Financement de la sécurité sociale pour 2020 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020.

Discussion des articles de la troisième partie (Suite)

ARTICLE 9 TER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°924 rectifié bis, présenté par MM. Patriat et Rambaud, Mme Constant et MM. Dennemont, Gattolin, Buis, Marchand et Cazeau.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Au b du I de l'article 1613 bis du code général des impôts, les mots : « , n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 » sont remplacés par les mots : « n° 251/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la définition, la description, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et abrogeant le règlement (CEE) n° 1601/91 du Conseil, ».

II. -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Didier Rambaud.  - Cet amendement réécrit l'article 9 ter pour supprimer la nouvelle taxe sur les apéritifs aromatisés à base de vin. Nous nous trompons de cible ; nos viticulteurs n'ont pas été consultés.

Nos jeunes, hélas, ne boivent pas du vin cuit, du kir, du cidre ou de la sangria mais plutôt du whisky-coca, de la vodka et du gin. Cette taxe porterait les apéritifs aromatisés à base de vin à un coût supérieur à celui de la vodka, 3 000 euros contre 2 300 euros par litre d'alcool pur.

Accentuons plutôt l'éducation à la santé et combattons l'alcoolisme en soi.

Adopter cette taxe reportera la consommation vers des alcools plus forts. Les débats à l'Assemblée nationale tendaient à dire que les producteurs français n'étaient pas concernés ; c'est faux.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.  - Nous avons eu cette discussion hier. Avis défavorable. Les vins concernés par cette taxe représentent moins de 1 % de la production française. La majorité des vins qui servent à la fabrication de ces produits sont importés. Les jeunes entrent dans l'alcoolisme avec ces produits extrêmement sucrés, ce qui entraîne de l'obésité : c'est un enjeu de santé publique pour notre jeunesse.

L'amendement n°924 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°95 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio et MM. Paul et Laménie.

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le b du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « , définis aux articles 401, 435 et au a du I de l'article 520 A qui ne répondent pas aux définitions prévues aux règlements modifiés n° 1575/89 du Conseil du 29 mai 1989, n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 et n° 1493-99 du Conseil du 17 mai 1999, au 5° de l'article 458, » sont supprimés ;

b) Le mot : « communautaire » est remplacé par les mots : « de l'Union européenne » ;

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - La loi de financement de la sécurité sociale de 1997 avait introduit une première taxe prémix pour décourager l'entrée précoce dans la consommation d'alcool des jeunes avec des boissons très sucrées masquant la présence et le goût de l'alcool. Doublée en 2004 par la loi relative à la santé publique, elle est désormais de 11 euros par décilitre d'alcool pur.

Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, cela a limité le marché français des prémix : moins de 10 000 litres en ont été vendus en 1997 contre 950 000 litres en 1996 alors que ce marché était en plein essor. La hausse de 2004 a conduit à une chute de 40 % des ventes de prémix en 2005.

Exploitant une faille de la loi de 2004, qui excluait les vins aromatisés du champ d'application de la taxe, des industriels ont mis sur le marché des vins ou cidres aromatisés, ciblant clairement les jeunes par l'emballage, le marketing ou l'appellation, et offrant des prix bas auxquels les jeunes sont particulièrement sensibles.

Selon le propriétaire de la marque Rosé Sucette, « ces bouteilles, à moins de 3 euros sur linéaire, seront un tremplin permettant aux néophytes d'accéder aux vins plus classiques. Notamment pour un public plutôt jeune et féminin ».

Cet amendement étend la taxe prémix aux boissons aromatisées à base de vin.

L'amendement n°937 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°320 rectifié ter, présenté par Mme N. Delattre et MM. A. Bertrand, Collin, Gabouty et Cabanel.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

supprimée

par les mots :

remplacée par la référence : « n° 251/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 »

Mme Nathalie Delattre.  - Le règlement européen du 26 février 2014 a remplacé le règlement 1601 de 1991. Il convient, dans l'article 1613 bis du code général des impôts de faire référence au nouveau règlement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Avis défavorable à l'amendement n°95 rectifié qui étend la taxe prémix aux cidres et aux poirés, écartés à l'Assemblée nationale. Restons-en là, par souci d'efficacité. Même avis sur l'amendement n°320 rectifié ter pour les mêmes raisons.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - L'amendement n°95 rectifié étend la taxe à des vins IGP. Attendons d'abord de voir comment évolue la taxe l'année prochaine. L'effet prix escompté joue surtout sur les vins les moins chers utilisés pour la fabrication des prémix. Avis défavorable de même que sur le 320 rectifié ter.

M. René-Paul Savary.  - Notre rôle est de veiller à la prévention de l'alcoolisme chez les jeunes. Le médecin que je suis le sait bien. Mais si vous pénalisez des prémix, les jeunes boiront davantage de vins aromatisés ; si vous les pénalisez, ils boiront de la bière-téquila.

Replaçons les parents, les premiers éducateurs de leurs enfants, au centre du dispositif. Prévenons l'alcoolisme.

Mais cessons ce saupoudrage à chaque PLFSS. Les filières viticoles sont tout à fait d'accord pour participer à des actions de prévention. Il y a d'autres solutions que les taxes pour aboutir au résultat escompté.

M. Michel Amiel.  - Dans ce domaine, il faut avoir une politique de juste milieu. Il ne s'agit pas de justification, mais de cibler les boissons qui visent spécifiquement les jeunes avec des arguments de prix et de communication.

Oui, monsieur Savary, l'éducation à la santé est importante. Mais je doute que les filières viticoles soient les plus qualifiées...

L'amendement n°95 rectifié n'est pas adopté non plus que l'amendement n°320 rectifié ter.

M. le président.  - Amendement n°873 rectifié bis, présenté par MM. D. Laurent et Duplomb, Mmes Imbert et Dumas, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Savary, Bizet et Genest, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Magras et Cambon, Mmes Bruguière, Primas et Morhet-Richaud, MM. Pointereau, Détraigne, Fouché, Babary et Poniatowski, Mme Gruny, M. Guené, Mme Raimond-Pavero, MM. Panunzi, J.M. Boyer, Cabanel, de Nicolaÿ, Charon, Longeot, Louault, Brisson, Lefèvre et Longuet, Mmes Troendlé et Férat, MM. Cuypers et Vial, Mme Berthet, MM. Grand, Chaize, Pierre, Vaspart, Bouchet, Émorine, Segouin et Huré, Mme Lopez, M. Chatillon, Mme Micouleau, MM. Husson, Schmitz, Mandelli et Calvet, Mmes Deromedi, Noël et Renaud-Garabedian, M. Bouloux, Mmes Lassarade, Bories et Perrot et MM. Bonne et Mouiller.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le 1° du I du présent article entre en vigueur à compter du 31 décembre 2020.

