Bioéthique (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique.

Mises au point au sujet de votes

M. Bernard Jomier.  - Au scrutin public n°61, Mme Marie-Pierre Monier souhaitait voter contre ; au scrutin public n°64, M Mickaël Vallet souhaitait s'abstenir ; au scrutin public n°65, Mme Gisèle Jourda souhaitait s'abstenir ; au scrutin public n°67, Mme Gisèle Jourda souhaitait voter contre ; au scrutin public n°69, Mme Gisèle Jourda souhaitait voter pour, enfin au scrutin public n°70, Mme Gisèle Jourda souhaitait voter contre.

M. Serge Babary.  - Au scrutin public n°67, Mme Laure Darcos souhaitait ne pas participer au vote et M. Antoine Lefèvre voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique des scrutins.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, Houpert et Détraigne.

Alinéa 33

1° Supprimer les mots :

leurs données non identifiantes et de

2° Après les mots :

ces données

insérer les mots :

et des données non identifiantes

M. Daniel Chasseing.  - Il faut préciser que la demande de communication concerne uniquement les données identifiantes. Les données non identifiantes seraient quant à elles communiquées à la personne issue du don sans autorisation du tiers donneur. Le donneur aurait uniquement la possibilité de refuser de communiquer son identité.

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale sur la bioéthique.  - Les donneurs bénéficiaient jusqu'à présent d'un anonymat total. Il est difficile de divulguer leurs données non identifiantes sans leur accord. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles.  - Même avis.

L'amendement n°48 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié bis, présenté par M. L. Hervé, Mme Vérien, M. Louault, Mmes Saint-Pé, de La Provôté et Guidez, M. Capo-Canellas, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Morin-Desailly et M. Longeot.

Après l'alinéa 34

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les données relatives aux demandes mentionnées à l'article L. 2143-5 sont conservées par le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles dans un traitement de données dont il est responsable, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l'usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.

M. Loïc Hervé.  - Nous proposons d'encadrer le traitement de données opéré par le Conseil national d'accès aux origines personnelles (Cnaop) dans le cadre de sa nouvelle mission d'intermédiation auprès des personnes issues d'une AMP avec tiers donneur.

Le cadre choisi est identique à celui qui régit déjà les données conservées par l'Agence de biomédecine.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable à ce complément bienvenu.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable : nous pensons que ce n'est pas au Cnaop d'assumer cette mission, mais à une commission ad hoc rattachée à l'Agence de biomédecine.

L'amendement n°24 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°163, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe.

Alinéa 67

Remplacer les mots :

À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent IV

par les mots :

À compter du 1er janvier 2025

2° Compléter cet alinéa par les mots :

dont les donneurs concernés n'ont pas donné leur accord exprès pour la poursuite de leur utilisation dans le respect de l'anonymat du don prévu dans la présente loi

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il serait dommage de détruire le stock de gamètes existant sans prendre la peine au moins de solliciter l'avis des donneurs sur leur souhait de maintenir ou non leur don après le vote de cette loi. Les donneurs devraient être contactés dans un délai de cinq ans.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le système actuel ne fixe pas la date à laquelle la conservation prend fin. Cela sera fait par décret : c'est plus souple. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - La durée proposée est trop longue, ce qui engendrerait des risques d'erreurs pour les Centres d'étude de conservation des oeufs et du sperme humain (Cecos). Nous préférons une durée équilibrée de douze mois. En outre, les anciens donneurs peuvent se manifester à tout moment auprès des Cecos.

Je regrette que le Sénat soit sur le point d'adopter l'article 3 ainsi modifié. Hier, une clarification a eu lieu : le Sénat a refusé l'extension de la PMA à toutes les femmes et l'autoconservation des gamètes.

Vous avez beaucoup parlé hier des droits de l'enfant : en refusant de garantir à l'enfant l'information sur l'identité du donneur, on fait de l'enfant né de don un objet à la merci de la décision de l'adulte donneur. C'est quelque peu contradictoire avec vos propos d'hier.

L'amendement n°163 n'est pas adopté.

Mme Catherine Deroche.  - Je rejoins la position du Gouvernement sur cet article 3. Quel que soit l'avis du donneur, l'enfant doit avoir accès à ses origines. Je ne voterai pas l'article 3 tel que modifié par le Sénat.

M. Bernard Bonne.  - Il y a un décalage entre ce qui est proposé ici et l'article premier. Que l'enfant cherche qui est son père est logique. Ce qui l'est moins, c'est de dire, d'un côté, qu'il peut être élevé sans père, par deux femmes ou une femme seule et, de l'autre, qu'il doit absolument connaître son père...

L'image du père est essentielle. Dans la famille monoparentale, le père existe - c'est très différent ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Justement, ne faisons pas les amalgames, que les enfants ne font pas, entre le père et le donneur, entre la famille monoparentale subie et le choix de faire un enfant seule.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous avons tenté hier de convaincre le Sénat de l'impérieuse nécessité de donner aux enfants accès à leurs origines. En vain ! Nous ne voterons donc pas cet article.

M. Guy Benarroche.  - Moi non plus car la version d'origine était bien plus équilibrée. L'équilibre de bien des enfants ne passe pas par l'identité du donneur. Mais pour d'autres, c'est essentiel. La possibilité de connaître son origine, sans être obligé d'en faire la demande, est importante.

M. Daniel Chasseing.  - Je voterai cet article qui laisse la liberté au donneur de fournir son identité et prend en compte l'accord du conjoint.

Dix-huit ans plus tard, la situation du donneur peut avoir changé. L'anonymat est protecteur pour le donneur, pour les enfants et pour leurs parents.

Mme Véronique Guillotin.  - Une règle uniforme serait une garantie pour l'enfant et le donneur ne serait pas surpris dix-huit ans après.

Il est cruel de laisser l'enfant dans l'incertitude tout au long de sa croissance. Nous voterons contre.

L'article 3, modifié, est adopté.

Rappel au règlement

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Hier, le Sénat a supprimé l'article premier, qui étendait la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Dans ces conditions, quelle est la pertinence d'examiner l'article 4, qui règle la filiation en tirant les conséquences de ce même article premier qui fera l'objet d'une seconde délibération ? Monsieur le président, nous ne sommes pas le Conseil d'État, certes. Mais il y a de la marge !

Même si je n'en ai pas le pouvoir, je demande la réserve de cet article 4 jusqu'à ce que nous connaissions le sort définitif de l'article premier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'article premier a été renvoyé à la commission spéciale qui décidera s'il y a lieu ou non de le réexaminer avant la fin de l'examen de ce texte. Dans un souci de clarté, le Gouvernement vous indique que si l'article premier ne devait pas être adopté, il demanderait une seconde délibération sur l'article 4 à des fins de coordination. (Exclamations sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il faut être cohérent !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je ne nie pas les difficultés suscitées par la situation d'hier. La seconde délibération ne peut avoir lieu qu'à la fin du texte. Réserver l'article 4 ne conduirait qu'à l'examiner juste avant l'article premier. Ce n'est certes pas très logique, mais nous devons continuer notre débat.

Mme Laurence Cohen.  - Cette situation est assez inédite : comment se prononcer sur un article en apesanteur et défendre des amendements sur un texte qui n'existe pas ?

La majorité sénatoriale et le président de la commission ont pris leurs responsabilités en demandant une nouvelle délibération. (Exclamations à droite)

M. Jérôme Bascher.  - Mais non !

Mme Laurence Cohen.  - Sur un sujet très attendu depuis des années, cette situation ne donne pas une image sereine et responsable du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - À moins que la commission spéciale ne demande la réserve de l'article 4, il sera débattu. Si elle la demande, il sera examiné avant la seconde délibération de l'article premier. La commission demande-t-elle la réserve ?

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Non !

M. le président.  - Nous allons donc examiner cet article.

Discussion des articles (Suite)

Article 4

Mme Patricia Schillinger .  - Je suis inquiète. Depuis le début de son examen, ce texte a été vidé de sa substance et n'est plus qu'un squelette. La suppression est encore là, tapie dans l'ombre des belles paroles et des grandes idées.

Ce projet de loi répond pourtant aux demandes des citoyens et à la protection de femmes et d'enfants qui en ont tant besoin.

M. Bernard Jomier .  - J'aurais aimé débattre de ces questions si importantes, mais nous n'écrivons pas du droit putatif. Nous serons cohérents. Nous retirons nos amendements et ne prendrons pas part au vote. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE) Vous avez créé un désordre législatif de premier ordre, ne nous demandez pas d'y prendre part.

M. Pierre Ouzoulias.  - Rétablissons la rationalité du débat. L'article premier n'a plus de majorité : vous avez voté contre, nous ne voterons pas pour. La seconde délibération ne fera que confirmer ce vote. Vous avez fait un choix politique fort, celui de vider ce texte de sa substance. Nous vous laisserons détruire ce texte et vous en assumerez la responsabilité devant les femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Daniel Salmon.  - Nous sommes dans un grand jeu de quilles. Je me range à la position de mes collègues de gauche. Dans ce contexte, nous retirons nos amendements.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Nous savions tous qu'une partie de la majorité du Sénat voterait contre et une autre pour. Madame de la Gontrie, en vous abstenant, vous avez soutenu le vote contre. (Exclamations et rires sur les travées du groupe SER)

Mme Laurence Cohen.  - Ça va être de notre faute !

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Moi, je fais partie des 41 qui ont voté pour. Assumez ! (Applaudissements sur diverses travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Chevrollier, Retailleau, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne, MM. Meurant, Saury et Laménie, Mme Joseph et M. Chaize.

Supprimer cet article.

M. Dominique de Legge.  - Je serai bref : il est retiré.

L'amendement n°21 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié septies, présenté par Mmes Berthet et Primas, MM. Babary, Bacci et Belin, Mme Belrhiti, MM. E. Blanc, Bonne et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, MM. Chaize, Courtial, Cuypers et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Drexler et Estrosi Sassone, MM. Frassa et Frogier, Mmes Gosselin, Goy-Chavent et Gruny, MM. Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Klinger et Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez et M. Mercier, MM. Milon et Mouiller, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Paccaud et Piednoir, Mmes Pluchet, Procaccia et Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Retailleau, Saury, Sautarel, Savary et Segouin, Mmes Thomas et Schalck et MM. Longuet, Bas, Bouloux, Meurant, Chatillon et Chevrollier.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code civil est ainsi modifié :

1° Après l'article 310-1, il est inséré un article 310-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 310-1-1.  -  Il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l'égard d'un même enfant par l'effet des dispositions du présent titre. » ;

2° La section 3 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier est abrogée :

3° Après le même titre VII, il est inséré un titre VII bis ainsi rédigé :

« Titre VII BIS

« De la filiation en cas d'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur

« Art. 342-9.  -  En cas d'assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation.

« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur.

« Art. 342-10.  -  Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, préalablement donnent leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des conditions dans lesquelles l'enfant peut, s'il le souhaite, accéder, à sa majorité, aux données non identifiantes et à l'identité de ce tiers donneur.

« Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d'effet.

« Le consentement est privé d'effet en cas de décès, d'introduction d'une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d'une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l'assistance médicale à la procréation. Il est également privé d'effet lorsque l'un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l'assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre cette assistance.

« Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.

« En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L'action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.

« Si les deux membres du couple en font la demande au notaire, le consentement donné à une assistance médicale à la procréation vaut consentement de la mère dont la filiation à l'égard de l'enfant qui en est issu est établie par l'effet de la loi ou par la reconnaissance volontaire, à l'adoption de cet enfant par l'autre membre du couple. Celui-ci s'engage à saisir le tribunal judiciaire d'une requête en adoption de l'enfant.

« Le cas échéant, les effets du consentement à l'adoption cessent en même temps que ceux du consentement à une assistance médicale à la procréation.

« Le membre du couple qui, après s'être engagé à saisir le tribunal judiciaire d'une requête en adoption de l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation, n'y procède pas, engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.

« L'adoption de l'enfant peut, dans ce cas, être prononcée par le tribunal judiciaire à la requête de la mère dont la filiation est établie.

« Art. 342-11.  -  La filiation de l'enfant issu du recours à une assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur est établie dans les conditions prévues au titre VII du présent livre.

« Dans le cas mentionné à l'article 310-1-1, la seconde filiation ne peut être établie que dans les conditions prévues au titre VIII du présent livre. » ;

4° L'article 343 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « corps, », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les adoptants doivent être en mesure d'apporter la preuve d'une communauté de vie d'au moins deux ans ou être âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans. » ;

5° Le second alinéa de l'article 343-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « corps, », sont insérés les mots : « lié par un pacte civil de solidarité ou en concubinage, » ;

b) Après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : » , de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin » ;

c) Les mots : « ce conjoint » sont remplacés par le mot : « celui-ci » ;

6° L'article 343-2 est complété par les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

7° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article 344, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;

8° Après le premier alinéa de l'article 345, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'enfant est issu d'une assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, la condition d'accueil au foyer de l'adoptant prévue au premier alinéa n'est pas exigée. » ;

9° L'article 345-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

b) Le 1° est complété par les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

c) Aux 1° bis, 2° et 3°, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

10° L'article 346 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

11° À l'article 348-5, après le mot : « adopté », sont insérés les mots : « , ou lorsqu'il s'agit de l'adoption de l'enfant du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

12° L'article 353 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'enfant est issu d'une assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, le délai prévu au premier alinéa est fixé à un mois. » ;

b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

13° Au premier alinéa de l'article 353-1, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

14° Le premier alinéa de l'article 353-2 est complété par les mots : « ou au conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de l'adoptant » ;

15° Le second alinéa de l'article 356 est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

-  après les mots : « du conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

-  les mots : « ce conjoint », sont remplacés par les mots : « celui-ci » ;

b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;

16° L'article 357 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

-  après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

-  après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

-  après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, » ;

b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin, » ;

17° Au troisième alinéa de l'article 360, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;

18° À l'article 361, la référence : « 350 » est remplacée par la référence : « 349 » ;

19° L'article 363 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, après le mot : « conjoint, », sont insérés les mots : « du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin, » ;

- à la deuxième phrase, après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

20° Le premier alinéa de l'article 365 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;

b) Après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin » ;

21° Le premier alinéa de l'article 370-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

b) À la deuxième phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ».

II.  -  À l'article 847 bis du code général des impôts, la référence : « 311-20 » est remplacée par la référence : « 342-10 ».

Mme Martine Berthet.  - L'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture qui fonde l'établissement de la filiation de la mère d'intention sur sa seule volonté lorsqu'une AMP est effectuée par un couple de femmes. Il lui serait imposé de reconnaître son enfant, puisque la reconnaissance conjointe anticipée des deux femmes reste obligatoire.

Il convient de rétablir l'article 4 adopté par le Sénat en première lecture. L'adoption est l'unique possibilité qu'offre notre droit d'établir une filiation élective, sous le contrôle du juge dans l'intérêt de l'enfant.

L'amendement l'établit par la voie d'une procédure d'adoption rénovée et accélérée, ouverte aux couples non mariés. L'adoption pourrait être prononcée dans le mois qui suit la naissance de l'enfant et établie au jour même de sa naissance.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis favorable. Le lien de filiation instauré est de qualité et ne remet pas en cause notre droit de la filiation. La femme qui accouche est la mère. La seconde femme a une filiation élective qui existe déjà en France : l'adoption.

La filiation adoptive pourrait être rétroactive après décision du juge au jour de la naissance. Un père par présomption de paternité ou par reconnaissance n'a pas de privilège par rapport à un père d'adoption : leurs droits et devoirs sont de même nature.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En matière de justice, il y a toujours un aléa. Quid d'une adoption qui ne serait pas prononcée par le juge ? Entre la naissance de l'enfant et le prononcé de l'adoption, seule la maman qui a accouché pourrait prendre des décisions, et si celle qui n'a pas accouché meurt entre-temps, l'enfant n'a-t-il droit à rien de sa deuxième maman ? Avis défavorable.

M. Daniel Chasseing.  - Les arguments du ministre sont importants mais la femme qui accouche verra sa filiation normalement établie tandis que la seconde suivrait une procédure d'adoption simplifiée, qui pourrait se faire très rapidement.

Avec cet amendement, le droit de la filiation n'est pas bouleversé. J'y suis favorable.

M. Olivier Henno.  - Je suis favorable à la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules et défavorable à la PMA post mortem.

Vous avez évoqué les aléas, monsieur le ministre, mais la vie est un aléa permanent... (M. le ministre le confirme.) Nous avons la filiation charnelle, par présomption pour le père et par adoption. Il ne faut pas bousculer le code civil ni le droit de la filiation.

Le travail de la commission spéciale garantit une égalité de droits et de devoirs. Il ne doit pas y avoir de hiérarchie ente la mère qui accouche et l'autre. (M. le ministre le confirme derechef.) Ne fragilisons pas la filiation par adoption. Je voterai donc l'amendement.

Mme Véronique Guillotin.  - Nous voterons contre, car nous préférons l'autre mode de filiation à l'adoption.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°12 rectifié septies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°71 :

Nombre de votants 228
Nombre de suffrages exprimés 212
Pour l'adoption 151
Contre   61

Le Sénat a adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 132 rectifié, 93, 165, 88 et 164 n'ont plus d'objet.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°166, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mmes Rossignol et Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° L'article 316 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les couples de même sexe, la filiation ne peut être établie par reconnaissance qu'en apportant la preuve que les deux femmes ont eu recours ensemble à une assistance médicale à la procréation. Cette preuve est rapportée par la production du consentement notarié au don mentionné aux articles 342-10 et 342-13. » ;

2° Le chapitre V du titre VII du livre Ier est complété par un article 342-13-... ainsi rédigé :

« Art. 342-13-...  -  Les femmes qui, pour procréer ont eu recours, alors qu'elles étaient en couple avec une autre femme, à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur peuvent signer ensemble devant le notaire un consentement a posteriori au don, sous réserve de la production de preuves justificatives du recours à une assistance médicale à la procréation en France ou à l'étranger les mentionnant toutes deux. La liste des preuves est fixée par décret.

« Celle qui, après avoir consenti a posteriori au don, ne reconnait pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.

« En outre, sa filiation est judiciairement établie. L'action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Il convient d'organiser une procédure simplifiant et sécurisant la filiation pour les couples de femmes ayant eu recours à la PMA avant cette loi.

Nous étendons la procédure d'établissement de la filiation par reconnaissance aux couples de même sexe, dans le seul cas où ils ont eu recours à une AMP, en France ou à l'étranger.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable, comme en première lecture. Il est difficile de régulariser des AMP de couples de femmes en France car elles étaient interdites.

La reconnaissance est l'aveu de la participation à la procréation, ce qui évidemment ne peut pas concerner un couple de femmes. Le caractère rétroactif de la filiation me semble en outre difficile à établir pour des situations anciennes.

