SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Mai 2008)

ALLEMAGNE

Au 31 décembre 2006, d'après l'Union fédérale des médecins conventionnés, il y avait 406 974 médecins, dont 311 230 en exercice, ce qui correspondait à une densité de 378 pour 100 000 habitants. Cette moyenne recouvre toutefois des disparités . Si les grandes villes sont surmédicalisées, en revanche, le nombre de médecins apparaît insuffisant dans certaines régions, en particulier dans les zones rurales des Länder de l'ex-Allemagne de l'Est.

Les mesures de régulation démographique de la profession visent surtout à améliorer la répartition des médecins sur l'ensemble du territoire . Elles s'appliquent au moment de l'installation , qui n'est pas libre pour les médecins conventionnés.

1) La limitation du nombre de médecins

Elle résulte essentiellement du fait que l'accès aux études de médecine est contingenté.

Le nombre des étudiants en médecine n'est pas déterminé au niveau fédéral, mais est fixé par les Länder , responsables de l'enseignement. L'accès aux spécialités ne fait pas non plus l'objet de mécanismes administratifs de régulation.

a) L'accès aux études de médecine

Les Länder limitent le nombre des étudiants en médecine en fonction non pas d'une évaluation des besoins futurs, mais des places que leurs universités offrent.

En général, l'accès à l'enseignement supérieur n'est subordonné qu'à la détention du diplôme équivalent au baccalauréat. Cette règle constitue la traduction du principe constitutionnel du libre choix de la profession et de l'établissement d'enseignement . Toutefois, conformément à la décision prise par la Cour constitutionnelle fédérale en 1972 sur le numerus clausus , l'accès à certaines filières d'enseignement peut être limité lorsque le nombre de demandes excède la capacité d'accueil des établissements. C'est le cas pour plusieurs disciplines, parmi lesquelles la médecine (1 ( * )) , qui est enseignée dans une trentaine d'universités.

Il y a actuellement quelque 80 000 étudiants en médecine .

Alors que les Länder s'opposent à toute diminution du nombre des étudiants, le ministère de la santé et l'Ordre fédéral des médecins plaident pour une régulation fédérale . Le premier met en avant le fait que l'abondance de l'offre de soins alimente la demande et constitue un facteur d'augmentation des dépenses de santé. Le second estime que la réduction du nombre des étudiants en médecine contribuerait à l'amélioration de la formation.

b) L'accès à une spécialité

Si la formation initiale des médecins incombe aux Länder , celle des spécialistes est organisée par l'Ordre fédéral des médecins. Les intéressés doivent trouver les stages nécessaires pour réaliser le cursus requis. C'est donc l'offre de stages qui, de façon indirecte, régule l'accès aux spécialités .

2) La régulation de la répartition géographique des médecins

a) Les restrictions à la liberté d'installation

Si aucun dispositif ne limite l'installation des médecins non conventionnés, depuis le début des années 90, l'accès à la médecine de ville conventionnée n'est plus libre.

Les mesures actuellement en vigueur résultent de la loi du 21 décembre 1992 sur la structure du système de santé (2 ( * )) . Elles sont mises en oeuvre par une commission fédérale réunissant, d'une part, des représentants des caisses d'assurance maladie et, d'autre part, des délégués des organisations professionnelles de médecins. Cette commission fédérale édicte notamment des directives relatives à la planification de la couverture sanitaire.

Dans chaque Land , une commission paritaire composée de médecins désignés par l'association des médecins conventionnés et de représentants des caisses de sécurité sociale attribue aux médecins conventionnés les autorisations d'exercice en fonction des directives de la commission fédérale .

Les directives de la commission fédérale définissent les spécialités médicales - y compris la médecine générale - soumises à restriction d'installation . Pour chacune de ces spécialités, elles déterminent autant d' indicateurs de médicalisation qu'il y a de catégories de circonscriptions médicales . Les indicateurs de médicalisation sont exprimés en nombre d'habitants par médecin.

Le territoire fédéral a été découpé en 395 circonscriptions médicales. Celles-ci sont classées en dix catégories , chaque catégorie correspondant à un type d'urbanisation. Dans les zones très peuplées, quatre catégories de circonscription ont été identifiées : les villes-centres de plus de 100 000 habitants, les arrondissements très densément peuplés (plus de 300 habitants au km 2 ), les arrondissements densément peuplés (entre 150 et 300 habitants au km 2 ), les arrondissements moins peuplés (moins de 150 habitants au km 2 ). Dans les zones considérées comme « en voie de densification », il existe trois catégories de circonscription. Il y en a deux dans les zones rurales. Quant à la Ruhr, elle forme à elle seule une circonscription.

