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« AFRIQUE FRANCOPHONE : LES CONDITIONS D'UN NOUVEAU DÉPART »

M. Jean-Pierre CANTEGRIT. - Je vous souhaite la bienvenue, tant en mon nom personnel qu'au nom de Jean Faure, Vice-Président du Sénat et Président du Groupe d'Amitié France-Madagascar, pays de l'Océan indien, et au nom de Jacques Legendre, Président du Groupe d'Amitié France Pays d'Afrique de l'Ouest.

Les Présidents de ces trois groupes France-Afrique Centrale, France-Madagascar et Pays de l'Océan Indien, France Afrique de l'Ouest, sont les organisateurs de ce colloque.

Il m'échoit ce matin de présider ce débat et nous avons l'honneur d'avoir la présence du Président du Sénat, M. René Monory. Je vais sans tarder lui donner la parole pour qu'il introduise nos débats et que nous puissions après entendre d'autres intervenants.

PROPOS INTRODUCTIF DE M. RENÉ MONORY, PRÉSIDENT DU SÉNAT

M. René MONORY - Monsieur le Président, mes chers amis, merci.

Lorsque Jacques LEGENDRE, Président du groupe d'amitié France-Pays d'Afrique de l'Ouest, Jean-Pierre CANTEGRIT, Président du groupe d'amitié France-Pays d'Afrique centrale et Jean FAURE, Président du groupe d'amitié France-Madagascar et Pays de l'Océan Indien m'ont suggéré l'idée d'un colloque sur l'Afrique francophone, ils n'ont eu aucun mal à me convaincre. D'emblée leur projet m'a séduit. Il y avait à cela plusieurs raisons.

La première est personnelle, je dirais affective. J'aime l'Afrique. J'aime me rendre chez les Africains - je le fais souvent - et j'ai toujours un plaisir immense à les recevoir. Il y a chez eux une chaleur, une merveilleuse spontanéité qui va droit au coeur. La Vienne a noué des liens très privilégiés avec le Burkina-Fasso. D'année en année, les habitants de mon département et ceux de la si bien-nommée « Patrie des hommes intègres » ont appris à se connaître, à s'estimer, à s'apprécier profondément. C'est, pour tous, une belle et irremplaçable expérience humaine.

L'Afrique et la France ont une longue histoire d'amitié et de fraternité ; elles ont partie liée pour l'avenir, comme elles l'ont eue dans le passé. Cela va de soi, me direz-vous, et pourtant il n'est pas inutile de le réaffirmer aujourd'hui, ne serait-ce que pour dissiper les inquiétudes qui se font jour ici ou là. La France n'abandonnera jamais l'Afrique ; elle continuera de l'accompagner dans ses progrès vers le développement et contribuera à en faire un espace de paix.

Nous devons être bien convaincus que, malgré les tensions qu'elles peuvent connaître dans le contexte international et financier impitoyable de notre époque, les solidarités franco-africaines ne se relâcheront pas. Ces solidarités sont multiples et imbriquées.

J'ai assisté avant-hier - et une partie d'entre vous avec moi - à une Conférence des Présidents des Assemblées parlementaires ayant le français en partage, réunis par les soins du Président Philippe SEGUIN, et les membres du Bureau de l'Assemblée nationale. Cette Conférence nous a permis de mesurer, à nouveau, à quel point l'usage d'une langue commune facilite les contacts, les échanges, et débouche sur un ensemble de valeurs et de références communes. Cette solidarité linguistique ne doit pas se relâcher, et nous devons tout faire pour cela.

Mais que seraient les liens culturels et linguistiques s'ils ne s'accompagnaient pas, presque naturellement, de solidarités économiques. On connaît l'importance des échanges commerciaux entre la France et l'Afrique. Il existe, en outre, entre la France et la plupart de ces pays de l'Afrique francophone, cette solidarité financière extraordinaire que constitue la zone franc qui, à travers les tensions et les réaménagements qu'elle a récemment connus, a montré son aptitude à s'adapter et à survivre aux chocs parfois brutaux de la réalité financière contemporaine. A l'heure où les monnaies des grands pays industrialisés doivent s'allier pour résister aux assauts des marchés financiers mondiaux, je crois que l'on ne doit pas sous-estimer le prix que représente, pour nos économies respectives et la sûreté de nos échanges, cet espace de cohésion monétaire que constitue la zone franc.

Certaines voix ont pu s'inquiéter des effets de la construction européenne sur les relations franco-africaines. Mais il importe de dire que ce n'est pas parce que la France fait avancer l'Europe, qu'elle se détache de l'Afrique. Au contraire, l'Union européenne nous permettra de faire à vingt ce que nous ne pourrions plus réaliser seuls. Les Conventions de Lomé me paraissent, à ce titre, un outil irremplaçable : qu'il s'agisse de garantir des débouchés commerciaux aux produits africains, ou de compenser les effets des fluctuations des cours des matières premières, la France peut faire davantage en entraînant ses partenaires européens, qu'elle ne pourrait le faire seule.

