Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (Journal officiel du 23 avril 2005 et rectificatif au Journal officiel du 20 mai 2005 ).

Ayant pour origine une proposition de loi déposée à l' Assemblée nationale par M. Jean Léonetti adoptée en première lecture le 30 novembre 2004, fruit du travail d'une commission spéciale, le dispositif proposé à la discussion au Sénat touche à un sujet très sensible donnant régulièrement lieu à débat dans l'opinion, la fin de la vie.

Le dispositif résultant des travaux de l'Assemblée nationale apporte plusieurs modifications aux droits des malades et affirme, pour la première fois, l'interdiction de l'obstination déraisonnable. Si le malade est conscient, il pourra demander la limitation ou l'interruption de tout traitement. S'il est hors d'état d'exprimer sa volonté, les traitements pourront être limités ou interrompus après consultation des indications qu'il aurait laissées antérieurement, de la personne de confiance qu'il aurait désignée et des personnes de son entourage, la décision étant collégiale. La procédure s'attache à assurer l'information la plus complète du malade, en particulier lorsqu'il y a prescription de médicaments « à double effet » tels que la morphine.

La proposition de loi recentre par ailleurs la responsabilité du médecin sur le choix du traitement approprié, la décision de l'interrompre dans le respect des procédures légales et l'accompagnement du patient en fin de vie avec des soins palliatifs. Elle tend en outre à renforcer le développement de cette offre de soins dans les services susceptibles d'accueillir des patients en fin de vie.

Première lecture.

Au cours de la discussion générale au Sénat , M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, après avoir souligné que le texte de l'Assemblée nationale avait été adopté à l'unanimité et parvenait à dégager des principes et des procédures garantissant le droit de mourir dans la dignité en refusant l'obstination déraisonnable qu'autorise aujourd'hui le progrès médical.

Après avoir rappelé que deux Français sur trois mouraient désormais à l'hôpital, il a indiqué que la proposition de loi tentait de gommer une dysharmonie entre, d'une part, l'interdiction faite aux médecins de pratiquer l'obstination déraisonnable résultant du code de déontologie, de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et de celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et, d'autre part, le fait de décider d'arrêter un traitement constitutif pour un médecin de non-assistance à personne en danger.

Il a estimé que dépénaliser l'interdit de tuer serait une erreur, l'appréciation des situations extrêmes relevant de la compétence de la justice, et qu'une loi sur l'euthanasie irait au-delà de la volonté des Français.

Il a souligné que la proposition de loi devait permettre de laisser mourir et pas de donner la mort, l'intention étant de restituer à la mort son caractère naturel et de soulager les malades. Il a indiqué que, selon cette philosophie, le dispositif autorisait le médecin à augmenter les doses de médicaments antalgiques, même si cela devait entraîner la mort, permettait au patient parvenu au terme de sa vie de refuser l'administration d'un traitement et organisait une procédure conférant à un collège de médecins, après consultation des proches, de laisser partir le malade inconscient artificiellement maintenu en vie. Il a observé que le texte n'instaurait pas de procédure automatique mais, au contraire, organisait le temps du dialogue entre le patient, ses médecins et ses proches, l'objectif étant de rendre la vie supportable dans ses derniers moments.

Après avoir souligné la spécificité du sujet, touchant au mystère de la vie et de la mort, M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales, a estimé que l'origine parlementaire de l'initiative de légiférer constituait un symbole fort et a indiqué que la commission avait organisé une trentaine d'auditions.

Le rapporteur a rappelé que les sociétés modernes, à la faveur de l'allongement de la vie et des progrès de la médecine, admettaient de plus en plus difficilement la mort, celle-ci étant de plus en plus solitaire, à l'hôpital.

Saluant la qualité des travaux de l'Assemblée nationale, il a estimé que la solution proposée était équilibrée et raisonnable, et qu'il était pertinent d'écarter le terme d' « euthanasie », qui semait la confusion dans les esprits, désignant pour certains le crime commis par compassion, pour d'autres le suicide assisté, pour d'autres encore l'abstention médicale ou l'interruption des traitements. Il a rappelé que l'interdit de tuer constituait le fondement de notre société.

Puis le rapporteur a exposé l'économie de la proposition de loi, insistant sur l'importance qu'il convenait d'accorder au volet relatif aux soins palliatifs. Il a en particulier approuvé le renforcement du rôle de la personne de confiance, a salué l'innovation instituant les directives anticipées, par lesquelles une personne pourra faire connaître à l'avance ses consignes pour la fin de sa vie, et a estimé que l'alimentation artificielle devait être considérée comme un traitement, et donc susceptible d'être interrompue.

Qualifiant la solution soumise au débat de « la plus raisonnable et la plus équilibrée », il a indiqué que la commission proposerait un vote conforme.

Puis M. Nicolas About, président de la commission des Affaires sociales, après avoir rappelé que plus des trois quarts des Français achevaient leur existence en milieu médicalisé et que plus du quart des décès en Europe survenaient à la suite d'une décision prise par un médecin, a jugé nécessaire de repenser la place qui devait être réservée à la famille et aux soins palliatifs en fin de vie.

