I- HISTORIQUE

Ouverte à la signature le 15 octobre 1985, entrée en vigueur le 5 septembre 1988, la Charte européenne de l'autonomie locale est toujours, en France, dans son processus de ratification définitive après l'adoption de la loi n° 2006-823, du 10 juillet 2006 autorisant l'approbation du traité. Ce long délai constitue en lui-même un paradoxe car c'est en France, à Versailles, que fut adoptée le 18 octobre 1953 , dans le cadre des « Etats généraux des communes d'Europe », la « Charte européenne des libertés communales » qui préfigurait la Charte européenne de l'autonomie locale.

De son côté, le Conseil de l'Europe, créé à Londres le 5 mai 1949, plaidait pour une expression des municipalités d'Europe en son sein (1 ( * )) . Ainsi naquit, en 1957, la Conférence des pouvoirs locaux (qui deviendra, en 1974, la Conférence permanente d es pouvoirs locaux et régionaux , puis, en 1994, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe composé de deux formations : la chambre des pouvoirs locaux et la chambre régionale) , organe consultatif du Conseil de l'Europe mais aussi assemblée politique composée de représentants (actuellement 315 membres titulaires et 315 suppléants) disposant d'un mandat électif au sein d'une collectivité locale ou régionale ou d'un mandat de responsable direct devant un organe local ou régional élu dans chacun des Etats membres (2 ( * )) .

Dès la première session de la Conférence, que présidait Jacques Chaban-Delmas, l'élan était donné . L'avis n° 6, en date du 14 janvier 1957 , sur « la défense et le développement de l'autonomie locale » prônait déjà des libertés communales et régionales « définies par la Constitution » et « garanties par un droit de recours devant une juridiction indépendante » !

Trois ans plus tard, le 29 avril 1960, la Commission juridique de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe fut chargée d'envisager une nouvelle convention (ou un protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales -dite convention européenne des droits de l'homme- ouverte à la signature le 4 novembre 1950) destinée à assurer la défense et le développement de l'autonomie locale.

Mais le Comité des ministres restait réticent. La Conférence recommande alors, en 1961, la création d'un « instrument juridique spécial et indépendant ».

Le Comité des ministres restait hésitant.

L'adoption d'une déclaration de principe, en 1968 (confirmée par une recommandation de l'Assemblée consultative), puis le vote d'une nouvelle résolution (1981) par la Conférence, seront nécessaires pour « débloquer » progressivement la situation.

Le Comité des ministres adopte finalement un document définitif au mois de juin 1985.

La consécration des principes d'autonomie locale dans la « grande Europe » à travers une convention internationale qui reste, d'ailleurs, la première du genre, fut donc une oeuvre difficile et de longue haleine.

A titre de comparaison, la convention européenne des droits de l'homme date de 1950, la Charte sociale européenne -qui garantit les droits économiques et sociaux- de 1961.

La mobilisation permanente des associations locales et des militants européens de la cause de l'autonomie locale et de la décentralisation aura eu raison des résistances « institutionnelles ».

Le Conseil de l'Europe, ne l'oublions pas, est une organisation intergouvernementale « pilotée » par son Comité des ministres et dont l'Assemblée parlementaire fut longtemps qualifiée de « consultative ».

En fait, la persévérance de la Conférence des pouvoirs locaux et régionaux (le futur Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ) assemblée politique et lieu de dialogue et d'échanges, fut, à terme, décisive.

Les réserves du Conseil d'Etat, qui se situent, pour l'essentiel, sur le terrain de l'opportunité, retarderont, en France, le lancement du processus de ratification.

Pourtant, la plupart des observateurs considéraient que le grand élan décentralisateur de 1982-1983 avait déjà mis notre pays « en phase » avec l'esprit et la lettre de celle-ci. L'Acte II de la décentralisation (2003-2004) provoquera, heureusement, le redémarrage du processus de ratification.

Au niveau du Conseil de l'Europe, l'approfondissement de la décentralisation est toujours à l'ordre du jour. Une « Charte européenne pour l'autonomie régionale » est actuellement en cours d'instruction au sein des instances compétentes.

* (1) Assemblée parlementaire consultative - résolution 37 du 11 mai 1953.

* (2) Plus de 200.000 collectivités européennes sont représentées. Les membres du Congrès sont choisis par les gouvernants. Ils se regroupent par délégation nationale et par groupe politique.

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