M. Daniel Laurent.  - La nouvelle taxe prémix votée hier par le Sénat, comme toute nouvelle taxe, n'est pas une bonne nouvelle, d'autant qu'elle ne saurait régler les problèmes d'addiction à l'alcool. Il faudrait plutôt encourager un modèle de consommation plus responsable, qui relève d'un certain art de vivre.

L'entrée en vigueur de la taxe est prévue au 1er janvier 2020 - c'est demain - alors qu'il n'y a aucune concertation avec le secteur viticole. C'est brutal...

Reportons cette date d'une année pour laisser du temps aux professionnels et étudions plus finement les boissons concernées.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Notre avis reste défavorable : le délai d'un an que vous demandez ne changera pas grand-chose...

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Il ne s'agit pas d'une nouvelle taxe, mais d'une modification de l'assiette de la taxe actuelle. Nous avons déjà eu ce débat lors du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les professionnels du secteur savent donc que nous travaillons sur le sujet. Ils sont parfaitement informés. L'impact sur le secteur est limité, puisque la taxe ne concerne qu'une petite partie de la production.

M. Claude Bérit-Débat.  - Le débat a eu lieu hier soir. Je regrette la décision du Sénat, mais respecte le vote démocratique. Je soutiens cependant l'amendement de M. Laurent : aucune étude d'impact n'a été réalisée concernant la viticulture française. Or, contrairement à ce que vous affirmez, la taxe concerne une part non négligeable de la production.

Mme Nathalie Delattre.  - L'amendement de Daniel Laurent et le mien auraient pu se rejoindre : ils ont le même objet. Ils permettraient à la filière viticole de faire un état des lieux des produits concernés car, on le voit dans le débat, nous ne mettons pas les mêmes produits derrière ces notions.

Vous diffusez des fake news, puisque les jeunes n'entrent pas dans l'alcool avec ces produits, mais avec des mélanges de coca-cola et de gin, par exemple, ou d'autres produits bien plus dangereux.

Enfin, la filière viticole elle-même fait de la prévention, il faut le reconnaître.

M. Daniel Chasseing.  - Je soutiens cet amendement. Il faut évidemment faire de la prévention dans les collèges et les lycées, mais les jeunes ne sont pas seuls concernés par l'alcoolisme. Les cannettes de bière de 50 centilitres à 16 degrés d'alcool sont aussi dangereuses.

M. René-Paul Savary.  - La nouvelle taxe va probablement moins diminuer l'alcoolisme qu'infléchir les modes de consommation et orienter les consommateurs vers les produits moins taxés. Pourquoi ne taxons-nous pas davantage la bière ? Lorsque les jeunes se réunissent, ce ne sont pas des bouteilles de vin qui restent, mais des canettes... Nous avions pourtant taxé davantage la bière - mais cela n'a pas suffi, l'effet prix que vous espérez est donc douteux.

Oui, seule une petite partie de la filière viticole sera touchée par la taxe, mais il faut prendre en compte l'effet des droits de douanes américains, qui sont augmentés l'an prochain - l'impact est violent sur des filières entières, par exemple le rosé de Provence, où des producteurs vont tout simplement disparaître... En Alsace, où les viticulteurs rencontrent également des difficultés, la profession est sensibilisée à la question des prémix puisque le vin en vrac n'est vendu que quelques centimes.

M. Olivier Henno.  - J'ai le plus grand respect pour les défenseurs d'intérêts économiques. Mais la lutte contre l'alcoolisme des jeunes est un objectif majeur. Pour lutter contre le tabagisme, je ne compte ni sur Philip Morris ni sur Marlboro. (Sourires) C'est un sujet de politique publique. Il faut se mobiliser contre toutes les addictions. Évidemment, on peut être tenté de faire plus global -  mais, souvent, à trop attendre des solutions plus complètes, on ne fait rien.

Mme Catherine Deroche.  - Moi aussi, je viens d'un département viticole. Mais les taxes dont on parle concernent les prémix. Bernard Jomier l'a dit hier soir, il s'agit de produits qui facilitent l'entrée des jeunes dans l'alcoolisation. Il ne s'agit d'ailleurs pas que des jeunes. Quand on connaît la part de l'alcoolisme dans les drames de violence conjugale et de féminicide, on comprend l'urgence de lutter contre ce phénomène. Je suivrai la commission. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Michelle Meunier et Laurence Rossignol applaudissent.)

Mme Nathalie Goulet.  - Quand nous avons augmenté les droits d'accises sur la bière de 300 %, le secteur, dont on nous disait qu'il ne s'en remettrait pas, a très bien résisté. L'évaluation est indispensable. Cette séance, chaque année, ressemble à la route des vins ; il faudrait mieux connaître l'effet des mesures que nous prenons.

M. Michel Amiel.  - A-t-on évalué le coût de l'alcoolisation en France ?

M. Bernard Jomier.  - 120 milliards d'euros par an...

M. Michel Amiel.  - La première cause de mortalité est le cocktail tabac-alcool.

L'amendement n°873 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°929 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre et MM. A. Bertrand, Gabouty et Cabanel.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le 2° du I du présent article est applicable au 31 décembre 2020.

Mme Nathalie Delattre.  - Un chiffre, celui de l'implication de la filière dans la prévention auprès des femmes enceintes, sans aide de l'État : 100 000 euros. C'est en vendant les produits dans un cadre responsable qu'on fait de la prévention.

Nous faisons ce qu'il faut.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est qui « nous » ? Vous parlez comme viticultrice ou comme parlementaire ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Même avis défavorable que pour les amendements précédents.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.  - Avis défavorable également.

M. Bernard Jomier.  - Je ne pensais pas que nous recommencerions ce débat... Madame Delattre, la prévention ressort prioritairement des professionnels de santé. Les campagnes conçues par les professionnels portent une part d'ambiguïté, comme celle de Vin & Société à destination des femmes enceintes qui indique qu'il n'existe pas de consensus scientifique sur les méfaits de l'alcool sur la grossesse. Or c'est complètement faux. Il y a un consensus scientifique sur ce point.

Vous parlez de 100 000 euros consacrés à la prévention, mais la filière a aussi consacré 200 000 euros à influencer les parlementaires, d'après la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR)

L'amendement n°929 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°172 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°860 rectifié, présenté par M. Jomier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Au plus tard le 30 septembre 2020, le Gouvernement communique au Parlement les résultats d'une évaluation des effets, notamment sur le volume des ventes, de la taxation prévue au présent article.

M. Bernard Jomier.  - Cet amendement vise à ce qu'une évaluation de la taxation des boissons aromatisées à base de vin soit effectuée en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, comme notre collègue Savary l'appelait de ses voeux.

Nous pourrons ainsi avoir l'an prochain un débat plus renseigné.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Je comprends, mais la commission des affaires sociales n'aime guère les rapports : avis défavorable.

Cette évaluation est-elle vraiment indispensable ?