Solidarité linguistique et culturelle ; solidarités commerciales et financières : à ces deux grandes catégories de liens, je voudrais en ajouter une troisième qui nous tient particulièrement à coeur ici au Sénat, parce que nous sommes des parlementaires et parce que nous sommes des élus locaux. Je veux parler des solidarités politiques.

Je suis heureux que le colloque d'aujourd'hui permette d'aborder le vaste domaine de la coopération décentralisée. Car je crois qu'il y a dans nos collectivités territoriales françaises - Régions, Départements, Communes - des réserves de compétences, de bonne volonté et de dévouement qui ne demandent qu'à se manifester en faveur des pays en développement, et surtout en faveur de nos amis africains, parce qu'il n'y a pas entre nous de barrière de la langue. J'ai personnellement lancé, il y a quelques années déjà, avec la Mairie de Loudun et avec le Conseil Général de la Vienne, des actions de coopération avec le Burkina-Faso, et, à la lumière de cette expérience, je crois qu'il y a place, à côté de la coopération entre États, pour des aides, au plus près du terrain et des réalités locales entre villes ou entre collectivités territoriales.

Et puis - et je m'exprime cette fois, non plus en qualité d'élu local, mais en tant que Président d'Assemblée - il y a d'autres solidarités politiques qu'il convient à mon avis de développer : je veux parler des relations entre parlementaires français et africains. Je salue ici l'excellent travail que font les groupes d'amitié, qui, année après année, tissent entre les sénateurs français et les parlementaires africains un réseau dense de relations, d'amitié et de confiance absolument irremplaçable. Dès ma première élection à la Présidence du Sénat, je me suis efforcé d'encourager leur activité, car je crois que c'est grâce aux échanges et aux rencontres qu'ils permettent, que nous pouvons mieux nous comprendre et mieux connaître les problèmes auxquels sont confrontés nos pays et nos concitoyens respectifs.

Je salue ici également le rôle que joue l'AIPLF -l'Assemblée Internationale des parlementaires de Langue Française-, qui constitue un forum exceptionnel où s'exprime et se nourrit la fraternité linguistique des peuples africains et français. La complémentarité de son action et de celle de nos groupes d'amitié n'est-elle pas physiquement incarnée dans la personne du sénateur Jacques LEGENDRE, à la fois Président du Groupe d'Amitié France-Pays de l'Afrique de l'Ouest, et Secrétaire Général Parlementaire de l'AIPLF ?

Il est un troisième domaine dans lequel les solidarités parlementaires trouveront, à l'avenir, je crois, de plus en plus matière à s'exprimer.

L'Afrique s'est engagée depuis quelques années dans la voie de la démocratisation... chemin difficile, et sur lequel, surtout dans les commencements, on n'avance pas sans cahots et sans soubresauts ... De réformes constitutionnelles en élections législatives se constituent des Parlements démocratiquement élus.

Mais il ne suffit pas d'élire un Parlement, il faut aussi savoir le faire fonctionner pour qu'il puisse jouer son rôle de législateur et de contrôleur au sein des institutions démocratiques. Cela ne s'improvise pas, mais cela s'apprend. En France, cela fait deux siècles que nous avons un Parlement, et nous n'avons toujours pas fini de réformer notre Constitution et les règlements de nos Assemblées pour améliorer son fonctionnement. J'ose dire que nous avons maintenant une certaine expérience en la matière. Cette expérience, nous sommes prêts à la mettre à la disposition de nos amis africains. Nous accueillons chaque année ici, au Sénat, de nombreux parlementaires et fonctionnaires des Assemblées africaines, pour leur exposer le fonctionnement de nos Assemblées, les rouages de leur administration, et les règles qui Gouvernent la procédure législative. En sens inverse, certains de nos experts se rendent auprès de jeunes Assemblées pour tenter de les appuyer dans leur formation.

Ces efforts seront poursuivis et développés car ils répondent, je crois, à un besoin, et les Assemblées des vieilles démocraties ne doivent pas se dérober au devoir de parrainage qui est le leur.

Amitié historique, communauté linguistique, relations économiques, solidarité monétaire, fraternités politiques, les liens qui unissent la France aux pays d'Afrique francophone sont trop nombreux et trop imbriqués les uns dans les autres pour se relâcher. Nous devons tout faire pour qu'ils contribuent au progrès, à la production de richesses, et au bonheur de nos peuples.

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