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Eurojust et l'idée d'un parquet européen


L'idée ancienne d'un parquet européen a été réactivée récemment à la fois avec la proposition de la Commission européenne, lors de la dernière Conférence intergouvernementale de Nice de décembre 2000, de créer un procureur européen indépendant chargé de la protection des intérêts financiers de la Communauté et avec la création, par les États membres, d'un office dénommé « Eurojust » sur le modèle d'Europol. Cette idée a été reprise dans le traité constitutionnel qui rend possible la création d'un parquet européen à partir d'Eurojust par une décision prise à l'unanimité.

Dès 1977, le président Valéry Giscard d'Estaing avait proposé, au cours d'une réunion du Conseil européen à Bruxelles, la création d'un espace judiciaire européen, sans que cette idée recueille l'assentiment de l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement des pays de la Communauté européenne. En 1982, une nouvelle proposition française prévoyant notamment la création d'une « Cour pénale européenne » s'était, elle aussi, heurtée aux réticences de certains États.

Dans ces conditions, il a fallu attendre la signature du traité de Maastricht, en 1992, pour que soient définies les bases d'une coopération judiciaire en matière pénale dans le cadre du troisième pilier de l'Union européenne. Le traité d'Amsterdam, signé en 1997, est venu compléter et assouplir les règles posées par celui de Maastricht.

En 1999, le Conseil européen, réuni à Tampere en Finlande, a, pour la première fois, consacré l'essentiel de ses travaux à l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Il a en particulier décidé la création d'une unité appelée Eurojust.

Selon les termes des conclusions adoptées par les chefs d'État et de gouvernement (point 46) : « Afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée, le Conseil européen a décidé la création d'une unité (Eurojust) composée de procureurs, magistrats ou d'officiers de police ayant des compétences équivalentes détachés, par chaque État membre conformément à son système juridique. Eurojust aura pour mission de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son concours dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité organisée, notamment sur la base de l'analyse effectuée par Europol ; cette unité devra aussi coopérer étroitement avec le Réseau judiciaire européen, afin, notamment, de simplifier l'exécution des commissions rogatoires. Le Conseil européen demande au Conseil d'adopter l'instrument juridique nécessaire avant la fin de l'année 2001 ».

Pour sa part, la Commission européenne a proposé, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale qui a conduit à la signature du traité de Nice, la création d'un procureur européen compétent en matière de protection pénale des intérêts financiers communautaires. Ce projet avait fait l'objet d'une étude d'un groupe d'experts dirigés par le professeur Mme Mireille Delmas Marty (« Le Corpus Juris »).

Les chefs d'État et de gouvernement n'ont pas donné suite à cette proposition qui n'a donc pas été intégrée dans le traité de Nice. En revanche, ils ont décidé de faire référence à Eurojust dans le traité sur l'Union européenne.

Extrait de l'article 31 du traité sur l'Union européenne
modifié par le traité de Nice

1. L'action en commun dans le domaine de la coopération judicaire en matière pénale vise entre autres à :
a) faciliter et accélérer la coopération entre les ministères et les autorités judiciaires ou équivalentes compétentes des États membres, y compris lorsque cela s'avère approprié, par l'intermédiaire d'Eurojust, pour ce qui est de la procédure et de l'exécution des décisions ;
(...)
2. Le Conseil encourage la coopération par l'intermédiaire d'Eurojust en :
a) permettant à Eurojust de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales des États membres chargées des poursuites ;
b)  favorisant le concours d'Eurojust dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité transfrontalière grave, en particulier lorsqu'elle est organisée, en tenant compte notamment des analyses effectuées par Europol ;
c) facilitant une coopération étroite d'Eurojust avec le Réseau judiciaire européen afin, notamment, de faciliter l'exécution des commissions rogatoires et la mise en oeuvre des requêtes extraditionnelles.

 

Deux propositions de décision relatives à la création d'Eurojust ont été présentées au cours de l'année 2000. L'une a été déposée par l'Allemagne, l'autre a été élaborée conjointement par quatre États appelés à assurer successivement la présidence de l'Union européenne en 2000 et 2001 (le Portugal, la France, la Suède et la Belgique).

Le Sénat, saisi en application de l'article 88-4 de la Constitution de ces deux propositions de décision relatives à la création d'Eurojust, a adopté à l'unanimité, le groupe communiste s'abstenant, une résolution tendant au renforcement des pouvoirs d'Eurojust et à la poursuite des réflexions en vue de la constitution d'une autorité responsable des poursuites à l'échelon européen (voir le dossier législatif de cette résolution).

Parallèlement, le Conseil de l'Union européenne a adopté, en décembre 2001, sur une proposition émanant également de ces quatre États une décision instituant une unité provisoire de coopération judiciaire, surnommée Pro-Eurojust, dans l'attente de la mise en place d'Eurojust.

Le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 28 février 2002, la décision instituant Eurojust, qui a succédé à Pro-Eurojust le 6 mars 2002. Cette unité, qui est dotée de la personnalité juridique, est composée d'un membre national par pays de l'Union, ayant qualité de procureur, de juge ou d'officier de police ayant des prérogatives équivalentes.