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Je partage votre souci, monsieur Jomier. Nous avons créé un « jaune » budgétaire des politiques de prévention, ce qui nous permettra de disposer d'une vision précise de chaque mesure. Retrait ?

Mme Nathalie Goulet.  - C'est une initiative intéressante que ce document budgétaire, car nous avons aussi besoin d'un bilan coût/avantage de la norme. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Claude Bérit-Débat.  - Pour ma part, je suis favorable à cet amendement. Les prémix ne sont pas seuls en cause dans l'alcoolisation des jeunes ; que dire des alcools forts, vodka et whisky ? Il sera donc intéressant d'étudier les effets réels de la taxe.

Mme Catherine Conconne.  - Ce rapport aurait dû précéder la création de la taxe, cela aurait évité bien des approximations. Le rhum, boisson nationale martiniquaise, est accusé de tous les maux en Martinique alors que 63 % de la consommation concerne des bières importées, souvent aromatisées et avec un nom hispanisant, et que la consommation de vin et de champagne y est particulièrement élevée. Mais pardon, je viens de parler de la sacro-sainte production nationale franco-française ! Si ce rapport avait été fait avant, on aurait évité de massacrer toute une filière !

M. Bernard Jomier.  - J'ai entendu les explications de la ministre et retire mon amendement n°860 rectifié.

L'amendement n°860 rectifié est retiré.

Mme Laurence Cohen.  - Nous voterons l'article 9 ter. L'alcool est, chaque année, responsable de 40 000 morts, dont 15 000 par cancer. Il est aussi à la source de bien des violences conjugales.

Nous avions déposé un amendement créant une taxe sur les publicités sur l'alcool, pouvant rapporter 25 millions d'euros. Il a hélas été déclaré irrecevable, au détriment des ressources du fonds de prévention. Taxer la publicité nous semble également pouvoir constituer une piste à explorer.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 9 ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°35 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption 245
Contre    71

Le Sénat a adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°518 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mme Conway-Mouret, MM. Lalande, Durain et Duran et Mmes G. Jourda et Artigalas.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article L. 758-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 758-1.  -  En Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le tarif de la cotisation sur les boissons alcooliques, prévu à l'article L. 245-9 est fixé à 0,04 euro par décilitre ou fraction de décilitre, pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d'alcool de cru produits et consommés sur place. »

II.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Catherine Conconne.  - J'ai observé certaines postures hier soir. Je suis impliquée depuis vingt ans dans la vie publique - maire-adjoint de la plus grande ville de Martinique, 100 000 habitants, conseillère départementale d'un canton de 17 000 habitants et 100 % populaire, conseillère régionale, sénatrice - et j'avais été dans l'action militante pure depuis longtemps. Lorsque je viens ici, avec plus de huit heures de trajet et six heures de décalage horaire, mes interventions sont préparées : j'ai eu le temps de peser chacune de mes propositions. J'ai auparavant rencontré des médecins, vu l'Agence régionale de santé (ARS), le Centre hospitalier universitaire (CHU), jusqu'à la veille de mon voyage - eux aussi ont prêté le serment d'Hippocrate, pas d'hypocrite. Je sais donc de quoi je parle ! Je trouve insupportable de m'entendre faire la leçon par des gens qui ne connaissent pas mon pays. (Exclamations)

Mme Patricia Schillinger.  - Quelle est cette façon de parler ?

Mme Catherine Conconne.  - Je ne me permettrai jamais de faire la leçon à des Bordelais sur les problèmes de Bordeaux, à des Ardennais sur les problèmes des Ardennes. Je suis parfaitement majeure. Les postures néocoloniales et impérialistes, ça suffit ! (Protestations des travées du groupe LaREM jusqu'à celles du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°519 rectifié, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste et Lurel, Mmes Jasmin et Conway-Mouret, MM. Lalande, Durain et Duran, Mmes G. Jourda et Artigalas et M. Kerrouche.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article L. 758-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 1°, le montant : « 168 » est remplacé par le montant : « 89 » ;

2° Au 2°, le montant : « 246 » est remplacé par le montant : « 138 » ;

3° Au 3°, le montant : « 325 » est remplacé par le montant : « 187 » ;

4° Au 4°, le montant : « 403 » est remplacé par le montant : « 236 » ;

5° Au 5°, le montant : « 482 » est remplacé par le montant : « 286 » ;

6° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« ...° 335 euros par hectolitre d'alcool pur à compter du 1er janvier 2025 ;

« ...° 384 euros par hectolitre d'alcool pur à compter du 1er janvier 2026 ;

« ...° 433 euros par hectolitre d'alcool pur à compter du 1er janvier 2027 ;

« ...° 482 euros par hectolitre d'alcool pur à compter du 1er janvier 2028. »

II.  -  Le même article L. 758-1 est abrogé à compter du 1er janvier 2029.

III.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Catherine Conconne.  - C'est un amendement de repli. Le rhum, jugé - sans preuves - coupable de tous les maux en Martinique, a été fortement taxé l'an dernier, au contraire de la bière, du vin et du champagne pourtant très consommés aux Antilles.

Les jeunes alcoolisés que je vois sous les abribus le soir consomment surtout des bières aromatisées, votre vin et votre champagne ! (Protestations des travées du groupe LaREM jusqu'à celles du groupe Les Républicains) Seuls 7 % des Martiniquais boivent du rhum. Le président de la République nous déclare qu'il veut notre développement, mais la première mesure concrète, c'est cette taxe assassine sur le rhum !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - L'alignement voté l'an dernier est progressif (Mme Catherine Conconne le conteste.) puisqu'il s'appliquera entre 2020 et 2025 et il est nécessaire pour la santé publique. Les chiffres du ministre de la Santé montrent que les alcools forts arrivent en troisième position de la consommation d'alcool aux Antilles - c'est plus que dans l'Hexagone -, derrière le vin et le champagne.

Mme Catherine Conconne.  - Ils ne sont pas taxés au même niveau !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Proposez un amendement pour aligner la taxation du vin sur celle des alcools forts... Par ailleurs, le syndrome d'alcoolisation foetale fait des ravages aux Antilles, c'est un fait. Avis défavorable.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aussi. La République est une et indivisible : il n'y a pas les alcools des uns et ceux des autres, la France, c'est une seule Nation. (Mme Catherine Conconne fait non de la tête ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Michel Amiel.  - La Martinique, c'est la France !

Mme Catherine Conconne.  - Non ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Patricia Schillinger.  - C'est honteux !

