement des deux départements sera effectif au 1er janvier 2021, aux termes du décret du 27 février dernier, l'ajout de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports et le développement des politiques culturelles, économiques ou sportives dont les orientations étaient fixées dans la déclaration commune.

Ces nouvelles compétences seront précisées et se traduiront par des actes réglementaires. Je songe au pôle d'excellence sur le plurilinguisme ou, plus prosaïquement, aux plaques minéralogiques alsaciennes.

Le projet de loi est donc une composante centrale du dispositif que nous avons envisagé pour l'Alsace. Il s'attache à donner à l'Alsace des compétences suffisamment justifiées par des spécificités alsaciennes pour que le cadre constitutionnel actuel permette de les attribuer de façon pérenne et circonscrite à ce territoire.

Au 1er janvier 2021, la CEA exercera le socle classique des compétences départementales auquel s'ajouteront quatre principales compétences et, tout d'abord, des compétences en matière transfrontalière : la collectivité aura la capacité d'organiser l'action collective, à travers un schéma de coopération transfrontalière. En cohérence avec la stratégie régionale, il pourra décliner un volet opérationnel sur les projets structurants. La CEA pourra ainsi se voir déléguer des compétences par l'État, la région ou des EPCI.

En second lieu, la CEA aura des compétences en matière de bilinguisme pour renforcer ce vecteur culturel et ce facteur de mobilité professionnelle que constitue la langue régionale, avec l'amélioration de l'attractivité des postes d'enseignant d'allemand, la possibilité de recruter des intervenants, la constitution d'un vivier d'enseignants.

Ensuite, la CEA aura des compétences en matière touristique et en matière d'infrastructures routières. La CEA pourra lever des ressources spécifiques sur le trafic de marchandises.

L'ensemble de ces composantes permettra de donner à la CEA une véritable substance institutionnelle, tout en préservant le nécessaire équilibre avec les autres collectivités locales.

Plusieurs dispositions sénatoriales ont été conservées et je m'en réjouis : compétences sanitaires, délégation des intercommunalités à la Collectivité européenne d'Alsace, conseil de développement, référence aux FSE - invitation à poursuivre le travail engagé sur le guichet unique pour les porteurs de projets.

Ce texte est donc en conformité avec la déclaration de Matignon et augure bien des relations futures entre l'État et les collectivités territoriales. Je souhaite particulièrement remercier Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, et Jean Rottner, président de la région Grand-Est. Je remercie également le président Bas et la rapporteure Canayer.

Ce texte a été enrichi par le Parlement et reste équilibré. Par lui, la République reconnaît la diversité et la force des territoires, sans nuire à son unité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UC)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Cinq ans après la création des grandes régions et la disparition administrative de l'Alsace sur un coin de table, nous allons créer la CEA. Il reste néanmoins un sentiment de déception, tant le champ des possibles a été réduit à la portion congrue. Je pense particulièrement aux potentielles avancées que le Sénat avait envisagées mais qui finalement ont été retoquées par l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Le texte a néanmoins le mérite d'exister et reflète des années d'échanges à tous les niveaux. Mais il reste loin des attentes des Alsaciens.

Le désir d'Alsace, revendication positive identifiée par le préfet Marx, a entendu fonder par une voie originale un projet politique d'avenir, profondément européen.

Nous n'étions pas dupes sur les difficultés d'explorer des voies du droit novatrices, à l'heure où on laisse peu de place à l'audace.

Nous avons pourtant tenu à affirmer cette singularité territoriale en créant cette CEA. Nous nous sommes inscrits en tant que législateur dans le cadre des articles 34 et 72 de la Constitution.

La différenciation du nom au sein d'une catégorie de collectivité territoriale de droit commun constitue une expérimentation intéressante. La différence du spectre de compétences de la CEA au regard des départements classiques est absolument manifeste, l'absence de reconnaissance de son caractère singulier par une appellation dédiée aurait constitué un manquement.