Cette typologie a été effectuée sur la base du principe selon lequel le besoin en médecins généralistes est plus important dans les régions rurales que dans les villes, tandis que le besoin en spécialistes est plus important dans ces dernières.

Pour la plupart des spécialités (3 ( * )) , l'indicateur de médicalisation représente le nombre d'habitants par médecin au 31 décembre 1990, sur la base des seules données des anciens Länder .

Les directives concernent actuellement (4 ( * )) 14 groupes de médecins : les anesthésistes, les ophtalmologistes, les chirurgiens, les spécialistes de médecine interne (la médecine interne correspond en particulier aux sous-spécialités suivantes : la gastro-entérologie, l'hématologie, l'endocrinologie, la cardiologie, la pneumologie et la rhumatologie), les gynécologues, les oto-rhino-laryngologistes, les dermatologues, les pédiatres, les neurologues, les orthopédistes, les psychothérapeutes, les radiologues, les urologues et les médecins de famille. Le groupe des médecins de famille inclut les titulaires de la spécialité « médecine de famille », les généralistes et les spécialistes de médecine interne qui ne sont pas titulaires d'une sous-spécialité.

Pour les autres spécialités , qui sont celles qui comptent moins de 1 000 professionnels sur le territoire de la République fédérale, il n'existe aucune restriction .

Il y a donc 140 indicateurs de médicalisation : un par catégorie de circonscriptions médicales et par groupe de médecins. À titre d'exemple, pour les médecins généralistes, l'indicateur s'établit à 1 474 habitants par médecin dans les arrondissements ruraux des régions rurales et à 2 134 dans la Ruhr. Si l'on considère les mêmes catégories de circonscription, il est respectivement de 137 442 et 58 218 pour les anesthésistes.

Les indicateurs de médicalisation permettent de calculer des quotas par groupe de médecins et par circonscription médicale. Dans une circonscription donnée, l'installation est possible aussi longtemps que le nombre de médecins de la spécialité considérée ne dépasse pas 110 % du quota. La commission du Land publie périodiquement un tableau indiquant, pour chacun des 14 groupes de médecins et pour chacune des circonscriptions médicales qui relèvent de sa compétence, les possibilités d'installation. Actuellement, dans la plupart des circonscriptions - y compris dans les nouveaux Länder -, aucune installation de spécialiste n'est possible . En revanche, il est possible d'ouvrir un cabinet de généraliste dans les deux tiers des circonscriptions .

En effet, pour l'ensemble des spécialités et l'ensemble du territoire, le nombre de médecins représente 124 % du quota, ce pourcentage est particulièrement élevé en Hesse (138 %) et c'est dans le Land de Saxe-Anhalt qu'il est le plus faible (111,8 %). Sur l'ensemble du territoire, il est de 190,8 % pour la spécialité la mieux pourvue, la médecine interne, et de 117,9 % pour la moins bien dotée, l'ophtalmologie. S'agissant des généralistes, le taux moyen sur l'ensemble du territoire est de 107,6 % ; il n'est inférieur à 100 % que dans les Länder de Saxe-Anhalt (96,2 %) et du Brandebourg (99,7 %).

Cette règle de base est assortie d' exceptions , qui permettent des installations dans les circonscriptions où le quota est atteint.

Les principales exceptions concernent les reprises de cabinet et la prise en compte de besoins particuliers . La première permet aux médecins qui prennent leur retraite de vendre leur cabinet même si de nouvelles installations sont théoriquement impossibles dans la circonscription. Cette disposition, qui permet le maintien des situations de surmédicalisation, a eu des effets d'autant plus remarquables qu'une importante vague d'installations a eu lieu dans les neuf premiers mois de 1993 : après l'annonce de la limitation des autorisations d'installation, nombre de médecins ont anticipé l'entrée en vigueur de la loi et quitté le secteur hospitalier pour le secteur ambulatoire.

