Table ronde Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie)

La table ronde est présidée par Daniel PATAT, avec la participation de James HOGAN, avocat associé, cabinet SALANS, et de :

- Jean-Luc DEBRIN, Directeur Europe-Asie Centrale-Sud Caucase, Sade

- Martial SEKELY, Directeur Général zone CEI, groupe Lactalis

- Catherine GRASSET, Vice-Président Kazakhstan et Azerbaïdjan, Total

- Antoine BARDON, Président, French Business Council en Géorgie

Daniel PATAT

Il y a beaucoup à faire dans le Caucase en matière de développement des infrastructures, notamment dans le secteur de l'eau. Ainsi, la société Sade est titulaire d'un marché important de rénovation et d'installation d'infrastructures en Azerbaïdjan, et ce qui se passe en Azerbaïdjan s'étendra également à la Géorgie et à l'Arménie, où les besoins en infrastructures sont tout aussi importants.

Antoine BARDON

Le French Business Council deviendra la chambre de commerce franco-géorgienne en juillet. J'ai des intérêts dans différentes compagnies, dont la plus importante construit des hôtels. Nous avons conclu un partenariat avec Accor. Le premier hôtel sera construit en Arménie, à Erevan. Le Caucase manque d'hôtels trois et quatre étoiles.

Daniel PATAT

Total est également très investi dans la région.

Catherine GRASSET

Effectivement. Nous sommes présents en Russie, en Azerbaïdjan et au Kazakhstan.

Daniel PATAT

Nous avons réuni un éventail intéressant d'intervenants représentant différents secteurs de l'économie. Nous sommes ouverts à vos questions.

Michel MARECHAL, BNP PARIBAS

Pensez-vous que l'économie de l'Azerbaïdjan pourrait, à l'avenir, ressembler à celle d'un émirat du Golfe ?

Daniel PATAT

Je n'en suis pas certain. Evidemment, ce pays en présente bien des caractéristiques. Ainsi, il est fortement orienté sur les hydrocarbures. Néanmoins, il offre également des possibilités de diversification, que ce soit de manière propre ou en liaison avec ses voisins. Ce travail a d'ailleurs déjà commencé avec la Géorgie.

Catherine GRASSET

La production de l'Azerbaïdjan n'a pas atteint son plateau. L'exploration continue. Peut-être y aura-t-il davantage de pétrole et de gaz dans les prochaines années. Le futur s'annonce donc sous de bons auspices pour ce pays, qui présente toujours un bon potentiel.

Martial SEKELY

Nous croyons en l'avenir de ce marché, où nous venons juste d'ouvrir un bureau. Après la Russie, l'Ukraine et le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan est le pays où il faut être pour couvrir toute la région. Nous y croyons, sinon nous ne nous y serions pas installés.

James HOGAN

Le pétrole ne risque pas de disparaître. Au pire, sa production diminuera graduellement. En tout cas, même si la production atteint un pic, l'économie de l'Azerbaïdjan ne sera pas impactée de manière significative.

Daniel PATAT

Comment réussir la modernisation et la diversification d'une économie sans hydrocarbures, ce qui est le cas de l'Arménie et de la Géorgie ?

Antoine BARDON

La situation est plus claire pour la Géorgie que pour l'Arménie, dont le secteur agricole n'est pas si important qu'en Géorgie. Toutefois, l'Arménie possède un potentiel touristique très fort du fait de sa diaspora de 6 millions de personnes à travers le monde. De plus, l'Arménie s'efforce de donner un haut niveau de culture à ses étudiants.

De la salle

Quel est le statut juridique de la Mer Caspienne ?

Daniel PATAT

Si l'on s'en tient à la définition habituelle, la Caspienne ne peut pas être considérée comme une mer car il n'y a pas de liaison directe avec l'océan. Or le droit international n'est pas le même selon qu'il est question d'un lac ou d'une mer. Une volonté très forte s'est exprimée lors du sommet de Bakou de décembre dernier. Le problème est loin d'avoir été résolu, mais il existe un réel désir d'avancer sur la question. Les chefs d'Etat s'entendent et se comprennent mieux, particulièrement entre le Turkménistan et l'Azerbaïdjan. Pour autant, beaucoup de questions restent posées.

Adil MAMMADOV

La plupart des pays commencent à s'entendre, et je pense que le dernier pays qui reste à l'écart rejoindra également ce mouvement.

Denis LAPSHOV, Valorem

Ce matin, vous avez expliqué que 90 % de l'électricité provenait du gaz naturel, dont le prix a bondi. Comment cette hausse affecte-t-elle les prix de l'électricité dans la région ? Quels sont les programmes qui permettront de réduire le différentiel entre la consommation et la production ?

Daniel PATAT

Le gaz pourrait sembler trop coûteux pour être brûlé dans des chaudières à gaz, mais son rendement a été nettement amélioré. Les derniers projets sont à très haut rendement. A la manière des « châteaux d'eau » que sont le Kirghizstan et le Tadjikistan, le Caucase est une puissante source d'hydro-électricité, avec des capacités considérables dans des zones non-peuplées qui ne posent pas de problèmes d'environnement fondamentaux. Il en existe en Géorgie, mais également en Azerbaïdjan et en Arménie. Il est possible de trouver un équilibre permettant tout à la fois d'exploiter au mieux le gaz et l'hydro-électricité.

De la salle

Pourriez-vous dire quelques mots sur le projet de chantier naval d'Alat, en Azerbaïdjan ? Il s'agit probablement d'une bonne opportunité pour toute la région de transporter du pétrole et du gaz sur des navires. Les besoins sont énormes.