M. Michel Amiel.  - Dans ce cas, je ne peux guère continuer mon argumentation. Le terme de néocolonialisme nous a quelque peu choqués. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez.  - Quelle pauvreté de débat ! Catherine, je suis déçue. Mon père est, comme le tien, martiniquais - sa famille, depuis 1870 - et j'aime le ti-punch. Mais je ne puis te laisser tenir ces propos. Chacun défend sa région - la Martinique est une région - mais nous sommes tous Français ! Vive la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, LaREM et Les Républicains)

M. François Bonhomme.  - Nous pouvons tous dérouler notre CV, Madame Conconne... Pourquoi parler de néocolonialisme ici ? Nous traitons des affaires de la France comme une et indivisible. Votre propos nuit à vos arguments.

Les statistiques que vous assénez sont fausses, madame ! Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la Martinique est un mauvais élève : la consommation d'alcool y est supérieure à la moyenne nationale. Vous devriez vous interroger sur les conduites addictives à l'alcool et vous soucier de la prévention. Un accident mortel sur deux est lié à l'alcool.

Mme Catherine Conconne.  - Je n'ai pas l'habitude de faire étalage de mes fonctions. Je l'ai fait pour vous dire que ma pratique politique depuis vingt ans me donne le recul nécessaire pour étayer mes arguments.

M. François Bonhomme.  - Ce n'est pas flagrant.

Mme Catherine Conconne.  - Je n'arrive pas avec ce petit bout de papier plié en quatre dans ma poche arrière. J'ai travaillé !

Mme Marie-Christine Chauvin.  - Et nous, on ne travaille pas ?

Mme Catherine Conconne.  - Au vu des indicateurs de développement, nous ne sommes pas la France ! (Exclamations outrées sur les travées du groupe Les Républicains) La France supporterait-elle un taux de chômage de 23 %, un taux de pauvreté triplé sans qu'aucune politique publique déterminée ne soit mise en place pour y remédier ?

Voilà pourquoi je dis que ce n'est pas la France. (Protestations)

La une du Parisien dit qu'il faut attendre 80 jours pour voir un ophtalmologiste en France ; chez nous, c'est trois ans !

M. François Bonhomme.  - Et chez moi, c'est deux ans !

Mme Catherine Conconne.  - Voilà pourquoi je dis que ce n'est pas la France !

M. Jérôme Bascher.  - Rappel au Règlement !

Les explications de vote visent à expliquer son vote, pas à justifier de son travail.

La République française, selon la Constitution, ce n'est pas un département contre un autre : c'est la France tout entière, métropole et outre-mer, qui font sa fierté. Nos collègues doivent respecter la Constitution ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Conconne.  - La Constitution, oui ! Égalité ! Fraternité !

M. le président.  - Je vous appelle, mes chers collègues, à modérer vos propos. Que nos débats conservent la sérénité qui est la marque de fabrique de notre assemblée. Je n'hésiterai pas à faire usage des prérogatives que m'octroie notre Règlement. L'article 33-4 dispose que le président peut suspendre la séance si les circonstances l'exigent et l'article 93 permet les rappels à l'ordre.

Mme Victoire Jasmin.  - Hier soir, j'ai parlé de prévention ; Mme Cohen a évoqué la publicité.

Élue d'un département producteur de rhum, j'ai cosigné les amendements de Mme Conconne, pour accompagner le développement local. Je suis désolée, en revanche, des propos tenus dans notre hémicycle. Nous sommes dans une grande assemblée. À l'heure où le Gouvernement envisage de réduire le nombre de parlementaires, soyons à la hauteur des attentes de la population. (Applaudissements sur certaines travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Martine Berthet.  - Vous avez répondu sur les propos qui allaient trop loin, monsieur le président, et je vous en remercie.

M. Guillaume Arnell.  - Saint-Martin ne produit aucun alcool, nous n'y consommons que des productions importées. Chacun s'exprime avec ses arguments, sa personnalité, mais il faut savoir faire preuve de modération et de retenue. Les paroles blessent plus que les coups !

Je voterai ces amendements, comme l'an dernier, car c'est l'excès qui est nocif, pas le produit. Personne ne conteste les dégâts de l'alcool. Mais le Gouvernement n'avait-il pas avalisé l'excès de sucre pour les produits destinés à l'outre-mer ? Il y a deux poids, deux mesures. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

J'invite nos collègues à se pencher sur les problématiques ultramarines, vous comprendriez certains comportements - même si cela n'excuse pas les excès. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je ne voterai pas ces amendements : la taxation fait partie de la logique globale de prévention. Mais enfin, nos collègues antillais ont le droit d'attendre que la filière rhum fasse l'objet de la même attention que la viticulture.

Je suis une fanatique de la République une et indivisible : je suis l'une des plus jacobines dans le spectre politique français - ce qui ne m'empêche pas d'être favorable à la décentralisation.

Ce que j'entends dans les paroles de Mme Conconne, que je n'aurais pas moi-même prononcées, c'est une aspiration profonde à l'égalité républicaine. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

D'autres territoires de l'Hexagone, banlieues ou quartiers populaires, subissent des taux de chômage, des inégalités qui peuvent les faire douter du projet républicain français. Mme Conconne ne demande pas la sécession de la Martinique !

Mme Catherine Conconne.  - Merci !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Mais on peut comprendre ses doutes sur la cohésion nationale quand l'égalité territoriale n'est pas garantie. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

Mme Laurence Cohen.  - Je rejoins Mme Lienemann. Nous connaissons mal la réalité des outre-mer. Nous avons mené, avec la commission des affaires sociales, une mission en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion. Vu l'urgence de la situation, j'ai dit à nos collègues ultramarins que je les trouvais trop sages dans l'hémicycle !

La situation sociale et économique de ces territoires est bien le fruit d'une politique coloniale.

Mme Catherine Conconne.  - Merci !

Mme Laurence Cohen.  - Orthophoniste, je suis attentive au langage. Je ne dis plus « métropole », connoté, mais hexagone.

Mme Catherine Conconne.  - Merci !

Mme Laurence Cohen.  - Je ne voterai pas les amendements de Mme Conconne, mais ses paroles passionnées évoquent une inégalité bien réelle. À notre devise républicaine, j'ajouterai, pour la soutenir, la sororité. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président.  - On ne saurait accuser le Sénat d'excès de sagesse. (Sourires)

M. Stéphane Artano.  - Je n'accepterai jamais qu'on dise que Saint-Pierre-et-Miquelon n'est pas un territoire français ! Je ne voterai pas ces amendements car on ne saurait mélanger santé publique et développement économique. La question de la compétitivité de la filière rhum doit être posée à la ministre des Outre-mer. Demande au Gouvernement d'accompagner les filières de ton territoire, chère Catherine, tu auras toujours mon soutien pour cela ! (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes RDSE et UC)

Mme Laurence Rossignol.  - Il ne faut pas aborder ce débat en termes moraux. Nos collègues ultramarins ne se désintéressent pas de la lutte contre l'alcoolisme - au contraire !

