Service des études juridiques (mars 2009)

PAYS-BAS

D'après le code de procédure pénale, en vigueur depuis 1926, le ministère public est au centre de la procédure pénale : il dispose du monopole des poursuites , qu'il n'est pas tenu d'exercer, conformément au principe d'opportunité .

Le code de procédure pénale donne aussi au ministère public le rôle principal dans la phase préparatoire au jugement : c'est lui qui dirige l'enquête de la police , au cours de laquelle il peut avoir besoin de l'autorisation du juge d'instruction pour réaliser certains actes particulièrement attentatoires aux droits fondamentaux. C'est aussi lui qui décide s'il convient ou non d'ouvrir une information judiciaire pour obtenir les éléments que seul un juge peut recueillir.

L'instruction judiciaire occupait initialement une place importante dans la phase préparatoire, mais elle est désormais absente de la plupart des procédures, car la police et le ministère public ont obtenu la possibilité de recourir à des moyens d'investigation auparavant réservés au juge.

1) Les acteurs de l'instruction

Le code de procédure pénale rend le ministère public responsable de la phase d'enquête préliminaire . Le ministère public dispose à cet effet de la police , qui, d'après la loi sur la police, est placée sous l'autorité du ministère public dans son activité judiciaire.

En pratique, la police - organisée en 25 services régionaux dotés d'une large autonomie - agit de façon indépendante et réalise seule les enquêtes portant sur les infractions les moins graves, le ministère public se contentant de donner des indications générales. Cette situation s'explique notamment par la grande capacité d'expertise de la police, chaque service régional disposant d'une unité spécialisée dans les enquêtes pénales.

Les pouvoirs coercitifs que la police peut exercer seule sont limités, de sorte que le ministère public intervient si des actes d'information portant particulièrement atteinte aux droits fondamentaux apparaissent nécessaires . Selon le degré d'atteinte aux droits fondamentaux, le ministère public prescrit ces actes seul ou demande l'autorisation du juge d'instruction . En effet, d'après le code de procédure pénale, le ministère public peut pénétrer en tout lieu pour les besoins de l'enquête, mais si l'occupant s'oppose à la perquisition, le ministère public a besoin de l'autorisation du juge. De même, si l'endroit constitue le lieu de travail d'une personne qui détient des secrets à titre professionnel (avocat, médecin, etc.), l'autorisation du juge est nécessaire. Les principaux autres actes qui requièrent l'intervention d'un juge sont les écoutes téléphoniques et les examens corporels.

Par ailleurs, le ministère public peut demander l'ouverture d'une instruction judiciaire lorsqu'il a besoin de certains éléments que seul un juge peut obtenir. C'est notamment le cas lorsque le ministère public veut entendre certaines personnes. En effet, les témoins n'ont pas l'obligation de coopérer avec le ministère public, alors qu'ils doivent comparaître et déposer devant le juge d'instruction. De façon générale, ce dernier dispose de moyens d'investigation plus étendus que le ministère public.

L'instruction judiciaire n'est jamais obligatoire . C'est le ministère public qui décide s'il y a ou non lieu d'en demander l'ouverture . Lors de l'instruction judiciaire, la police travaille sous le contrôle du juge d'instruction, qui réalise tous les actes d'instruction qui lui semblent utiles avant de remettre son dossier au ministère public.

Lorsqu'une information judiciaire a été ouverte, l'enquête dirigée par le ministère public se poursuit en parallèle , et ce dernier a l'obligation de tenir le juge informé de l'avancement et des résultats de cette enquête.

2) Le statut du ministère public

Le ministère public fait partie du pouvoir judiciaire. Il est placé sous l'autorité du ministre de la justice.

Les membres du ministère public sont recrutés de la même façon que les magistrats du siège, les étudiants optant pour l'une ou l'autre des deux carrières à la fin de leur formation. Les deux carrières sont séparées même si les passages de l'une à l'autre ne sont pas impossibles. Les membres du parquet sont nommés pour une durée limitée , à la différence des juges, qui sont nommés à vie.

Le ministère public est organisé en deux niveaux, qui correspondent aux deux niveaux de juridiction, mais il n'y a pas de relation hiérarchique entre les procureurs des tribunaux de première instance et ceux des tribunaux d'appel. En effet, le parquet est dirigé par le collège des procureurs généraux, qui rassemble les membres du parquet les plus élevés dans la hiérarchie.