La deuxième exception donne notamment à la commission paritaire régionale la faculté d'accepter de nouvelles installations lorsque les médecins d'une sous-spécialité sont en nombre insuffisant, même si la spécialité dans son ensemble est considérée comme suffisamment représentée dans la circonscription, ou de prendre en compte des disparités géographiques à l'intérieur d'une circonscription globalement bien pourvue. Une troisième exception permet l'installation comme membre d'un cabinet de groupe, l'installation étant alors subordonnée à la limitation du volume d'activité.

b) Les mesures d'incitation à l'installation dans les régions sous-médicalisées

La loi donne aux commissions paritaires des Länder la possibilité de prendre toutes les mesures qui leur semblent justifiées pour garantir une offre de soins adéquate dans les circonscriptions dont elles ont la responsabilité. Elle prévoit en particulier l'attribution d'aides à l'installation au bénéfice des médecins des circonscriptions sous-médicalisées (subventions, avances remboursables sur les futurs honoraires, etc.).

D'après les directives de la commission fédérale, la sous-médicalisation est constatée lorsque la circonscription compte un nombre de médecins généralistes inférieur à 75 % du quota ou un nombre de spécialistes inférieur à la moitié du quota.

C'est la commission paritaire qui détermine les montants des aides, leur durée, ainsi que les contreparties exigées des bénéficiaires. En principe, le financement des mesures incombe pour moitié aux caisses de sécurité sociale du Land , l'autre moitié étant prise en charge par l'association des médecins conventionnés du Land . Toutefois, à titre exceptionnel, ce sont les caisses de sécurité sociale qui supportent en 2008 et 2009 la totalité des aides attribuées aux médecins s'installant dans les circonscriptions sous-médicalisées.

La commission paritaire du Brandebourg par exemple octroie une subvention pour favoriser l'installation des médecins dans les circonscriptions sous-médicalisées ainsi que dans celles où la sous-médicalisation est prévisible à court terme. Pour toute création ou reprise de cabinet, cette subvention s'établit à 30 000 € ou à 15 000 € selon que la circonscription est sous-médicalisée ou menacée de sous-médicalisation. L'octroi de la subvention est subordonné au respect de certaines conditions (nombre minimal d'heures de consultation, visites à domicile, participation au dispositif des permanences, exercice pendant au moins cinq ans dans la circonscription considérée, etc.). La mesure a été décidée pour la période allant du 19 juillet 2006 au 31 décembre 2008.

Par ailleurs, la loi du 27 octobre 2006 sur la modification du statut des médecins conventionnés, qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 2007, prévoit des aménagements des conditions d'exercice de la médecine libérale (assouplissement des conditions de recrutement d'un médecin par un autre et de création de cabinets de groupe, possibilité d'exercer à la fois à l'hôpital et en cabinet, etc.). L'exposé des motifs du projet de loi initial énonce que l'atténuation des inégalités territoriales constitue l'un des objectifs du texte. Cependant, à l'exception de la suppression de la limite d'âge de 68 ans , qui concerne seulement les médecins conventionnés des circonscriptions sous-médicalisées, les dispositions de la loi du 27 octobre 2006 s'appliquent à la totalité des circonscriptions médicales.

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Le dispositif mis en place ne repose pas sur l'évaluation des besoins. Il n'a empêché ni la relative pénurie de médecins généralistes ni la persistance de la surmédicalisation des grandes villes.

La récente réforme du système de santé, dont la plupart des dispositions sont entrées en vigueur le 1 er avril 2007, laisse aux caisses de sécurité sociale et aux médecins le soin de mettre en place un nouveau système de rémunération, qui, à compter de 2010, devra inclure des modulations d'honoraires pour tenir compte du fait qu'une région est surmédicalisée ou non. Le ministère de la santé devra évaluer l'efficacité du dispositif en 2012 et, le cas échéant, modifier les mesures de limitation des installations .

* (1) Les autres disciplines concernées sont la biologie, la pharmacie, la psychologie, la médecine vétérinaire et la chirurgie dentaire.

* (2) Elles ont remplacé celles qui étaient en vigueur depuis 1977 et qui visaient à mieux doter les régions déficitaires. Dès l'année 1986, des restrictions à la liberté d'installation avaient été décidées pour certaines zones.

* (3) Pour plusieurs spécialités, c'est une date postérieure qui est prise en compte, par exemple le 31 décembre 1997 pour les radiologues.

* (4) En 1999, cette liste ne comportait ni les anesthésistes, ni les psychothérapeutes.

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