Il est anormal qu'on ne parle de la situation économique et sociale outre-mer que par le biais d'amendements sur la fiscalité du rhum lors du PLFSS. J'imagine que nos collègues préféreraient que d'autres filières performantes nourrissent l'économie locale. Je m'abstiendrai sur ces amendements. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

L'amendement n°518 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°519 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié bis, présenté par Mme Guidez, M. Henno, Mmes Doineau et Dindar, M. Marseille, Mme Létard, MM. Delahaye, Capo-Canellas et Maurey, Mmes Morin-Desailly et Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Cadic, Canevet, Cazabonne, Cigolotti, Delcros, Détraigne et D. Dubois, Mmes Férat, Gatel et N. Goulet, MM. L. Hervé et Janssens, Mme Joissains, MM. Kern, Lafon, Laugier, Laurey et Le Nay, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Luche, P. Martin, Médevielle, Mizzon et Moga, Mme Perrot, MM. Poadja et Prince et Mmes de la Provôté, Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Vérien, Vermeillet et Vullien.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le a du I de l'article 520 A est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 7,49 € par degré alcoométrique pour les bières dont le titre alcoométrique est compris entre 2,8 % vol. et 11 % vol. ;

« 14,98 euros par degré alcoométrique pour les autres bières. » ;

b) Au cinquième alinéa, les mots : « aux dispositions précédentes » sont remplacés par les mots : « au troisième alinéa du présent a » et les mots : « excède 2,8 % vol. » sont remplacés par les mots : « est compris entre 2,8 % vol. et 11 % vol. » ;

2° Au I de l'article 1613 quater, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

II.  -  Le I entre en vigueur le 1er janvier 2021.

Mme Jocelyne Guidez.  - Cet amendement augmente le droit spécifique perçu sur les bières dont le titre alcoométrique dépasse les 11 degrés. Depuis peu, sont apparues sur le marché des bières à très haut degré d'alcool, jusqu'à 16 ou 17 degrés, dont la cible principale est la jeunesse. C'est une recommandation de la Ligue contre le cancer, qui rappelle que l'alcool est la deuxième cause de cancer évitable en France.

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio et MM. Paul, Mayet, Poniatowski, Brisson, Gremillet, Laménie et Piednoir.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le a du I de l'article 520 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : 

« 7,49 € par degré alcoométrique pour les bières dont le titre alcoométrique est compris entre 2,8 % vol. et 11 % vol. ;

« 14,98 euros par degré alcoométrique pour les autres bières. » ;

2° Au cinquième alinéa, les mots : « aux dispositions précédentes » par les mots : « à la disposition prévue au troisième alinéa du a » et les mots : « excède 2,8 % vol., », sont remplacés par les mots : « est compris entre 2,8 % vol. et 11 % vol. ».

II.  -  Le 1° du I s'applique au 1er janvier 2021.

M. François Bonhomme.  - Il s'agit là aussi de taxer davantage ces bières à fort degré d'alcool pour dissuader les jeunes, sensibles à l'effet prix, de les acheter.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Nous partageons l'objectif louable de ces amendements, mais ils créent une nouvelle tranche sur les accises, ce qu'interdit le droit communautaire. En effet, la directive de 1992 n'autorise que deux taux : réduit en deçà de 2,8 degrés d'alcool, normal au-delà. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Je partage cette préoccupation. J'aimerais y être favorable, mais les raisons juridiques invoquées par le rapporteur général m'en empêchent. Je m'engage à travailler sur ce sujet au niveau européen. Retrait ?

Mme Jocelyne Guidez.  - Soit.

L'amendement n°45 rectifié bis est retiré.

M. François Bonhomme.  - Je comprends les arguments juridiques. La bière a une image d'alcool léger, et ne fait pas l'objet des mêmes préventions. Ne brouillons pas les frontières en augmentant de manière pernicieuse le degré d'alcool. Il faut que la bière reste la bière. Cela dit, je retire mon amendement au vu de l'engagement de la ministre.

L'amendement n°90 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°96 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio et MM. Paul, Laménie et Piednoir.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l'article 1613 ter du code général des impôts, il est inséré un article 1613 ... ainsi rédigé :

« Art. 1613 ...  -  Les bières titrant à plus de 5,5 % d'alcool font l'objet d'une taxe spécifique perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, et dont le montant est déterminé par décret. »

M. François Bonhomme.  - Selon l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, l'absorption d'une cannette à 16 % équivaut à ingurgiter une bouteille. Ne déshonorons pas la bière.

M. le président.  - Amendement n°677, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 520 A du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Les bières présentant un titre alcoométrique acquis de 8,5 % vol. et plus font l'objet d'une taxe spécifique perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

« Sont compris sous la dénomination de bière tout produit relevant du code NC 2203 du tarif des douanes ainsi que tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206 du tarif des douanes et ayant dans l'un ou l'autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol.

« Le tarif de cette taxe est déterminé par décret.

« Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes. »

Mme Laurence Cohen.  - Les bières fortes ont beaucoup de succès auprès des jeunes et des personnes en situation de précarité. Une cannette de 50 centilitres d'une bière titrant 8,5 degrés ou plus représente trois à quatre unités d'alcool - or une canette ne peut être refermée, ce qui incite à la finir d'une traite. Il en résulte une alcoolisation rapide et importante, qui augmente les risques.

Cet amendement étend aux bières titrant à 8,5 degrés et plus la cotisation de sécurité sociale qui existe déjà pour les bières de plus de 18 degrés. Les jeunes sont en effet très sensibles à l'effet-prix, comme vient de le démontrer l'Ecosse avec l'instauration d'un prix minimum.

M. le président.  - Amendement n°710, présenté par Mme Schillinger.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l'article 1613 ter du code général des impôts, il est inséré? un article 1613 ... ainsi rédigé? :

« Art. L. 1613 ....  -  I.  -  Les bières présentant un titre alcoométrique acquis de 8,5 % vol. et plus font l'objet d'une taxe spécifique perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et dont le montant est déterminé? par décret.

« Sont compris sous la dénomination de bière, tout produit relevant du code NC 2203 du tarif des douanes ainsi que tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206 du tarif des douanes et ayant dans l'un ou l'autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur a? 0,5 % vol.

« II  -  Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes. »

Mme Patricia Schillinger.  - Le rapport annuel de l'OCDE fait l'éloge de notre système de santé, mais déplore notre consommation excessive d'alcool.

Or les bières à 12 % ou 16 % se développent. Souvent distribuées dans des contenants 50 centilitres, elles contiennent de fait une quantité importante d'alcool. Le conditionnement en canette ne pouvant être refermée une fois ouverte encourage à la vider d'une traite.

Afin de réduire l'alcoolisation excessive, dans une optique de prévention, cet amendement vise à limiter la consommation de ces produits en les taxant.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Le droit communautaire ne permet pas d'imposer une nouvelle tranche de droit d'accise sur les bières. Dès lors, avis défavorable.