Adil MAMMADOV

Je ne m'occupe pas du secteur de l'énergie, mais je vais tenter de vous éclairer. La flotte de la Caspienne doit être modernisée. Plus de 90 % de nos navires datent de l'époque soviétique. Par ailleurs, vous avez raison pour ce qui concerne le transport du pétrole d'Azerbaïdjan, vers le marché européen notamment.

De la salle

Quels sont les projets de développement des énergies renouvelables dans le Caucase ?

Antoine BARDON

La Géorgie a signé un accord avec la France en 2009 pour développer ce type d'énergies. Toutefois, il n'existe pas d'incitations, notamment pas d'obligation d'acheter l'énergie produite. L'Arménie en est au début d'un programme d'énergie éolienne et solaire.

James HOGAN

Bakou est l'une des villes les plus venteuses au monde, un peu comme Chicago. Il existe différents projets de champs éoliens en Azerbaïdjan.

De la salle

Pourrions-nous avoir quelques détails quant au projet que la Sade a remporté dans le secteur de l'eau et des infrastructures en Azerbaïdjan ?

Jean-Luc DEBRIN

Nous avons remporté deux régions sur les soixante-douze que comporte ce pays. Le financement est apporté par la Banque Mondiale à 75 % et par l'Etat à 25 %. Il est question de la construction d'infrastructures. Ce sont des engagements d'Etats. Il est donc logique et nécessaire d'intégrer une participation locale. Ces éléments-relais étaient également nécessaires pour intégrer l'aspect culturel et social d'un pays différent. Nous avons décidé de créer un centre de formation. Le projet durera 17 mois. En l'espace de 2 mois, nous avons besoin de mobiliser 600 personnes et une trentaine d'ingénieurs. Les réseaux datent de l'époque soviétique. Pratiquement tout est à faire. Or aucune entreprise sur place n'en est capable. Il nous faut donc constituer une entreprise locale avec des partenaires locaux, mais en apportant tout.

De la salle

Quelles sont les tendances actuelles des pays du Caucase en matière de tourisme ? Existe-t-il des projets de développement de ce secteur ? Quels tourismes ces pays souhaitent-ils attirer ?

Antoine BARDON

La Géorgie entend se développer sur le plan touristique, d'abord en Adjarie, sur la Mer Noire, mais également dans le ski. Ces vingt prochaines années, le nombre de stations de ski diminuera en Europe. D'autres pays ont été identifiés comme capables d'en développer. Le Caucase est l'une de ces zones. La Géorgie possède également de nombreuses stations thermales, mais elles ne sont pas en bonne condition. Il faut des investissements.

De la salle

En Adjarie, le développement du tourisme a débuté il y a quatre ou cinq ans. L'année dernière, nous avons accueilli 1 million de touristes. Cette année, nous en attendons 1,5 million. Nous comptons développer une station de ski à une heure de Batoumi. Je reconnais que nos stations thermales ont besoin d'investissements. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps.

Adil MAMMADOV

Le tourisme est très important pour l'Azerbaïdjan également. Le gouvernement apporte son soutien. 2011 a été déclarée année du tourisme. Il y a cinq ou sept ans, il n'existait pas d'endroits décents pour accueillir les touristes. Nous les avons développés. Nous avons également des projets de stations de ski. Une compagnie française d'architecture nous aide. Outre le ski, nous développons le tourisme autour de la Mer Caspienne, ainsi que le tourisme médical. Il existe déjà des spa. Au-delà des hôtels et des stations, nous avons besoin d'infrastructures de transport. Nous avons déjà un aéroport international. Je suis certain que le tourisme se développera dans les trois pays du Caucase.

Natalya ARTSRUNI

En Arménie, le développement du tourisme est une priorité pour le gouvernement. Notre pays attire les touristes pour son aspect historique et culturel. Nous possédons déjà des stations de ski. L'infrastructure se développe, de même que le tourisme médical. Nous avons beaucoup de bons dentistes. Des gens viennent des Etats-Unis, du Canada ou de France pour utiliser leurs services.

Daniel PATAT

Nous avons parlé des matières premières et des infrastructures, mais pas de la consommation.

Martial SEKELY

La demande progresse. C'est une opportunité que nous ne pouvons pas manquer. Toutefois, nous ne pouvons pas travailler dans tous les pays en même temps. Il est donc important de bien choisir où s'installer. Il a beaucoup été question du gaz et du pétrole. Nous ne sommes pas dans ce business. Nous travaillons dans le secteur laitier. Nous ne pouvons pas nous permettre de longs transports. Or, dans beaucoup pays de la région, pas uniquement le Caucase, il n'y a pas assez de lait. Depuis la fin de l'Union Soviétique, l'agriculture s'est effondrée. Il a fallu que nous nous transformions en agriculteurs. Nous nous sommes adaptés à la situation locale, ce qui était nécessaire pour prendre des positions sérieuses. Il nous a fallu acquérir de nouvelles compétences.

De la salle

L'Azerbaïdjan Investment Company avait pour objet de supporter des participations minoritaires de l'Etat dans des projets locaux ou étrangers. Qu'en est-il de l'activité de cette compagnie ?

James HOGAN

Cette compagnie reste une force importante. Elle est un bon partenaire pour les investisseurs étrangers.

Daniel PATAT

Cette discussion pourrait durer encore longtemps, mais l'heure est malheureusement venue de conclure.

James HOGAN

Nous avons effectué un très bon tour d'horizon de la région. Le message à retenir pour l'Azerbaïdjan est qu'il n'y a pas que le pétrole et le gaz. Les trois pays du Caucase ont un héritage culturel très riche qui pourrait être mis en avant pour attirer les touristes. Leurs paysages sont également magnifiques. De plus, les gens du Caucase sont parmi les plus accueillants au monde.