Pair avant dêtre proscrit
Fils dun général dEmpire, Hugo embrasse dabord les idées
royalistes. Au moment de la seconde Restauration, il forme autour de lui le Cénacle,
groupe de jeunes romantiques dont le chef de file, en politique et en littérature, est
Chateaubriand. Charles X invite le jeune (23 ans) et déjà célèbre poète à son sacre.
Avec Cromwell, publié en 1827 et dont la préface devient le manifeste de référence de
lécole romantique, Hugo est au sommet de la gloire mais connaît déjà les foudres
de la censure, pour sa pièce Marion Delorme, sous Charles X, puis pour Le Roi
samuse, sous Louis-Philippe.Admis à
lAcadémie française en 1841, Hugo, qui participe de tout son talent à la
construction du mythe napoléonien, rêve de marcher à une autre tribune sur les traces
de Chateaubriand. Il sera exaucé en 1845, quand Louis-Philippe le nomme pair de France.
Il déploie une éloquence encore inhabituelle dans les enceintes parlementaires.
La Chambre retentit alors
de ses duels avec un autre ancien pair, Montalembert, sur la liberté de
lenseignement. Après le coup dEtat du 2 décembre, Hugo est sur la première
liste des bannis de France. Il se fixe à Guernesey pendant toute la durée de
lEmpire, doù il publie de violentes attaques contre lempereur :
Napoléon le Petit, en 1852, et les Châtiments, lannée suivante.
La chute de lEmpire le ramène à Paris, mais il
connaît des difficultés politiques et familiales. Il ne retrouve un mandat électif
quen 1876, en devenant sénateur de la Seine, sur proposition du conseil municipal
de Paris, présidé par Clemenceau. En 1877, adversaire de la dissolution de la Chambre et
du gouvernement du 16 mai, Hugo fait partie du comité de résistance formé par les
gauches du Sénat. En réponse aux menaces de coup dEtat et de restauration
monarchiste de Mac-Mahon, il publie Histoire dun crime.
Après la victoire des Républicains, il soutient les
ministères de gauche qui se succèdent au pouvoir. Il meurt en 1885 après avoir
traversé plus dun demi-siècle de vie politique française. Quand
jétais pair de France, disait-il, et que je siégeais à gauche, avec Montalembert,
Wagram, Eckmühl , Boissy et dAlthon-Shée, javais à ma droite un soldat qui
était maréchal de France deux ans après ma naissance et qui, lorsque jarrivais au
Luxembourg, me disait : Jeune homme, vous êtes en retard ! Cétait Soult, maréchal
en 1804.
A ma gauche, chose plus extraordinaire, javais un
homme qui avait jugé Louis XVI, neuf ans avant ma naissance (cétait Pontécoulant)
et, en face de moi, un homme qui avait défendu Beaumarchais dans le procès Goëzman,
vingt-cinq ans avant ma naissance. Cétait le chancelier Pasquier. La
République fait à Hugo des funérailles nationales et un immense cortège accompagne le
cercueil du poète au Panthéon.
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