Mme Cohen a cité l'Ecosse : je m'étonne qu'elle puisse fixer un prix minimum. Il faudrait étudier le sujet. Bon courage, madame la ministre, pour négocier sur la bière avec nos partenaires du Nord de l'Europe. (Sourires)

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Nous poursuivons tous l'objectif de lutter contre l'alcoolisation des jeunes. La nouvelle Commission européenne aura à repenser la politique de santé publique ; soyez assurés que je serai pleinement engagée.

Il y a également un travail à faire sur les contenants. J'en discuterai avec Brune Poirson. Retrait ou avis défavorable.

M. Daniel Chasseing.  - Les bières fortement alcoolisées proposées dans des canettes d'un demi-litre se consomment rapidement dans le cadre de binge drinking. Il ne s'agit pas d'être contre la bière, mais de tenter d'éliminer ces produits dangereux. Je voterai ces amendements.

M. Bernard Jomier.  - L'Ecosse a créé un mécanisme s'apparentant à l'interdiction de la vente à perte. L'Irlande et les Pays Bas y travaillent également : vous ne serez pas seule, madame la ministre. Nous courons après des mécanismes partiels, mais il faudrait une contribution unique, en fonction du degré d'alcool, pour freiner la course aux bières toujours plus dosées. Il faut y travailler avec les filières, en tenant compte des différents paramètres.

Mme Patricia Schillinger.  - Merci pour vos explications, madame la ministre. Je connais votre implication pour la prévention. Laissons le temps aux filières de modifier les contenants. Je retire cet amendement d'appel, mais il faudra travailler sur la taxation selon le degré d'alcool.

L'amendement n°710 est retiré.

Mme Catherine Conconne.  - Je voterai l'amendement de Mme Cohen, car le mal est là. Ne nous trompons pas de cible : la bière, c'est 63% de la consommation d'alcool dans mon territoire. Les bières fortement alcoolisées font des ravages, notamment chez les femmes enceintes. Il faut les taxer davantage.

La devise républicaine, c'est : Liberté, égalité, fraternité. Je vous invite à méditer le terme « égalité » ! (Marques d'exaspération sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - C'est insupportable !

M. Daniel Laurent  - Certes, il faut faire de la prévention et éduquer à la consommation, mais n'oublions pas qu'il s'agit aussi d'un sujet économique majeur : la viticulture, c'est 13 milliards d'euros d'exportation. Je suis inquiet pour l'avenir de la filière. Instaurer un « mois sans alcool » en janvier, une période festive, serait dramatique. Est-ce vraiment votre intention ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains)

M. Arnaud Bazin.  - Le Gouvernement et le rapporteur général ont opposé le droit européen à ces amendements. Ne pourrait-on imaginer une clause dérogatoire quand il s'agit de santé publique ? Sinon, combien de temps devrons-nous attendre avant de pouvoir réagir ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement fait corps sur la prévention. Il existe des opérations de sensibilisation comme le mois sans tabac, ou au niveau européen, le mois sans alcool, mais elles ne concernent que les personnes volontaires. Le Gouvernement ne franchit pas le pas de la prohibition.

L'amendement n°96 rectifié n'est pas adopté non plus que l'amendement n°677.

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio, MM. Paul, Mayet, Brisson et Laménie et Mme Lavarde.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1613 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le mot : « croissance », le dernier alinéa du I est ainsi rédigé : « et les produits de nutrition entérale pour les personnes malades. » ;

2° Le II est ainsi rédigé ;

« II.  -  Le tarif de la contribution mentionnée au I est le suivant :

« 

Quantité de sucre

(en kg de sucres ajoutés par hl de boisson)

Tarif applicable

(en euros par hl de boisson)

Inférieure ou égale à 1

5

2

5,5

3

6

4

6,5

5

7,5

6

8,5

7

9,5

8

11,5

9

13,5

10

15,5

11

18

12

20,5

13

23

14

26,5

15

30

« Pour le calcul de la quantité de sucres ajoutés en kilogrammes, celle-ci est arrondie à l'entier le plus proche.

« Les tarifs sont relevés au 1er janvier de chaque année à compter du 1erjanvier 2019, dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année. Ces montants sont exprimés avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d'une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Ils sont constatés par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel.

« Pour son application à Mayotte, le montant de la contribution est fixé à 7,31 euros par hectolitre. Ce montant est relevé chaque année dans les mêmes conditions que celles prévues à l'alinéa précédent. »

M. François Bonhomme.  - Cet amendement modifie la contribution sur les boissons sucrées créée par la loi du 30 décembre 2017.

La réduction de la consommation de sucres, et notamment de boissons sucrées, est un enjeu majeur de santé publique. L'Anses souligne le lien avec le diabète de type 2, le cancer de l'endomètre et le cancer du sein. L'OMS appelle à réduire l'apport en sucres dans la ration énergétique journalière à 10 %, soit environ 200 calories. Le réduire à 5 %, soit 25 grammes de sucres par jour, réduirait le risque de surpoids, d'obésité et de carie.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Je comprends vos arguments, mais il me semble prématuré de modifier une taxe créée il y a à peine deux ans. Mesurons d'abord son effet. Retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Les industriels sont en train d'adapter leurs recettes à cette nouvelle taxe qui n'a pas de vocation comportementale mais qui a un effet vertueux sur les industriels en incitant à réduire le taux de sucre. Donnons-nous un ou deux ans pour évaluer l'impact de la mesure avant de la modifier. Avis défavorable.

M. François Bonhomme.  - Prématuré ? La taxe date d'il y a deux ans ! On pourrait à tout le moins évaluer les effets sur la teneur en sucre de cette taxe qui, ne vous en déplaise, est bien comportementale.

En quarante ans, la consommation de sucre a été multipliée par sept, avec des conséquences dramatiques sur le diabète, la santé bucco-dentaire, la maladie de NASH, les AVC, les cancers... Pourtant, on conserve une image réconfortante du sucre. La taxe touche au coeur du dispositif. Pourquoi attendre, éluder ? Les producteurs de boissons sucrées ont une responsabilité majeure !

Mme Catherine Conconne.  - M. Bonhomme aurait pu s'appuyer sur la loi Lurel. En outre-mer, les taux de sucres autorisés dans les boissons étaient cinq à sept fois supérieurs à ceux qu'ils étaient dans l'hexagone.

M. François Bonhomme.  - C'est vrai.

Mme Catherine Conconne.  - Il a fallu une loi pour revenir à des proportions normales. Encore une énième inégalité...

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Je n'élude pas, loin de là, la question du diabète et des pathologies associées au sucre. C'est ce Gouvernement qui a voulu cette taxe ; elle ne s'applique que depuis le 1er juillet 2018. Les industriels sont en train de modifier leurs recettes. Je rappelle aussi le grand succès du Nutri-Score.