Concernant les compétences, nous devrons faire avec un département doté de compétences différenciées. La jurisprudence constitutionnelle est claire : rien ne s'oppose à ce que le législateur traite différemment des situations différentes et déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que les différences soient en rapport avec l'objet de la loi.

Nous nous inscrivons dans un périmètre juridique justifiant ces particularités. Ainsi en est-il de ces avancées qui ont trait au plan sanitaire, au bilinguisme, mais aussi à la prise en compte, certes à minima, de la situation très tendue du réseau routier national en Alsace du fait de l'existence de réseaux parallèles entre la France et l'Allemagne. Il était important de fonder la particularité alsacienne autour d'un coeur de compétences confié à la CEA.

Nous nous sommes malheureusement heurtés à la volonté du Gouvernement de préserver la réforme régionale de 2015.

Même si l'alsacien que je suis aurait préféré aller beaucoup plus loin, je salue cette première étape de la démarche que nous avons entamée.

Je remercie la rapporteure pour son excellent travail : elle pourrait presque être alsacienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Agnès Canayer, rapporteure, dessine un large sourire sur son visage.)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Ce projet de loi est un texte fort. Il englobe le sujet plus large de la décentralisation et répond à une demande des habitants et des acteurs locaux. Je salue les présidents du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, Mme la ministre Gourault, et tous ceux qui ont rendu ce texte possible.

L'Alsace est un territoire sensible, siège du Parlement européen et du Conseil de l'Europe et zone d'échanges privilégiée avec 62 000 travailleurs frontaliers.

C'est un territoire agréable : cigognes sur le clocher des églises, balcons fleuris, des forêts et même du vin ! L'Alsace est un seul et même territoire (M. André Reichardt le conteste.) et une attractivité touristique exceptionnelle.

L'Alsace est au coeur de l'amitié franco-allemande. Elle est un exemple à suivre. On y vit pleinement et quotidiennement la citoyenneté européenne.

Les Indépendants se félicitent de la création de la CEA. Le Gouvernement a su prendre en compte la spécificité de ce territoire, ce qui augure bien de la suite.

Confiance dans les acteurs locaux, confiance dans les territoires, écoute des citoyens, tels sont les principes qui prévaudront dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.

La diversité des territoires de la France fait sa richesse. Le Gouvernement doit la respecter. La décentralisation est avant tout une marque de respect envers la différence de ces territoires. Par la flexibilité qu'elle permet, la décentralisation est un élément décisif de la réussite économique. La cohésion territoriale passe par plus de souplesse, encourageant ainsi une dynamique de l'emploi, et une concurrence saine.

Ce projet de loi est un exemple à suivre par d'autres départements.

M. Loïc Hervé.  - La Savoie, par exemple !

M. Dany Wattebled.  - Faisons confiance aux territoires et aux acteurs locaux.

Les Indépendants voteront majoritairement ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Je veux saluer le travail accompli par toutes les parties prenantes. Fruit d'une initiative locale, discuté maintes fois avec le Gouvernement, ce projet de loi est issu de la déclaration de Matignon.

Cette initiative législative est née d'une initiative alsacienne. Dans un esprit de consensus, il n'appartient pas au Sénat de s'opposer à une volonté locale et il était impératif de conforter la région Grand-Est dans ses compétences.

Il revenait au Parlement de s'emparer du débat sur la différenciation territoriale et de parvenir à un point d'équilibre acceptable.

Fort heureusement, le retour au droit commun s'est imposé sur le transfert des routes nationales.

Ce texte nous offre aussi une leçon d'humilité : pas de modèle de législation unique qui aplanirait la diversité locale sous un grossier universalisme. La décentralisation ne doit plus être un simple habillage, un prêt à porter. Elle exige des habits neufs, du sur-mesure. La haute couture parisienne ne doit plus dicter quel sera l'habillage territorial de telle ou telle collectivité, dont elle ne connaît guère finement les enjeux réels. (On admire la métaphore sur les bancs des groupes LaREM et Les Républicains.) Mais percevoir les enjeux selon le prisme Girondin ne suffira pas à renforcer notre République territoriale.