L'adoption est encore la meilleure solution. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°166 n'est pas adopté.

ARTICLE 4 BIS

M. Richard Yung .  - Je suis opposé à la volonté de la majorité sénatoriale d'interdire la transcription intégrale d'un acte de naissance établi à l'étranger pour un enfant né par GPA. Si cet article était adopté, il obligerait tous les parents d'intention à adopter leur enfant en vue d'établir un lien de filiation. Or, parfois, l'adoption est impossible ou inadaptée, notamment en cas de décès du parent biologique ou de divorce.

Fin 2019, les magistrats de la Cour de cassation ont conditionné la transcription à l'authenticité de l'acte étranger. En s'acharnant à vouloir contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation, la majorité sénatoriale fait courir le risque d'une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée de l'enfant et d'une nouvelle condamnation de notre pays par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Je refuse que notre assemblée plonge ces enfants dans l'insécurité juridique.

M. Jean-Yves Leconte .  - Je partage ces propos. L'article 55 de la Constitution rappelle que les traités et les engagements internationaux sont supérieurs à la loi.

La Cour de cassation exige, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant, un droit à la filiation. L'acte de naissance doit être transcrit en France de manière effective et rapide. Les décisions de la CEDH s'imposent à nous.

Ce n'est pas open bar mais effectué sous le contrôle strict du procureur. Il est indispensable de maintenir la situation actuelle pour ne pas priver des enfants de filiation pendant encore des années puisqu'en fin de compte, cette jurisprudence s'imposera à nous.

M. le président.  - Amendement n°117 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Corbisez, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.

Supprimer cet article.

M. Bernard Fialaire.  - L'article 4 bis interdit la transcription totale de l'acte de naissance étranger d'un enfant français né d'une GPA.

La France a une des législations européennes les plus restrictives en la matière : au Royaume-Unis, en Belgique, au Portugal, au Danemark, la GPA est autorisée ; en Espagne, la transcription de l'état civil est possible.

Cet article tente de faire obstacle à la jurisprudence de la Cour de cassation qui recherche un équilibre entre l'interdit d'ordre public et l'intérêt supérieur de l'enfant proclamé par la Convention internationale des droits de l'enfant. La France a été condamnée à plusieurs reprises par la CEDH pour refus de transcription.

Notre amendement supprime cet article, non pour remettre en cause l'interdiction de la GPA mais parce qu'un enfant ne doit pas pâtir de la façon dont il a été conçu.

M. le président.  - Amendement identique n°133, présenté par Mme Benbassa, MM. Salmon, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

Mme Esther Benbassa.  - Le 29 janvier 2013, Christiane Taubira, garde des Sceaux, demandait par circulaire d'inscrire à l'état civil français les enfants nés de GPA à l'étranger. Le Conseil d'État a validé cette circulaire en 2014 et la jurisprudence est allée dans le même sens. Or la majorité sénatoriale souhaite revenir en arrière en interdisant la transcription totale de l'acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une GPA lorsqu'il mentionne comme mère une autre femme que celle qui a accouché ou deux pères. Cela va à contresens des récentes décisions judiciaires.

Le débat ne doit pas porter sur la GPA mais sur la protection des droits de l'enfant. Les enfants nés de GPA ne sauraient être lésés en raison des actes de leurs parents.

M. le président.  - Amendement identique n°167, présenté par M. Leconte, Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Devinaz, Mmes Rossignol et Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous ne parlons pas ici de GPA ! J'ai entendu hier que la loi devait protéger les plus faibles. Il s'agit de l'intérêt supérieur de l'enfant et de nul autre sujet. Nos engagements internationaux n'ont pas changé. Nous devrons donc revenir sur cet article, mais après avoir perdu des années, pendant lesquelles des enfants seront privés d'une filiation complète.

Ne votons pas d'articles dilatoires.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous n'avons pas la même vision de la transcription. La GPA, madame Benbassa, est formellement et clairement interdite par le droit français, en raison du principe de non-marchandisation du corps humain. C'est pourquoi, pendant longtemps, la Cour de cassation a refusé la transcription des actes de naissance en droit français, pour éviter un contournement de l'interdiction de la GPA.

Mais ces enfants ne sont pas, pour autant, sans filiation : leur état civil est établi à l'étranger comme c'est le cas de nombreux enfants vivant en France. La CEDH a influencé l'évolution de la jurisprudence : l'homme étant père biologique, il a fallu transcrire la filiation, partiellement. Qu'advient-il de l'autre parent ? Là encore, je n'ai pas la même analyse : la CEDH laisse aux législateurs nationaux la faculté de choisir le moyen d'établir la filiation avec l'enfant. Et la France a choisi l'adoption. La CEDH ne nous en demande pas plus. Or la Cour de cassation a décidé d'aller plus loin et de transcrire intégralement les actes d'état civil étrangers.

N'inversons par les rôles : le législateur fait la loi, la Cour de cassation applique les textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Très bien !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Restons-en donc à la jurisprudence précédente de la Cour de cassation. Avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le revirement de la Cour de cassation en décembre 2019 a soustrait les GPA effectuées à l'étranger à tout contrôle du juge, pourtant nécessaire. L'adoption par l'autre parent ne pénalise pas l'enfant et la CEDH l'a reconnu le 16 juillet 2020.

Il est absolument indispensable de rétablir un contrôle pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'un trafic d'enfants ou d'un contournement des règles de l'adoption internationale.

Le Gouvernement est totalement défavorable à ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bas.  - Portalis n'aurait pas mieux dit !

M. Daniel Chasseing.  - J'ai voté la PMA pour les couples de femmes et pour les femmes seules. J'ai été sensible aux arguments relatifs à l'intérêt supérieur de l'enfant, mais le groupe INDEP est opposé à toute marchandisation du corps humain et à la GPA. L'intervention du législateur est indispensable pour mieux contrôler.

Je ne voterai pas ces amendements.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nos marges de manoeuvre sont encadrées par nos engagements internationaux. Certes, la CEDH ne demande pas d'automaticité de la transcription, mais elle demande que cela soit fait effectivement, rapidement et pour tout le monde.

La situation actuelle n'est pas exempte de contrôle, car le procureur vérifie la conformité et la crédibilité de l'acte d'état civil étranger. Ce n'est pas une manoeuvre dilatoire mais il faut une stabilité du droit et une mise en oeuvre de la jurisprudence de la Cour de cassation, d'où notre refus de cet article 4 bis.

M. Guy Benarroche.  - Il faut prendre en compte la reconnaissance mutuelle entre États. Il a toujours été fait référence, dans ce débat, à l'intérêt supérieur de l'enfant.

J'entends les craintes sur un bruit de fond qui légitimerait, par l'état civil, la GPA. Il n'en est rien. Un enfant issu d'une procréation illégale doit-il être privé d'un état civil français ? Que voulez-vous faire de ces enfants ? Comment adopter un enfant qui est déjà le nôtre aux termes d'un droit étranger, comme aux États-Unis ?

Ce constat n'a rien à voir avec la GPA. Vous vulnérabilisez les enfants.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Monsieur Leconte, le contrôle du Parquet est purement formel : il s'agit de déterminer si l'acte est conforme au droit étranger. Il ne porte pas sur l'intérêt de l'enfant et est donc, selon moi, insuffisant. (M. Philippe Bas approuve.)

M. Bruno Retailleau.  - Ce débat est important et je remercie le garde des Sceaux de ses positions... pour le moment !

Le concept d'enfant-fantôme n'existe pas : ces enfants bénéficient d'un état civil. De surcroît, la CEDH ne nous impose pas de transcrire mais souligne qu'il y a différents moyens d'établir le lien entre l'enfant et le parent d'intention.

Il revient au législateur, et non au juge, de dire la loi. Gare au cheval de Troie. Nous combattons l'extraterritorialité du droit américain ; attention à ne pas accepter ici une nouvelle extraterritorialité concernant la dignité humaine, autrement plus fondamentale que le droit commercial.

L'enfant a, en outre, tout à gagner d'une procédure d'adoption. Si nous voulons lutter contre la marchandisation et contre le modèle bioéthique anglo-saxon, faisons en sorte que la loi reste un rempart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fialaire.  - Le débat peut être intéressant lorsqu'il est respectueux. (Mme Catherine Deroche approuve.) Nous retirons notre amendement.

L'amendement n°117 est retiré.

Les amendements identiques nos133 et 167 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 47 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je constate avec tristesse que M Retailleau ne m'adresse de compliment que lorsque je suis d'accord avec lui. (Protestations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérard Longuet.  - Au moins, il est sincère !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je propose avec cet amendement une nouvelle rédaction de l'article 4 bis.

La rédaction adoptée par la commission spéciale pourrait produire des effets excessifs et risque de mettre la France en difficulté au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle prive le parent d'intention de toute possibilité de faire reconnaître son lien de filiation, lorsque l'adoption est impossible. Or la CEDH a affirmé à plusieurs reprises que le lien de filiation doit pouvoir être reconnu à l'égard du parent d'intention. S'il faut privilégier l'adoption, celle-ci n'est pas toujours possible. La transcription de l'acte de naissance étranger à l'égard du parent d'intention est alors la seule manière de reconnaître à l'état civil français le lien de filiation établi à l'étranger. Monsieur Retailleau, je partage votre avis sur ceux qui font la loi et ceux qui l'appliquent...

Conservons la transcription comme porte de sortie en cas d'impossibilité de l'adoption. Revenons à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation qui affirme, dans l'article 47 du code civil, que la réalité doit être appréciée au regard de la loi française, c'est-à-dire l'accouchement s'agissant de la maternité.

M. le président.  - Amendement identique n°91 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias, Mmes Apourceau-Poly et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas.

Mme Laurence Cohen.  - Nous avions été convaincus en première lecture par les arguments de Mme Belloubet.

Le groupe CRCE est opposé à la GPA pour des raisons éthiques, car nous sommes opposés à la marchandisation du ventre des femmes et à l'exploitation des plus précaires. Mais nous ne pouvons nier l'existence d'enfants nés sous GPA qui ont droit à un état civil. La Cour de cassation oblige à transcrire l'acte de naissance dans l'intérêt supérieur de l'enfant et au nom du droit à une vie familiale normale, mais la situation est plus floue pour le parent d'intention.

La solution proposée par le Gouvernement nous semble adaptée, équilibrée et juste. Elle permettra un contrôle des GPA réalisées à l'étranger par le juge et évitera les trafics d'enfants. Il faudra cependant que l'adoption soit déclarée avec célérité.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous poursuivons le même but : maintenir la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation tout en conservant un contrôle.

Nous différons cependant sur les moyens. L'appréciation actuelle par les magistrats de la réalité des faits au regard de la loi française n'apporte aucune sécurité.

L'adoption est de plus en plus souvent possible, notamment grâce à notre vote sur l'amendement de Mme Berthet ainsi qu'à une disposition votée à l'Assemblée nationale autorisant l'adoption des enfants du conjoint pour les couples non mariés.

Je préfère la rédaction du Sénat, plus sûre, pour éviter les fraudes.

Avis défavorable aux deux amendements identiques.

M. Jean-Yves Leconte.  - La liberté du législateur est encadrée par notre Constitution. Il y aura des enfants fantômes qui ne pourront pas être adoptés.

Il y a donc bien un problème avec l'article 4 bis que nous proposions de supprimer.

La proposition du Gouvernement et du groupe CRCE est brutale : elle remet en cause la force probante de tout acte d'état civil étranger en France en révisant l'article 47 du code civil, sans la moindre étude d'impact ! Je pense à ceux qui ont une partie de leur état civil à l'étranger. L'impact est très important, je ne voterai pas ces amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il y a peu d'adoptions impossibles, mais il y en a trois ou quatre par an. Ainsi du cas des époux Mennesson qui a inspiré la jurisprudence de la Cour de cassation. Que faisons-nous pour eux ? Mon objectif est que tous les enfants bénéficient d'une filiation.

M. Jean-Yves Leconte.  - Qu'en est-il des autres conséquences ?

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements nos31 et 91 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°72 :

Nombre de votants 292
Nombre de suffrages exprimés 289
Pour l'adoption   70
Contre 219

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Duffourg, Masson et Kern, Mmes Herzog et Belrhiti, M. Moga, Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, à l'exception des jugements d'adoption,

M. Jean-Marie Mizzon.  - Certains collègues se disent contre la GPA mais préparent son avènement. Transcrire des jugements d'adoption étrangers revient à contourner la loi française. Mon amendement apporte de la clarté.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je comprends votre cohérence, mais la transcription est possible sous le contrôle du juge. Nous ne souhaitons pas revenir sur cette position. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 bis est adopté.

ARTICLE 5 A

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le don d'organes est essentiel, mais il ne doit pas être incité par une quelconque contrepartie. Quel serait alors l'intérêt d'un statut du donneur ?

Le CCNE lui-même, dans son avis 119, en jugeait les modalités complexes. L'Agence de la biomédecine gère déjà un fichier des donneurs vivants depuis 2004. En outre, la journée du 22 juin met déjà les donneurs en valeur et leur apporte la reconnaissance de la Nation.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Cet article 5 A présente effectivement des limites. Ce n'est pas la solution miracle, mais il ouvre le débat sur le don d'organes, moins développé en France qu'ailleurs malgré les efforts de l'Agence de la biomédecine et le site dondorganes.fr.

Des dispositions existent, mais elles sont éparses et mal connues. Cet article remédie à ces carences sans qu'il soit question d'une quelconque contrepartie ou d'une priorité pour un don futur. Il existe par exemple déjà des murs de donneurs.

Cette proposition valorise les donneurs sans être contraire aux valeurs du don. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Le don doit rester un geste altruiste, financièrement neutre, qui ne peut être comparé au sacrifice de sa vie par un militaire, par exemple. Ces précisions législatives seraient redondantes et superfétatoires.

M. Philippe Bas.  - Si le don d'organes ou du sang est d'intérêt public, il n'existe pas de liste des actes ouvrant droit à des distinctions honorifiques. Laissons ce choix au Président de la République, sinon la liste risque d'en être fort longue. Ne nous embarquons pas dans un tel dispositif. Je voterai cet amendement.

M. Daniel Chasseing.  - Cet article permet d'offrir la reconnaissance de la Nation, qui n'est pas une contrepartie, aux donneurs et peut-être d'inciter au don. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Je présente cette disposition avec humilité. Il existe déjà des médailles pour le don du sang, pour dix ans de dons ou pour le 200e don par exemple. Les donneurs d'organes pourraient aussi en bénéficier sans que cela remette en cause le caractère désintéressé du don. C'est un moyen de plus pour augmenter le nombre de donneurs, ni plus ni moins.

Mme Michelle Gréaume.  - Je voterai cet amendement. Qu'est-ce qu'une distinction honorifique ? Il n'y a pas que la Légion d'honneur. J'ai donné la médaille du Sénat à la plus jeune donneuse d'organes vivante. Il y a beaucoup de médailles qu'il est possible de donner... Commencez par donner la médaille du Sénat pour valoriser quelqu'un, tout simplement !

L'amendement n°124 est adopté et l'article 5 A est supprimé.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°134 rectifié, présenté par M. Salmon, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

M. Daniel Salmon.  - Le don d'organes d'un majeur protégé nécessite l'autorisation du tuteur. La commission spéciale a fait le choix d'interdire un tel don. Dans son avis, le Conseil d'État estime pourtant les garanties suffisantes.

Nous souhaitons faire entrer les majeurs protégés dans le droit commun afin d'éviter toute discrimination : un consentement au don sera présumé, comme pour l'ensemble de la population.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Nous parlons ici uniquement des majeurs protégés avec représentation relative à la personne, c'est-à-dire ceux qui présentent des troubles cognitifs qui ne leur permettent pas d'exprimer un avis libre et éclairé. Les autres relèvent du droit commun. La règle est identique pour le don post mortem. La commission de l'Assemblée nationale a suivi notre position, ce qui ne fut, hélas, pas le cas en séance. Il faut disposer d'une capacité de discernement pour exprimer un choix, éminemment personnel, en matière de don, et éventuellement s'inscrire sur le registre des refus. Cela ne relève pas des missions du représentant légal du majeur protégé. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Une telle exclusion irait à l'encontre de notre objectif de favoriser l'autonomie des personnes protégées. En 2020, vingt-sept d'entre elles ont donné leurs organes, soit 10 % du total. Dans le contexte actuel de pénurie d'organes, c'est important.

L'amendement n°134 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 7 BIS

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 5, 7 à 10, 12 et 13

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

- sont ajoutés les mots : « avec représentation relative à la personne » ;

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - L'article 7 bis autorise le don de sang des mineurs âgés de plus de 17 ans et des personnes majeures protégées, hormis celles faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.

Cette disposition reprend les termes d'une proposition de loi, votée à l'unanimité le 11 octobre 2018 à l'Assemblée nationale. Néanmoins, les travaux consécutifs à son adoption ont relevé d'importants obstacles à sa mise en oeuvre effective.

D'après des études internationales, les mineurs sont plus sujets à des effets secondaires au moment du don, malaises vagaux ou carences martiales. L'Australie, qui avait avancé dans ce sens, recule finalement pour cette raison.

Cela pose aussi question au regard de l'information du représentant légal, qui ne devrait pas avoir accès aux données relatives à la vie privée du mineur, comme sa vie sexuelle. Nous redoutons que cela ait l'effet inverse à celui qui est recherché.

M. le président.  - Amendement n°178, présenté par M. Jomier, au nom de la commission.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

- sont ajoutés les mots : « avec représentation relative à la personne » ;

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

Le ministre a rappelé l'historique de cette disposition. Je ne suis pas sûr du bien-fondé des arguments qui lui opposés. Y aurait-il plus de malaises vagaux à 17 ans qu'à 18 ans ? L'Établissement français du sang ne nous a adressé aucune étude en ce sens.

Quid des femmes, plus sujettes au malaise vagal que les hommes ? La survenue d'un malaise vagal n'est pas un événement contrevenant au don du sang : certains en font à tout âge ! Les critères de carence martiale n'ont pas non plus été clairement objectivés. Cette carence en fer n'est, quoi qu'il en soit, pas liée au prélèvement du sang.

Dès l'âge de 16 ans, lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC), les jeunes sont sensibilisés au don du sang. Quelle cohérence à ne leur en conférer le droit que deux ans après ? À cet âge, c'est une éternité ! En outre, le représentant légal peut donner son accord par écrit.

Enfin, l'argument relatif aux relations sexuelles ne me semble pas fondé non plus : le secret médical s'applique. Rien n'empêche le jeune de dire à ses parents qu'il n'a pas été prélevé parce que sa tension était trop faible ; les professionnels savent gérer ce type de situations. Avis défavorable ; je ne comprends toujours pas l'opposition du Gouvernement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°178.

