ALLEMAGNE



Les fondements juridiques

La loi du 11 octobre 1952 sur l'organisation interne de l'entreprise a créé le conseil d'établissement et la représentation des travailleurs dans les conseils de surveillance des grandes entreprises.

La plus grande partie de la loi de 1952 a été abrogée par la loi du 15 janvier 1972 sur l'organisation interne de l'entreprise . Cette dernière prévoit l'institution, dans tous les établissements comportant au moins cinq salariés , d'un conseil d'établissement disposant d'un pouvoir de codécision dans trois domaines : " affaires sociales, questions de personnel et affaires économiques " .

Dans les sociétés de capitaux , le pouvoir de décision des salariés s'exprime également par leur participation au conseil de surveillance , qui désigne et contrôle le directoire. Les modalités de représentation des salariés au conseil de surveillance varient avec la taille de l'entreprise , et il existe un régime spécial pour les entreprises sidérurgiques et minières :

- les articles non abrogés de la loi du 11 octobre 1952 sur l'organisation interne de l'entreprise prévoient que le conseil de surveillance des entreprises dont l'effectif est compris entre 500 et 2.000 salariés comporte un tiers de salariés ;

- la loi du 21 mai 1951 portant codécision des travailleurs dans les conseils de surveillance et dans les directions des entreprises métallurgiques et minières établit que le conseil de surveillance de ces entreprises comporte autant de représentants des salariés que des actionnaires ;

- la loi du 4 mai 1976 sur la codécision des salariés instaure également pour les sociétés de plus de 2.000 salariés un modèle paritaire, tout en réservant aux cadres supérieurs un siège parmi ceux qui reviennent aux salariés.

I. LE CONSEIL D'ETABLISSEMENT

1) La constitution du conseil d'établissement

Chaque établissement autonome relevant d'une entreprise de droit privé et employant au moins cinq salariés permanents de plus de dix-huit ans, trois d'entre eux faisant partie de l'établissement depuis au moins six mois, doit constituer un conseil d'établissement dont les membres sont élus au scrutin secret. Il faut faire partie de l'établissement depuis au moins six mois pour être éligible. Le conseil d'établissement se compose uniquement de représentants des salariés . Les candidatures sont présentées par un vingtième des électeurs ou par les syndicats représentés dans l'établissement.

De plus, il existe un conseil d'entreprise au niveau de l'entreprise et, le cas échéant, un conseil de groupe, sa constitution étant facultative.

Tous les salariés d'au moins dix-huit ans sont électeurs, à l'exception des cadres dirigeants, dont la représentation est, dans les établissements les plus importants, assurée par le comité des cadres.

Le conseil d'établissement est élu pour quatre ans et sa taille varie en fonction du nombre des salariés ayant la qualité d'électeur. L'effectif du conseil est toujours impair, comme l'indique le tableau ci-après :


Effectif de l'établissement

Nombre de membres du conseil d'établissement

 

Total

Affectés à plein temps

de 5 à 20

1

0

de 21 à 50

3

0

de 51 à 150

5

0

de 151 à 300

7

0

de 301 à 600

9

1

de 601 à 1.000

11

2

de 1.001 à 2.000

15

3

de 2.001 à 3.000

19

4

de 3.001 à 4.000

23

5

de 4.001 à 5.000

27

6

de 5.001 à 6.000

29

7

de 6.001 à 7.000

29

8

de 7.001 à 8.000

31

9

de 8.001 à 9.000

31

10

plus de 9.000

31 et 2 membres supplémentaires par tranche de 3.000 salariés

10 et, au-delà de 10.000, 1 membre supplémentaire par tranche de 2.000 salariés

Si l'établissement emploie des ouvriers et des employés, le collège minoritaire doit avoir un nombre minimal de représentants dans le conseil. Pour cette raison, on procède généralement à un vote par collège.

Malgré les prescriptions législatives, la taille de l'établissement influe beaucoup sur l'existence du conseil. Disposent d'un conseil d'établissement :

- 1 % des établissements comptant entre 5 et 10 salariés ;

- les deux tiers des établissements d'au moins cinquante salariés ;

- plus de 98 % des établissements de plus de 250 salariés.

2) Le fonctionnement du conseil d'établissement

Outre la rencontre mensuelle entre le conseil et l'employeur, qui est prévue par la loi, le conseil se réunit à échéances régulières, ainsi que sur demande de l'employeur ou du quart de ses membres.

L'employeur ne participe aux réunions que si elles ont lieu à sa demande, à moins qu'il ne soit invité.