Soulignant que la proposition de loi avait recueilli l'unanimité à l'Assemblée nationale, M. About a estimé que, si le dispositif ne bouleversait pas les pratiques en vigueur, il contribuerait à mieux éclairer le rôle de chacun et à border les procédures.

Il a affirmé que le droit à tenter de rester en vie le plus longtemps possible ne saurait être transgressé, même lorsque le demandeur est une personne très âgée, et a observé que le refus de l'obstination déraisonnable se heurtait à des questions délicates telles que l'appréciation de la capacité réelle d'une personne malade à donner un consentement libre et éclairé ou la place qu'il convenait d'accorder à la famille ou à la personne de confiance.

Il a souligné la nécessité prioritaire de développer les soins palliatifs, dispensés par une équipe pluridisciplinaire, et de mieux former les acteurs tant bénévoles que professionnels.

Dans la suite de la discussion générale se sont alors exprimés quinze autres sénateurs : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Alain Millon, Mme Anne-Marie Payet, MM. François Autain, Gilbert Barbier, Jean-Pierre Godefroy, André Lardeux, Guy Fischer, Bernard Seillier, Michel Dfreyfus-Schmidt, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Alima Boumediene-Thiery, Bernadette Dupont, M. Jean-Pierre Michel et Mme Catherine Vautrin.

Au cours de la discussion des articles sont également intervenus MM. Gérard Delfau et Serge Lagauche, Mme Michèle San Vincente, MM. Michel Mercier, Roland Muzeau, Francis Giraud, Gérard Delfau, Mmes Muguette Dini, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Roger Madec, Mme Annie David et M. Josselin de Rohan.

L'examen par priorité de l' article 1 er , portant définition et interdiction de l'obstination déraisonnable, a été demandé par la commission des Affaires sociales, recevant l'accord du Gouvernement, et a suscité une série de protestations sous la forme de rappels au règlement, émanant successivement de MM. Dreyfus-Schmidt, Fischer, Godefroy et Autain. Cet article a donné lieu à un large débat sur le fondement de l'examen de plus d'une dizaine d'amendements et de sous-amendements dont tous ont en définitive été rejetés ou retirés à l'exception d'un seul, présenté par Mme Payet, MM. Mericer, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer, A. Giraud et Merceron, malgré les avis défavorables de la commission et du Gouvernement. L'amendement adopté avait pour objet d'inscrire dans la loi le principe de proportionnalité des soins au but recherché pour apprécier leur suspension éventuelle.

Puis le Sénat a rejeté une série d'amendements présentés par MM. Dreyfus-Schmidt, Godefroy et Michel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Madec, Mmes Printz, San Vincente, Schillinger, Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, ayant pour objet de légaliser l'euthanasie et d'en organiser la procédure. Il a en particulier rejeté par le scrutin public n° 168 demandé par le groupe CRC un amendement présenté par les auteurs précités ayant pour objet d'autoriser le suicide assisté en introduisant dans le code de la santé publique une disposition consacrant le droit d'obtenir une aide active à mourir lorsque la personne concernée estime que l'altération de sa dignité et de la qualité de sa vie, résultant d'une affection ou d'un handicap grave et incurable, la place dans une situation telle qu'elle ne désire plus poursuivre son existence. Le Sénat a ensuite rejeté par le scrutin public n° 169 demandé par le groupe socialiste un amendement présenté par MM. Godefroy, Michel et Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Madec, Mmes Printz, San Vincente, Schillinger, Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste permettant à une personne malade subissant une souffrance physique ou psychique constante insupportable, non maîtrisable, consécutive à un accident, à une affection pathologique ou une maladie dégénérative, grave et incurable, d'obtenir une assistance médicalisée pour mourir.

Intervenant successivement pour des rappels au règlement, MM. Godefroy et Fischer ont annoncé qu'en signe de protestation contre l'annonce d'un vote conforme sur le texte et l'absence totale de considération pour les réflexions approfondies menées par les Sénateurs les groupes socialiste et CRC quitteraient l'hémicycle. A l'occasion d'un autre rappel au règlement, M. Gérard Delfau a indiqué qu'à titre personnel il ne prendrait pas part au vote.

Le Sénat a ensuite adopté sans modification tous les autres articles de la proposition de loi : l' article 2 relatif aux traitements antalgiques administrés au malade en fin de vie, l' article 3 instituant un droit pour le malade d'interrompre ou de refuser un traitement, l' article 4 organisant la procédure de refus de traitement applicable à la personne consciente qui n'est pas en fin de vie, les articles 5 et 6 mettant en place la procédure de limitation ou d'arrêt de traitement applicable à la personne inconsciente qui n'est pas en fin de vie, d'une part, et à la personne consciente en fin de vie, d'autre part, l' article 7 instaurant les directives anticipées, l' article 8 relatif à la personne de confiance, l' article 9 sur la procédure de limitation ou d'arrêt de traitement applicable à la personne inconsciente en fin de vie, l' article 10 relatif à l'expression de la volonté des malades en fin de vie, l' article 11 concernant les contrats pluriannuels conclus entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les établissements de santé, l' article 12 relatif au contenu du projet médical, l' article 13 sur le contenu du projet d'établissement ou de service pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux, l' article 14 traitant du contenu des conventions tripartites pour les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes et l' article 14 bis prévoyant qu'une annexe au projet de loi de finances de l'année présente tous les deux ans la politique suivie en matière de soins palliatifs et d'accompagnement à domicile dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux.