Mme Victoire Jasmin.  - J'attire votre attention sur le don du sang des personnes drépanocytaires. Il faut développer l'information à leur endroit et la prévention. Ainsi, des personnes de race noire ont parfois des phénotypes devant être pris en compte en cas de transfusion, car elles peuvent faire des réactions auto-immunes.

Les jeunes doivent être impliqués dans le don du sang, compte tenu des pénuries constatées. L'anémie n'est pas forcément liée au don.

M. Guy Benarroche.  - Je partage l'analyse du rapporteur. Le don de sang, gratuit et anonyme, est le type même de l'acte altruiste. Pourquoi ne pas le permettre aux jeunes ?

M. Marc Laménie.  - Le don du sang est une grande cause. Nous participons à des assemblées générales de bénévoles pour l'encourager. Il y a un problème de renouvellement des donneurs. Autrefois, on organisait des collectes à l'échelle des bourgs. Il est bon d'inciter les jeunes à donner leur sang. Ils y sont sensibilisés pendant la Journée défense et citoyenneté, mais aussi dans les établissements d'enseignement. Je voterai l'amendement du rapporteur.

M. Daniel Chasseing.  - Je suis d'accord avec Bernard Jomier : le don du sang, démarche citoyenne et de solidarité, ne doit pas attendre la majorité.

Mme Michelle Gréaume.  - L'EFS manque de donneurs ; il mène des actions de promotion dans le cadre de la journée mondiale du donneur de sang, pour inciter les jeunes à donner. Les sapeurs-pompiers en formation sont aussi sensibilisés. C'est une éducation à inculquer : ne cassons pas cette dynamique.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Monsieur le rapporteur, le rapport d'hémovigilance de l'EFS pour 2017 indique bien qu'il y a beaucoup plus d'incidents graves chez les jeunes de 18 et 19 ans : 1 327 cas pour 100 000 contre 222 pour 100 000 en moyenne. Dans les faits, certains centres refusent les dons de jeunes de cet âge.

De plus, cette autorisation ne permettra pas d'atteindre l'autosuffisance en produits sanguins. Avis défavorable.

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°178 est adopté.

L'article 7 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 7 TER

M. le président.  - Amendement n°179, présenté par M. Jomier, au nom de la commission.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

par les mots :

le ou les ministres de tutelle de cet établissement

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - En première lecture, nous avons adopté un amendement à la demande du Gouvernement qui nécessite une modification rédactionnelle. En effet, l'un des centres de don du corps ne relève pas de la tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur mais de celle du ministère de la Santé : l'école de chirurgie de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.  - Avis favorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - L'article indique que les conditions de réalisation du don seront précisées par un décret en Conseil d'État. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J'ai donné mon corps à l'école de chirurgie de Paris - sans réclamer aucune distinction honorifique post mortem ! (Sourires) Mais on ne choisit pas toujours le lieu de son décès, et il ne serait pas convenable que le coût du transport du corps échoie à la famille. C'est à l'État de s'en charger : pouvons-nous avoir des garanties sur ce point ?

M. Guy Benarroche.  - Moi aussi, je souhaite faire don de mon corps, mais l'esprit libre ! Chacun a en tête l'affaire du « charnier de Descartes », et nous serons attentifs, monsieur le ministre, à ce que la recherche reçoive les crédits nécessaires pour assurer un suivi des dons de corps.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Le décret précisera les conditions de prise en charge financière du transport du corps, qui incombera aux établissements où se trouve le centre. Il organisera aussi les conditions de restitution aux familles.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - À la suite du scandale de Paris-Descartes, le Gouvernement a mis en place une commission présidée par Emmanuelle Prada-Bordenave ; celle-ci m'a indiqué que le don de corps ne servirait plus à la formation - il existe désormais d'autres systèmes - mais seulement à la recherche. Pourquoi traiter ce sujet dans ce texte ?

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - On peut en effet enseigner l'anatomie grâce à la simulation : c'est ce sur quoi travaille la commission que vous mentionnez. Il est prévu de détailler, dans ce texte, les modalités de création des centres du don de corps.

L'amendement n°179 est adopté.

L'article 7 ter, modifié, est adopté.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

M. Olivier Henno, rapporteur .  - Bernard Jomier évoquait, dans la discussion générale, le péché originel de ce texte : mêler des questions sociétales comme la PMA à des dispositions proprement bioéthiques. La suite de nos discussions lui donne raison.

L'Assemblée nationale a repris les apports du Sénat à cet article 10, notamment sur la possibilité d'informer la parentèle biologique d'anomalies génétiques graves.

Les députés ont également interdit les démarchages pour l'analyse génétique à vocation généalogique, pratiquée par 200 000 à 400 000 Français, avec à la clé un problème de traitement des données. Au lieu de construire des lignes Maginot en interdisant la pratique, il est peut-être préférable de l'encadrer.

Mme Victoire Jasmin.  - Il n'y a pas suffisamment de professionnels habilités à transmettre des informations relatives au capital génétique sur le territoire. Il faudrait des diplômes universitaires pour en former, là où l'on manque de médecins et de généticiens.

M. le président.  - Amendement n°143, présenté par M. Ravier.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cet examen se fait dans un cadre éthique strict et ne peut avoir une finalité ou une conséquence eugéniste.

M. Stéphane Ravier.  - L'eugénisme est une dérive éthique grave consistant, rappelons-le, à chercher à améliorer l'espèce humaine via une hygiène génétique sélective.

Ne laissons pas notre société décider, dans une hubris d'amélioration de l'espèce, quels sont les sujets sains et ceux à éliminer. C'est une question de philosophie de la science. La bioéthique moderne ne doit pas s'installer dans un refus de la différence.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Nous sommes naturellement tout à fait opposés à l'eugénisme, mais l'article 16-4 du code civil précise déjà que « toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite ». De plus, le cadre éthique de l'examen génétique est suffisamment précisé par l'article 16-10 du code civil tel que rédigé par l'article 10. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - L'amendement est en effet satisfait : même avis.

L'amendement n°143 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°169, présenté par Mme Meunier, M. Leconte, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe.

Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par seize alinéas ainsi rédigés :

« ....  -  Par dérogation aux I et II et aux articles L. 1131-1 et L. 1131-1-3 du code de la santé publique, l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d'éventuelles proximités de parenté ou d'estimer des origines géographiques. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueillie préalablement à la réalisation de l'examen, le cas échéant sous format dématérialisé et sécurisé. Il ne peut donner lieu à la délivrance d'informations à caractère médical et ne peut faire l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie.

« Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment aux normes et référentiels d'assurance qualité en vigueur, au niveau international ou national, en matière de génotypage et de séquençage génomique.

« Ils respectent également les conditions suivantes :

« 1° Le traitement des données associées aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique est assuré dans le respect des règles applicables définies par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 94/46/CE et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

« 2° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique met à la disposition de la personne concernée une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée relative à la validité scientifique de l'examen, de ses éventuelles limites au regard des objectifs poursuivis et des risques associés à la révélation d'éventuelles proximités de parenté ou d'origines géographiques jusqu'alors inconnues de la personne ou à l'absence de révélation de telles informations ;

« 3° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique garantit à la personne concernée la possibilité de révoquer son consentement en tout ou partie, sans forme et à tout moment, à la réalisation de l'examen, à la communication du résultat de l'examen, à la conservation de l'échantillon à partir duquel l'examen a été réalisé, ainsi qu'au traitement, à l'utilisation et à la conservation des données issues de l'examen. Lorsque la personne le demande, il est procédé, dans un délai raisonnable, à la destruction de l'échantillon ou des données issues de l'examen.

« La communication des données issues d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peut en aucun cas être exigée de la personne et il ne peut en être tenu compte lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d'un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l'application de tout autre contrat.

« Les informations et données tirées des examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peuvent servir de fondement à des actions visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extrapatrimonial.

« 4° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique s'engage à ce que l'ensemble du traitement et du stockage de ces données soit réalisé sur le territoire français. »

....  -  Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 226-25 est ainsi modifié :

a) Les deux occurrences des mots : « ou de recherche scientifique » sont remplacées par les mots : « , de recherche scientifique ou de recherche généalogique » ;

b) Les mots : « l'article 16-10 » sont remplacés par les mots : « les articles 16-10 et 16-10-1 » ;

2° Après l'article 226-28-1, il est inséré un article 226-28-2 ainsi rédigé :

« Art. 226-28-2.  -  Le fait de procéder à un examen des caractères génétiques à des fins de recherche généalogique en méconnaissance des dispositions de l'article 16-10-1 du code civil est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. » ;

3° À l'article 226-29, la référence : « et 226-28 » est remplacée par les références : « , 226-28 et 226-28-2 ».

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement autorise la vente de tests ADN généalogiques tout en prévoyant un régime juridique protecteur pour l'utilisateur. Déjà autorisés dans de nombreux pays européens, ces tests renseignent l'utilisateur sur la répartition géographique de ses origines génétiques sans fournir des informations détaillées sur les conditions médicales ou les maladies.

C'est une façon pour le législateur d'encadrer une pratique qui se développe. De nombreuses entreprises basées à l'étranger commercialisent ces tests sur le territoire français et de nombreux médias et réseaux sociaux en font la publicité. Les Français sont de plus en plus désireux d'accéder à leurs origines historiques et géographiques.

M. le président.  - Amendement n°98 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mme Doineau, M. Détraigne et Mme Perrot.

Compléter cet article par neuf alinéas et un paragraphe ainsi rédigés :

« ....  -  Par dérogation aux I et II et aux articles L. 1131-1 et L. 1131-1-3 du code de la santé publique, l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d'éventuelles proximités de parenté ou d'estimer des origines géographiques. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli préalablement à la réalisation de l'examen, le cas échéant sous format dématérialisé et sécurisé. Il ne peut donner lieu à la délivrance d'informations à caractère médical et ne peut faire l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie.

« Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment aux normes et référentiels d'assurance qualité en vigueur, au niveau international ou national, en matière de génotypage et de séquençage génomique.

« Ils respectent également les conditions suivantes :

« 1° Le traitement des données associées aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique est assuré dans le respect des règles applicables définies par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

« 2° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique met à la disposition de la personne concernée une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée relative à la validité scientifique de l'examen, de ses éventuelles limites au regard des objectifs poursuivis et des risques associés à la révélation d'éventuelles proximités de parenté ou d'origines géographiques jusqu'alors inconnues de la personne ou à l'absence de révélation de telles informations ;

« 3° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique garantit à la personne concernée la possibilité de révoquer son consentement en tout ou partie, sans forme et à tout moment, à la réalisation de l'examen, à la communication du résultat de l'examen, à la conservation de l'échantillon à partir duquel l'examen a été réalisé, ainsi qu'au traitement, à l'utilisation et à la conservation des données issues de l'examen. Lorsque la personne le demande, il est procédé, dans un délai raisonnable, à la destruction de l'échantillon ou des données issues de l'examen.

« 4° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique s'engage à ce que l'ensemble du traitement et du stockage de ces données soit réalisé sur le territoire français.

« La communication des données issues d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peut en aucun cas être exigée de la personne et il ne peut en être tenu compte lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d'un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l'application de tout autre contrat.

« Les informations et données tirées des examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peuvent servir de fondement à des actions visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extrapatrimonial. »

....  -  Le code pénal est ainsi modifié :

1° À l'article 226-25, les deux occurrences des mots : « ou de recherche scientifique » sont remplacées par les mots : « , de recherche scientifique ou de recherche généalogique » et la référence : « l'article 16-10 » est remplacée par les références : « les articles 16-10 et 16-10-1 » ;

2° Après l'article 226-28-1, il est inséré un article 226-28-2 ainsi rédigé :

« Art. 226-28-2.  -  Le fait de procéder à un examen des caractères génétiques à des fins de recherche généalogique en méconnaissance des dispositions de l'article 16-10-1 du code civil est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. » ;

3° À l'article 226-29, la référence : « et 226-28 » est remplacée par les références : « , 226-28 et 226-28-2 ».

Mme Élisabeth Doineau.  - La rédaction de cet amendement d'Olivier Cadic est plus claire que celle de mon amendement n°76 rectifié.

En réalité, l'interdiction des tests généalogiques est virtuelle : plus d'un million de Français en ont déjà effectué un. La recherche des origines passionne nos compatriotes.

Cet amendement pose un cadre, alors que règne la loi de la jungle : les données sont détenues par des entreprises étrangères, sans parler des tests de médecine prédictive qui relèvent du n'importe quoi.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Cadic, J.M. Arnaud et Longeot, Mme Dindar et MM. Louault, Chauvet, Delcros et Bonneau.

Compléter cet article par neuf alinéas et un paragraphe ainsi rédigés :

« ....  -  Par dérogation aux I et II et aux articles L. 1131-1 et L. 1131-1-3 du code de la santé publique, l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d'éventuelles proximités de parenté ou d'estimer des origines géographiques. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli préalablement à la réalisation de l'examen, le cas échéant sous format dématérialisé et sécurisé. Il ne peut donner lieu à la délivrance d'informations à caractère médical et ne peut faire l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie.

« Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment à un référentiel de qualité établi par l'Agence de la biomédecine en application du 9° de l'article L. 1418-1 du même code. Cette conformité est attestée dans le cadre d'une procédure d'évaluation définie par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. L'attestation de conformité est transmise sans délai à l'Agence de la biomédecine.

« L'attestation de conformité prévue à l'alinéa précédent est notamment subordonnée au respect des conditions suivantes :

« 1° Le traitement des données associées aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique est assuré dans le respect des règles applicables définies par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

« 2° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique met à la disposition de la personne concernée une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée relative à la validité scientifique de l'examen, de ses éventuelles limites au regard des objectifs poursuivis et des risques associés à la révélation d'éventuelles proximités de parenté ou d'origines géographiques jusqu'alors inconnues de la personne ou à l'absence de révélation de telles informations ;

« 3° Tout fournisseur d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique garantit à la personne concernée la possibilité de révoquer son consentement en tout ou partie, sans forme et à tout moment, à la réalisation de l'examen, à la communication du résultat de l'examen, à la conservation de l'échantillon à partir duquel l'examen a été réalisé, ainsi qu'au traitement, à l'utilisation et à la conservation des données issues de l'examen. Lorsque la personne le demande, il est procédé, dans un délai raisonnable, à la destruction de l'échantillon ou des données issues de l'examen.

« La communication des données issues d'un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peut en aucun cas être exigée de la personne et il ne peut en être tenu compte lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d'un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d'assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l'application de tout autre contrat.

« Les informations et données tirées des examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peuvent servir de fondement à des actions visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extra-patrimonial.

« Le IV n'est pas applicable aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique en application du présent article. »

....  -  Le code pénal est ainsi modifié :

1° À l'article 226-25, les deux occurrences des mots : « ou de recherche scientifique » sont remplacées par les mots : « , de recherche scientifique ou de recherche généalogique » ;

2° Après l'article 226-28-1, il est inséré un article 226-28-2 ainsi rédigé :

« Art. 226-28-2.  -  Le fait de procéder à un examen des caractères génétiques à des fins de recherche généalogique en méconnaissance des dispositions de l'article 16-10 du code civil est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. » ;

3° À l'article 226-29, la référence : « et 226-28 » est remplacée par les références : « , 226-28 et 226-28-2 ».

Mme Élisabeth Doineau.  - Défendu.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - En première lecture, la commission avait adopté des amendements similaires, ensuite supprimés en séance publique.

Il s'agissait de tenir compte de l'ineffectivité de l'interdiction en vigueur, de protéger nos concitoyens contre la cession de leurs données personnelles à des sociétés étrangères et d'interdire la délivrance d'informations génétiques à portée médicale.

Les amendements nos169 et 98 rectifié ter prévoient un traitement et un stockage des données sur le territoire national.

Les amendements nos98 rectifié ter et 76 rectifié maintiennent l'interdiction de publicité votée par l'Assemblée nationale. L'amendement n°76 rectifié reprend le dispositif d'attestation de conformité que la commission avait adopté, mais qui pourrait s'avérer un peu lourd.

Alors que l'interdiction de ces tests est aujourd'hui purement virtuelle, la commission spéciale sollicite l'avis du Gouvernement : que compte-t-il faire pour éviter la cession de données génétiques à des sociétés étrangères ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - À une interdiction virtuelle s'oppose effectivement un usage réel. Mais une loi de bioéthique a pour objet de poser des bornes, de dire le souhaitable en fonction du possible. Le régime d'interdiction en vigueur semble au Gouvernement le plus protecteur.

Les Français qui s'adonnent à ces tests s'exposent en effet à une multitude de risques : rassurer à tort, voire dissuader de prendre des mesures de prévention, bouleverser certaines familles en levant des secrets, plonger dans le désarroi quand une information inquiétante est délivrée sans aucun accompagnement médical. Ces tests sont également une menace pour la vie privée des consommateurs.

Enfin, le référentiel de qualité prévu par l'amendement n°76 rectifié ne garantit pas la fiabilité des résultats : les bases de données existantes sont un très faible échantillon de la diversité génétique mondiale. Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Laurence Cohen.  - Je comprends la volonté d'encadrer ces tests, mais comme vient de le dire le ministre, ce sont des pratiques dangereuses. Il y a, derrière, des lobbies et aucun contrôle. Le groupe CRCE ne votera pas ces amendements.

Mme Michelle Meunier.  - Je regrette votre réponse, monsieur le ministre. Rien n'est plus néfaste que d'organiser l'impunité. La publicité continuera à envahir les écrans, les Français à recourir aux tests et la loi à les interdire. Dommage !

M. Bernard Jomier.  - On ne peut pas analyser une loi de bioéthique sous le seul prisme des risques et des dérives. Sa fonction principale est de mettre en application des valeurs. Or je n'ai entendu ce mot que dans la bouche de Bruno Retailleau, lorsqu'il évoquait la protection des plus vulnérables.

Un principe fondamental n'a pas été évoqué par le Gouvernement dans cette discussion : celui de l'autonomie de la personne et du respect de ses choix. Monsieur le ministre, vous parlez de risque, de désarroi, d'absence d'accompagnement médical... Ceux qui ont recours à ces tests ne sont pas des enfants à protéger ! Certes, le corollaire de l'autonomie est une information éclairée, et un encadrement est nécessaire ; mais il convient d'affirmer des valeurs positives.

M. Guy Benarroche.  - Interdire ce que l'on ne peut pas empêcher, c'est affaiblir son autorité. Si l'on veut une réelle interdiction, quels moyens met-on en oeuvre ?

Mme Élisabeth Doineau.  - Le besoin de recherche des origines est une réalité. L'interdiction n'existe pas : chacun peut accéder aux sites qui proposent les tests, on est même outrageusement démarché. C'est un marché international ; sans encadrement, c'est la loi de la jungle qui y règne.

