Projet de loi Respect des principes de la République

commission des lois

N°COM-103

9 mars 2021

(1ère lecture)

(n° 369 , 448, 450)


AMENDEMENT

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

présenté par

Mme Valérie BOYER


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 BIS (NOUVEAU)

Après l'article 2 bis (nouveau)

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 100-2 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 100-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 100-2-1. – Dans les documents administratifs, l’usage de l’écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine, est interdit. [Le présent article est applicable aux documents produits par les administrations mentionnées au 1° de l’article L. 100-3 et par les organismes et personnes chargés d’une mission de service public industriel et commercial]. »

Objet

Dans le cadre d’un sondage mené par l’Ifop, pour L’Express le 2 mars, auprès d’un échantillon de 1 011 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, 63% des Français ont déclaré désapprouver l’écriture inclusive. 42% des personnes interrogées n’en ont d'ailleurs jamais entendu parler et seuls 38 % affirment savoir de quoi il s’agit. Pour rappel, l'écriture inclusive est définie par le Haut conseil à l’égalité comme un « ensemble d'attention graphiques et syntaxiques permettant d'assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes ».

Sur les réseaux, des membres du gouvernement emploient le point médian, et s’inscrivent en faux contre les consignes, pour une « inclusivité » à peu de frais.

À Sciences Po Paris, des étudiants ont bien été poussés à utiliser l’écriture inclusive au cours d’un partiel. Et ce, lors des deux dernières années universitaires. Certains journalistes, notamment du Figaro, ont pu se procurer une copie de cet examen qui concerne un cours de sociologie réservé aux élèves de deuxième année de bachelor ayant choisi la majeure économie et société. Mis en ligne sur le Moodle (plateforme d’apprentissage en ligne, ndlr) de Sciences Po Paris, le document précise dans ses consignes que l’écriture inclusive «est encouragée» mais que «son non-usage ne sera pas pénalisé, les étudiant.e.s étrangers.ères pouvant avoir davantage de difficultés à la mettre en œuvre». «Toutefois, un demi-point ‘‘bonus’’ sera attribué à celles et ceux qui tenteront de l’utiliser», indique le document. La suite de l’énoncé explique aux étudiants l’utilisation du point médian, l’une des pratiques les plus répandues de cette graphie.

L’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice, dite ordonnance de Villers-Cotterêts, fait du français la langue officielle du droit et de l’administration. De même, la Constitution précise dans son article 2 : « La langue de la République est le français ». Dès lors, l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public. Ce principe a été rappelé par l’article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française : « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics […] ».

A la suite de la déclaration de l’Académie française du 26 octobre 2017 s’inquiétant de ce que « la multiplication des marques orthographiques et syntaxiques [que l’écriture inclusive] induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité », la circulaire du Premier ministre du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française a indiqué que « Dans les textes réglementaires, le masculin est une forme neutre qu’il convient d’utiliser pour les termes susceptibles de s’appliquer aussi bien aux femmes qu’aux hommes » et « je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l’écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine. Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l’Etat doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme. »

Cette circulaire a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir de la part du groupe d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles pour violation de la liberté d’expression et de l’égalité entre les sexes, recours rejeté par le Conseil d’Etat le 28 février 2019[1].

Le Conseil a tout d’abord rejeté le moyen tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs en estimant que la circulaire, en se bornant à préciser certaines règles grammaticales et syntaxiques applicables à la rédaction des actes administratifs, en particulier de ceux destinés à être publiés au Journal Officiel de la République française, ne fixait aucune règle qu'il appartiendrait au législateur d'énoncer en vertu de l'article 34 de la Constitution et que le Premier ministre était donc compétent pour édicter cette circulaire, laquelle, contrairement à ce que faisaient valoir les requérantes, n'avait d'autres destinataires que les membres du Gouvernement et les services placés sous leur autorité[2].

Sur le fond, le Conseil d’Etat a indiqué qu’« en prescrivant d'utiliser le masculin comme forme neutre pour les termes susceptibles, au sein des textes réglementaires, de s'appliquer aussi bien aux femmes qu'aux hommes et de ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive, la circulaire attaquée s'est bornée à donner instruction aux administrations de respecter, dans la rédaction des actes administratifs, les règles grammaticales et syntaxiques en vigueur. Eu égard à sa portée, elle ne saurait en tout état de cause être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes », pas plus qu’à porter préjudice aux personnes que les requérantes qualifient " de genre non binaire " ou, en tout état de cause, au droit au respect de leur vie privée ».

Cet amendement prévoit donc que dans les documents administratifs, l’usage de l’écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine, est interdit.

Le présent article est applicable aux documents produits par les administrations mentionnées au 1° de l’article L. 100-3 et par les organismes et personnes chargés d’une mission de service public industriel et commercial.


[1] Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28/02/2019, 417128

[2] Le Conseil d’Etat avait déjà indiqué dans son arrêt du 26 décembre 2012  « Libérez les Mademoiselles ! » n° 358226 que le Premier ministre pouvait adresser des instructions aux membres du Gouvernement et aux services placés sous leur autorité quant à l’usage de tel mot, expression ou tournure de la langue française par les administrations dans l’exercice de leur action  : « considérant que cette circulaire n'a nullement pour objet ou pour effet d'imposer à des personnes privées l'obligation d'user de certains mots ou expressions, mais se borne à donner instruction aux administrations de renoncer, dans les formulaires administratifs et correspondances émanant de l'administration, à l'emploi du terme « Mademoiselle » ; que, ce faisant, la circulaire n'a fixé aucune règle qu'il reviendrait au législateur de fixer en vertu de l'article 34 de la Constitution ».