Règlement du budget et approbation des comptes de 2019 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019, en procédure accélérée.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) C'est pour moi une grande émotion que d'intervenir devant vous pour la première fois.

Le projet de loi de règlement du budget 2019 dont nous débattons est éloigné de la situation actuelle de la France.

M. Philippe Dallier.  - Un peu.

M. Alain Griset, ministre délégué.  - C'est pourtant un moment important de notre vie démocratique. La sincérisation du budget est confortée, la transparence financière réaffirmée.

Ce texte s'inscrit pleinement dans la trajectoire engagée dès 2017. Notre dépense publique a diminué d'un point de PIB entre 2017 et 2018, passant de 55 % à 54,1 % du PIB, soit 20 milliards d'euros d'économies.

Conformément à l'engagement pris, un milliard d'euros d'économies ont été réalisées par rapport à l'objectif de dépenses fixé dans le projet de loi de finances initial.

Cet effort a été réalisé malgré les mesures d'urgence économiques et sociales décidées après le grand débat.

C'est, chaque année, une étape importante dans le contrôle de l'action gouvernementale. À nouveau, le projet de loi est marqué par la sincérité de la budgétisation du Gouvernement. Je remercie les directions du budget et des finances publiques ainsi que les directeurs de programme pour le respect des autorisations parlementaires.

Le respect de la sincérité des comptes tient à la qualité des budgétisations initiales, notamment sur les dépenses obligatoires. Les prévisions sur la masse salariale ont été globalement respectées. C'est le cas pour la mission Sécurité, qui représente 154 millions d'euros, à la suite du protocole d'accord avec les syndicats de la police nationale pour rétribuer les forces de l'ordre de leur engagement lors de la crise des gilets jaunes et payer des heures supplémentaires accumulées.

La sincérité budgétaire aboutit à la diminution de mise en réserve, de 8 % en 2017 à 3 %. Cela résulte d'une meilleure gestion. La grande majorité des annulations en loi de finances rectificative a porté sur les crédits mis en réserve.

Les effets vertueux de la sincérité budgétaire ont été maintes fois rappelés par la Cour des comptes. Le Gouvernement, pour la deuxième fois en plus de trente ans, a renoncé aux décrets d'avance, contraires à l'autorisation parlementaire.

S'agissant du calendrier budgétaire, l'anticipation de la loi de finances rectificative de fin d'année a donné une plus grande visibilité à l'ensemble des gestionnaires de l'État, tout en ne contenant aucune mesure fiscale nouvelle, car nous avons fait le choix de préserver les ménages et les entreprises

Ce texte donne la priorité aux dépenses d'investissement, qui ont augmenté de 5 % entre 2018 et 2019. La prime d'activité a été augmentée pour soutenir le pouvoir d'achat et inciter au travail.

L'accent a aussi été mis sur le régalien, avec une loi de programmation militaire appliquée conformément aux orientations. La transition écologique a bénéficié d'une forte hausse de 1,7 milliard d'euros d'aide pour le financement de l'Ademe, agence de la transition écologique, ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche, qui ont bénéficié d'un milliard d'euros d'augmentation, inédite depuis une vingtaine d'années. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai plaisir à vous retrouver ici monsieur le ministre : nous nous sommes côtoyés à Chartres à de nombreuses reprises dans le cadre de vos précédentes fonctions. Bienvenue au Sénat !

Le projet de loi de finances 2019 semble appartenir à l'ancien monde. Il a mal commencé, sur un tweet malheureux, qui avait suspendu nos travaux. Malheureusement, l'exécution n'est guère meilleure : 100 milliards d'euros de déficit, près de100 % de dette.

Or les conditions économiques, au début, étaient au beau fixe : croissance dite de rattrapage de 1,6 %, qui a facilité l'atteinte des objectifs budgétaires. La France a moins souffert du ralentissement mondial, mais ce n'est pas glorieux ; simplement, son économie est moins sensible aux exportations.

Malheureusement, le Gouvernement n'en a pas profité pour redresser les comptes publics.