M. Bruno Retailleau.  - Sur ce sujet complexe, les propos du ministre ont fait écho à ceux de Mme Buzyn en première lecture. L'objet d'une loi de bioéthique est de poser les limites.

L'Union européenne va bientôt publier un règlement de régulation des services sur internet. Je préfère m'en tenir à l'interdit, même difficile à faire appliquer. En 2018, le président Trump a fait voter le Cloud Act qui permet aux autorités américaines d'aller chercher les données de serveurs dans le monde entier. Cette toute-puissance extraterritoriale m'effraie.

Évitons d'ouvrir grandes les portes de ce marché, sans maîtriser les conséquences sur les familles. Je ne voterai pas ces amendements.

M. René-Paul Savary.  - Je suis du même avis. Les tests délivrent des données particulièrement précises sur le plan médical ; il faut être préparé à recevoir ces informations. La médecine prédictive arrivera bientôt. Il faudra une loi bien conçue pour l'encadrer ; ces amendements ne sont pas suffisamment bordés. Tout cela réclame une réflexion éthique, sociétale, mais aussi en matière de protection digitale, avec une véritable étude d'impact.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Les résultats donnés par ces officines n'ont aucune valeur scientifique. Ainsi, quelqu'un qui a dans son ADN un marqueur prédominant dans une certaine région du monde se verra affirmer qu'il vient de cette région, même si ce n'est le cas d'aucun membre de sa famille !

Madame Jasmin, il faut en effet une formation pour comprendre un test génétique - nous en aurons d'autant plus besoin quand arrivera la médecine prédictive. Plusieurs universités délivrent déjà des masters de conseil en génétique.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

L'amendement n°169 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos98 rectifié ter et 76 rectifié.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE 11

M. Olivier Henno, rapporteur   - Cet article porte sur l'encadrement de l'usage de l'intelligence artificielle, dont la rencontre avec les biotechnologies a quelque chose de bouleversant. La commission spéciale a conservé l'économie du dispositif voté par l'Assemblée nationale, tout en renforçant les garanties pour les patients afin que le dernier mot revienne toujours à l'humain.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les données recueillies sont incessibles.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le Gouvernement ne s'est pas beaucoup préoccupé de la protection des données de santé, pas plus que de la souveraineté nationale. Il a fait le choix d'un Gafam pour la conservation des données de santé des Français. Et la CNIL n'a pas pu vérifier la compatibilité avec le RGPD du système d'enregistrement des patients vaccinés contre la covid-19. Comme je suis bienveillant, monsieur le ministre, je ne vous interrogerai pas sur Stop-Covid... (Sourires)

M. Loïc Hervé.  - C'est Cédric O qu'il faudrait interroger !

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous voulons imposer un cadre par la loi pour défendre ces données, futur gisement de richesses que nous sommes en train de livrer aux Gafam.

Cet amendement prévoit l'incessibilité des données de santé.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le traitement et la conservation des données sont effectués sur des serveurs publics situés en France et dans le respect du règlement (UE) n°2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

M. Pierre Ouzoulias.  - Celui-ci sécurise les données personnelles médicales des Français en imposant leur conservation en France, dans le respect du RGPD -  ce qui devrait être naturel mais ne l'est pas.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ....  -  Le consentement exprès, libre et éclairé du patient ou de son représentant légal doit être recueilli préalablement et à toutes les étapes de sa mise en oeuvre.

M. Pierre Ouzoulias.  - Celui-ci impose que le patient exprime son consentement au stockage et au traitement de ses données.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - L'amendement n°92 est satisfait par l'article L. 1111-8 du code de la santé publique qui sanctionne « tout acte de cession à titre onéreux de données de santé identifiantes, directement ou indirectement, y compris avec l'accord de la personne concernée » d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison et 300 000 euros d'amende.

L'amendement n°84 est également satisfait, le respect du RGPD va de soi. Quant à l'hébergement des données sur des serveurs publics français, le code impose déjà un encadrement très strict. Retrait ou avis défavorable.

Quant à l'amendement n°80, le principe du consentement du patient à toutes les étapes est déjà posé par le code de santé publique, dans son article L. 1111-4, et heureusement. Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis sur les amendements nos92 et 84, pour les mêmes raisons.

Nous ne pensons pas que l'amendement n°80 améliore la qualité ou la sécurité des soins du patient. L'intelligence artificielle est utile, notamment dans l'aide à la décision thérapeutique, et ne présente pas de risque spécifique pour la santé du patient.

Le consentement libre et éclairé du patient est inscrit dans le droit commun. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Monsieur le ministre, vous me répondez en droit, pas en pratique. Or dans la réalité, les normes du droit n'ont pas toujours été respectées dans la gestion des données.

Ces amendements sont un appel, voire un rappel à la loi. Nous demandons une doctrine politique cohérente et présentée aux Français de la gestion de leurs données de santé, alors que le Gouvernement semble aborder les situations au fil de l'eau. Nous avons besoin de solutions nationales.

L'amendement n°92 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos84 et 80.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

« II.  -  La traçabilité des actions d'un traitement mentionné au I et des données ayant été utilisées par celui-ci est assurée et les informations qui en résultent sont accessibles aux professionnels de santé et aux patients ou à leur représentant légal concernés.

« Les données du patient sont réutilisables, pérennes dans le temps et accessibles à tous les chercheurs après accord du patient. »

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement est très proche des précédents, mais l'amendement n°177 de M. Milon est plus intéressant.

L'amendement n°89 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°177, présenté par M. Milon.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II.  -  Un principe de garantie humaine s'applique à ces traitements algorithmiques. La mise en oeuvre de ce principe est notamment assurée par le fabricant dans les conditions prévues dans le cadre de la mise sur le marché du traitement algorithmique.

II.  -  Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Alain Milon.  - Toutes les obligations liées à la conception d'un traitement algorithmique utilisé à des fins médicales sont édictées par le règlement européen relatif aux dispositifs médicaux, applicable à partir de mai 2021. Des dispositions nationales seraient superflues.

De plus, il est techniquement impossible pour le fabricant de conserver tous les traitements réalisés par les professionnels de santé avec son algorithme. Cela pose aussi des questions de protection des données de santé.

Enfin, le règlement européen prévoit déjà des dispositions spécifiques de transparence.

Cet amendement rappelle enfin l'étape de garantie humaine.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Comme disait Édouard Herriot, « Un bon discours m'a parfois fait changer d'avis, mais jamais de vote... »

L'amendement n°177 supprime le paragraphe qui impose la traçabilité. C'était un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et il y en a eu peu sur ce texte...

En outre, la notion de garantie humaine n'est pas définie et n'a pas de portée juridique. Les garanties classiques sur les fichiers dont il est question ont fait l'objet d'un compromis avec l'Assemblée nationale. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

M. Bruno Retailleau.  - J'ai compris l'intention des amendements de Pierre Ouzoulias, mais ne les ai pas votés, convaincu par Olivier Henno.

Internet, c'était une promesse d'émancipation : McLuhan et Fukuyama, le village global installé sur les décombres de la fin de l'Histoire... Depuis, nous avons été dégrisés par les aspirations massives de données, le scandale Cambridge Analytica et d'autres. Cela pose la question de la souveraineté. Face au Cloud Act américain, j'ai appelé à une solution de cloud européenne, que nous n'avons pas encore.

Le contrôle de l'intelligence artificielle doit être assuré par une agence européenne, l'équivalent d'une DGCCRF qui vérifiera que les algorithmes ne comportent pas de porte dérobée, que le service est loyal. L'amendement d'Alain Milon est un petit pas dans cette direction : saisissons l'occasion.

M. Yves Détraigne.  - C'est la première fois que j'entends parler du principe de garantie humaine. De quoi s'agit-il ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Le consensus sénatorial est fort mais n'est pas entendu par le Gouvernement. Or demain, ceux qui maîtriseront les données de santé maîtriseront les marchés de l'assurance et du crédit car polices d'assurance et taux d'intérêt seront déterminés sur la base de ces données. Nous ne serons pas loin de la Chine, avec son système de crédit social. Je regrette le grand angélisme, l'irénisme du Gouvernement vis-à-vis des Gafam.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Sagesse.

L'amendement n°177 est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°125, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I.  -  La première phrase de l'article 16-14 du code civil est ainsi rédigée : « Les techniques d'imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique ou dans le cadre d'expertises judiciaires, à l'exclusion, dans ce cadre, de l'imagerie cérébrale fonctionnelle. »

M. Thani Mohamed Soilihi.  - En l'état, le texte de la commission spéciale ne distingue pas les différents types d'imagerie ni ne fixe de limites à leur usage.

Il n'y a pas eu encore de dérives mais notre rôle est de nous prémunir contre tout risque de détournement ou de surinterprétation de ces techniques à des fins judiciaires.

M. le président.  - Amendement identique n°135, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

M. Daniel Salmon.  - L'IRM ne saurait servir de preuve. Attention aux risques de dérive neuro-essentialiste ou de surinterprétation des réactions neuronales.

En 2012, le CCNE a considéré que l'image cérébrale ne pouvait établir une culpabilité ou prédire un comportement. De même que la Cour de cassation a refusé le recours à l'hypnose, utiliser l'IRM fonctionnelle comme détecteur de mensonge contreviendrait au principe selon lequel nul n'est tenu de s'auto-incriminer et au droit de se taire.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Le Conseil d'État a considéré qu'il n'existait pas de risque d'abus. Nous maintenons donc notre position de première lecture.

Le législateur de 2011 n'a jamais entendu autoriser ces techniques comme détecteurs de mensonges mais simplement offrir au juge des éléments supplémentaires pour établir son diagnostic. Ce dernier conserve bien entendu le dernier mot.

Nous proposons de renvoyer les modalités à un décret. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même si le sujet est moins médiatique que d'autres, il s'agit d'un point dur pour le Gouvernement. Nous sommes favorables à ces amendements qui rétablissent l'interdiction d'IRM fonctionnelles à des fins judiciaires. Le CCNE comme l'Opecst excluent que l'IRM soit utilisée dans le cadre d'une expertise judiciaire, car il existe un risque réel de détournement et de surinterprétation. L'IRM fonctionnelle ne doit pas servir de détecteur de mensonge.

Les amendements identiques nos125 et 135 ne sont pas adoptés.

L'article 12 est adopté.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

Mme Corinne Imbert, rapporteure .  - Nous abordons la recherche sur l'embryon et les cellules-souches embryonnaires humaines, au coeur de la bioéthique. Les divergences entre le Sénat et l'Assemblée nationale demeurent substantielles sur le sujet.

En première lecture, le Sénat avait souhaité sécuriser la recherche tout en maintenant les lignes rouges que sont le non-franchissement de la barrière des espèces et la protection de l'intégrité du génome des embryons humains.

Le débat sur les embryons chimériques ne peut être éludé et laissé à la seule appréciation de l'Agence de Bioéthique. Le Gouvernement justifie leur autorisation par la nécessité de mieux comprendre le développement embryonnaire précoce ; le Sénat avait proposé une autre voie qui a été rejetée : allonger à titre exceptionnel le délai de culture in vitro des embryons surnuméraires. Le Gouvernement préfère prendre le risque de transgresser la barrière des espèces, je le regrette.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien.

M. André Reichardt.  - La commission spéciale est revenue sur le texte de l'Assemblée nationale en supprimant la possibilité de créer des embryons chimériques. La recherche doit-elle aller toujours plus loin, comme semble le considérer le Gouvernement ? Selon l'exposé des motifs de son amendement de rétablissement, il ne faudrait pas interdire aux chercheurs français d'avancer dans ce domaine... Doit-on tout autoriser sous couvert scientifique ? S'agit-il de servir l'homme, ou la science ? Les chercheurs ne deviennent-ils pas des apprentis sorciers lorsqu'ils manipulent des cellules-souches humaines et animales ? Poser la question, c'est y répondre, et pour ma part, je voterai contre les amendements rétablissant le texte de l'Assemblée nationale.

L'article 14 dissocie en outre les régimes applicables à la recherche sur l'embryon et sur les cellules-souches embryonnaires humaines. Aux termes de la loi du 6 août 2013, ces deux types de recherches relevaient d'une autorisation de l'Agence de la biomédecine. Soumettre les recherches sur les cellules-souches embryonnaires humaines à un simple régime déclaratif, c'est ne pas tenir compte de leur réalité ontologique et les livrer à l'industrialisation.

Les cellules-souches sont extraites cinq à sept jours après la fécondation in vitro, ce qui implique de facto la destruction de l'embryon. Cela exige que l'Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques, instruise en amont le protocole de recherches et autorise expressément leur mise en oeuvre.

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Retailleau, Frassa et Houpert, Mme Pluchet, M. Mizzon, Mmes Drexler et Muller-Bronn, MM. Chatillon, Cuypers, Meurant, Laménie et Rapin, Mme Joseph et MM. Chevrollier et Le Rudulier.

Supprimer cet article.

M. André Reichardt.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°144, présenté par M. Ravier.

M. Stéphane Ravier.  - Le prélèvement d'une cellule-souche embryonnaire entraîne la destruction de l'embryon : ce n'est pas un acte banal sur un simple matériau de laboratoire. Le droit ne connait que les personnes et les choses. L'embryon humain serait-il une chose ?

La bioéthique fixe des lignes rouges à la recherche scientifique pour que sa quête de progrès ne supplante pas l'intérêt supérieur de la dignité humaine.

Avec cet article, la recherche sur les cellules-souches embryonnaires sera autorisée automatiquement par défaut : c'est un recul.

Et c'est la porte ouverte aux embryons génétiquement modifiés (EGM) qui pourraient être implantés chez la femme - prémices de l'avènement d'un humain augmenté. Si nous voulons un monde meilleur, refusons le meilleur des mondes !

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - La suppression de l'article 14 empêcherait l'adaptation du cadre juridique rendue nécessaire par l'évolution des connaissances et des techniques - ne serait-ce que pour introduire un délai limite de culture in vitro des embryons surnuméraires.

En différenciant le régime juridique applicable, le projet de loi acte la différence de nature entre l'embryon et les cellules-souches qui en sont issues.

Ces dernières n'ont pas la capacité de former spontanément un embryon, elles n'ont rien du caractère symbolique de personne potentielle attribué à l'embryon, comme le rappelle le CCNE. Une fois constituées, les lignées de cellules-souches embryonnaires n'impliquent plus la destruction d'un embryon

La recherche travaille sur des embryons surnuméraires, résultant d'une fécondation in vitro, qui autrement auraient été détruits et que le couple qui a abandonné son projet parental confie à la recherche.

Pour obtenir une lignée sur une cellule-souche embryonnaire issue d'un embryon, il faut une autorisation de l'Agence de la biomédecine. Une fois obtenue, une simple déclaration suffit. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - On n'a pas le droit de fabriquer un embryon à des fins de recherche en France, et c'est très bien ainsi. Ce texte n'y change rien.

Depuis 2005, les embryons sans projet parental, dont les parents ont autorisé l'usage pour la recherche, ont donné lieu à vingt protocoles de recherche autorisés par l'Agence de la biomédecine ; six sont encore en cours. S'y ajoutent 71 protocoles autorisés sur des cellules-souches embryonnaires. Si ces dernières doivent être obtenues à partir d'un embryon, l'autorisation demeure nécessaire. En revanche, leur simple observation dans un laboratoire relève d'un régime déclaratif et peut faire l'objet d'un contrôle.

Enfin, il n'a jamais été question de réimplanter un embryon génétiquement modifié. Ne laissons pas imaginer une telle possibilité ! Avis défavorable aux deux amendements.

M. Guillaume Chevrollier.  - La manipulation de l'embryon est un sujet fondamental. Même si je fais confiance au discernement et à l'éthique de nos chercheurs, il appartient au législateur d'encadrer ces recherches. Je constate que l'on assouplit une fois de plus la législation.

En 1994, la loi interdit toute recherche sur l'embryon. En 2004, elle prévoit une dérogation temporaire, qu'elle pérennise en 2011. En 2016, on crée une dérogation dans la dérogation. Quelle sera la prochaine étape ?

Je voterai l'amendement de suppression, car cet article ne me semble pas protéger suffisamment l'humain.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je remercie notre rapporteur pour sa présentation pédagogique qui éclaire nos débats.

Soyons prudents dans nos propos, car les chercheurs nous écoutent avec le sentiment de faire l'objet d'une suspicion générale. Ce ne sont pas des apprentis sorciers ! La science avance et impose au droit de s'adapter en permanence.

Voulez-vous un exemple du franchissement de la barrière des espèces ? C'est la covid, qui est passée de la chauve-souris à l'homme ! Ce sont les OGM, par essence même ! Êtes-vous contre les OGM pour autant ? (Sourires à gauche)

La recherche sur les cellules-souches pluripotentes va permettre des thérapies cellulaires pour soigner des maladies aujourd'hui incurables, comme la mucoviscidose, et sauver des vies humaines. De quel droit l'empêcherions-nous ?

Je vous rejoins sur la nécessité d'un cadre, mais notre conscience n'avance pas aussi vite que la science. Il faut réconcilier la République et les savants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Jomier.  - Je remercie Corinne Imbert et Frédérique Vidal pour leurs tranquilles exposés. La rupture entre la science et la représentation nationale est inquiétante ! Où voyez-vous une dérive eugénique ? Il n'y a pas dans notre pays d'apprentis sorciers, de chercheurs isolés qui tripatouilleraient le vivant...

La bioéthique doit nourrir le progrès, sans naïveté.

On travaille de plus en plus sur des cellules pluripotentes induites, des cellules indifférenciées que l'on spécialise ; cela ouvre d'immenses perspectives en immunothérapie et dans le traitement de maladies dégénératives comme Parkinson, Alzheimer ou des maladies ophtalmologiques. Au nom de quoi voudriez-vous interdire cette recherche ? Faisons confiance à nos chercheurs. Le cadre que propose la commission spéciale est satisfaisant. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. René-Paul Savary.  - Je partage la position raisonnable de la commission spéciale. Envoyons un signe positif aux chercheurs car ces évolutions extraordinaires permettront de sauver des vies.

Il faut border le dispositif pour éviter les dérives, comme pour la thérapie génique. J'ai visité le Genopole en Essonne : les chercheurs ont les pieds sur terre !

Je suivrai la commission spéciale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Merci.

M. Bernard Fialaire.  - L'adaptation constante de la législation aux recherches, dont certains ont récité la litanie, est consubstantielle aux lois de bioéthique ! La loi de bioéthique doit en permanence être réinterrogée à la lumière des progrès scientifiques, et il faudra encore la faire évoluer. J'ai entendu hier qu'il faudrait graver telle disposition dans le marbre. On veut tout figer comme si notre génération devait avoir raison pour les siècles et les siècles ! Je ne voterai pas cet amendement.

