Lundi 30 octobre, Mme Nathalie Goulet, Présidente du groupe d’amitié France-Pays du Golfe, s’est entretenue avec une délégation de parlementaires du Majlis Ash Shura du Royaume d’Arabie Saoudite composée de M. le Dr Mahammed Al Jeffri, Vice-président, Mme Huda Al Helaissi, Mme Raedah Abunayan et M. Ibrahim Al Nahas, membres du Majlis, accompagnés de S.E. M. Khaled Al Ankary, Ambassadeur d’Arabie Saoudite à Paris.

Après quelques mots de bienvenue, Mme Nathalie Goulet a salué l’évolution de l’Arabie Saoudite définie notamment par le Plan Vision 2030[1] qui devrait contribuer à améliorer l’image de l’Arabie Saoudite en France. Elle a souhaité que la rencontre débouche sur une feuille de route avec des objectifs concrets à mettre en œuvre à court et moyen termes.

Elle a souligné l’importance de la venue en France, le 13 décembre 2017, d’une délégation de fonctionnaires saoudiens pour un séminaire d’étude organisé par TRACFIN sur le contrôle des financements du terrorisme, faisant valoir que cette coopération serait de nature à changer l’image de l’Arabie Saoudite en France.

Le Dr Mahammad Al Jeffri a présenté la délégation saoudienne indiquant qu’elle est composée de membres de la commission des Affaires économiques et de la commission des Affaires étrangères.

Souscrivant aux propos de la présidente Mme Goulet sur la nécessité d’améliorer la réputation de son pays en France, il a confirmé que l’Arabie Saoudite connaît une période de transition sans précédent, en particulier dans le domaine économique.

S’agissant de la coopération dans le domaine du financement du terrorisme, il a confirmé la volonté de son pays de combattre ce fléau et toute forme de fanatisme religieux.

Concernant les évolutions sociales en cours dans le Royaume saoudien, il a fait valoir notamment celles concernant la place de la femme dans la société, visant à ce qu’elles puissent contribuer plus largement à l’activité économique mais aussi participer plus activement à l’action gouvernementale. À titre d’exemple, il a mentionné la récente autorisation des femmes à conduire en Arabie Saoudite et l’augmentation de la part des femmes au Parlement et au Gouvernement.

Sur le plan économique, il a évoqué le mouvement de diversification engagé par le Royaume, afin d’anticiper la baisse des revenus de la rente pétrolière. Même si les réserves sont suffisantes et que la pression financière est faible, il s’agit d’engager la modernisation du pays sur le long terme dès maintenant. Parmi les projets de diversification envisagés, il a détaillé les contours de la ville du futur qui a vocation à être une vitrine de l’Arabie Saoudite moderne, regroupant les innovations dans tous les domaines : transports, communication digitale, énergies nouvelles, etc.

Saluant l’ampleur des réformes engagées par le pays, tout en restant lucide sur le temps nécessaire pour y parvenir, Mme Nathalie Goulet a suggéré des liens de coopération dans plusieurs domaines : développement des échanges d’étudiants au niveau universitaire, à Paris et dans les grandes villes de province ; coopérations dans le domaine agricole (amélioration de la gestion de l’eau, de la sécurité sanitaire, des soins vétérinaires) et dans le secteur de la santé, secteurs dans lesquels la France est dotée d’une réelle expertise.

Dans le domaine du tourisme, elle a souligné la nécessité de revoir les contrats avec les agences de voyage en charge de l’organisation des pèlerinages à La Mecque. Il s’agit de ne pas décevoir les pèlerins qui s’y rendent par des prestations qui ne seraient pas à la hauteur de leurs attentes compte tenu du prix du voyage.

S’agissant de la place des femmes dans la société saoudienne, elle a suggéré de créer une chaîne de télévision 100 % féminine et de travailler avec l’UNESCO sur la création d’un événement spécifique à Riyad sur la lutte contre le terrorisme.

Accueillant favorablement ces propositions, le Dr Mahammad Al Jeffri a appelé de ses vœux la mobilisation des entreprises françaises pour accompagner, grâce à leur expertise, le développement en Arabie Saoudite des énergies renouvelables, de l’exploitation minière ou de la communication digitale. Il s’est montré très enthousiaste concernant le développement des échanges universitaires.

Concernant la création d’une chaîne de télévision féminine, il a souligné l’existence de 7 chaînes de télévision locales diffusant des émissions culturelles animées par des femmes.

S’agissant de l’amélioration des prestations des agences de voyage pour les pèlerins, il a indiqué que le ministère en charge du Hadj avait l’ambition d’accueillir plus de 30 millions de visiteurs dans de meilleures conditions.

Enfin, il a sollicité l’expertise de la France dans plusieurs domaines : hôpital, agriculture et transports aériens.

Mme Nathalie Goulet a souhaité que les coopérations évoquées puissent être mises en œuvre au plus tôt, ce qui suppose l’identification de « personnes ressources » pour chaque domaines d’activité. Elle a suggéré que l’Ambassade d’Arabie Saoudite à Paris établisse une liste de trois ou quatre domaines prioritaires et s’est engagé à donner en retour le contact opérationnel adapté pour mettre en œuvre des programmes concrets de coopération. Elle a conclu en invitant la délégation à se rendre en Normandie mais aussi au Salon de l’Agriculture qui devrait se tenir au mois du 25 février au 5 mars 2018 à Paris.

Réunion de travail avec Mme Nathalie Goulet,
présidente du groupe d’amitié France-Pays du Golfe

Mardi 31 octobre, Mme Annick Billon, Présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a reçu Mme Huda Al Helaissi et M. Ibrahim Al Nahas, députés du Majlis Ash Shura et respectivement Vice-présidente et membre de la commission des Affaires Étrangères. M. Jean-Marie Bockel, vice-président du groupe d’amitié France-Pays du Golfe, président de la délégation en charge des collectivités territoriales, est venu saluer la délégation au début de l’entretien.

L’entretien a porté sur l’évolution des droits des femmes en Arabie Saoudite en particulier dans le cadre du volet social du plan Vision 2030. Ont notamment été abordées les questions relevant  de la représentation des femmes dans la vie politique saoudienne, l’indépendance et l’éducation des femmes, ainsi que l’articulation entre les droits des femmes et la Charia.

S’agissant de la vie politique, Mme Huda Al Helaissi a pointé des améliorations sensibles. Ainsi 30 des 150 membres du parlement saoudien sont des femmes, ce qui répond à la règle adoptée récemment d’un pourcentage de 20 % de femmes dans cette assemblée. Mme Huda Al Helaissi a souligné le bon résultat des candidates aux dernières élections municipales (2014), vingt-deux femmes ayant été élues, dont trois dans  des régions pourtant réputées « traditionnalistes ».

Mme Huda Al Helaissi est ensuite intervenue sur l’éducation rappelant que l’illettrisme chez les femmes saoudiennes a quasiment disparu (98 % de femmes sachant lire) grâce aux écoles pour filles mises en place par l’épouse du roi Fayçal à partir des années 60. Elle a attiré l’attention sur le rôle privilégié des échanges universitaires internationaux dans l’évolution du droit des femmes, car les étudiants reviennent avec un regard nouveau (environ 207 000 étudiants concernés). En outre, elle a fait savoir que le nombre de jeunes femmes mariées au cours de leurs études a sensiblement diminué.

Interrogée sur les lois récentes concernant la situation des femmes, telles que la possibilité pour une femme de conduire seule, Mme Huda Al Helaissi a répondu que celles-ci s’inscrivent dans  un mouvement d’accélération de l’évolution des droits des femmes au cours des dix dernières années, lequel a été « très rapide dans ce pays jeune et très religieux », où le système patriarcal est fortement ancré. Cette évolution serait due, à ses yeux,  à un travail de « l’intérieur », conscient et respectueux des traditions religieuses et nationales. Ainsi, une femme peut tout à fait être indépendante économiquement en Arabie Saoudite, sans toutefois disposer de l’obligation civile de subvenir aux obligations de son foyer (qui incombe à l’homme). L’implication du nouveau monarque, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, dans ce mouvement a été soulignée, notamment dans sa volonté de lutter contre les violences faites aux femmes. À titre d’exemple, la députée a évoqué la mise en place d’une procédure ouverte à toutes les femmes permettant de faire remonter des plaintes directement auprès du Roi. Elle n’a toutefois pas caché que ces améliorations n’interviennent pas de manière uniforme sur le territoire reconnaissant que des efforts devront être réalisés plus spécifiquement dans les zones rurales et au sein des foyers n’ayant pas ou peu eu accès à l’éducation.

Enfin, concernant l’articulation entre les lois religieuses musulmanes et les droits des femmes, après avoir admis qu’il est difficile d’empêcher certaines pratiques qui vont à l’encontre des droits des femmes, Mme Huda Al Helaissi a fait valoir la possibilité d’une application de la Charia adaptée à ces mêmes droits. Au sujet du port du voile, elle a précisé qu’il n’était en aucun cas un frein au développement professionnel des femmes en Arabie Saoudite ou au développement personnel faisant observer que le voile devient un élément esthétique porteur de modernité selon la couleur ou la façon dont il est porté. M. Ibrahim Al Nahas a également rappelé que les hommes et les femmes jouissent en pratique des mêmes droits en Arabie Saoudite, à l’exception de l’autorisation nécessaire pour choisir son premier mari. Concernant le divorce, celui-ci est autorisé pour les femmes une fois le délai de réconciliation préconisé par le juge dépassé.

À la fin de l’entretien, Mme Huda Al Helaissi est revenue sur la nécessité d’agir « de l’intérieur » conformément aux traditions culturelles et religieuses du pays, les actions extérieures ayant peu de chance selon elle de se traduire par des évolutions notables. Celle-ci a également profité de cette rencontre pour inviter Mme Annick Billon à se rendre en Arabie Saoudite afin de constater, par elle-même, les progrès du pays.


                                       

Réunion de travail avec Mme Annick Billon,
présidente de la délégation aux Droits des femmes et à l’Egalité entre les hommes et les femmes    


[1]

Le plan Vision 2030 est un programme de réformes socio-économiques visant à diversifier l’économie saoudienne alimentée jusqu’ici essentiellement par la rente pétrolière. Il est fondé sur trois piliers :

- économique : diversification des activités économiques et autonomisation des jeunes générations. Renforcement du rôle du pays au niveau régional et multiplication des partenariats à l’international.

- social : amélioration des services à la population (santé, culture, loisirs, tourisme). Revalorisation de l’héritage et de l’identité nationale saoudiens. Développement durable.

- politique : réforme des structures gouvernementales pour en améliorer l’efficacité et la transparence, et incitation des jeunes générations à participer davantage à la vie publique.

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