M. François Bonhomme.  - Une fois de plus.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - Pour la première fois depuis la crise financière de 2009, le déficit se dégrade. Le Gouvernement prétend que c'est à cause de la transformation du crédit d'impôt sur la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègement des charges.

Mais le Gouvernement a aussi bénéficié d'une croissance forte, d'un dynamisme anormalement élevé des prélèvements obligatoires, et de taux d'intérêt très bas.

L'effort structurel de maîtrise de la dépense est donc négatif. La politique gouvernementale a dégradé le solde structurel de 0,5 point de PIB. Les dépenses publiques ont augmenté de 1,8 % soit trois fois plus que l'objectif de 0,6 %, dans un contexte marqué par la montée en charge des mesures prises en réponse à la crise des gilets jaunes.

Les prélèvements obligatoires s'élèvent toujours à 44,8 % du PIB. Le désendettement est différé à hauteur de 98,1 % du PIB, alors que la France a bénéficié pendant trois ans de circonstances historiquement favorables pour réduire sa dette.

Le Gouvernement en 2019 a aussi dépassé la déviation maximale autorisée pour chacune des trois règles du pacte de stabilité. La phase haute du cycle économique n'a pas été mise à profit pour dégager les marges de manoeuvre pour gérer la crise, contrairement à l'Allemagne, avec laquelle le différentiel d'endettement est de près de 40 points de PIB.

Conséquence : le plan de relance allemand est sur les rails, avec 50 milliards d'euros dont 9 milliards pour l'hydrogène. Lors du retour à la normale, il conviendra d'infléchir l'endettement de la France. Nous y reviendrons lors de la discussion du collectif budgétaire dans quelques jours.

L'examen du budget de l'État, au coeur de ce projet de loi de règlement, confirme les analyses microéconomiques.

D'abord, le déficit se dégrade de 16,7 milliards d'euros entre 2018 et 2019. Ensuite, la plupart des recettes fiscales ont été sous-estimées en loi de finances initiale, notamment de 2,2 milliards d'euros pour l'IR.

Un mot sur la TVA, dont le produit est de plus en plus préempté par d'autres acteurs que l'État, à hauteur de 26 % pour les parts destinées à la sécurité sociale et aux régions notamment.

Les dépenses de remboursements et dégrèvements sont elles aussi en augmentation.

Un point de satisfaction pour finir : les crédits consommés dans le budget général, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, ne sont supérieurs que de 1,5 milliard aux montants initiaux ; les crédits d'avance n'ont pas été utilisés mais nous en sommes au troisième PLFR. La réserve de précaution, évidemment utile, voire indispensable, a été contenue à 3 %.

Par conséquent, je partage votre constat de budgétisation sincère. En revanche, on ne peut soutenir que les efforts de maîtrise des dépenses aient été au rendez-vous, en particulier pour les aides publiques au logement où l'on ne sait plus où l'on en est (M. Philippe Dallier le confirme.) ; ainsi, les crédits de la mission Action et transformation publiques sont sous-consommés.

L'État a vu sa charge de dettes diminuer...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - En conclusion, le problème réside moins dans le respect de l'autorisation parlementaire que dans le manque d'ambition de la loi de finances initiale 2019.

La dette s'est accumulée, à la veille de la crise sanitaire, laissant à l'État des marges de manoeuvre moindres que nos voisins européens.

La commission des finances propose donc le rejet du texte dans son ensemble.

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Tous mes voeux de réussite dans vos nouvelles fonctions, monsieur le ministre.

Le contexte actuel est particulier.

Pour le vote de la loi de règlement, le Parlement doit reconnaître la conformité entre la loi de finances initiale et le réalisé à la fin de l'exercice.

En trois ans, 20,6 milliards d'euros de prélèvements obligatoires en moins ont bénéficié au portefeuille des Français. Leur pouvoir d'achat a aussi été conforté par l'exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires à hauteur de 5 000 euros annuels, ainsi que leur défiscalisation, la revalorisation de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), le soutien aux entreprises, la transformation du CICE en cotisations sociales, l'investissement pour le changement climatique, l'augmentation des crédits accordés à la justice ou à la défense et le doublement de la prime à la conversion ont été d'importantes mesures en 2019.