Mme Catherine Deroche.  - La commission spéciale a trouvé un point d'équilibre sur ce sujet sensible et j'en remercie Corinne Imbert. Cela facilitera des recherches majeures qui suscitent d'immenses espoirs.

Tenons cette ligne de crête, permettons les avancées de la recherche sans les dérives constatées à l'étranger. Je ne voterai pas ces amendements de suppression.

M. Guillaume Gontard.  - Je ne les voterai pas non plus. Je ne partage pour autant pas complètement les propos de MM. Jomier et Ouzoulias : sans être opposés au progrès scientifique, il est de notre rôle de poser des limites. On ne peut laisser tout faire. À cet égard, la rédaction de la commission spéciale prévoit un équilibre satisfaisant.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos71 rectifié et 144 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°73 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 301
Pour l'adoption   96
Contre 205

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 20 h 10.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 40.

Mme la présidente.  - Amendement n°55 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge et Segouin, Mme Thomas, MM. Mandelli, de Nicolaÿ, Gremillet, Paccaud et Pointereau, Mme Pluchet, M. Babary, Mme Lassarade, MM. Meurant et Rapin, Mme Joseph, MM. Laménie et Charon, Mme Berthet, M. H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, Regnard, E. Blanc, Saury et Cardoux.

Alinéa 10

Après les mots : 

s'inscrit

insérer le mot :

exclusivement

M. Guillaume Chevrollier.  - Avant la suspension, certains propos nous caricaturaient. Je veux le réaffirmer avec force : nous sommes favorables à la science et aux chercheurs, ce qui n'interdit pas d'être vigilants.

Mon amendement prévoit que la recherche sur l'embryon n'est possible que dans une perspective médicale. Le monde scientifique reconnaît que la recherche sur l'embryon n'a pas franchi le stade de la recherche clinique. Après vingt ans de recherches, aucun traitement issu de la cellule-souche embryonnaire humaine... Le régime de la recherche sur l'embryon n'a cessé d'être vidé de ses exigences : pourquoi revoir une fois encore le cadre à la baisse ? De plus, les travaux sur les embryons animaux sont amplement suffisants - en témoigne le prix Nobel de 2012 sur les amphibiens. Enfin, les chercheurs se placent en insécurité juridique lorsqu'ils contreviennent à la loi.

La confiance dans le discernement éthique des chercheurs n'empêche pas le contrôle et l'encadrement par le Parlement.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - L'article 14 précise que la finalité de la recherche sur les embryons doit exclusivement être médicale ou permettre l'amélioration des connaissances sur la biologie humaine, cette dernière précision ayant été introduite par le Sénat en première lecture. Il n'est pas toujours aisé de connaître par avance le bénéfice thérapeutique d'une recherche fondamentale. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - La formulation actuelle permet déjà d'exclure toute recherche sans finalité médicale, explicite ou implicite. Votre formulation est soit superfétatoire soit dangereuse. Avis défavorable.

M. Bernard Jomier.  - Je ne suis pas certain qu'il n'y ait eu aucune avancée dans la recherche sur les cellules-souches embryonnaires depuis vingt ans.

Voyez l'ARN messager : cela fait vingt ans que les chercheurs y travaillent, et cela a permis de concevoir les vaccins les plus efficaces contre le Covid. La finalité de la recherche doit rester large.

L'amendement n°55 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°174, présenté par M. Chevrollier.

Alinéa 10

Supprimer les mots :

ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine

M. Guillaume Chevrollier.  - Je ne conteste pas qu'il faille du temps long pour la recherche scientifique...

Il convient d'interdire la recherche sur l'embryon pour la pure connaissance. Les chercheurs doivent donc motiver leurs projets de recherche. Le texte prévoit que la recherche sur l'embryon peut être motivée par la seule connaissance de l'embryon humain et des cellules-souches sans objectif médical, même lointain. C'est une chosification de l'embryon humain. Or l'embryologie se passe de l'embryon humain depuis de nombreuses années.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le Sénat avait validé cette formulation en première lecture. Toute recherche sur l'embryon participe de l'ambition de réaliser des progrès thérapeutiques. La précision sur la connaissance de la biologie humaine sécurise juridiquement les décisions d'autorisation des protocoles de recherche et elle est plus pertinente en matière de recherche fondamentale. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - La condition ajoutée par la commission spéciale n'est pas nécessaire, car la finalité médicale inclut déjà l'amélioration de la connaissance de la biologie humaine. Avis favorable.

L'amendement n°174 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°175, présenté par M. Chevrollier.

Alinéa 11

Supprimer les mots :

, avec une pertinence scientifique comparable,

M. Guillaume Chevrollier.  - Il s'agit de supprimer une précision inutile et de renverser la charge de la preuve pour les chercheurs et l'Agence de biomédecine sur l'absence d'alternative. En l'état, la rédaction de l'article bouleverserait les principes éthiques les plus fondamentaux. L'argument de sécuriser les recherches contre toute action juridique ne tient pas : il appartient aux chercheurs de respecter les règles.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cette précision a été apportée par le Sénat en première lecture pour sécuriser sur le plan juridique les recherches sur l'embryon. Avis défavorable car la preuve d'absence d'alternative est difficile à apporter.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cette précision n'est pas indispensable, mais ma lecture n'est pas la même que la vôtre, monsieur le sénateur. La notion de pertinence scientifique est implicitement incluse dans la rédaction actuelle. Avis favorable.

L'amendement n°175 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°173, présenté par MM. Cozic et Jomier, Mmes Jasmin, Rossignol, Meunier et de La Gontrie, MM. Leconte, Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, à titre dérogatoire, le développement in vitro d'embryons peut être poursuivi jusqu'au vingt-et-unième jour qui suit leur constitution dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l'étude des mécanismes de développement embryonnaire aux stades de la segmentation, de la prégastrulation, de la gastrulation, ou de la neurulation.

M. Thierry Cozic.  - Cet amendement étend le délai maximal de développement in vitro des embryons de quatorze à vingt-et-un jours.

C'est au quatorzième jour de développement que commencent à apparaître les trois tissus qui donneront les composants du corps humain : l'endoderme, le mésoderme et l'ectoderme.

Il importe cependant de noter qu'à ce stade, l'ectoderme n'est pas le système nerveux, qui ne commence à se former qu'à partir du vingt-et-unième jour de développement.

En outre, la conscience est encore loin d'être apparue à ce stade de développement de l'embryon. La recherche sur l'embryon peut donc sans risque éthique être étendue à vingt-et-un jours.

Cet amendement évite aussi de limiter la recherche sur les embryons fécondés in vitro à l'étude des mécanismes de développement embryonnaire au seul stade de la gastrulation, mais l'ouvre aux autres stades préalables ou concomitants.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cet amendement réintroduit l'extension à vingt-et-un jours à titre dérogatoire des recherches sur l'embryon humain, telle que nous l'avions votée en première lecture.

Il semble cependant plus raisonnable d'attendre l'émergence d'un consensus scientifique international sur cette question. Avis défavorable, même si je pense à titre personnel que l'extension à vingt-et-un jours aurait un intérêt scientifique.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. Le Conseil d'État a demandé la fixation d'une limite dans la loi. Autrefois, cette limite était dictée par l'incapacité à pouvoir observer les embryons au-delà de quelques jours. J'ai proposé de la fixer à quatorze jours sans dérogation, car cette durée fait l'objet d'un consensus scientifique international et a été retenue par de nombreux États. Elle correspond au stade de l'individualisation de l'embryon. Cette limite est suffisante à ce jour en embryologie. Il s'agit d'une réflexion éthique ancienne et consensuelle.

M. Bernard Jomier.  - Désormais, nous pouvons techniquement aller au-delà de quatorze jours. L'ébauche d'un système nerveux ne vaut pas obstacle éthique : c'est la conscience qui caractérise l'être humain. Il n'y a donc pas d'argument ontologique à opposer à l'extension au-delà de quatorze jours. Nous savons également que le consensus international à quatorze jours bougera dans les prochaines années.

Une grossesse sur cinq s'arrête spontanément dans les premières semaines : c'est énorme ! Il est essentiel de comprendre ce qui se passe à ce stade du développement de l'embryon. Ne nous interdisons pas de poursuivre les recherches entre quatorze et vingt-et-un jours.

L'amendement n°173 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Retailleau, Frassa et Houpert, Mme Pluchet, M. Mizzon, Mmes Drexler et Muller-Bronn, MM. Chatillon, Cuypers, Meurant et Laménie, Mme Joseph et MM. Chevrollier et Le Rudulier.

Alinéa 23

Remplacer les mots :

déclaration auprès de

par les mots :

autorisation par

M. André Reichardt.  - Cet amendement de repli maintient le régime commun de l'autorisation préalable de l'Agence de biomédecine pour les recherches sur l'embryon et les cellules-souches embryonnaires humaines.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le régime de déclaration préalable de recherche pour les cellules-souches embryonnaires permet de les distinguer des embryons. La recherche sur les embryons, qui implique leur destruction, demeure soumise à autorisation. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°72 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°56 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mme Thomas, MM. Mandelli, Gremillet et Paccaud, Mmes Pluchet et Lassarade, MM. Meurant et Segouin, Mme Lopez, MM. de Nicolaÿ, Pointereau et Laménie, Mme Berthet, M. H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, Regnard, E. Blanc, Saury et Cardoux.

Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les gamètes obtenus à partir de cellules-souches embryonnaires ne peuvent en aucune façon servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou recueilli par don, pour concevoir un embryon.

M. Guillaume Chevrollier.  - La création de gamètes artificiels n'a jamais été autorisée en France. Elle entraînerait des conséquences vertigineuses comme la création d'embryons, interdite par l'article 18 de la convention d'Oviedo.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Votre amendement est satisfait par l'article 17 du projet de loi : la création d'embryons par fusion de gamètes, quelle que soit leur origine, est interdite. Il est cependant utile de le rappeler à l'article 14. Avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - La loi prévoit une telle interdiction depuis 2004. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°56 rectifié ter est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 28

Remplacer les mots :

ou l'agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires

par les mots :

, l'agrégation de ces cellules avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Il convient de rétablir la possibilité d'effectuer des recherches nécessitant l'adjonction de cellules-souches humaines à un embryon animal, après avis de l'Agence de la biomédecine.

Ces recherches ouvrent des voies très prometteuses...

M. André Reichardt.  - Incroyable !

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - ... même si elles posent des questions éthiques. Aussi, nous avions prévu qu'un avis soit donné et une déclaration faite à l'Agence de la biomédecine. Dans la précédente loi de bioéthique, ces recherches n'étaient pas interdites, comme l'a rappelé le Conseil d'État. La déclaration et l'avis demandé à l'Agence de la biomédecine marquent donc une avancée, mais il ne faut pas renoncer à ces recherches qui sont d'ailleurs en cours.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°172, présenté par M. Jomier, Mmes Jasmin, Rossignol, Meunier et de La Gontrie, MM. Leconte, Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe.

M. Bernard Jomier.  - Défendu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - La commission spéciale est opposée à ces recherches qui franchissent la barrière des espèces.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Mais elles sont permises actuellement !

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Nous n'avons pas la même interprétation de la réglementation actuelle. Le CCNE n'a pas préconisé un simple régime de déclaration mais un encadrement de ces recherches pour éviter toute apparition de caractéristiques humaines chez les embryons chimériques. Ces amendements ne prévoyant aucun garde-fou, l'avis est défavorable.

M. Daniel Chasseing.  - Je partage cette analyse. Je ne voterai donc pas ces amendements.

M. Bernard Jomier.  - Le franchissement de la barrière des espèces est ancien puisque des maladies passent d'une espèce à l'autre, à l'instar du coronavirus.

M. André Reichardt.  - Ce n'est pas prouvé !

M. Bernard Jomier.  - Les chercheurs décrivent très bien ce phénomène, d'où l'émergence du concept de One Health porté par l'OMS : la santé humaine, la santé animale et la santé de l'environnement sont interdépendantes. La question du franchissement de la barrière des espèces ne doit pas être comprise comme la création d'un être qui mêlerait deux espèces. La loi interdit d'ailleurs strictement d'implanter un embryon ayant fait l'objet de telles recherches. Jamais ne naîtra un être formé de cellules humaines et animales, et c'est heureux !

La pratique est aussi vieille que la recherche et ne pose nulle difficulté. Les interdits que vous évoquez ne sont aucunement violés par cette disposition.

M. André Reichardt.  - Les mots ont un sens. Nous sommes en plein franchissement de la barrière des espèces. Ces deux amendements auraient de grandes conséquences en matière de recherche. Mesurons l'importance de notre vote...

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos32 et 172 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°74 :

Nombre de votants 291
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l'adoption   90
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

M. Marc Laménie .  - Cet article encadre les recherches sur les cellules-souches pluripotentes induites (CSPi). Il prévoit le même régime de déclaration que pour les cellules embryonnaires humaines.

Les sanctions pénales prévues par le Sénat ont été amoindries par l'Assemblée nationale en cas de non-déclaration. Les CSPi humaines peuvent désormais être introduites dans un embryon animal.

À titre personnel, je crois utile de rétablir les sanctions prévues par le Sénat et d'interdire tout mélange entre l'homme et l'animal.

Mme la présidente.  - Amendement n°145, présenté par M. Ravier.

Supprimer cet article.

M. Stéphane Ravier.  - L'article 15 ouvre la voie à la création de gamètes artificiels, c'est-à-dire la création de spermatozoïdes et d'ovules à partir de cellules humaines, qui peut être intéressante pour la recherche, mais franchit une ligne rouge éthique.

Ainsi, certaines personnes pourraient devenir parents sans le savoir ! La filiation doit conserver sa matrice naturelle biologique sexuée. Plus on s'en éloigne, plus le risque est grand de complications juridiques et anthropologiques. On ne peut manipuler sans limite l'humain et le vivant sans briser l'éthique qui est notre garde-fou.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cet amendement supprime tout encadrement des recherches sur les CSPi. Avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Même avis. Je ne partage pas vos propos sur l'inconséquence des chercheurs. En outre, il est important de fixer un cadre à ces recherches. Aujourd'hui, cet encadrement n'existe pas.

L'amendement n°145 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°171, présenté par M. Jomier, Mmes de La Gontrie et Jasmin, M. Leconte, Mmes Rossignol et Meunier, MM. Vaugrenard et Kanner, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe.

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1243-3 et, le cas échéant, de l'article L. 1121-1, sont soumis à déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine, préalablement à leur mise en oeuvre, les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites humaines ayant pour objet :

« 1° La différenciation de cellules souches pluripotentes induites humaines en gamètes ;

« 2° L'agrégation de cellules souches pluripotentes induites humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires ;

« 3° L'insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle.

M. Bernard Jomier.  - Il convient d'encadrer les recherches menant à insérer des CSPi dans un embryon animal. Le contrôle doit être effectué par l'Agence de la biomédecine, avec des protocoles afférents. Il s'agit d'une voie prometteuse de recherche. Je rappelle que nul être ne peut être créé de la sorte.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

1° Remplacer le mot :

ou

par le signe :

,

2° Après le mot :

extra-embryonnaires

insérer les mots :

ou leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement rétablit la déclaration à l'Agence de la biomédecine.

Le franchissement de la barrière des espèces qu'évoquent certains relève de l'imaginaire. Dans la terminologie scientifique, qui était celle de Jean Léonetti en 2011 lors de la révision de la loi de bioéthique, une chimère est un organisme constitué de deux variétés de cellules d'origines génétiques différentes sans mélange de matériel génétique. Ainsi, chaque fois que l'on pratique une greffe, on crée une chimère.

On serait incapable de tester les vaccins contre la covid-19 en phase préclinique si l'on ne disposait pas de souris dans lesquelles on reproduit le système immunitaire humain par adjonction de cellules immunitaires humaines.

Il ne s'agit en aucun cas de créer une chimère dans le sens littéraire du terme.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Ces amendements rétablissent la possibilité de créer à fins de recherche des embryons chimériques par insertion de cellules pluripotentes induites dans un embryon animal.

Le Sénat s'y est opposé en première lecture, d'autant qu'aucun des gardes-fous demandés par le CCNE n'est prévu.

Nous craignons les conséquences d'un franchissement de la barrière des espèces, notamment le développement de caractéristiques morphologiques ou neurologiques humaines chez des animaux.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°171.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°171 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°75 :

Nombre de votants 293
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l'adoption 90
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°57 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mme Thomas, MM. Mandelli, Gremillet et Paccaud, Mmes Pluchet et Lassarade, MM. Meurant et Segouin, Mme Lopez, MM. Pointereau et de Nicolaÿ, Mmes Berthet et de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, Regnard, Saury, Cardoux et E. Blanc.

Alinéa 12

1° Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

2° Remplacer le montant :

30 000 euros

par le montant :

60 000 euros

M. Guillaume Chevrollier.  - Cet amendement, qui aggrave les sanctions en cas de non-respect des formalités de déclaration pour les recherches sur les cellules-souches embryonnaires humaines, avait été adopté par le Sénat en première lecture. Des peines plus importantes renforceraient la portée des lois de bioéthique, même si elles n'ont jamais eu à être appliquées.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°68 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Cuypers et Cadec, Mmes Noël et Belrhiti, M. Laménie, Mmes Joseph et Deromedi et M. Frassa.

M. Pierre Cuypers.  - Défendu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure  - L'Assemblée nationale a jugé que les sanctions en vigueur étaient dissuasives. Le doublement des sanctions tel que prévu par le Sénat en première lecture pourrait néanmoins être un bon avertissement... Avis favorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable. Le droit pénal ne connaît pas de peine de quatre ans d'emprisonnement. L'amendement est donc contraire à l'échelle des peines délictuelles fixée à l'article 131-4 du code pénal. En outre, les sanctions prévues sont déjà dissuasives puisqu'elles n'ont jamais été appliquées.

Les amendements identiques nos57 rectifié quater et 68 rectifié bis sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°69 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Cuypers, Regnard et Cadec, Mmes Noël et Belrhiti, MM. Paccaud et Bascher, Mme Thomas, M. Laménie, Mmes Joseph et Deromedi et MM. Frassa, Le Rudulier et Meurant.

I. - Alinéas 16 et 25

1° Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

2° Remplacer le montant :

30 000 euros

par le montant :

60 000 euros

II. - Alinéa 21

1° Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

2° Remplacer le montant :

30 0000 euros

par le montant :

60 000 euros

M. Pierre Cuypers.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par MM. Chevrollier et de Legge.

Alinéa 16

1° Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

2° Remplacer le montant :

30 000 euros

par le montant :

60 000 euros

M. Guillaume Chevrollier.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°59, présenté par MM. Chevrollier et de Legge.