Compétent pour un large champ d'infractions transnationales, Eurojust poursuit trois objectifs :

« - promouvoir et améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites entre les autorités compétentes des États membres ;
- améliorer la coopération entre ces autorités en facilitant notamment la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire internationale ;
- soutenir les autorités nationales pour renforcer l'efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites. »

L'unité exerce ses missions soit par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs membres nationaux, soit en tant que collège.

Eurojust peut notamment demander aux autorités des États membres concernés d'entreprendre une enquête ou des poursuites, de mettre en place une équipe commune d'enquête, ou de lui communiquer des informations qui sont nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Eurojust a son siège à La Haye de même qu'Europol. Le président d'Eurojust est M. Michaël Kennedy, le représentant du Royaume-Uni. Le représentant français est M. François Falletti.

La création d'Eurojust et l'échec du projet de la Commission d'instituer un procureur européen, n'ont pas mis un terme à l'idée de créer un parquet européen. Cette idée a, au contraire, été au centre des débats menés par la Convention sur l'avenir de l'Europe sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

Bien que la création d'un parquet européen ait été une question fortement controversée au sein de la Convention européenne puis lors des travaux de la conférence intergouvernementale, l'article III-274 du traité constitutionnel y fait expressément référence :

« 1. Pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, une loi européenne du Conseil peut instituer un Parquet européen à partir d'Eurojust. Le Conseil statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.

2. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement, le cas échéant en liaison avec Europol, les auteurs et complices d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminés par la loi européenne prévue au paragraphe 1. Il exerce devant les juridictions compétentes des États membres l'action publique relative à ces infractions.

3. La loi européenne visée au paragraphe 1 fixe le statut du Parquet européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités, ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves, et les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure qu'il arrête dans l'exercice de ses fonctions.

4. Le Conseil européen peut, simultanément ou ultérieurement, adopter une décision européenne modifiant le paragraphe 1 afin d'étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière et modifiant en conséquence le paragraphe 2 en ce qui concerne les auteurs et les complices de crimes graves affectant plusieurs États membres.

Le Conseil européen statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission. »

Par ailleurs, l'article III-273 du traité constitutionnel prévoit de renforcer les prérogatives d'Eurojust : 

« 1. La mission d'Eurojust est d'appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol.

À cet égard, la loi européenne détermine la structure, le fonctionnement, le domaine d'action et les tâches d'Eurojust. Ces tâches peuvent comprendre:

a) le déclenchement d'enquêtes pénales ainsi que la proposition de déclenchement de poursuites conduites par les autorités nationales compétentes, en particulier celles relatives à des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ;

b) la coordination des enquêtes et poursuites visées au point a) ;

c) le renforcement de la coopération judiciaire, y compris par la résolution de conflits de compétences et par une coopération étroite avec le Réseau judiciaire européen.

La loi européenne fixe également les modalités de l'association du Parlement européen et des parlements nationaux à l'évaluation des activités d'Eurojust.

2. Dans le cadre des poursuites visées au paragraphe 1, et sans préjudice de l'article III-274, les actes officiels de procédure judiciaire sont accomplis par les agents nationaux compétents.»


Pour en savoir plus...

puce_trb.gif (128 octets) Notre rubrique "Justice et Affaires intérieures"

puce_trb.gif (128 octets) Le site d'Eurojust (en anglais uniquement, mais quelques textes sont disponibles en français)

puce_trb.gif (128 octets) Les travaux du Sénat

Visite de la délégation à La Haye au siège d'Eurojust le 7 mars 2007

Examen par la délégation pour l'Union européenne le 17 octobre 2006 de l'accord entre Eurojust et les États-Unis

Communication de M. Hubert HAENEL devant la délégation pour l'Union européenne le 6 juillet 2005 sur Eurojust

Examen par la délégation pour l'Union européenne le 22 avril 2004 du projet d'accord entre Europol et Eurojust (texte E 2531)

Examen par la délégation pour l'Union européenne le 8 février 2005 des dispositions du règlement intérieur d'Eurojust relatives au traitement et à la protection des données à caractère personnel (texte E 2790)

Le dossier législatif sur la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui transpose la décision instituant Eurojust dans le droit français

Examen au Sénat des textes européens relatifs à la création d'Eurojust :

- Réunion de la délégation pour l'Union européenne du 24 octobre 2000
- Rapport n°235 (2000-2001) de M. Pierre Fauchon, présenté devant la commission des lois du 28 mars 2001
- Débat en séance publique le 29 mars 2001
- Texte de la résolution adoptée par le Sénat le 29 mars 2001
- voir l'ensemble du dossier législatif

puce_trb.gif (128 octets) Sur l'idée d'un procureur européen : 

  • Communication de M. Pierre FAUCHON devant la délégation pour l'Union européenne le 4 avril 2002 sur le livre vert relatif à la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen (texte E 1912)

  • Proposition de résolution n° 288 (2001-2002) de M. Pierre FAUCHON déposée au Sénat le 5 avril 2002

  • Texte de la résolution n° 107 (2001-2002) adoptée par le Sénat le 13 juillet 2002