En 2019, la dette publique est stable, le déficit est maîtrisé, ainsi que les dépenses publiques. Le taux de prélèvements obligatoires diminue de 0,7 point et s'établit à 44 % du PIB. Le déficit budgétaire est moindre de 15 milliards d'euros par rapport aux prévisions. (M. Philippe Dallier s'exclame.)

Les mesures de lutte contre la fraude, comme les conventions judiciaires ou le data mining ont montré leur efficacité.

Nous devons accélérer la lutte contre la fraude à la TVA - 15 milliards d'euros par an en France selon la Cour des comptes. L'article 153 de la loi de finances pour 2020 rend obligatoires les transactions électroniques d'ici à 2025. Nous devons aller vers une obligation de la déclaration et de la facturation électronique pour ces transactions.

Il faut aussi sortir de la règle de l'unanimité pour la fiscalité, réduire les niches fiscales, et aboutir à une interprétation des règles en matière d'assiette commune à l'échelle européenne.

Les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sont peu lisibles et peu renseignés. Une révision s'impose.

Cette loi de règlement est une photo de mode avant la crise. Le soutien aux entreprises a été important ; l'enjeu est le plan de reconstruction qui ciblera les PME et les travailleurs indépendants, la transition écologique. Des ministères leur sont dédiés.

Nous débattrons des réformes utiles au pays, et sur la façon d'agir sur la dépense publique. Certains pays ont des services publics plus efficaces avec des dépenses moindres...

M. Philippe Dallier.  - Il est temps de s'en apercevoir.

M. Didier Rambaud.  - Il faudra supprimer les doublons dans les collectivités territoriales.

M. Philippe Dallier.  - Chiche !

M. Didier Rambaud.  - La loi de règlement doit être votée sur son contenu. Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Éric Bocquet .  - Salut nordiste au ministre... Ce débat est un peu surréaliste, avec un budget construit sur des normes surréalistes, explosées par la pandémie cette année où toutes les règles budgétaires « inviolables » ont été transgressées.

L'action du Gouvernement s'est limitée à pressurer la dépense publique, avec 3 601 fonctionnaires en moins - au-delà des 1 571 suppressions d'emplois prévues - des privatisations injustifiées, des baisses de moyens dans la santé et l'éducation, l'effet des investissements refusés hier se paye très cher aujourd'hui, notamment dans les hôpitaux.

Le pays a pâti de la réduction des services publics qui ont prouvé, dans cette crise, toute leur efficacité et leur nécessité.

En 2019, le budget s'est privé de plusieurs milliards d'euros de recettes fiscales avec la suppression de l'ISF et l'instauration de la flat tax. Nous aurions aimé que cette loi de règlement soit la dernière du genre, mais nous examinerons bientôt le troisième projet de loi de finances rectificative.

L'État se limite à des transferts financiers sur la sécurité sociale alors que l'assurance maladie a été mobilisée pendant la crise. Les exonérations de charges des entreprises ont remplacé les hausses de salaire. Rationalisation, souplesse, attractivité, tels sont les maîtres mots de ce Gouvernement qui favorise les plus riches par les baisses d'impôts.

Vous refusez de chercher les ressources là où elles se trouvent. La planète se meurt mais l'État dépense 30 milliards d'euros par an dans des niches fiscales polluantes.

Il faut un ISF modernisé plus efficace, une taxation des dividendes et la suppression des niches fiscales. Leur absence prive l'État de milliards d'euros.

L'IFI a rapporté en 2019 2,9 milliards d'euros de moins que l'ISF en 2017. La flat tax prive l'État d'1,5 milliard d'euros chaque année.

La population manifeste sa colère et son refus d'un système où l'argent étouffe la société. D'ici la fin du quinquennat, vos soutiens se tariront. Un ras-le-bol général gronde.