Alinéa 25 

1° Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

2° Remplacer le montant :

30 000 euros

par le montant :

60 000 euros

M. Guillaume Chevrollier.  - Défendu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le doublement des sanctions peut servir d'avertissement. Avis favorable à ces amendements avec une préférence pour l'amendement n°69 rectifié bis, plus complet.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements nos58 rectifié et 59 sont retirés.

L'amendement n°69 rectifié bis est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

ARTICLE 16

Mme la présidente.  - Amendement n°146, présenté par M. Ravier.

Supprimer cet article.

M. Stéphane Ravier.  - Défendu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Le droit en vigueur ne prévoit de délai limite que pour les embryons surnuméraires congelés pour un projet parental ou cédés à un autre couple. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°146 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Frassa, Houpert et Mizzon, Mme Muller-Bronn et MM. Chatillon, Cuypers, Meurant, Laménie et Chevrollier.

Alinéa 5

Supprimer les mots :

, dans les conditions fixées par le titre II du livre Ier de la première partie,

M. André Reichardt.  - L'alinéa 5 prévoit que lorsqu'il n'y a plus de projet parental, le couple peut consentir à ce que son embryon soit détruit pour la recherche dans le cadre d'un protocole autorisé.

L'embryon humain pourra être utilisé dans le cadre de recherches biomédicales en AMP, avec manipulation des gamètes ou de l'embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation. Il y a là une contradiction majeure : s'il y a abandon du projet parental, il ne peut y avoir de recherche biomédicale en AMP sur cet embryon puisqu'il n'est pas voué à être implanté.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Vos craintes ne sont pas fondées. L'article 16 ne prévoit pas l'utilisation de ces embryons aux fins de recherche en AMP, mais que des cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament innovant, à des fins exclusivement thérapeutiques, dans les conditions applicables aux recherches biomédicales. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°73 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°74 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Frassa, Houpert et Mizzon, Mme Muller-Bronn et MM. Chatillon, Cuypers, S. Demilly, Meurant, Laménie, Chevrollier, Bouloux et Le Rudulier.

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

M. André Reichardt.  - La notion de déclaration anticipée des deux membres du couple sur le devenir des embryons en cas de décès d'un des parents ouvre la voie à la PMA post mortem. J'y suis très hostile à titre personnel.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Ces directives anticipées n'ouvrent pas la voie à la procréation post mortem ; elles ne concernent que les modalités de devenir des embryons en cas d'abandon du projet parental, l'accueil des embryons par un autre couple ou leur don à la recherche. Cette décision est prise lors des consultations annuelles sur le devenir des embryons. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°74 rectifié est retiré.

L'article 16, modifié, est adopté.

ARTICLE 17

M. Olivier Henno, rapporteur .  - Nous sommes cohérents : refus des embryons chimériques et transgéniques, volonté de renforcer l'interdiction des manipulations sur le génome mais aussi de répondre aux exigences de clarification du Conseil d'État, ligne rouge du franchissement des espèces, mais recherche de l'équilibre.

Sur ces questions éthiques, il manque une dimension internationale. Les chercheurs auditionnés considèrent que nos précautions sont justes mais qu'elles ne sont malheureusement pas partagées outre-Atlantique ou en Asie, pour des raisons mercantiles ou d'influence. Bientôt, l'orthopédie froide pourrait ne plus être utilisée pour le traitement des cancers... Ayons cela à l'esprit, même si nous souhaitons fixer des barrières pour la France.

Mme la présidente.  - Amendement n°60 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, Retailleau et de Legge, Mme Di Folco, MM. Meurant, Segouin et Babary, Mme Thomas, M. Mandelli, Mme Lopez, MM. Reichardt et Paccaud, Mme Pluchet, MM. de Nicolaÿ, Gremillet et Pointereau, Mme Joseph, MM. Laménie et Charon, Mme Berthet, M. H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, E. Blanc, Saury, Regnard et Cardoux.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Chevrollier.  - L'article 17 constitue une ligne rouge. Cette technique aboutira à la tentation de faire naître des enfants génétiquement modifiés, en implantant des embryons transgéniques. En implantant des cellules humaines dans des embryons animaux, on brise symboliquement la frontière homme-animal. C'est la première fois que la loi n'interdit plus strictement la création de chimères.

Risque de susciter une infection ou infestation qui se transmet des animaux vertébrés à l'homme et vice-versa, risque de représentation humaine chez l'animal, risque de conscience humaine chez l'animal : il y a une vraie menace pour l'identité et l'intégrité de notre humanité, comme l'a indiqué l'Inserm. L'interdit doit être fondamental et sans ambigüité.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Si l'on supprime l'article 17, les protections apportées par la commission spéciale seront amoindries, notamment l'impossibilité d'implanter des cellules-souches pluripotentes induites dans un embryon animal. Notre rédaction répond à vos craintes. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - En supprimant l'article 17, cet amendement lève en réalité l'interdiction de création d'embryons chimériques ! Comme le Conseil d'État l'a souligné, le projet de loi réaffirme cette interdiction : du matériel animal ne peut jamais être introduit dans un embryon humain. L'article 17 permet donc une clarification.

S'agissant des embryons transgéniques, des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine de l'édition du génome, source d'espoir et de vigilance. La loi était inadaptée et devait être clarifiée. Les techniques des ciseaux moléculaires Crispr-Cas 9 doivent pouvoir être utilisées, notamment pour comprendre le développement de l'embryon ou la genèse des tumeurs pédiatriques. Tout cela est limité à la recherche in vitro, avec des garanties, interdisant notamment que des modifications puissent être transmises à une descendance indirecte. C'est un équilibre satisfaisant. Avis défavorable.

L'amendement n°60 rectifié ter est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°147, présenté par M. Ravier.

Rédiger ainsi cet article :

Au second alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la sante? publique, après le mot : « chimériques », sont insérés les mots : « animal/homme ou homme/animal ».

M. Stéphane Ravier.  - Défendu.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Cet amendement est contraire à son objet, car il maintiendrait le droit en vigueur. Retrait ou avis défavorable.

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Je tiens à répondre à M Chevrollier. Il me semble que l'expression correcte est « barrière d'espèces à la diffusion des pathogènes », barrière qui empêche les virus animaux de coloniser l'homme et réciproquement.

L'incorporation d'un matériel génétique étranger dans le corps humain existe déjà chez chacun avec les mitochondries. On peut même parler de filiation mitochondriale, avec l'ADN mitochondrial transmis par la femme.

Dans notre corps, nous pouvons détenir des parties animales, ce sont les xénogreffes. Pensez aux valves cardiaques de porc. Demain, des animaux pourraient être élevés à cet effet.

La frontière entre homme, animal et végétal n'est pas aussi définie. Je me surprends parfois à regarder des orangs-outans et à déceler dans leur regard une pointe d'intelligence que je ne trouve pas chez tous les humains. (On se récrie)

L'humanité est spirituelle, non pas organique - et c'est un athée qui vous le dit. Elle est le rassemblement des hommes et des femmes qui ont conscience de former une humanité. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes CRCE, SER et UC ; M. Éric Gold applaudit également.)

L'amendement n°147 n'est pas adopté.

L'amendement n°61 rectifié ter est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 3 à 7

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« La modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces est interdite. »

Mme Frédérique Vidal, ministre.  - Cet amendement rétablit l'autorisation à des fins de recherche encadrée par les articles 14 et 15 : d'une part, la modification du génome d'un embryon humain non destiné à être transféré en vue de gestation et d'autre part, l'expérimentation de l'adjonction de cellules pluripotentes humaines dans un embryon animal.

L'interdiction de toute modification génétique ou d'édition du génome réalisée sur un embryon humain qui serait implanté, pourrait se développer et transmettre une modification génétique à sa descendance, doit être maintenue.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amendement rétablit la possibilité de créer des embryons chimériques. Le Sénat y est opposé et en seconde lecture la commission spéciale a renforcé ces interdits. Avis défavorable.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

L'article 17 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°148, présenté par M. Ravier.

Supprimer cet article.

M. Stéphane Ravier.  - L'article 18 inverse la logique de consentement préalable dans le cas d'un examen génétique sur des échantillons biologiques à des fins de recherche scientifique.

La pratique de tout programme de recherche doit se faire avec le consentement préalable de la personne, en conscience et dans le respect de la liberté. Il s'agit d'un principe de précaution et de transparence indispensable : la manipulation du vivant n'est pas un acte banal.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Il faut vous reconnaître une certaine constance dans les amendements de suppression.

L'article 18 pose le principe du consentement de la personne prélevée dans le cadre d'un projet de recherche et de son information, ainsi que celle de sa parentèle, en cas de découverte d'une anomalie génétique. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°148 n'est pas adopté.L'article 18 est adopté.

ARTICLE 19

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Certains craignaient que le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) n'ouvre la voie à des dérives eugénistes ; il a été retiré du texte mais fera l'objet d'un programme hospitalier de recherche clinique. Je m'en réjouis, car cette technologie permettra d'augmenter le taux de réussite des fécondations in vitro et éviter un risque de fausse couche, voire d'IVG qui serait bouleversante pour la mère en parcours de PMA. Avançons sagement mais surtout dans le respect de la dignité de chacun.

Mme la présidente.  - Amendement n°176, présenté par M. Chevrollier.

Alinéa 17

Supprimer les mots :

et au diagnostic préimplantatoire

M. Guillaume Chevrollier.  - Défendu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - La suppression de la mention du DPI priverait de toute base légale l'arrêté du 1er juin 2015 portant recommandations de bonnes pratiques pour le diagnostic prénatal ou préimplantatoire. Retrait, à défaut avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Cette disposition existait dans le projet de loi initial. Sa suppression à l'Assemblée nationale avait privé l'arrêté de base légale. Inscrivons-la dans la loi.

L'amendement n°176 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°121 rectifié ter, présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Iacovelli, Lévrier, Théophile, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Yung.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Aux troisième et cinquième alinéas et à la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 2131-4 et aux deuxième et avant-dernier alinéas de l'article L.2131-4-1 du code de la santé publique, après le mot : « couple », sont insérés les mots : « ou la femme non mariée ».

M. Thani Mohamed Soilihi.  - C'est un amendement de cohérence avec l'ouverture de l'AMP aux femmes seules... Les incertitudes concernant l'article premier et l'éventualité d'une seconde délibération pèsent sur nos débats ; je le regrette.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cet amendement était cohérent avec la position de la commission spéciale qui avait voté l'article premier, et qui lui avait donc donné un avis favorable. Mais le Sénat n'ayant pas adopté cet article, il est désormais sans objet. Avis défavorable à titre personnel.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est favorable sur le fond et regrette que l'article premier n'ait pas été adopté.

M. Bernard Jomier.  - La commission spéciale ne peut changer de position par rapport à la règle établie pour l'article 4... Nous allons faire une entorse et voter cet amendement de cohérence.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - L'article premier doit faire l'objet d'une seconde délibération, à moins que nous soyons en pleine politique-fiction ; mon amendement n'est donc pas sans objet dans cette perspective. Je le maintiens.

Mme Laurence Cohen.  - Comme pour l'article 4, la situation n'est guère logique... Le groupe CRCE votera cet amendement conforme à notre position sur l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, qu'elles soient ou non mariées.

L'amendement n°121 rectifié ter est adopté.

L'article 19, modifié, est adopté.

ARTICLE 19 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°62 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, Retailleau, de Legge, Segouin, Pointereau, Rapin et de Nicolaÿ, Mme Lopez, MM. Meurant, Paccaud et Gremillet, Mme Joseph, MM. Laménie, H. Leroy, Bascher et Piednoir, Mme Eustache-Brinio et MM. Regnard, E. Blanc, B. Fournier, Saury et Cardoux.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Chevrollier.  - Le DPI-HLA ou « bébé médicament » a été autorisé, à titre expérimental, en 2004. Cette pratique consiste en une double sélection d'embryons obtenus par fécondation in vitro pour sélectionner les embryons indemnes de la maladie d'un membre d'une fratrie et choisir les embryons génétiquement compatibles afin de greffer les cellules-souches de cordon ombilical prélevées sur le nouveau-né à son aîné malade. Faire naître un enfant pour en sauver un autre, ce serait le considérer comme un moyen et non une fin.

La constitution de stocks de cellules de sang de cordon, décidée lors de la dernière loi de bioéthique, avait comme objectif, notamment, d'éviter cette pratique hautement controversée, qui n'est plus pratiquée depuis 2014 et que les députés avaient supprimé en première lecture.

En seconde lecture, l'Assemblé nationale l'a réintroduite et aggravée, en autorisant plusieurs tentatives de fécondation in vitro et des tris d'embryons si un embryon HLA compatible n'a pu être sélectionné.

Supprimons ces dispositions.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Cet article est conforme à la position du Sénat en première lecture et prend en compte les difficultés posées par la procédure actuelle, qui est lourde. Actuellement, lorsqu'un embryon est sain mais non HLA compatible, réaliser une nouvelle FIV est impossible.

La suppression de l'article conduirait à maintenir le droit existant. Il faut améliorer l'efficacité de la démarche, qui reste exceptionnelle et très encadrée. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°62 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°76 :

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 275
Pour l'adoption   82
Contre 193

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 19 bis A est adopté.

ARTICLE 19 QUATER

Mme Victoire Jasmin .  - Je souhaite que la liste des examens prévus dans le cadre du diagnostic anténatal inclue la recherche du trait S dans le trophoblaste, qui permet de détecter la drépanocytose.

Le diagnostic néonatal ne peut se faire qu'en outre-mer ou à Paris, or il existe des enfants atteints sur tout le territoire. Permettons un diagnostic anténatal.

Mme Vidal a confirmé qu'il existait des formations en conseil génétique : il conviendrait de les développer. En cas de nécessité d'interruption thérapeutique de grossesse, les couples doivent recevoir l'information nécessaire.

L'article 19 quater est adopté.

ARTICLE 20

Mme Nadège Havet .  - Cet article encadre les interruptions volontaires partielles de grossesses multiples et supprime le délai de réflexion. Les réductions embryonnaires se pratiquent actuellement dans un vide juridique complet.

L'article est inspiré de l'article L. 2213-1 du code de santé publique qui réglemente les IVG pour motif médical. Aucune caractéristique de l'embryon ou du foetus ne peut être prise en compte. Patricia Schillinger a clarifié en première lecture la définition de l'interruption volontaire partielle de grossesse multiple avec la notion de péril pour le devenir des embryons ou du foetus.

L'article L. 2213-1 du code de santé publique prévoit aussi un délai de réflexion proposé par l'équipe médicale, hors urgence médicale. Ce délai semble poser problème aux praticiens, eu égard à une incertitude quant à son point de départ et au fait que la confirmation de l'incurabilité de la pathologie foetale ne survient jamais de façon brutale. De plus, rappelons que le délai de réflexion a été supprimé pour l'IVG.

Le groupe RDPI est favorable à cet article.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Duffourg, Masson et Kern, Mmes Herzog et Belrhiti et MM. Moga et L. Hervé.

Supprimer cet article.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°43 rectifié, présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. H. Leroy, Frassa et Boré et Mme Di Folco.

Mme Catherine Di Folco.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°100 rectifié quater, présenté par Mme Noël et MM. Chatillon, Laménie, Cuypers, Sido et E. Blanc.

M. Marc Laménie.  - L'absence d'étude d'impact, l'ajout du critère de détresse psychosociale qui contribue à faire exploser l'encadrement de l'avortement en France et le fait que cet article est un cavalier législatif justifient sa suppression.

L'amendement n°149 n'est pas défendu.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - La suppression de l'article 20 annulerait du même coup l'encadrement des réductions embryonnaires : limite des douze semaines, accord de deux médecins après concertation pluridisciplinaire, interdiction des réductions sur le fondement de caractéristiques des embryons ou du foetus, dont le sexe. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

Les amendements identiques nos10 rectifié, 43 rectifié et 100 rectifié quater ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°94, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

santé de la femme,

insérer les mots :

ce péril pouvant résulter d'une détresse psychosociale,

Mme Laurence Cohen.  - Cet amendement rétablit la détresse psychosociale en tant que motif justifiant le recours à une interruption médicale de grossesse.

Certaines des femmes concernées sont mineures, en état de précarité extrême, en danger personnel, victimes de violences ou de difficultés psychologiques majeures, ce qui retarde bien souvent leur prise en charge. On peut imaginer une femme enceinte après un viol, après un inceste. Comment peut-on envisager de leur infliger une nouvelle violence en leur imposant la poursuite de la grossesse ?

L'introduction du critère psychosocial dans l'article L.2213-1 permet de lever la limite des douze semaines, et d'éviter ainsi les avortements à l'étranger. Le critère de la souffrance psychique et sociale est retenu par l'OMS. Faites confiance aux femmes et aux équipes médicales pour prendre la bonne décision.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°137, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

M. Daniel Salmon.  - Encadrée strictement par la loi, l'interruption médicale de grossesse (IMG) peut être pratiquée s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic, ou si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme.

Au sein des équipes pluridisciplinaires, des interrogations et des divergences d'interprétation persistent sur la prise en compte de la détresse psychosociale parmi ces causes de péril grave. Pour mémoire, ces équipes sont composées de quatre praticiens : un médecin gynécologue-obstétricien, un spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisis par la femme, et une personnalité qualifiée tenue au secret médical.

Il convient d'ajouter le critère de détresse psychosociale pour éviter les divergences d'interprétations et de pratiques.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - C'est une question qui fut largement débattue en commission spéciale, suite à l'amendement de Catherine Deroche qui supprimait cette précision introduite par l'Assemblée nationale. Par cohérence, avis défavorable.

La détresse psychosociale est une situation rare. Il s'agit de femmes enceintes suite à un viol ou un inceste, comme l'a rappelé Laurence Rossignol - au total, environ 80 cas par an. La procédure est encadrée par une concertation pluridisciplinaire. Fallait-il ajouter cette mention ? Cela aurait peut-être permis d'harmoniser les pratiques des différents centres, mais la commission en a décidé autrement.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Je vous remercie d'avoir posé le débat de façon très claire et sereine, loin des caricatures parfois entendues hors des murs du Parlement. Certains professionnels estiment nécessaire de disposer d'une base légale pour harmoniser les pratiques. Sagesse, conformément à l'avis donné à l'Assemblée nationale.

Mme Catherine Deroche.  - J'avais en effet présenté un amendement de suppression de la mention de la détresse psychosociale, car ce critère est, de fait, pris en compte dans les décisions d'IMG. Il ne me semblait pas utile de le mettre en exergue. Faisons confiance aux équipes médicales.

M. André Reichardt.  - J'avais également déposé un amendement en ce sens. Le sens du terme de « détresse psychosociale » n'aurait pas permis l'harmonisation attendue, car la notion n'est pas définie.