M. François Bonhomme.  - Il n'est pas obligatoire. Heureusement qu'il y a Yuka !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - C'est un formidable levier pour inciter les industriels à évoluer. Attendons deux à trois années pleines avant de modifier la loi.

Mme Nathalie Goulet.  - Je soutiens le Gouvernement. J'ai souvenir d'un débat, il y a dix ans, sur l'obésité infantile avec Gérard Dériot. Depuis, les progrès ont été remarquables dans la lutte contre l'excès de sucres. Reste à travailler sur le sel - mais nous en parlerons bientôt. Je ne voterai pas cet amendement.

L'amendement n°83 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio et MM. Paul et Laménie.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  La section III du chapitre II du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 1613 bis - ... ainsi rédigé :

« Art. 1613 bis - ....  -  I.  -  Est instituée une contribution perçue sur les produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine contenant des sucres ajoutés.

« II.  -  La contribution est due par la personne qui réalise la première livraison des produits mentionnés au I, à titre gratuit ou onéreux, en France, en dehors des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, de la Nouvelle-Calédonie, des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton, à raison de cette première livraison.

« Est assimilée à une livraison la consommation de ces produits dans le cadre d'une activité économique. La contribution est exigible lors de cette livraison.

« III.  -  Le tarif de la contribution mentionnée au I est le suivant :

« 

QUANTITE DE SUCRE(en kg de sucres ajoutés par quintal de produits transormés)

TARIF APPLICABLE(en euros par quintal de produits transformés)

Inférieure ou égale à 1

3,03

2

3,54

3

4,04

4

4,55

5

5,56

6

6,57

7

7,58

8

9,60

9

11,62

10

13,64

11

15,66

12

17,68

13

19,70

14

21,72

15

23,74

« Au-delà de quinze kilogrammes de sucres ajoutés par quintal de produit transformé fini, le tarif applicable par kilogramme supplémentaire est fixé à 2,02 € par quintal de produit transformé fini.

« Pour le calcul de la quantité en kilogrammes de sucres ajoutés, celle-ci est arrondie à l'entier le plus proche. La fraction de sucre ajouté égale à 0,5 est comptée pour 1.

« Les tarifs mentionnés dans le tableau constituant le deuxième alinéa et au troisième alinéa du présent II sont relevés au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er  janvier 2021, dans une proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année.

« Ces montants sont exprimés avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d'une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq.

« IV.  -  La contribution est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

« V.  -  Le produit de cette taxe est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. »

II.  -  Le I entre en vigueur au 1er janvier 2021.

M. François Bonhomme.  - Je propose de taxer les produits transformés contenant des sucres ajoutés.

Le rapport de la commission d'enquête sur l'alimentation industrielle - la « malbouffe » - préconisait de fixer un objectif de 25 grammes de sucres par jour par catégorie de produits, en s'appuyant sur les recommandations de l'OMS. Une surconsommation d'aliments industriels favorise la survenance de maladies chroniques et, en premier lieu, une hausse de la prévalence de l'obésité. Au-delà du coût humain, c'est pour la société un coût économique et financier.

Le produit de cette taxe serait affecté à l'Acoss.

Cette taxation s'inscrit en parallèle de la démarche d'éducation à la santé et de prévention mise en oeuvre avec le Nutri-Score.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Comme pour la taxe soda ou le Nutri-Score, il est préférable d'attendre les résultats de l'évaluation. Votre objectif est louable mais votre proposition n'a fait l'objet d'aucune concertation avec le secteur agro-alimentaire. Elle concernerait potentiellement des produits très divers. Retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - L'esprit de votre proposition est intéressant. Nous travaillons avec les industriels dans le cadre de l'initiative Nutri-Score pour améliorer la qualité des produits transformés. Je poursuis cette politique avec volontarisme.

Votre amendement est prématuré et son calibrage incertain. Pour un paquet de biscuits de 100 grammes, le surcoût serait de 7 centimes... Avis défavorable.

M. Michel Amiel.  - Sucre, sel, alcool : même combat en termes de santé publique. J'observe que les Français prennent conscience de l'importance d'une alimentation équilibrée. Quand j'ai entamé mes études de médecine, dans les années 1970, on ne voyait jamais de diabète de type 2 chez le grand enfant ou l'adolescent.

Au début des années 1950, on distribuait encore du vin dans les écoles. On se souvient du verre de lait de Mendes-France en 1954, emblématique. Les évolutions incitent à l'optimisme. Laissons du temps au temps.

Mme Victoire Jasmin.  - Je comprends la démarche de notre collègue Bonhomme, mais il faut tenir compte de la situation des territoires. Plutôt que de taxer, pourquoi ne pas utiliser les outils qui existent ? Tenons aussi compte des personnes en situation précaire qui consomment ces produits.

Les conférences de santé et de l'autonomie proposent des outils de prévention : elles devraient davantage travailler sur ces problématiques. Il faut aussi davantage de cohérence avec les plans régionaux de santé. Agissons sans ajouter des taxes dont l'efficacité risque d'être décevante. Les services de l'État devraient faire leur travail à travers les plans nutrition-santé, où l'on constate parfois des incohérences.

M. Jean-Claude Requier.  - Cela peut paraître incongru de boire du vin dans les écoles mais, quand j'étais au collège, beaucoup d'enfants étaient fils d'agriculteurs et l'on buvait du vin à 7 degrés. Quand on était grand, on faisait chabrot en versant du vin dans la soupe. (On s'amuse sur diverses travées.)

Quand j'étais en première et en terminale, nous avions droit à un trois-quarts de vin pour huit car nous étions les grands du lycée. Aujourd'hui, il n'y a plus de vin au lycée, mais les lycéens boivent trente bières le samedi soir. Est-ce vraiment un progrès ? (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yves Daudigny.  - Le débat sur l'alcool, le tabac et l'alimentation est très intéressant. Pourquoi ne pas examiner une loi santé dans laquelle nous pourrions nous pencher sur toutes les taxes comportementales ? Je ne suis pas sûr que la taxation équilibrée des produits en fonction de la nocivité soit atteignable - ainsi, les huiles favorables à la santé sont plus taxées que celles qui ne le sont pas.

L'Interprofessionnelle des fruits et légumes m'a indiqué que d'autres pays de l'Union européenne autorisaient des actions éducatives sur crédits européens dans les écoles, mais que l'Éducation nationale ne le faisait pas. Pourquoi ?

M. François Bonhomme.  - Pour Nutri-Score, vous dites, madame la ministre, que vous travaillez avec les industriels. Mais ils essaient, comme Nestlé, de brouiller les lignes. Ce qui a changé réellement les comportements, ce sont les 9 millions d'utilisateurs de Yuka qui prennent en main leur consommation. Cette évolution a poussé quelques industriels à modifier la composition de leurs produits, comme Fleury Michon.