La liberté locale ne se décrète pas à la faveur d'une révision constitutionnelle. Nous devons engager une révolution culturelle pour une société reconnaissant le droit à l'imagination créative des élus locaux. Les lois de la République sont faites pour les citoyens et doivent être adaptées aux singularités locales.

Je salue le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale porté par Sébastien Lecornu, dont le second volet se traduira dès le premier trimestre 2020 par la mise en oeuvre d'un acte de différenciation et de décentralisation.

Je témoigne de notre pleine adhésion au texte de la CMP. Et maintenant, en avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Éliane Assassi .  - L'Assemblée nationale n'aura pas mis fin à la création de la CEA ; elle l'aura à peine modifiée.

Ce projet de loi brouillon corrige les effets néfastes des dernières lois territoriales votées. La future CEA redonne vie à l'Alsace dissoute par la loi de 2015. Faut-il comprendre que la réforme des grandes régions était une mauvaise loi ? Et si l'Alsace renaît sous d'autres formes, pourquoi l'empêcherions-nous pour d'autres collectivités départementales ou régionales qui en feraient la demande ?

On transfère à la CEA des compétences qui ne recouvrent ni totalement celle des régions, ni celles des départements. On crée ainsi un super-département dont l'existence n'est pas constitutionnelle. (Mme la ministre le conteste.)

Doit-on comprendre que la suppression de la clause de compétence générale des départements était une erreur ? Que cette suppression ne permet plus l'expression des particularismes locaux ? Ou est-ce enfin la reconnaissance de l'échec de la loi NOTRe ? On le nie, en la corrigeant à la marge.

On nous fait croire, avec ce texte, qu'en l'état actuel, il serait impossible à ces départements de mettre en place des politiques de coopérations transfrontalières. C'est faux. Ces collectivités n'ont pas attendu cette loi pour s'allier. Consacrer l'existence d'une zone franche franco-allemande ne peut en revanche que nous inquiéter : nous craignons un alignement par le bas.

Les membres du groupe CRCE continuent de penser que le jacobinisme français est un étrange mélange de centralisme et de particularités locales. Le triptyque commune/département/État issu de la Révolution française reste d'une grande efficacité et d'une grande souplesse qui a permis de prendre en compte les particularismes. Par conséquent, nous ne pouvons soutenir ce texte qui consacre le trio EPCI/régions/Europe qui signe la fin de l'État-Nation.

L'article 2 est une usine à gaz, d'autant que la possibilité pour la CEA d'expérimenter la gestion des aides aux entreprises a été supprimée.

La taxe carbone a été retirée du texte, mais le transfert de la gestion des routes nationales et des autoroutes à la collectivité a été conservé. Qu'est-ce donc, sinon un recul de l'État ? Ce bricolage législatif est ni fait ni à faire.

Le groupe CRCE ne votera pas ce texte, étape au démembrement de la République indivisible. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jacques Bigot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Lorsque les guides font visiter le Palais de Marie de Médicis, ils rappellent la Journée des dupes, où Richelieu convainquit Louis XIII d'envoyer sa mère en exil. J'espère qu'il n'y aura pas une nouvelle journée des dupes sur ce texte. (Sourires ; M. André Reichardt approuve.)

M. François Grosdidier.  - Il n'y a que les Lorrains qui s'en félicitent.

M. Jacques Bigot.  - Demandé par les présidents des deux départements du Rhin, il porte la revendication d'une collectivité à statut particulier. Le président de la République l'a refusé et il n'est pas question non plus de remettre en cause l'organisation des treize régions. À l'issue de son rapport, le préfet Jean-Luc Marx a suggéré la fusion des deux départements et l'attribution de quelques compétences spécifiques supplémentaires.

La première journée des dupes a sans doute été celle de la déclaration de Matignon, car les compétences accordées ont été pour le moins vides.

En première lecture, nous avions tenté d'examiner la manière dont l'État pourrait donner des compétences déléguées à des collectivités frontalières, sous la forme d'un schéma inédit. La nouvelle CEA sera-t-elle chef de file en matière de coopération transfrontalière ? C'est un leurre.