Ce budget, anachronique, pressure les finances publiques et oublie la solidarité, l'écologie et la redistribution, alors que la crise a montré l'efficacité et le caractère indispensable de l'action de l'État.

Le PLFR 3 semble malheureusement confirmer ce cap.

Le groupe CRCE n'avait pas voté le projet de loi de finances 2019, il ne votera pas son exécution.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

M. Franck Menonville .  - Je félicite le ministre pour ses nouvelles fonctions. Le projet de loi de règlement donne un aperçu de la France avant la crise, avant un troisième projet de loi de finances rectificative. C'est un exercice quelque peu surréaliste.

En ce temps-là, le Sénat ne se félicitait pas d'indicateurs économiques qui nous semblaient modestes : croissance économique solide, quoique modeste, de 1,5 %, déficit de moins de 3 % et dette inférieure à 100 % du PIB...

Ce n'est pas parce qu'en 2020 la situation s'est aggravée que nous ne devons pas avoir un regard critique. Le poids des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires alourdissait notre économie.

Les mesures du Gouvernement allaient dans le bon sens, mais pas suffisamment vite.

L'essentiel du déficit provient des administrations de l'État, dites APUC en comptabilité nationale : leur part dans le déficit a augmenté de 17 milliards d'euros entre 2018 et 2019, alors que les collectivités territoriales ont réalisé des efforts.

Il faudra baisser les dépenses publiques de l'administration centrale. L'État est plus fort lorsqu'il se concentre sur ses missions régaliennes. Je me félicite que les effectifs de l'Intérieur, de la Justice et des Armées aient augmenté.

Au regard de 2020, la situation de 2019 peut sembler réjouissante, elle est pourtant préoccupante. Depuis 2017, aucun gouvernement n'a été capable d'inverser la tendance. La comparaison avec l'Allemagne pose problème. Certes, la dynamique positive des recettes a joué en notre faveur.

Le sérieux de l'exécution budgétaire ne relève pas de l'anecdote : c'est un prérequis indispensable pour les prochaines échéances budgétaires qui seront autrement difficiles. Pour la deuxième fois depuis trente ans, il n'y a pas eu de décret d'avance. Espérons que cette bonne pratique devienne une habitude et perdure.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, mais il faut redéfinir au plus vite le périmètre de l'action de l'État, pour redresser les comptes publics.

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci de m'avoir remplacé pour me permettre d'intervenir, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je serai sévère, mais je ne suis pas méchant, donc je commence par les gentillesses (Sourires) : c'est un acquis de ce Gouvernement que d'être sincère dans ses prévisions.

Il y a trois ans, le Gouvernement annonçait un retour à l'équilibre des finances publiques en cinq ans. La même promesse nous avait été faite lors du quinquennat précédent... Même scenario, même résultat. Franchement, je n'y croyais pas davantage. Cette prévision semblait bien optimiste : en effet, cinq ans, c'est court...

Et le report « courageux » des efforts les plus importants en fin de mandat me laissait dubitatif, voire sceptique. Cela n'était pas crédible.

Fin 2019, il y avait 100 milliards d'euros de déficit public et la dette publique atteignait l'équivalent de la richesse nationale. Pour atteindre l'équilibre, il faudrait augmenter de 30 % les prélèvements obligatoires.

Or, aujourd'hui, nous sommes face à une crise inédite. Gérald Darmanin assurait que la situation était sous contrôle. L'endettement devrait passer en 2019 de 98 % du PIB à 120 % fin 2020, et que dire du déficit et des prélèvements obligatoires ? Les recettes fiscales devraient baisser de 65 milliards d'euros.

Le contexte était pourtant favorable depuis 2017. Les pays en situation plus favorable avant la crise s'en sortent mieux. L'Autriche a baissé son endettement de quatre points entre 2018 et 2019, l'Allemagne et l'Espagne de deux points.

Fin 2019, notre situation financière était loin d'être idéale, mais l'argent tombe du ciel. La seule limite au bon vouloir du Président de la République, « quoi qu'il en coûte », semble être le bon vouloir des marchés ; c'est open bar, autant dire irresponsable !