Le conseil d'établissement convoque une fois par trimestre une réunion de l'ensemble des salariés, au cours de laquelle il rend compte de son activité. L'employeur participe à cette réunion trimestrielle.

3) Le rôle du conseil d'établissement

L'article 2 de la loi de 1972 astreint le conseil d'établissement et l'employeur à " collaborer en toute confiance ".

L'article 80 de la même loi définit ainsi les attributions générales du conseil d'établissement :

- veiller à ce que les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles intéressant les salariés leur soient appliquées ;

- demander à l'employeur toute mesure utile à l'établissement et au personnel ;

- prendre en compte les suggestions des salariés et, lorsque celles-ci paraissent justifiées, agir auprès de l'employeur pour qu'elles soient appliquées ;

- promouvoir l'emploi et l'intégration des handicapés, des personnes âgées et des étrangers et, de façon générale, de toutes les personnes nécessitant une protection particulière.

Plus précisément, le conseil d'établissement a, d'après la loi, trois principaux domaines d'intervention : les " affaires sociales " , les " questions de personnel " et les " affaires économiques " . Dans chacun de ces domaines, ses pouvoirs diffèrent.

a) Les " affaires sociales "

Le conseil d'établissement dispose d'une compétence générale, l'article 88 de la loi lui permettant de conclure des accords d'établissement avec l'employeur. De plus, le conseil d'établissement jouit du pouvoir de codécision pour chacun des points énumérés à l'article 87, dans la mesure où ni une loi ni une convention collective ne comporte de règles spéciales :

- questions disciplinaires ;

- aménagement du temps de travail ;

- modalités de paiement des salaires ;

- organisation des congés payés ;

- contrôle des performances ;

- hygiène et sécurité ;

- gestion des oeuvres sociales ;

- attribution de logements appartenant à l'entreprise ;

- structure des salaires et méthodes de rémunération ;

- barèmes de primes et rémunérations liées aux performances ;

- principes relatifs aux suggestions faites dans l'établissement.

Le pouvoir de codécision en matière sociale se concrétise dans des accords d'établissement et se traduit par le fait que l'employeur ne peut décider sans l'accord exprès du conseil . En cas de désaccord, seule la commission interne de conciliation de l'établissement, organe paritaire ad hoc , peut prendre la décision.

Les mesures prises par l'employeur en contravention avec le droit de codécision du conseil d'établissement en matière sociale sont inopposables aux salariés.

b) Les " questions de personnel "

L'employeur doit informer le conseil d'établissement de toutes les décisions importantes relatives à la gestion du personnel et concernant l'ensemble du personnel (embauches, classification, formation...).

De plus, dans les établissements de plus de 20 salariés, le conseil d'établissement doit être consulté avant toute embauche et toute mutation. Il peut s'y opposer dans certains cas prévus par la loi (par exemple si le recrutement ne respecte pas les critères de sélection de l'entreprise ou s'il risque d'entraîner des licenciements injustifiés). En cas d'opposition, l'affaire peut être portée devant le juge.

Le conseil d'établissement doit être consulté avant tout licenciement, sinon ce dernier est sans effet. Il peut s'y opposer dans certains cas prévus par la loi (par exemple lorsque le licenciement est contraire aux critères de sélection habituellement utilisés ou lorsque le salarié pourrait être employé dans un autre poste), sans que son avis lie l'employeur. L'opposition du conseil d'établissement a pour seul effet que le salarié, dans la mesure où il a engagé une action contre son licenciement, peut exiger la poursuite du contrat de travail jusqu'à ce que le juge ait pris une décision ayant acquis force de chose jugée.

Les critères de sélection éventuellement utilisés pour l'embauche de salariés doivent être approuvés par le conseil d'établissement. Il en va de même pour les mesures prises en matière de formation professionnelle. Le conseil d'établissement dispose également du droit de codécision lorsque l'employeur modifie les conditions de travail, sans tenir compte de l'état des connaissances et des pratiques du moment.

c) Les " affaires économiques "

Dans ce domaine, le pouvoir du conseil d'établissement a une portée limitée.

Dans les entreprises de plus de 100 salariés, la loi institue un comité économique " qui a pour rôle de délibérer des affaires économiques avec le chef d'entreprise et d'en informer le conseil d'établissement ".

De plus, elle prévoit, pour les établissements de plus de 20 salariés, un droit d'information et de consultation du conseil d'établissement en cas de transformations de l'établissement , c'est-à-dire les cas suivants :

- fermeture de l'établissement ou réduction substantielle d'activité ;

- déménagement complet ou transfert d'une grande partie de l'activité ;

- regroupement avec d'autres établissements ;

- modifications fondamentales de l'organisation, des objectifs ou des installations ;

- introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de fabrication.