La loi sur l'organisation judiciaire dispose que l'effectif du collège des procureurs généraux est compris entre trois et cinq. Actuellement, il est de cinq. Le président du collège est nommé par la Reine pour trois ans et peut être renouvelé une seule fois dans ses fonctions. Le collège prend ses décisions à la majorité, la voix du président étant prépondérante en cas de partage. Chacun de ses membres prend plus particulièrement en charge une branche du droit.

Le collège des procureurs généraux peut donner à tous les membres du parquet des instructions , lesquelles peuvent aussi bien être de nature générale que porter sur des affaires particulières.

Comme le ministère public dispose à la fois du monopole et de l'opportunité des poursuites , les directives du collège des procureurs généraux déterminent les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale, dont les grandes lignes sont arrêtées par le ministre de la justice. Ce dernier étant responsable de l'activité du parquet, il se réunit de façon régulière, en règle générale une fois par mois par l'intermédiaire de son secrétaire général, avec le collège des procureurs généraux. D'après la loi sur l'organisation judiciaire, le ministre de la justice peut donner aux membres du ministère public des instructions , générales ou individuelles, mais ce pouvoir est encadré . Le ministre doit auparavant consulter le collège des procureurs généraux, en motivant sa demande. L'instruction du ministre et la réponse écrite du collège des procureurs généraux doivent être ajoutées au dossier. Lorsque le ministre intervient pour faire cesser des poursuites, il doit en informer le Parlement .

3) L'indépendance de l'organe d'instruction

En pratique, l'enquête préliminaire, qui relève de la compétence du ministère public, est réalisée par la police de façon assez autonome , le ministère public se contentant de donner des indications générales. C'est seulement pour les affaires les plus importantes qu'il donne des consignes précises à la police.

Cependant, depuis quelques années, à la suite de plusieurs décisions de la Cour de cassation portant sur le caractère irrecevable de certains éléments de preuve réunis pendant l'enquête, le ministère public s'efforce de mieux exercer son contrôle sur la police. Sur la base de cette jurisprudence, le juge du jugement peut écarter des éléments de preuve qui ont été collectés en violation des dispositions du code de procédure pénale. Cette faculté constitue une forme de contrôle a posteriori de l'action de la police et du ministère public pendant la phase préparatoire.

Bien que doté de larges pouvoirs, le ministère public ne peut pas prescrire ou réaliser tous les actes d'information , de sorte qu'il peut être conduit à demander l'intervention ponctuelle du juge d'instruction pendant l'enquête préliminaire ou l'ouverture d'une instruction judiciaire.

4) La séparation de l'instruction et du jugement

Les organes d'instruction et de jugement sont séparés : le code de procédure pénale interdit qu'un juge qui a participé à l'instruction d'une affaire fasse partie de la juridiction de jugement.

C'est le ministère public, c'est-à-dire l'organe qui dirige la phase préparatoire, qui décide s'il convient ou non de poursuivre la procédure et de saisir la juridiction de jugement (4 ( * )) . Le ministère public a la possibilité de classer le dossier ou de proposer une transaction à la personne mise en cause tout au long de la procédure, jusqu'à l'ouverture du jugement.

Les éléments rassemblés aussi bien pendant l'enquête que pendant l'instruction judiciaire sont versés au dossier et peuvent être utilisés comme moyens de preuve pendant le jugement. Le code de procédure pénale précise que le juge peut prononcer la culpabilité d'un suspect sur la base du procès verbal de la police.

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Tous les observateurs soulignent le manque de cohérence des dispositions du code de procédure pénale relatives à la phase préparatoire ainsi que l'absence de définition claire du rôle de chaque intervenant pendant cette partie de la procédure. Le rôle incident et fragmentaire du juge d'instruction fait l'objet de critiques particulièrement vives.

Des réflexions sont engagées depuis plusieurs années pour réviser le code de procédure pénale, en particulier les articles consacrés à l'instruction. Le ministre de la justice a préparé un projet de loi qui vise à supprimer l'instruction judiciaire et à renforcer le rôle du juge pendant l'enquête préliminaire, dont le ministère public resterait l'acteur essentiel . Le juge, qui deviendrait le garant de la légalité, contrôlerait l'enquête et veillerait notamment au respect des droits de la défense. Ce texte a été adressé aux fins de consultation à la fin de l'année 2008 aux professionnels concernés.

* (4) Cette décision ne fait l'objet d'aucun contrôle judiciaire systématique, mais la personne mise en cause bénéficie d'un droit de recours judiciaire.

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