Même la Cour des comptes est présidée par un ancien ministre des finances qui n'a jamais fait preuve d'efficacité particulière en la matière dans ces fonctions... Il a déclaré vouloir mettre fin à une « logique austéritaire ». Quand s'est déroulée cette période, depuis quarante ans ? Pas lorsqu'il était ministre, en tout cas !

La responsabilité politique, consiste à assumer ce que l'on décide, notamment financièrement. Reporter sur les générations futures les dépenses de fonctionnement de l'État n'est pas une solution. C'est irresponsable et injuste. Je ne parle pas, contrairement à vous, monsieur le ministre, d'investissements car ils ne représentent que 12 milliards d'euros sur 400 milliards d'euros de dépenses. 

L'endettement est un impôt non consenti pour une dépense future. Où est l'orthodoxie budgétaire ? Nous connaissons son nom, souvent brandi par la gauche à des fins électoralistes, mais nous n'avons jamais vu son visage pendant que, réponse du vice à la vertu, l'on montre du doigt les pays responsables en les qualifiant avec mépris de « frugaux ». Pour moi, ils sont sérieux : leur responsabilité de fourmi est préférable à notre irresponsabilité de cigales.

Le groupe centriste s'abstiendra dans sa grande majorité sur ce texte, tout en regrettant le manque de temps pour son examen, car la sincérité et la transparence sont positives. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

M. Thierry Carcenac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre.

La loi de règlement vérifie le respect de l'exécution des choix budgétaires faits dans le projet de loi de finances. Elle doit s'inscrire dans le cadre de la programmation des finances publiques 2018-2022 : l'équilibre des comptes publics était prévu pour la fin du quinquennat.

La loi de règlement permet aussi de tirer des leçons pour l'avenir. Le respect de l'exécution des choix budgétaires a été caractérisé par le respect des dépenses et l'absence de décrets d'avance.

Le groupe socialiste et républicain n'avait pas adopté le projet de loi de finances pour 2019 en raison des choix politiques et fiscaux du Gouvernement, notamment la hausse de 4 % des revenus disponibles pour le premier centile des contribuables les plus aisés et l'absence de baisse pour les 20 % les plus modestes. Le ruissellement tant vanté n'a pas eu les effets escomptés.

La diminution des recettes conduit à la réduction des dépenses selon la théorie économique libérale.

Les moyens pour la santé et l'hôpital étaient insuffisants, de même que les moyens pour la politique environnementale et territoriale.

M. Darmanin se félicitait de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Cette possibilité de modulation en fonction des revenus est une opportunité. Elle avait été proposée par Christian Eckert. Reste à vérifier l'effectivité des versements des entreprises.

Que n'avez-vous écouté le Sénat sur la fiscalité exorbitante de l'énergie et la baisse des APL, qui a bloqué l'activité des commerces, avec les manifestations des gilets jaunes pendant un an !

Je ne reviens pas sur la diminution des personnels des services de l'Éducation nationale et de la direction générale des finances publiques, pourtant essentiels. Heureusement que le groupe socialiste et républicain a insisté sur la nécessité de faire sauter le verrou de Bercy pour améliorer la lutte contre la fraude fiscale.

Le fonds prévu pour la privatisation d'ADP n'a rapporté aucun revenu, comme l'a fait remarquer la Cour des comptes.

L'exonération des charges sociales dégrade les comptes de la sécurité sociale.

Nous sommes loin des objectifs assignés par la loi de programmation des finances publiques alors que la conjoncture était, en son temps, favorable. Les vents contraires, tels que les gilets jaunes et la crise sanitaire, certes imprévisibles, n'ont pas été anticipés par le Gouvernement. Il se trouve ainsi fort dépourvu l'hiver venu. (M. Jean-Claude Requier sourit.)

Le monde d'après ne peut tabler sur aucune situation comparable. Notre groupe défend un juste équilibre entre la taxation du travail et du capital.