L'employeur et le conseil doivent tenter de trouver un accord écrit sur les transformations envisagées. Cet accord suppose l'élaboration d'un plan social qui atténue les conséquences économiques et sociales de la transformation pour les salariés. En cas de désaccord sur l'opération de transformation ou sur le plan social, le président de l'office régional du travail peut tenter une médiation. Si cette médiation échoue, la commission interne de conciliation peut trancher en dernier ressort.

II. LA PARTICIPATION AU CONSEIL DE SURVEILLANCE DES SOCIETES DE CAPITAUX

Connue sous le nom de cogestion ( Mitbestimmung ), la participation des salariés au conseil de surveillance est applicable aux sociétés de capitaux , c'est-à-dire aux sociétés par actions, aux SARL et aux sociétés en commandite par actions, les plus importantes. Le conseil de surveillance choisit les membres du directoire et contrôle son activité. Les décisions exigeant l'approbation du conseil de surveillance varient en fonction des statuts de chaque société.

1) Dans les entreprises minières et sidérurgiques de plus de 1.000 salariés

Aux termes de la loi du 21 mai 1951, complétée par celle du 7 août 1956, la composition du conseil de surveillance est presque paritaire . Il se compose en effet de 11 membres (1( * )) :

- cinq représentants des salariés, dont deux sont désignés par les conseils d'établissement parmi les employés de l'entreprise et trois par les organisations syndicales les plus représentatives ;

- cinq représentants des actionnaires ;

- un onzième membre neutre, choisi par les dix autres membres du conseil de surveillance. Sa candidature doit recueillir l'assentiment d'au moins trois représentants des salariés et de trois représentants des actionnaires. En cas de désaccord, il est prévu une procédure complexe de désignation (comité de conciliation, cour d'appel...).

Dans les entreprises relevant de la loi de 1951, le directoire comporte un " directeur du travail ", chargé des questions sociales et qui ne peut être désigné ni être révoqué sans l'accord de la majorité des représentants des salariés au conseil de surveillance.

Ce régime concerne une vingtaine d'entreprises employant environ 400.000 salariés.

2) Dans les entreprises de plus de 2.000 salariés

La loi du 4 mai 1976 a instauré le paritarisme du conseil de surveillance en donnant cependant un avantage aux actionnaires.

L'effectif du conseil de surveillance varie en fonction de celui de l'entreprise selon les indications du tableau ci-après :


Effectif de l'entreprise

Effectif du conseil de surveillance

Nombre de représentants des salariés

de 2.000 à 10.000 salariés

12

6, dont 2 représentants des syndicats

de 10.000 à 20.000 salariés

16

8, dont 2 représentants des syndicats

plus de 20.000 salariés

20

10, dont 3 représentants des syndicats

Parmi les représentants des salariés, il doit y avoir au moins un représentant des cadres dirigeants. De plus, le président du conseil de surveillance, qui doit être élu avec les deux tiers des voix, dispose de deux voix en cas d'égalité, sans que cette règle ne s'applique au vice-président lorsque le président est empêché.

Enfin, lorsque la majorité des deux tiers, nécessaire à l'élection du président, n'est pas atteinte, ce dernier est élu par les seuls représentants des actionnaires, tandis que ceux des salariés élisent le vice-président.

Ces différentes dispositions assurent donc, en dernier ressort, la prééminence des actionnaires .

Ce régime concerne environ 500 entreprises employant quatre millions de salariés.

3) Dans les entreprises comprenant entre 500 et 2.000 salariés

Les articles non abrogés de la loi de 1952 sur l'organisation interne de l'entreprise continuent à s'appliquer à ces entreprises.

Les représentants des salariés constituent un tiers des membres du conseil de surveillance . Par leur faiblesse numérique, les représentants des salariés ne peuvent guère influencer les décisions du conseil de surveillance.

Le nombre total des membres du conseil de surveillance résulte des règles du droit des sociétés pour les sociétés par actions, et des statuts ou d'une décision de l'assemblée pour les autres sociétés.

Lorsque le conseil de surveillance comporte plusieurs représentants des salariés, il doit y avoir au moins un représentant des ouvriers et un représentant des employés.

* *

*

De façon générale, le pouvoir d'intervention des salariés se trouve renforcé par des organisations syndicales puissantes et par la pratique des négociations préalables entre partenaires sociaux.

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