M. Philippe Bas.  - Le texte est très clair : l'IMG se fait si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme. De deux choses l'une : soit la détresse psychosociale est une maladie qui répond à ce critère, et il n'est pas besoin de le préciser dans la loi ; soit elle ne l'est pas, et il n'y a pas de raison d'autoriser une IMG. Dans ces deux cas, l'amendement doit être rejeté.

Mme Laurence Cohen.  - J'ai peine à être convaincue par l'argument de Philippe Bas. La détresse vécue par certaines femmes est lourde de conséquences pour leur bien-être et celui de l'enfant à naître. Il faut parfois préciser la loi pour protéger les plus fragiles. Ne soyons pas manichéens.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Je travaille avec un groupe de psychiatres sur les causes de certaines maladies psychiatriques. Environ 30 % des 300 patients hospitalisés de manière constante faisant partie de l'étude ont été violés ou ont été victimes d'inceste dans leur jeunesse. La seule cause de leur pathologie semble être ce viol. Les IMG sont donc une cause sociale majeure ; il faut assurer une prise en charge rapide.

M. Daniel Chasseing.  - Lorsque l'on doit pratiquer une IMG, en cas de forte probabilité d'une affection grave et incurable, le délai de réflexion d'une semaine n'est pas nécessaire. En revanche, l'équipe pluridisciplinaire prend déjà en compte la détresse psychologique des femmes. Je rejoins donc la position de Catherine Deroche.

À la demande des groupes Les Républicains et GEST, les amendements identiques nos94 et 137sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°77 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l'adoption 98
Contre 208

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Duffourg, Masson, Kern et Détraigne, Mme Herzog, M. S. Demilly, Mme Belrhiti, M. Moga, Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d'au moins une semaine avant de décider d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Nombreuses sont les situations dans lesquelles la loi prévoit un délai de réflexion pour celui qui souscrit un engagement, afin de lui laisser la possibilité d'en mesurer la portée. Mon amendement s'inscrit dans ce cadre.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°44 rectifié, présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. H. Leroy, Frassa et Boré, Mmes Garnier et Lopez, M. Bouloux et Mmes Di Folco et V. Boyer.

Mme Catherine Di Folco.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°63 rectifié quater, présenté par MM. Chevrollier, Retailleau, de Legge, Meurant, de Nicolaÿ, Gremillet, Pointereau et Babary, Mme Thomas, MM. Mandelli, Panunzi et Paccaud, Mme Pluchet, M. Rapin, Mme Joseph, M. Laménie, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Regnard, E. Blanc, B. Fournier et Cardoux.

M. Guillaume Chevrollier.  - Le délai de réflexion est un droit offert à la femme, et en aucun cas une obligation.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°75 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt et Houpert, Mmes Drexler et Muller-Bronn et MM. Chatillon et Cuypers.

M. André Reichardt.  - Défendu.

L'amendement n°111 rectifié quater n'est pas défendu.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Avis défavorable car la réalisation d'une IMG prend du temps : une fois l'anomalie foetale soupçonnée, des examens sont réalisés, un entretien a lieu avec la femme puis avec l'autre membre du couple, l'équipe pluridisciplinaire se prononce... On ne pratique donc que rarement une IMG en moins d'une semaine. En outre, la procédure est bien encadrée. Rien ne sert donc d'inscrire un tel délai dans le marbre de la loi.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis pour les mêmes raisons.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos11 rectifié, 44 rectifié, 63 rectifié quater et 75 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°78 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 302
Pour l'adoption 102
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 20 est adopté.

ARTICLE 21 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°90, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Au début, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le dernier alinéa de l'article 371-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de désaccord sur une décision de nature médicale relevant du septième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, le juge des tutelles apprécie la volonté du mineur. »

....  -  Après le septième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Hors nécessité vitale immédiate, aucun acte médical de conformation sexuée irréversible visant à modifier les caractéristiques sexuelles ne peut être effectué sur une personne mineure tant que l'intéressée n'est pas en mesure d'exprimer par elle-même son consentement après avoir reçu une information adaptée à son âge. »

Mme Laurence Cohen.  - La suppression de la référence à la Haute Autorité de santé, introduite par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, est une bonne chose car elle semble inutile et source de rigidité.

Cet amendement permet de différer tout acte médical de conformation sexuée, hors cas d'urgence vitale, afin qu'il soit préalablement soumis au consentement de la personne, après délivrance d'une information adaptée.

Le dispositif en vigueur ne permet pas d'éviter des opérations non vitales. Le Défenseur des droits en 2017 et le Conseil d'État en 2018 se sont prononcés pour l'application du principe de précaution en l'absence d'urgence vitale. L'État français a été rappelé à l'ordre par trois comités de l'ONU sur ce point.

L'ablation du clitoris ou la castration relèvent rarement d'une nécessité médicale mais plutôt d'une obligation sociale, celle d'assigner un sexe biologique à l'enfant. Ce sont des opérations violentes avec des effets secondaires lourds. Il faut donc inscrire leur interdiction dans la loi. Le choix doit revenir au mineur concerné, et non à ses parents.

Mme la présidente.  - Amendement n°138, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé? :

«?Art. ?L. ?2131-6  -  Hors nécessité vitale ou défaillance fonctionnelle, aucun traitement irréversible ou acte chirurgical visant à la définition des caractéristiques sexuelles ne peut être effectué sur une personne mineure tant que l'intéressée n'est pas en mesure d'exprimer par elle-même son consentement après avoir reçu une information adaptée à son âge.? »

M. Daniel Salmon.  - En 2016, le Comité des droits de l'enfant puis le Comité contre la torture de l'ONU ont qualifié de traitements inhumains les opérations pratiquées en France sur les enfants intersexués. Ils dénonçaient notamment l'absence d'information des parents et l'atteinte au droit à l'autodétermination de l'enfant que constituaient ces opérations.

Il faut en finir avec ces pratiques comme le prévoit l'article 21 bis, mais aussi établir des garde-fous. Cet amendement interdit donc tout traitement irréversible ou opération chirurgicale touchant aux organes vitaux tant que l'intéressé ne peut exprimer son consentement. Intégrant les remarques de la commission, nous avons ajouté le critère de défaillance fonctionnelle.

Enfin, n'oublions pas le rôle des perturbateurs endocriniens dans notre environnement, qui ont des conséquences sur les variations du développement sexuel des enfants.

Mme la présidente.  - Amendement n°77, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Cette recherche doit impérativement respecter les droits humains, la dignité de la personne et l'autodétermination.

Mme Laurence Cohen.  - Les principes d'intégrité du corps et d'auto-détermination de la personne, consacrés par l'article 16-3 du code civil, doivent prévaloir.

Les enfants présentant une variation du développement génital doivent être pris en charge dans des conditions qui respectent les droits humains fondamentaux et le principe constitutionnel de la dignité de la personne. Il convient donc d'attendre, pour toute intervention, qu'ils soient en capacité de décider ou d'être associés de manière éclairée à la prise de décision.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Il n'y a pas de consensus en France sur cette question, comme l'a rappelé le CCNE en novembre 2019.

La plupart des associations de personnes nées avec une variation sexuelle rejettent le bénéfice d'une intervention chirurgicale et dénoncent les séquelles physiques ou psychiques à long terme des mutilations pratiquées sur des organes sains pour des raisons esthétiques ou sociales, et non médicales.

La position des patients atteints d'hyperplasie congénitale des surrénales, qui forment la plus grande partie des personnes concernées, est différente. L'association Surrénales s'est déclarée favorable à une intervention précoce ; mais il est vrai qu'en l'espèce il n'y a pas de doute sur le sexe de l'enfant et la nécessité du traitement hormonal.

La plupart des chirurgiens endocrinologues justifient leur position par des fins réparatrices et fonctionnelles. Pour certains, le corps doit, dans la mesure du possible, correspondre à l'identité sexuelle et l'intervention précoce réduirait les séquelles.

L'article 16-3 du code de la santé publique interdit déjà les opérations chirurgicales et les traitements irréversibles pratiqués de manière précoce sur un enfant en l'absence de nécessité médicale. L'article R. 4127-41 du code de la santé publique interdit les opérations mutilantes sans motif médical sérieux.

Mais des instances internationales demandent à la France d'aller plus loin, et c'est le sens de ces amendements. L'amendement n°90 de Mme Cohen serait très restrictif. L'amendement n°138 de M. Salmon est plus nuancé mais pose des difficultés d'interprétation : les interventions visées sont complexes et touchent souvent l'appareil urinaire, comme pour les hypospadias.

Ce que vous proposez correspond à l'objectif que nous souhaitons atteindre mais il paraît prématuré, voire contre-productif, d'inscrire cette interdiction telle quelle dans la loi.

L'article 21 bis a atteint un point d'équilibre satisfaisant ; l'Assemblée nationale a intégré les remarques du Sénat et proposé de nouveaux dispositifs intéressants en matière d'état civil évitant de figer les situations. Nous misons sur la concertation, en posant un cadre conforme à l'avis du CCNE.

Avis défavorable à l'amendement n°90 et à l'amendement n°138.

L'amendement n°77 est satisfait par les dispositions en vigueur du code civil et du code de la santé publique. Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis. Je salue la qualité du travail parlementaire sur ce sujet complexe : vous êtes arrivés à un point d'équilibre, et le Gouvernement endosse volontiers la rédaction proposée.

L'amendement n°138 est retiré.

Mme Laurence Cohen.  - Je remercie le rapporteur et le ministre pour leurs explications. Je retire l'amendement n°77 mais maintiens l'amendement n°90, car j'ai été marquée par les souffrances des personnes entendues par notre Délégation aux droits des femmes. Le point d'équilibre que vous évoquez me semble fragile : il y aura matière à interprétation, sans compter que les connaissances médicales évoluent.

L'amendement n°77 est retiré.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par M. Bourgi.

Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

M. Hussein Bourgi.  - Loin de l'objectif qui devrait être de simplifier, et clarifier, cet article fait coexister deux dispositifs en matière d'état civil pour les enfants concernés. Je propose de n'en conserver qu'un seul régime, celui de l'alinéa 11, plus respectueux de la vie privée de personnes intersexes. Ces enfants ne doivent pas être marqués au fer rouge par la multiplication de mentions marginales et rectifications administratives sur leur acte de naissance.

Dans le cadre de mon engagement associatif, j'accompagne depuis vingt ans ces familles. Les parents, démunis, s'en remettent à l'autorité médicale qui oriente le choix du sexe qui sera assigné à l'enfant. Cela se passe souvent bien, mais parfois, il apparaît que le sexe imposé à la naissance ne correspond pas à l'être profond de la personne.

Mme la présidente.  - Amendement n°95, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En cas de doute concernant le sexe de l'enfant au jour de l'établissement de l'acte, le procureur de la République peut autoriser l'officier de l'état civil à ne pas faire figurer immédiatement le sexe sur l'acte de naissance. L'inscription du sexe intervient, après examens médicaux, à la demande des représentants légaux de l'enfant ou du procureur de la République dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois à compter du jour de la déclaration de naissance. Le procureur de la République ordonne de porter la mention du sexe en marge de l'acte de naissance et, à la demande des représentants légaux, de rectifier l'un ou les prénoms de l'enfant. » ;

Mme Laurence Cohen.  - Nous proposons un délai de trois mois avant d'inscrire le sexe de l'enfant à l'état civil, le temps que ses représentants légaux aient pu réaliser des examens médicaux.

L'objectif est d'accompagner le changement des pratiques médicales et de consacrer le principe d'abstention thérapeutique, notamment en déliant la question de l'inscription du sexe à l'état civil de la question de l'assignation médicale du sexe.

Cette superposition a longtemps encouragé les parents des enfants intersexués à consentir à des opérations de conformation sexuée afin que le sexe biologique de l'enfant corresponde à l'assignation juridique et sociale de son sexe.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Les députés ont prévu un délai de trois mois - faculté déjà ouverte par une circulaire - et mentionné la variation du développement génital comme motif recevable pour obtenir la rectification du sexe et du prénom.

Le texte de l'Assemblée nationale offre une souplesse bienvenue pour traiter les cas complexes, qui exigent du temps pour émettre le diagnostic. Une rectification judiciaire sera aisée et les mentions marginales liées au sexe n'apparaîtront pas sur l'acte de naissance : aucun enfant ne sera marqué au fer rouge. Avis défavorable à l'amendement n°33.

Je comprends l'objectif de l'amendement n°95, mais votre crainte me semble infondée, car l'abstention thérapeutique est déjà possible. La détermination médicale du sexe peut résulter d'un faisceau d'indices, mais n'oblige en rien à une opération. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis. Les alinéas 8 et 9 inscrivent dans la loi une possibilité déjà ouverte par voie de circulaire. Le médecin a rarement besoin de plus d'un mois pour déterminer le sexe de l'enfant. Je confirme aussi le Gouvernement modifiera les dispositions réglementaires relatives aux modifications de l'acte de naissance afin de ne pas stigmatiser les personnes intersexes.

L'amendement n°33 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°95.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par M. Bourgi.

Alinéa 11

1° Supprimer les mots :

, s'il est médicalement constaté que son sexe ne correspond pas à celui figurant sur son acte de naissance

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le juge peut prendre en compte des avis médicaux comme preuve au soutien de la demande.

M. Hussein Bourgi.  - Cet article fonde l'appréciation de la requête sur une situation médicale. C'est une approche restrictive, étriquée. D'autres critères doivent être pris en compte par l'autorité judiciaire. De fait, le sexe ne dépend pas seulement de paramètres biologiques mais aussi sociologiques et psychologiques. Les témoignages de l'entourage sont utiles : plus il entend d'avis, plus le juge sera éclairé.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Vous confondez deux procédures : la rectification judiciaire de l'état civil pour les enfants atteints d'une variation du développement génital et la modification de mention du sexe des personnes transgenres, dont le sexe premier ne correspond pas au sexe social. Ces deux procédures répondent à deux publics distincts. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

L'article 21 bis est adopté.

ARTICLE 22

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Chevrollier, de  Nicolaÿ et Hugonet, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne, M. Meurant, Mme Deromedi et MM. Saury, Babary, Laménie, Chaize et Le Rudulier.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Dominique de Legge.  - Cet alinéa permettrait à un homme devenu femme d'utiliser ses gamètes antérieurement conservés après son changement de sexe. Cela interroge au regard de l'intérêt de l'enfant à la recherche de ses origines, qui s'attend à découvrir un père et découvrira une mère...

Mme la présidente.  - Amendement n°122, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 22, deuxième et troisième phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Le délai de dix années consécutives court à compter de la majorité de la personne.

Mme Nadège Havet.  - La commission spéciale a ajouté une spécification concernant le délai pour mettre fin à la conservation des gamètes et tissus germinaux lorsque le don a été réalisé par une personne mineure. Or la loi prévoit qu'une fois atteint l'âge de la majorité, toute personne est en principe consultée chaque année sur le devenir souhaité de ses gamètes ou de ses tissus germinaux. Une meilleure information des mineurs est également prévue. Le délai de dix ans apparait donc suffisant pour tous les donneurs, et allègera la contrainte administrative et logistique pesant sur les centres chargés de cette conservation.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Monsieur de Legge, cette disposition a été introduite par le Sénat en première lecture. Rien ne s'oppose au maintien de la conservation des gamètes en cas de changement de sexe à l'état civil, car celle-ci intervient seulement pour des motifs pathologiques, par pour une AMP. Pour l'accès à l'AMP, l'état civil pourrait être un obstacle à la poursuite des démarches, par exemple s'agissant d'un couple d'hommes. Il n'y a pas de raison d'écarter cette possibilité qui reste, en outre, à l'appréciation des équipes médicales. Avis défavorable.

Madame Havet, nous avons proposé un allongement du délai à vingt ans pour les seuls mineurs afin de leur permettre d'avoir un enfant biologique quand leur fertilité a été altérée par un traitement. Cela ne pose pas de problème logistique pour les centres et cette demande est appuyée par la société savante spécialisée. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°22 rectifié et favorable à l'amendement n°122.

Porter le délai à vingt ans ne nous semble pas apporter de garantie supplémentaire aux personnes concernées, qui sont consultées chaque année sur le devenir souhaité de leurs gamètes et tissus.

M. Bruno Retailleau.  - Le 16 septembre 2020, la Cour de cassation a émis une jurisprudence qui interroge. L'alinéa 7 risque d'être source d'imbroglio. Il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir droit à un état civil qui corresponde à la réalité biologique de la conception.

M. Dominique de Legge.  - Monsieur le rapporteur, votre réponse m'a plutôt inquiété : vous avez employé le conditionnel, et vous n'avez pas répondu à ma question sur l'intérêt de l'enfant. Quid de celui qui cherche à connaître son père, et découvre que celui-ci est une femme ?

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Cette question n'est pas liée au dispositif proposé.

M. Dominique de Legge.  - Elle en découle...

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - La loi sera appliquée en fonction de l'état civil de la personne à l'instant T et de ce que le législateur aura autorisé ou pas.

L'amendement n°22 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°122.

L'article 22 est adopté.

L'article 22 bis demeure supprimé.

ARTICLE 22 TER (Suppression maintenue)

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon et Sido, Mme Thomas, MM. Longuet et Brisson, Mme Noël et MM. Gremillet, Belin, Rapin et Bazin.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 1241-1, les mots : « , en vue d'un don anonyme et gratuit, et » sont supprimés ;

2° L'article L. 1245-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « du sang de cordon et » et les mots : « du cordon et » sont supprimés ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le sang de cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical est prélevé en vue d'une éventuelle utilisation ultérieure, au bénéfice de l'enfant ou d'un tiers, conformément à l'article L. 1245-2-1, la demande préalable de la donneuse est requise dans les conditions fixées à l'article L. 1241-1, après qu'elle a été informée des modalités de sa conservation. » ;

c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La couverture des frais relatifs aux actes liés à la conservation et à l'acheminement du sang du cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical ne peut faire l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie. » ;

3° Après l'article L. 1245-2, il est inséré un article L. 1245-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1245-2-1.  -  Lors d'un accouchement, le sang de cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical peut être prélevé en vue de leur conservation dans des banques garantissant le respect des conditions sanitaires prévues par l'Agence de la biomédecine, à des fins scientifiques ou en vue d'une éventuelle utilisation thérapeutique autologue ou allogénique ultérieure dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Catherine Procaccia.  - Je propose de réintégrer un dispositif voté en première lecture.

En France, une femme qui accouche peut faire don de son sang de cordon ombilical mais n'est pas autorisée à le conserver pour elle-même, pratique pourtant autorisée dans de nombreux pays. Comme la moelle osseuse, cette matière est très riche en cellules-souches, d'où son grand intérêt thérapeutique. Autorisons les femmes à faire conserver leur sang de cordon, à leurs frais, plutôt que de le faire stocker à l'étranger.