Nous réitérons notre proposition d'une fiscalité rénovée du capital qui reviendra en boomerang à la rentrée, avec la crise économique et sociale, alors que 800 000 jeunes arriveront sur le marché du travail.

La relance du logement, tant en rénovation qu'en construction s'impose. La transition énergétique est un formidable levier pour créer des emplois.

L'Éducation nationale doit être renforcée tout comme l'enseignement supérieur. La culture et le sport contribuent au renforcement de la cohésion sociale.

En ma qualité de rapporteur spécial, j'insiste sur la politique immobilière de l'État. Mme de Montchalin va avoir du pain sur la planche. L'État n'est pas un honnête gestionnaire de son parc immobilier.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne votera pas la loi de règlement de 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Claude Requier .  - Je vous souhaite la bienvenue de la part du groupe RDSE, le plus ancien du Sénat...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.  - ... instigateur de l'impôt sur le revenu ! (Sourires)

M. Philippe Dallier.  - Avec Joseph Caillaux !

M. Jean-Claude Requier.  - Eh oui ! Je vous souhaite pleine réussite. (M. le ministre remercie le président Requier.)

Les propos prudents de 2019 sur le redressement des finances publiques ne sont hélas plus de mise. Les derniers chiffres publiés par l'Insee font apparaître la baisse d'activité de 17 % au second semestre 2020 au lieu des 20 % prévus ; la récession ne serait que de quelque 9 % au lieu de 11 %. Mais cela ne fait que tempérer des prévisions pessimistes.

Bonne nouvelle, le déficit public pour 2019 est finalement contenu à 3 % du PIB. La dette se stabiliserait autour de 98 % du PIB et les prélèvements obligatoires diminueraient.

Bonne affaire pour la puissance publique : le niveau bas des taux d'intérêt, grâce à la politique d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, permet d'alléger la charge de la dette. En tant que co-rapporteur spécial de l'aide publique au développement, je salue les crédits supplémentaires prévus, conformément à l'engagement du Président de la République, pour favoriser les dons plutôt que les prêts. Cela ramènera la France au niveau du Royaume-Uni et de l'Allemagne. Il y va du rayonnement de la France à l'étranger.

Le déficit public est de 15 milliards d'euros de plus que la loi de finance initiale. Seuls 50 % à 60 % des objectifs seraient atteints selon les indicateurs de performance. Quelle est la pertinence de ces indices ?

Les collectivités territoriales ont maîtrisé leurs dépenses et joué un rôle essentiel dans la crise sanitaire - grâce à l'acquisition et à la distribution de masques, de gels, etc. Le fossé entre la France des métropoles et celle des campagnes se creuse.

2019 est une année d'amélioration de la gestion des finances publiques. La majorité des membres du RDSE est favorable à son adoption. (Applaudissements sur quelques travées des groupes RDSE et Les Indépendants ; M. Michel Canevet applaudit également.)

M. Philippe Dallier .  - À mon tour, je vous souhaite la bienvenue au Sénat !

Il est surréaliste d'examiner ce projet de loi de règlement alors que la crise a rendu de facto caducs tous les chiffres sur lesquels nous nous prononçons ce soir. Une période de dix ans se clôt aujourd'hui, depuis la crise de 2008. Qu'avons-nous fait de ces dix ans ?

Le Gouvernement fait valoir le recul du chômage, le différentiel positif de croissance au crédit de la politique macroéconomique de la France, une croissance nominale supérieure à la croissance potentielle. Mais ces quelque 1,5 % de croissance sont inférieurs à 2017 et 2018.

N'oublions pas non plus que cette croissance ralentissait dès le dernier trimestre 2019, avec un acquis de croissance de 0,1 %, soit le pire chiffre depuis 2012.

Gérald Darmanin et Bruno Le Maire nous expliquaient que la France était sur la voie d'un rétablissement exceptionnel : ce discours ne tient pas !

L'économie mondiale ralentissait mais la France a connu l'effet retard habituel, dû à la faiblesse de ses exportations, qui réduit son exposition à la conjoncture internationale. C'est ce qui s'était d'ailleurs produit en 2009 et 2010. Nous plongeons moins vite mais plus profondément que les autres et avec une remontée bien plus lente que chez nos principaux partenaires ou concurrents. C'est ce qui était en train de se passer en 2019.

En 2020, la structure de notre économie a un effet multiplicateur sur les effets de la crise sanitaire, d'où la récession bien plus grande que nous allons connaître que chez certains de nos grands voisins.

Revenons aux chiffres de 2019 : le déficit public a été de 3 % du PIB, contre 2,3 % un an avant. Le déficit budgétaire s'élevait l'an passé à 92,7 milliards d'euros contre 76 milliards en 2018, difficile d'y voir une amélioration, même en intégrant le CICE et la baisse de charges, car ce serait oublier que vous avez bénéficié d'une meilleure conjoncture que prévu, d'une forte élasticité des recettes à la croissance, de taux d'intérêt très bas. Ces trois facteurs auraient dû vous permettre de compenser presque en totalité le CICE et la baisse des charges. Il n'y a eu aucune réduction du déficit structurel en 2019 - de 2,2 % comme en 2018 - ainsi que l'a sévèrement indiqué la Cour des comptes.

Cette absence d'amélioration s'explique par l'augmentation des dépenses publiques de 1,8 % à la suite notamment de la crise des gilets jaunes.

Le Gouvernement a renoncé à tout effort sur la masse salariale. Dans ces conditions, comment diminuer la dépense publique ? Je ne m'explique pas ce mystère... La dette publique frôle les 100 % du PIB. Encore heureux que les taux d'intérêt soient restés historiquement bas !

Ce projet de loi de règlement souligne les bons résultats des collectivités territoriales. Elles ont maîtrisé la croissance de leurs dépenses de fonctionnement dans le cadre des contrats de Cahors - qui avaient été vécus comme une injustice par de nombreux élus locaux, l'État demandant aux autres de faire ce qu'il était incapable de faire. (M. Jean-Raymond Hugonet le confirme.)

L'année 2019 rompt avec le recul de l'investissement des collectivités que nous avions observé les années passées, avec la baisse des dotations et la hausse non financée de transferts de compétences. Entre 2013 et 2018, l'investissement des collectivités avait reculé de 18 %. L'an passé, il a augmenté de 13 %.

Reconnaissons-le : les élus locaux savent faire les efforts qu'on leur demande !

Ce ne sont pas seulement les chiffres de 2019 qu'il nous faut considérer alors que nous entrons dans la plus grave crise économique que nous ayons connue depuis 1929. Qu'avons-nous fait ces dix dernières années ? Rien ou si peu de ce qu'il fallait faire. Nous n'avons pas su réduire nos dépenses publiques ni notre dette alors que d'autres, comme l'Allemagne, mais pas seulement, y sont parvenus.

Pour faire face à la crise, le Gouvernement a ouvert les vannes de la dépense publique ; c'est probablement nécessaire, mais jusqu'où pourra-t-on aller ?

Remercions ici Mme Merkel qui a accepté de mettre en place un plan de relance et de mutualiser en partie nos dettes.

M. André Gattolin.  - Son économie dépend à 25 % des exportations vers les autres pays européens !

M. Philippe Dallier.  - Mais ce n'était pas évident ! N'attendons pas d'outre-Rhin la solution à tous nos problèmes. Nous avons perdu dix ans.

Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article liminaire n'est pas adopté, non plus que les articles premier, 2, 3, 4, 5 et 6.

M. le président.  - Nous en arrivons à l'article 7. Si cet article n'était pas adopté, il n'y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble du projet de loi puisque tous les articles qui le composent auraient été supprimés.

En application de l'article 59 du Règlement, le scrutin public est de droit sur l'ensemble du projet de loi de règlement. L'article 7 va donc être mis aux voix par scrutin public.

Voici le résultat du scrutin n°133 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 283
Pour l'adoption   57
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.