La procédure suivie lors des procès de Haute Cour connaît des variations en fonction des évolutions législatives, mais également en fonction des procès eux-mêmes. Le déroulement diffère selon que les accusés sont présents ou absents, que l'on juge un « complot », comme dans l'affaire Boulanger, ou un ancien ministre, comme Joseph Caillaux. Cependant, pour l'essentiel, la trame des audiences reste la même d'un procès à l'autre.

Une audience préliminaire permet de désigner une commission chargée de l'instruction du dossier. On y procède à l'appel nominal des sénateurs, qui entendent ensuite le réquisitoire introductif d'instance du procureur.

Le procureur Quesnais de Beaurepaire

Les audiences qui constituent le procès proprement dit débutent elles aussi par l'appel nominal des sénateurs-juges, puisque leur présence effective détermine leur participation au vote. Lors de la première séance, cet appel est suivi de l'interrogatoire d'identité des accusés. On auditionne ensuite le rapport de la commission d'instruction. Pour le procès Malvy, deux journées sont consacrées à cet exposé, qui généralement ne semble pas déchaîner les passions. Vient alors le réquisitoire du procureur général. Lors de l'affaire Boulanger, le rôle est tenu par le procureur Quesnay de Beaurepaire, ainsi décrit dans l'Illustration du 17 août 1889 : « A mesure qu'il avançait dans ses démonstrations, triomphant sans trop de peine de la gêne latente qu'il avait ressentie d'abord devant cet auditoire inaccoutumé, fouillant maintenant, avec l'assurance d'un anatomiste habile à manier le scalpel, dans la vie des accusés, se complaisant dans une implacable analyse de leur caractère et de leurs actes, c'étaient, par endroits, sous la poussée des passions politiques mal refoulées, des exclamations ironiques d'un côté, des rumeurs indignées de l'autre ! ».

D'autres portraits du procureur sont moins complaisants, beaucoup soulignant la vacuité du dossier d'accusation.

Le réquisitoire terminé, on entre dans le vif du sujet : l'interrogatoire des accusés, puis celui des témoins. Là encore, l'ambiance varie selon les procès. La foule des témoins du procès Déroulède garantit une permanente animation. Certaines dépositions se font à huis-clos, comme celle de Léon Daudet dans l'affaire Malvy, afin de ne pas divulguer, en temps de guerre, des renseignements qui pourraient être utiles à l'ennemi.

Des confrontations ne jaillit pas toujours la lumière attendue, les témoignages contradictoires laissant des zones d'ombre qui conduisent parfois à des jugements ambigus. Le public découvre quelquefois avec surprise la complexité des affaires jugées : « L'opinion publique a suivi ces audiences avec une tristesse mêlée d'étonnement. Elle était chaque jour froissée et peinée de ce qu'elle apprenait et de ce qu'on lui dévoilait [...]. Elle se demandait, non sans angoisse, si, vraiment, pour gouverner sous notre République démocratique, qui devrait être un régime de clarté, il fallait user de tant de compromissions, mener tant d'intrigues, passer à travers tant de couloirs obscurs. » (à propos de l'affaire Malvy, Le Temps, 8 août 1918).

Une fois les accusés et les témoins entendus, le procureur général fait part à l'assemblée de son réquisitoire final qui précède les plaidoiries de la défense. Lors du procès Boulanger, les accusés absents ne peuvent se défendre qu'à coup de manifestes publiés dans les journaux, en en appelant au suffrage universel pour contester le jugement. Les procès de ministres donnent lieu à une défense plus classique. L'avocat de Raoul Péret demande pour son client un acquittement total : « Ne vous arrêtez pas à une de ces demi-mesures qui souvent séduisent les assemblées : acquitter en prononçant un blâme, ce serait une flétrissure pour M. Raoul Péret [...], ne le renvoyez pas en lui jetant de la boue sur le front. »

Enfin, les sénateurs se réunissent en chambre du conseil pour délibérer à huis-clos. Ils votent sur chacune des questions qui leurs sont soumises, pour répondre point par point aux accusations du procureur. Au terme de discussions souvent longues et parfois agitées, ils doivent s'entendre sur la rédaction de l'arrêt qui sera ensuite lu par le Président en audience publique. Si Malvy ou Péret ne font aucun commentaire sur leur jugement, Déroulède, Buffet et Guérin ne se privent pas d'une dernière bravade, se serrant la main pour la première fois, jurent-ils, alors même qu'on vient de les condamner pour avoir complôté ensemble.