Sur le volet sanitaire, idem. L'Assemblée nationale s'est empressée d'ajouter dans le texte « en cohérence avec le projet de santé des ARS. » L'État sera donc toujours là.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Encore heureux !

M. Jacques Bigot.  - Quant au bilinguisme, Guy-Dominique Kennel qui fut président du conseil départemental du Haut-Rhin nous l'a bien dit, rien de neuf hormis la création d'un comité de coordination du bilinguisme consacré à l'Assemblée nationale...

M. André Reichardt.  - ... qui ne fera rien de neuf !

M. Jacques Bigot.  - Les fédérations sportives et culturelles et les ordres professionnels pourront s'organiser dans le cadre de la CEA. Si elles avaient adopté la grande région, c'est que quelques Alsaciens n'y étaient pas si opposés. (M. Bruno Sido en doute.) Cela n'apporte rien.

Quant aux routes, les départements recevront dès 2021 le transfert de la compétence afin de mettre en place une taxe sur les poids lourds.

Pour ce faire, il faudra une ordonnance, alors même que dans la déclaration de Matignon, le Gouvernement s'engageait à des simulations juridiques et financières qui auraient pu être élargies à la Lorraine par exemple ; le Sénat avait ainsi, à la demande de nos collègues lorrains, voté à l'unanimité, y compris des Alsaciens présents, l'extension aux routes de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges. Mais cette disposition a disparu de notre texte de la CMP.

Notre groupe s'abstiendra sur ce texte. Nos collègues lorrains auraient voté contre en cas de scrutin public.

M. François Grosdidier.  - Les autres Lorrains voteront contre !

M. Jacques Bigot.  - Finalement, deux départements veulent fusionner et nous ne voulons pas nous y opposer. Ce texte est trop vide pour que nous le soutenions. Dès lors qu'il n'apporte, ni ne retire rien, (M. André Reichardt le conteste.) pourquoi nous y opposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Maryse Carrère .  - Depuis plusieurs années, les départements ont vocation à s'effacer, absorbés par les régions, happés par les métropoles. Le rapport Attali de 2008 annonçait leur disparition dans un délai de dix ans.

Cependant est créé un nouveau grand département d'Alsace appelé CEA, doté de compétences supplémentaires, notamment étatiques.

Un désir d'Alsace a émergé, mais nous devons examiner ce projet de loi à l'aune du caractère indivisible de notre République.

L'accord de Matignon a été du cousu main. Pourquoi rectifier les erreurs des lois Maptam et NOTRe au cas par cas ?

Les débats au Sénat ont conduit à l'adoption à l'article premier de l'amendement de notre collègue François Grosdidier généralisant à tous les départements qui en feraient la demande, les compétences attribuées à la nouvelle collectivité européenne d'Alsace, disposition par la suite supprimée en CMP.

Pour des raisons de cohérence, nous étions opposés à cette vision d'une France du cousu main. Le caractère spécifique de l'Alsace ne peut pas justifier un nouveau statut sur-mesure.

Il a également été soutenu que cette nouvelle entité serait un prélude à un mouvement plus large, fondé sur le futur droit à la différenciation. Nous aimerions que cet accord qui procède strictement d'un tête à tête entre deux départements, une Région et l'État ne vienne pas préfigurer le futur droit à la différenciation sur lequel les parlementaires ont encore à s'accorder. Ce droit est un risque pour l'égalité territoriale et il faut l'accompagner de garde-fous.

L'organisation territoriale et administrative prévue dans le texte ne fait pas l'économie des doublons avec deux circonscriptions administratives.

À l'image des intercommunalités XXL, les autres départements ont-ils vocation à se livrer à des jeux de fusion pour continuer à se développer ?

D'autres solutions sont possibles pour une libre administration, principe auquel le RDSE est viscéralement attaché.

Ce projet de loi ouvre la voie à une organisation territoriale à géométrie variable que nous réfutons. La loi ne doit pas régler les cas particuliers. Un projet de loi sur la décentralisation aurait mieux valu pour traiter la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

La séance est suspendue à 16 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.