M. Bernard Jomier, rapporteur.  - Cet amendement avait été adopté par le Sénat en première lecture malgré l'avis défavorable de la commission spéciale, puis supprimé par l'Assemblée nationale.

L'Agence de biomédecine considère qu'il n'y a aucune preuve de l'efficacité et de la sécurité de l'utilisation autologue du sang de cordon dans le traitement de maladies malignes, contrairement à une greffe allogénique, ce qui rend cette conservation passablement illusoire...

En outre, la conservation de sang du cordon dans des banques pour l'usage d'un tiers reviendrait sur le caractère anonyme et gratuit du don.

Enfin, la constitution de banques privées risquerait de limiter le nombre des greffons des banques publiques allogènes et d'amoindrir la diversité en termes de groupe HLA. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia.  - En France, on peut donner son sang de cordon, mais si on veut le garder pour soi, il faut aller à l'étranger ! La femme n'a pas le choix. Il faudrait un système mixte. Il ne s'agit pas d'un don de même nature que le don de sang.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

L'article 22 ter demeure supprimé.

ARTICLE 23

Mme Victoire Jasmin .  - Je propose au ministre d'intégrer le conseil génétique dans l'organisation des soins. Il faudrait également des financements fléchés pour l'oncogénétique dans le cadre des plans Cancer.

Mme la présidente.  - Amendement n°79, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Laurence Cohen.  - Défendu.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - L'accord du médecin généticien sous la supervision duquel exerce le conseiller en génétique est exigé à chaque étape. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°79 est retiré.

L'amendement n°129 rectifié est retiré.

L'article 23 est adopté, de même que les articles 25 et 26.

ARTICLE 29

Mme la présidente.  - Amendement n°65 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Thomas, MM. Piednoir et Guerriau, Mme Loisier, M. de Legge, Mmes Vermeillet, Herzog et Lassarade, MM. Daubresse, Sautarel, Cuypers, Saury, Chatillon, Détraigne et Paccaud, Mmes Belrhiti et Morin-Desailly et MM. Rapin et Le Rudulier.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou par les expérimentations conduisant à des organismes chimériques comprenant des cellules humaines

M. Marc Laménie.  - Cet amendement inclut la réflexion éthique sur les chimères dans les missions du CCNE.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - L'amendement est satisfait car le CCNE émet déjà des recommandations en la matière. Retrait ou avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°65 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mme Deroche, MM. Piednoir et Milon, Mme Belrhiti, M. Grand, Mmes Berthet et Di Folco, MM. Genet et Gremillet, Mme Chauvin, M. Bonne, Mme Procaccia, MM. Grosperrin, Klinger, Mandelli et Chaize, Mme Gruny, M. Burgoa, Mme Thomas, MM. Paccaud et Savin, Mmes Lassarade et F. Gerbaud, MM. de Legge et Lefèvre, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Cuypers et Charon, Mme Delmont-Koropoulis, M. Mouiller, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Bazin, Mme Deromedi, MM. B. Fournier, Belin, Longuet, Brisson, Chatillon, Favreau, Segouin, Babary et Bouloux, Mme Muller-Bronn et MM. Rapin et Le Rudulier.

I.  -  Alinéa 10

Remplacer le mot :

quarante-cinq

par le mot :

trente-neuf

II.  -  Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

Mme Catherine Deroche.  - En deuxième lecture, les députés ont porté le nombre de membres du CCNE de 40 à 46 afin d'y inclure six représentants du monde associatif. Or celui-ci est déjà représenté au titre des personnalités qualifiées, par exemple avec la présidente d'ADT-Quart Monde.

Les associations de patients, d'usagers du système de santé, de personnes en situation de handicap et les associations familiales sont régulièrement consultées par le CCNE.

Nous maintenons donc le nombre de membres à 40.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - Avis favorable. La consultation des différents secteurs associatifs par le CCNE a vocation à se renforcer dans le cadre des espaces de réflexion éthique régionaux et interrégionaux.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Avis favorable. (On s'en réjouit sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.

L'article 29, modifié, est adopté.

ARTICLE 30

Mme la présidente.  - Amendement n°53 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Lagourgue, Mmes Mélot et Guillotin, M. Houpert et Mme N. Delattre.

Alinéa 3

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante : 

a) Le 4° est complété par les mots : « elle organise et anime chaque année une journée de réflexion sur l'assistance médicale à la procréation et sur le don de gamètes ; »

M. Daniel Chasseing.  - Cet amendement instaure une journée annuelle de réflexion, organisée par l'Agence de la biomédecine, consacrée à l'AMP et à la reconnaissance des donneurs de gamètes afin d'encourager les dons.

Mme Corinne Imbert, rapporteure.  - L'Agence de la biomédecine procède déjà au suivi des connaissances et des bonnes pratiques en matière d'AMP, et en évalue les conséquences potentielles sur la santé. Le code de la santé publique lui confie aussi une mission de promotion du don de gamètes. Retrait ou avis défavorable car satisfait.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°53 rectifié est retiré.

L'amendement n°168 est retiré.

L'article 30 est adopté, de même que l'article 31.

ARTICLE 32

Mme la présidente.  - Amendement n°64 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mme Pluchet et MM. Laménie, H. Leroy, Paccaud, Bascher, Piednoir, Le Rudulier, Regnard, E. Blanc, B. Fournier et Saury.

Alinéa 1

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

sept

M. Guillaume Chevrollier.  - Privilégions le septennat au quinquennat pour la révision des lois de bioéthique, dont la portée est anthropologique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°140 rectifié, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.

M. Daniel Salmon.  - La clause de revoyure de cinq ans des lois de bioéthique et sa contemporanéité avec le quinquennat présidentiel nous semblent inopportune. Une telle synchronisation pousserait chaque candidat à intégrer un volet bioéthique dans son programme, au risque de polariser le débat.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable car nous avons un accord entre les deux chambres. De plus, vos amendements ne modifient pas le rythme d'évaluation préalable par l'Opecst, tous les quatre ans.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Sagesse.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques nos64 rectifié ter et 140 rectifié, mis aux voix par assis et debout, sont adoptés.

L'article 32, modifié, est adopté.

L'article 33 est adopté, de même que l'article 34.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Comme l'a indiqué le garde des Sceaux, l'article premier n'ayant pas été rétabli, il convient de voter à nouveau sur l'article 4 qui tire les conséquences de l'article premier en matière de filiation.

Le Gouvernement demande donc une nouvelle délibération sur l'article 4.

Mme la présidente.  - Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Selon notre Règlement, le Sénat s'exprime par un vote sur la demande du Gouvernement.

M. Bernard Jomier.  - Prenons le temps de la discussion !

Mme la présidente.  - Il n'y a pas d'explication de vote sur les secondes délibérations. Y a-t-il un orateur contre la demande du Gouvernement ?

M. Bernard Jomier.  - Nous pensions qu'une seconde délibération serait demandée sur l'article premier, comme s'y était engagé le président de la commission : cela figure au procès-verbal de la séance. Or voilà qu'il n'en est plus question... Le débat que nous avons eu sur l'article 4 a été biaisé ; nous devons en débattre à nouveau.

M. Philippe Bas.  - Je m'exprime contre la demande du Gouvernement de seconde délibération sur l'article 4.

Cet article, tel que voté par le Sénat en toute connaissance de cause après le rejet de l'article premier, exprime avec clarté notre position sur la filiation s'il devait y avoir ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Tenons-nous en à ce choix dans la perspective de la CMP : il n'y a pas de raison d'y revenir. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

À la demande des groupes CRCE, SER et GEST, la demande du Gouvernement de seconde délibération sur l'article 4 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°79 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 129
Contre 214

Le Sénat n'a pas adopté.

Explications de vote

M. Daniel Salmon .  - On nous demande de nous prononcer sur un projet de loi tronqué, avec la disparition de l'article premier qui en était l'élément central et devait être à nouveau soumis au vote. On nous avait annoncé hier une deuxième délibération sur cet article, et ce soir, rien ! C'est dantesque ! La procédure semble fluctuante et notre Règlement mériterait certainement d'être affiné.

Ne pouvant ni voter pour, ni voter contre, le GEST ne pourra que s'abstenir, à grand regret. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Ce texte portait beaucoup d'espoir et méritait un débat serein et constructif. Le voter sans les articles premier et 2 est impensable.

Le groupe RDPI votera dans sa majorité contre ce texte qui est totalement dénaturé.

Mme Laurence Cohen .  - Je suis scandalisée par ce qui se passe au Sénat ! Il y a eu de la malhonnêteté dans l'hémicycle : on nous avait annoncé une seconde délibération sur l'article premier et elle n'aura pas lieu.

Hier, vous avez vidé l'article premier de son contenu en raison de vos désaccords internes que vous n'assumez pas. Une partie de la droite est farouchement contre, tandis que l'autre est plus nuancée et pensait que la gauche la soutiendrait. Assumez donc vos désaccords et ne faites pas supporter aux autres vos divergences !

Le groupe CRCE est en colère. Que vont dire les gens après ces deux jours de débats ? Ils vont se demander à quoi sert le Sénat ! Nous n'en sortirons pas grandis, ni les uns ni les autres. Nous avons montré toute l'inutilité de nos débats !

Vous nous avez pris en otage. Nous avons été trompés ! C'est un scandale ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Bernard Jomier .  - C'est un naufrage et cela m'attriste.

Lors de la discussion générale, je disais mes craintes d'une radicalisation des positions, mais nous n'imaginions pas pareil résultat. Hier, c'était le chaos dans l'hémicycle et ce soir, c'est le naufrage. Vous avez vidé ce texte de son contenu. Vous nous avez laissé croire qu'il y aurait une seconde délibération sur l'article premier et elle n'aura pas lieu.

La majorité sénatoriale n'a pas été capable de nous présenter un nouvel article premier en raison de ses divergences internes. Voilà la raison de l'absence de deuxième délibération ! On ne peut accepter d'être ainsi menés en bateau et de discuter de l'article 4 alors que l'article premier n'existe plus.

Dans votre texte, la PMA n'est pas ouverte à toutes les femmes, la recherche française n'est pas confortée. C'est un gâchis : vous adopterez ce texte sans nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Henno .  - M. Jomier avait considéré que cette loi portait un pêché originel, avec sa partie bioéthique et sa partie sociétale... Pêché mortel ou pêché véniel ?

Pour ma part, j'étais favorable à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules mais opposé à la PMA post mortem.

Les conditions du débat ont été particulières mais ce n'est pas parce qu'on a perdu une partie de la loi qu'il faut la brûler toute entière. J'aurais préféré un texte comprenant l'article premier, mais nos débats sur la bioéthique ont été de grande qualité.

Il serait dommage de ne pas voter la partie bioéthique de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - Quel spectacle avons-nous donné ! Nous avons certes eu des débats intéressants, mais nous avons aussi vécu la suppression de l'article premier et un article 4 incohérent que l'on ne peut revoter.

Je suis triste de l'image que donne le Sénat ce soir.

Chers collègues de droite, que s'est-il passé depuis la première lecture il y a un an ? Nous avions voté la PMA pour toutes les femmes, même si le remboursement n'était pas prévu.

Ce soir, vous n'assumez pas vos divisions, vos déchirements ; vous n'assumez pas que vous ne voulez pas de cette PMA. Mais il ne fallait pas nous mener en bateau en nous faisant miroiter une deuxième délibération ! Je suis scandalisé par le spectacle que vous avez offert ce soir ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE)

M. Bernard Fialaire .  - En arrivant en octobre dans cette assemblée, j'étais heureux et fier de rejoindre la chambre de modération de la vie parlementaire, selon les mots de Clemenceau. J'espérais y trouver de la sérénité.

Ce soir, je suis triste : je n'ai pas reconnu en séance la teneur de nos débats en commission. Quelle frustration de ne pas pouvoir voter ce texte ! Nous ne donnons pas une bonne image de notre assemblée. Nous ne pourrons pas voter ce texte.

Mme Catherine Deroche .  - Hier, jusqu'à l'amendement de M. Chasseing, nous avions eu un débat normal. Nous avions seulement reculé sur l'ouverture de la PMA aux femmes seules ; je ne souhaitais pas une telle restriction, dès lors la PMA pour les couples de femmes était acceptée.

Cela étant, après le renouvellement sénatorial, les positions peuvent évoluer et il n'est pas obligatoire de voter en deuxième lecture ce qui l'a été en première lecture. Sinon à quoi bon avoir une deuxième lecture ?

Mais que s'est-il passé ? Juste avant le dîner, le président de séance nous a fait voter à la va-vite : nous avions eu un scrutin public et pensions que la séance allait être suspendue juste après.

Mais le président a mis aux voix un amendement de Mme Benbassa puis celui de M. Chasseing, qui a été adopté alors que la moitié de nos collègues étaient sortis de l'hémicycle ! Je pensais que nous revoterions mais ce ne fut pas le cas.

La nouvelle délibération n'aurait cependant rien changé au vote acquis sur les femmes seules. Nous n'allions pas voter selon vos souhaits. (Exclamations et interruptions à gauche) Seul l'amendement de M. Chasseing n'aurait pas été repris, mais le reste si !

Je ne comprends pas cette hystérie : si vous souhaitiez le maintien de la PMA pour les couples de femmes, il ne fallait pas vous abstenir sur l'article premier. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées tandis que l'on applaudit sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - Le débat a été riche durant ces deux jours, mais je regrette la suppression des articles premier et 2, piliers du texte, qui perd un peu de sa portée. Certes, il reste le volet bioéthique.

Je regrette que le Sénat refuse d'ouvrir la PMA aux femmes seules qui déjà peuvent adopter. Notre société évolue et nous devons accompagner ces changements.

Mon amendement ne portait que sur la possibilité de transférer un embryon quand la démarche de PMA était déjà enclenchée et l'embryon formé. Cela concerne un très petit nombre de cas, cela existe en Espagne et au Royaume-Uni ; le CCNE y est favorable.

J'étais également favorable à l'autoconservation des gamètes pour lutter contre l'infertilité liée à l'âge. Les femmes sont libres de leur corps, et ne se laissent pas impressionner : lorsqu'elles veulent une grossesse, elles la font, ce n'est pas une décision du patron. Je m'abstiendrai.

Mme Véronique Guillotin .  - Après notre vote sur les quatre semaines du congé de paternité, j'avais cru à un Sénat à l'écoute de la société. Ce fut le cas jusqu'à l'amendement sur la PMA post mortem.

Je n'ai pas la même lecture que vous : il y a eu un effet de surprise, lié à la démobilisation de la droite du Sénat, après le scrutin public négatif sur mon amendement, qui l'a conduit à perdre le vote à main levée suivant.

M. Olivier Paccaud.  - C'était une erreur de comptage !

Mme Véronique Guillotin.  - Lors d'un match, il ne faut pas se démobiliser avant le coup de sifflet final, sinon on peut perdre.

M. Olivier Paccaud.  - Ce n'est pas vrai !

Mme Véronique Guillotin.  - Dès lors, le débat est parti à vau-l'eau. Nous aurions dû revoter l'article premier.

Nous étions favorables à la PMA pour toutes les femmes, remboursée, au don de gamètes, à la filiation... Le texte est tronqué et n'a plus guère de sens. Nous aurions aussi souhaité aller plus loin en matière de recherche.

Nous voterons contre, sans animosité.

M. Pierre Ouzoulias.  - J'exprime toute ma solidarité au sénateur Chasseing. Il est injuste que ce tohu-bohu législatif vous soit imputé, alors que vous êtes parfaitement étranger à ce qui s'est passé. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes CRCE, SER et RDSE)

La droite sénatoriale a abordé ce texte comme une loi sur la PMA. Assumez-le et votez donc contre ! Les Français doivent comprendre. Là, certains sénateurs qui sont contre pour la loi vont voter contre, d'autres qui sont contre vont voter pour. Allez comprendre...

C'est un moment de vérité : chacun doit dire en conscience s'il est pour ou contre la PMA.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Je ne prendrai pas part au vote. Le naufrage dont parle M. Jomier est celui du Sénat qui s'est sabordé en ne respectant pas la parole donnée. Cela a biaisé les débats.

Ayant une sensibilité différente, je remercie mon groupe de m'avoir permis de me singulariser.

Notre procédure parlementaire est dénaturée et le rôle du Sénat pourrait être remis en cause. Je ne participerai pas à cette mascarade.

Mme Michelle Meunier .  - En sus de la colère, de l'exaspération, de la déception et de l'incompréhension exprimées par mes collègues, je ressens une certaine amertume. Habituellement, au Sénat, même lors de débats difficiles, nous arrivons toujours à trouver les bons mots et la bonne attitude.

Quand Bruno Retailleau a parlé de texte et de contexte, cela aurait dû nous alerter. Le contexte de 2021 n'est pas celui de 2020... Il s'agit souvent plus de postures d'autorité que de convictions, alors que les votes auraient pu être plus nuancés.

Je ne voterai pas ce texte.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale .  - Je comprends les frustrations des uns et des autres. Étant favorable à la PMA pour toutes, à la PMA post mortem et à la GPA, je suis peut-être le plus frustré.

Nos débats ont néanmoins été intéressants. Comme je l'ai dit aux débuts de nos travaux, il aurait fallu extraire la PMA de ce texte : c'est un sujet social et non de bioéthique.

Sur les sujets bioéthiques, hors PMA, le projet de loi n'est pas si mauvais, grâce à l'adoption des amendements des rapporteurs ; il est proche de celui voté en première lecture.

Vous avez le droit d'être insatisfaits, à droite parce qu'il y en a trop, à gauche parce qu'il n'y en a pas assez.

M. Julien Bargeton.  - Il n'y en a plus !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, le projet de loi, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État .  - Peut-être est-ce parc ce que j'apprécie de plus en plus votre compagnie, mais je vous trouve durs avec vous-mêmes, notamment Mme Cohen.

Je tiens à saluer la qualité des débats. (On ironise à gauche ; M. Hussein Bourgi fait mine de jouer du violon.) Je pense notamment aux débats sur les personnes intersexes. Je salue aussi la sérénité des débats. (On s'amuse à gauche.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Vous avez un élément de comparaison avec l'Assemblée nationale !

M. Hussein Bourgi.  - C'est le syndrome de Stockholm...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - J'en sors grandi, même si je regrette que le Sénat ait reculé sur un certain nombre de points comme la PMA pour les femmes seules, le remboursement par l'assurance-maladie, l'autoconservation des gamètes et le double régime pour les enfants dans l'accès à leurs origines, à l'article 3, comme si certains n'étaient pas sujets de droits mais des objets laissés à la décision de leurs donneurs.

Je salue à nouveau la qualité des débats, même si j'en regrette l'issue.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 4 février 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à 1 h 30.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication