ESPAGNE



La Constitution évoque succinctement les droits des personnels militaires. Elle restreint leur exercice du droit de pétition, en ne leur permettant de l'exercer qu'à titre individuel. Elle prévoit également qu'une loi puisse les empêcher de bénéficier de la liberté syndicale.

La loi organique de 1980 qui établit les principes fondamentaux applicables à la défense nationale et à l'organisation militaire dispose que les droits et les devoirs particuliers des membres des forces armées sont déterminés par des ordonnances royales ad hoc qui constituent la « règle morale de l'institution ».

Le titre V des ordonnances du 22 décembre 1978 pour les forces armées et le titre XII de la loi du 18 mai 1999 relative au régime du personnel des forces armées comportent la plupart des éléments qui constituent le statut politique et syndical des personnels militaires.

1) La liberté d'expression et de réunion

Les militaires disposent de la liberté individuelle d'expression , mais ils ont besoin d'une autorisation pour l'exercer lorsqu'elle porte sur des questions susceptibles de nuire à la sécurité publique ou sur des informations acquises dans le cadre de leurs fonctions.

Les militaires ont le droit de se réunir entre eux, que la réunion ait lieu dans un lieu public ou privé. Cependant, l'autorisation de la hiérarchie est nécessaire lorsque la réunion se tient sur un site militaire.

En revanche, leur devoir de neutralité les empêche d'assister à des réunions politiques ou syndicales, ou d'émettre publiquement des opinions sur des organisations politiques ou syndicales. En outre, ils ne peuvent participer à aucune manifestation politique, syndicale, ou dont l'objet est la présentation de revendications.

Cependant, les militaires sous contrat peuvent continuer à adhérer aux organisations dont ils étaient membres avant d'entrer dans l'armée, à condition de n'avoir aucune activité syndicale ou politique.

2) Les droits politiques

La loi électorale de 1985 déclare les militaires inéligibles . Ils peuvent cependant se présenter aux élections, à condition de demander préalablement à être placés dans une position statutaire particulière , ce qui leur permet de ne plus être soumis aux droits et obligations spécifiques aux militaires, mais ne suspend ni le bénéfice des droits à l'avancement ni celui de l'ancienneté.

3) Les associations professionnelles

a) Les syndicats

La loi organique de 1985 relative à la liberté syndicale dispose que le droit de se syndiquer, pour promouvoir et défendre ses intérêts économiques et sociaux, est reconnu à tous les salariés, à l'exception des personnels militaires.

Les ordonnances de 1978 interdisent aux personnels des forces armées, dont « les intérêts sont protégés par l'État », d'adhérer à des syndicats. Elles leur interdisent également toute forme de grève, directe ou indirecte.

b) Les autres associations

Les ordonnances de 1978 interdisent aux militaires de devenir membres d'associations « à finalité revendicative », mais les autorisent à adhérer à des associations à caractère religieux, culturel, sportif ou social, dans la mesure où celles-ci sont autorisées.

La constitutionnalité des ordonnances de 1978 est contestée. En effet, si l'article 29 de la Constitution, relatif à la liberté syndicale, prévoit des restrictions à l'exercice du droit syndical par les militaires, l'article 22, relatif au droit d'association, n'en prévoit aucune. En outre, l'expression « à finalité revendicative » est considérée comme floue.

À la fin de l'année 2001, le Tribunal constitutionnel a été saisi par une association de militaires à laquelle l'inscription dans le fichier des associations avait été refusée à la suite d'une modification de statuts. Il a donné gain de cause à l'association, mais sans prendre position sur la constitutionnalité des dispositions des ordonnances de 1978 sur le droit d'association des militaires.

Le projet de loi organique sur le droit d'association, présenté au Parlement à la fin de l'année 2001, renvoie, pour ce qui concerne les militaires, aux dispositions des ordonnances de 1978. Il vise donc à conforter la situation actuelle. À l'exception du parti populaire, majoritaire au Parlement, tous les groupes politiques se sont prononcés pour une reconnaissance pleine et entière du droit d'association des militaires, afin de leur permettre de créer par exemple leurs propres associations de défense des droits sociaux, économiques et professionnels. Ces associations seraient distinctes des syndicats, qui se caractérisent par leur compétence exclusive pour la négociation collective et le déclenchement des conflits collectifs.

4) Les instances de concertation

La loi du 18 mai 1999 relative au régime du personnel des forces armées a créé des conseils consultatifs nationaux .

Elle en prévoit un pour chaque arme et un autre pour les personnels qui appartiennent aux cadres communs aux différentes armes (médecine ou justice militaire par exemple). Ces conseils sont chargés d'« analyser et d'apprécier les propositions et les suggestions » émises par le personnel concernant le statut des militaires. En revanche, la loi exclut leur participation à l'examen des questions individuelles, qui continuent à relever des procédures existantes (recours gracieux, recours administratif, saisine du médiateur...).

La loi précise que les conseils doivent comporter des personnels de tous les cadres et de tous les grades, mais elle laisse à un texte réglementaire le soin de déterminer la composition et la procédure de désignation de leurs membres.

Le règlement relatif aux conseils consultatifs militaires a été adopté le 8 mars 2002 après de longues négociations sur le mode de désignation. Alors que le ministère de la Défense plaidait pour l'élection, gage de représentativité de ces nouvelles instances, c'est le tirage au sort (2( * )) qui a été retenu, conformément au souhait du commandement de l'armée de terre, qui redoutait que l'élection ne favorisât l'apparition de syndicats.

Tous les militaires en activité depuis plus de trois ans qui n'ont pas manifesté la volonté d'être exclus du tirage au sort sont susceptibles de devenir membres de ces conseils. Ils sont désignés pour quatre ans, à l'exception des représentants des hommes de troupe sous contrat, qui sont désignés pour deux ans. Les conseils doivent être renouvelés par moitié tous les deux ans .

Les conseils des différentes armes sont composés de la même façon : ils sont présidés par un officier général et comprennent dix officiers, dix sous-officiers et dix hommes de troupes (quatre représentant les titulaires d'un contrat permanent et six les engagés pour une durée limitée). Le conseil constitué pour représenter les cadres communs a une composition un peu différente.

Les conseils se réunissent une fois par semestre. En outre, des sessions extraordinaires peuvent être convoquées par le président ou par le tiers des membres.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page