Le Sénat a enfin confirmé la suppression de l' article 15 , le Gouvernement ayant accepté de lever le gage lors de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale.

Au cours d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement sur le fondement de l'article 43, alinéa 4, du Règlement, acceptée par la commission, le Sénat a adopté une nouvelle rédaction de l' article 1 er , proposée par le Gouvernement et approuvée par la commission, précisant la définition de l'obstination déraisonnable et reprenant le libellé qui avait été précédemment retenu par l'Assemblée nationale.

Puis, par le scrutin public n° 170 demandé par le groupe UMP , le Sénat a adopté définitivement l'ensemble de la proposition de loi .

Travaux préparatoires

Assemblée nationale :

Première lecture (26 et 30 novembre 2004) : n°s 1882, 1929 et adoption 358 (12 ème législ.).

Sénat :

Première lecture (12 avril 2005) : n°s 90, 281 et adoption 96 (2004-2005).

Nombre d'amendements déposés 88

Nombre d'amendements adoptés 2

(Scrutins n°s 168 à 170)

Rapporteur au Sénat : M. Gérard Dériot, commission des affaires sociales.

Table de concordance

Numérotation articles en cours de navette

Numérotation articles texte définitif

1 er à 14

Idem

14 bis

15

15

supprimé

Analyse politique du scrutin n° 168

Séance du mardi 12 avril 2005

sur l'amendement n° 30, présenté par MM. François Autain, Guy Fischer, Roland Muzeau et plusieurs de leurs collègues, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 3 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits des malades et à la fin de vie (droit à obtenir une aide active à mourir).

Nombre de votants .........................................................

295

Suffrages exprimés .........................................................

294

Pour ......................................................

119

175

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 23 ) :

Pour .....................................................................................

22

Abstention .......................................................................

1

Mme Evelyne Didier

GROUPE UNION CENTRISTE-UDF ( 33 ) :

N'ont pas pris part au vote .......................................

33

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 15 ) :

Contre ................................................................................

15

GROUPE SOCIALISTE ( 97 ) :

Pour .....................................................................................

97

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 155 ) :

Contre ................................................................................

153

N'ont pas pris part au vote .......................................

2

M. Christian Poncelet - président du Sénat

et M. Philippe Richert - qui présidait la séance

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 7 ) :

Contre ................................................................................

7

Analyse politique du scrutin n° 169

Séance du mardi 12 avril 2005

sur l'amendement n° 71, présenté par MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Michel, Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 10 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits des malades et à la fin de vie (aide médicalisée pour mourir).

Nombre de votants .........................................................

295

Suffrages exprimés .........................................................

294

Pour ......................................................

126

168

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 23 ) :

Pour .....................................................................................

22

Abstention .......................................................................

1

Mme Evelyne Didier

GROUPE UNION CENTRISTE-UDF ( 33 ) :

N'ont pas pris part au vote .......................................

33

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 15 ) :

Pour .....................................................................................

7

MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,

Gérard Delfau, François Fortassin, Daniel Marsin

Contre ................................................................................

8

GROUPE SOCIALISTE ( 97 ) :

Pour .....................................................................................

97

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 155 ) :

Contre ................................................................................

153

N'ont pas pris part au vote .......................................

2

M. Christian Poncelet - président du Sénat

et M. Philippe Richert - qui présidait la séance

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 7 ) :

Contre ................................................................................

7

Analyse politique du scrutin n° 170

Séance du mardi 12 avril 2005

sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Nombre de votants .........................................................

168

Suffrages exprimés .........................................................

160

Pour ......................................................

160

0

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 23 ) :

N'ont pas pris part au vote .......................................

23

GROUPE UNION CENTRISTE-UDF ( 33 ) :

N'ont pas pris part au vote .......................................

33

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 15 ) :

Pour .....................................................................................

6

MM. Pierre Laffitte, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly,

Georges Othily, Jacques Pelletier, Michel Thiollière

Abstention .......................................................................

2

MM. Gilbert Barbier, Bernard Seillier

N'ont pas pris part au vote .......................................

7

GROUPE SOCIALISTE ( 97 ) :

N'ont pas pris part au vote .......................................

97

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 155 ) :

Pour .....................................................................................

148

Abstention .......................................................................

5

Mmes Bernadette Dupont, Marie-Thérèse Hermange, MM. André Lardeux

Louis Souvet, Alain Vasselle

N'ont pas pris part au vote .......................................

2

M. Philippe Richert

Et M. Christian Poncelet - président du Sénat

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 7 ) :

Pour .....................................................................................

Abstention ............................................................................ 1

M. Bruno Retailleau

6