Madame Jasmin, c'est précisément parce que cette taxe va toucher les plus jeunes et les plus précarisés, qui sont les plus impactés par ce phénomène de sucres cachés, qu'il faut agir. Certains jeunes ne consomment pas 35 kilogrammes de sucre par an, soit la moyenne nationale, mais 80 à 100 kilogrammes ! Ils se retrouvent ensuite en centre de rééducation alimentaire pour apprendre à boire de l'eau pendant les repas.

Avec la chute du marché mondial du sucre, qui met les jeunes dans un cycle addictif, on comprend que les industriels essaient d'en fourguer dans tous les produits au détriment de matières plus nobles. Il ne coûte que 25 euros la tonne ! Sur le plan de la santé, c'est une catastrophe.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Nous sommes d'accord sur l'objectif. Les sucres ajoutés sont toxiques, mais le fructose aussi. Il n'y a pas de bon sucre.

M. François Bonhomme.  - Je parle des sucres cachés.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Concernant Nutri-Score, il y a eu il y a quelques années une compétition entre plusieurs scores : désormais, tout le monde l'a adopté. La Belgique, le Portugal, des pays d'Amérique latine l'utilisent et la Suisse va bientôt le faire. L'OMS s'y intéresse aussi.

Aujourd'hui, 33 entreprises comme Leclerc ou Auchan l'ont rejoint. Vous avez cité Yuka, monsieur le sénateur, mais il a repris l'algorithme de Nutri-Score qui est ouvert.

M. François Bonhomme.  - C'est parti d'une initiative privée !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Nutri-Score repose sur un algorithme ouvert, issu de la recherche française de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), développé par Santé publique France : cette initiative mérite d'être saluée.

L'amendement n°89 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Nous passons à la charcuterie. (Sourires)

Amendement n°878 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Meunier, MM. Assouline et P. Joly, Mme Lepage, MM. Tourenne, Devinaz et Jacquin, Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont, M. J. Bigot, Mmes Artigalas et Lubin, M. M. Bourquin, Mmes Bonnefoy et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Manable, Mme Monier, M. Tissot, Mme Préville et M. Temal.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section III du chapitre II du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un article 1613 bis ... ainsi rédigé : 

« Art. 1613 bis ....  -  I.  -  Il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés à une contribution perçue sur les produits de charcuterie (andouilles, andouillettes, boudins blancs et noirs, charcuteries pâtissières, jambons, lardons, pâtées, terrines, rillettes, saucisses, saucissons, tripes) destinés à la consommation humaine : 

« 1° Relevant des codes SH 16010099 et SH 16024190 de la nomenclature douanière ; 

« 2° Contenant des additifs nitrés (nitrite, nitrate ou sel nitrité) ; 

« 3° Conditionnés dans les récipients destinés à la vente a détail, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un professionnel. 

« II.  -  Le taux de la contribution est fixé à 0,10 centime d'euro par kilogramme. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2021, dans une proportion égale aux taux de croissance de l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d'une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est constaté par arrêté du ministre chargé du budget, publié au Journal officiel. 

« III.  -  1. La contribution est due à raison des produits de charcuterie mentionnés au I par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées à titre onéreux ou gratuit. 

« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale fournissent à titre onéreux ou gratuit à leurs clients des produits de charcuterie en l'état mentionnés au I, dont elles ont préalablement assemblé les différents composants présentés dans des récipients non destinés à la vente au détail. 

« IV.  -  Les expéditions vers un autre État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu'elles sont réalisées directement par des personnes mentionnées au 1 du III. 

« Les personnes qui acquièrent auprès d'un redevable de la contribution, qui reçoivent en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou qui importent en provenance de pays tiers des produits mentionnés au I qu'elles destinent à une livraison vers un autre État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ou à une exportation vers un pays tiers, acquièrent, reçoivent ou importent ces produits en franchise de la contribution. 

« Pour bénéficier des dispositions du deuxième alinéa du présent IV, les intéressés doivent adresser au fournisseur, lorsqu'il est situé en France, et dans tous les cas au service des douanes dont ils dépendent, une attestation certifiant que les produits de charcuterie sont destinés à faire l'objet d'une livraison ou d'une exportation mentionnée au précédent alinéa. Cette attestation comporte l'engagement d'acquitter la contribution au cas où le produit ne recevrait pas la destination qui a motivé la franchise. Une copie de l'attestation est conservée à l'appui de la comptabilité des intéressés. 

« V.  -  La contribution mentionnée au I est acquittée auprès de l'administration des douanes. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, sanctions garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné au II de l'article 520 A. Le droit de reprise de l'administration s'exerce dans les mêmes délais. » 

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement a déjà été discuté à l'Assemblée nationale : il concerne surtout les produits nitrés instillés dans la charcuterie, dont chacun admet le caractère cancérigène. Il crée une taxe comportementale, afin d'inciter les industriels à modifier les recettes de leurs produits.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Les études scientifiques tendent en effet à prouver que le sel et les nitrites peuvent favoriser la survenue du cancer. Attendons cependant les conclusions des agences sanitaires, afin d'évaluer l'opportunité d'une nouvelle taxe alimentaire.

Une taxe d'un millième d'euro par kilogramme ne dissuaderait sans doute pas les consommateurs. Retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°878 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Cambon et Pellevat, Mmes Micouleau, Deromedi, Duranton, Bonfanti-Dossat et Eustache-Brinio et MM. Paul, Mayet, Brisson et Laménie.

Après l'article 9 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de la mise en oeuvre de la taxe applicable aux sodas dans ses modalités en vigueur depuis le 1er juillet 2018.

Ce rapport fournit des données chiffrées relatives à l'évolution des taux de sucre présents dans les boissons et aux effets de la taxe sur la consommation de ces produits.

M. François Bonhomme.  - L'article 19 de la loi de financement pour 2018 prévoyait une modulation de la « taxe soda » en fonction du taux de sucre contenu dans les boissons concernées qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2018.

Certains industriels contournent toutefois encore la nouvelle taxe soda en diminuant la contenance de leurs bouteilles tout en augmentant leur prix. Cette stratégie de « downsizing » cache une augmentation du prix au litre ou au kilo.

Cet amendement prévoit donc la remise d'un rapport au Parlement sur les effets réels de la taxe soda nouvelle génération.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.  - Vous savez que la commission n'est guère favorable aux rapports... Le Gouvernement a publié en septembre une feuille de route sur la prise en charge de l'obésité. La taxe sur les sodas devra être examinée en comité interministériel pour la santé. Un rapport ne semble donc pas indispensable. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Même avis.

M. François Bonhomme.  - Je n'aime pas particulièrement les rapports. Mais, madame la ministre, sans vous taxer d'attentisme (Mme Catherine Deroche s'amuse.) il ne faudrait pas attendre trois ans pour avoir une première évaluation de la taxe soda.

L'amendement n°84 rectifié est retiré.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.