GRANDE-BRETAGNE



Après avoir, en 1975, adopté la loi sur la discrimination sexuelle, la Grande-Bretagne (4( * )) a légiféré sur les discriminations raciales en 1976 (5( * )) , puis sur les discriminations fondées sur le handicap en 1995.

Chacune de ces deux lois interdit toute discrimination dans certains domaines de la vie publique, parmi lesquels l'emploi. Chacune de ces lois crée également une commission ad hoc chargée de promouvoir l'égalité et d'aider les victimes de discriminations. Dans le texte qui suit, seule la loi de 1976 sur les relations entre les races , qui a été modifiée à plusieurs reprises, est analysée.

Les autres discriminations ne font l'objet d'aucun texte. En particulier, ni la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ni la discrimination religieuse ne sont illégales . Cependant, la Chambre des lords a admis, en 1983, que les Sikhs constituaient à la fois un groupe ethnique et religieux. Par conséquent, la loi de 1976 peut être utilisée dans certains cas de discrimination religieuse . Elle l'est actuellement seulement pour les juifs et les sikhs, mais pas pour les musulmans.

1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi

La discrimination est définie à l'article premier de la loi de 1976 : " (1) Dans tous les cas où l'une des dispositions de la loi s'applique, il y a discrimination envers une personne lorsque quelqu'un,

" (a) pour des motifs raciaux, traite cette personne de manière moins favorable qu'il ne traite ou traiterait d'autres personnes ; ou

" (b) impose à cette personne une exigence ou une condition qu'il impose ou imposerait également à des individus n'appartenant pas au groupe racial de cette personne, mais

" (i) qui est telle que le nombre d'individus du même groupe racial que l'intéressé susceptibles de pouvoir s'y conformer est considérablement moins élevé que le nombre d'individus n'appartenant pas à ce groupe racial susceptibles de pouvoir s'y conformer ; et

" (ii) dont il ne peut avancer de justification indépendamment de la couleur, de la race, de la nationalité ou des origines ethniques ou nationales de la personne à laquelle il l'impose ; et

" (iii) qui porte préjudice à cette personne parce qu'elle ne peut s'y conformer.

" (2) Aux fins de la présente loi, on considère que le fait de pratiquer la discrimination raciale envers un individu consiste à le traiter de manière moins favorable que les autres. ".

Cette définition englobe donc les deux formes de discrimination directe et indirecte , l'alinéa 1a se rapportant à la première forme et l'alinéa 1b à la seconde.

Les principales expressions utilisées à l'article premier sont définies à l'article 3, qui précise que, de façon générale :

" l'expression "motifs raciaux" désigne tout motif fondé sur la couleur, la race, la nationalité ou l'origine ethnique ou nationale ;

" l'expression "groupe racial" désigne un groupe de personnes qui se définit par la couleur, la race, la nationalité ou l'origine ethnique ou nationale (...) ".

La deuxième partie de la loi de 1976 traite de la discrimination raciale dans le domaine de l'emploi.

Elle se subdivise en trois sous-parties applicables respectivement aux employeurs, aux autres acteurs du marché du travail (syndicats, organismes de formation professionnelle...) et aux forces de police.

S'agissant des employeurs , la loi leur interdit expressément de pratiquer toute discrimination raciale, aussi bien à l'égard des candidats à un emploi qu'envers leurs salariés. Cette interdiction s'applique  :

- à la formulation des offres d'emploi ;

- à la détermination des conditions à remplir pour pouvoir un poste ;

- au choix d'un candidat pour un poste donné ;

- à l'organisation du travail ;

- à l'accès des salariés à une promotion, à une mutation, à une formation ou à tout autre avantage ;

- à la procédure de licenciement.

La loi précise également que toute discrimination raciale de la part des syndicats, des organismes de formation professionnelle, des bureaux de placement, des organismes, publics ou privés, qui octroient les autorisations ou les titres nécessaires à l'exercice de certains métiers ou de certaines professions est interdite.

2) Les sanctions de ces interdictions

La loi de 1976 ne crée pas d'infraction spécifique. Les plaintes en matière de discrimination raciale sont donc soumises aux juridictions du travail qui peuvent :

- rendre un jugement déclaratif des droits du plaignant ;

- enjoindre à l'employeur de pallier ou de limiter les conséquences de son acte discriminatoire ;

- exiger de l'employeur qu'il indemnise la victime. Le préjudice moral peut être indemnisé même si le préjudice réel ne l'est pas.

Ces trois types de réparation peuvent être accordés de façon séparée ou conjointe.

Depuis une modification apportée en 1994, le montant des dommages-intérêts n'est plus plafonné . Dans son dernier rapport d'activité disponible, celui de 1998, la Commission pour l'égalité raciale indique que, dans les litiges relatifs à l'emploi, le montant moyen des dommages-intérêts octroyés s'élève à 11 482 £ (soit environ 120 000 FRF). Cette moyenne cache une dispersion importante, car les montants supérieurs à 100 000 £ ne sont plus exceptionnels.

Cependant, l'article 57 de la loi de 1976 pose une restriction importante à l'octroi de dommages-intérêts : la discrimination indirecte ne peut pas donner lieu à dommages-intérêts si l'accusé réussit à démontrer aux juges qu'il n'avait pas l'intention de pratiquer un acte discriminatoire lorsqu'il a pris la mesure contestée.

3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits

a) L'aménagement des règles de preuve

Les tribunaux se montrent en général assez indulgents envers les victimes lorsque celles-ci parviennent à montrer que l'accusé a établi une distinction entre des personnes appartenant à des groupes raciaux différents. Il appartient alors à l'accusé de convaincre le tribunal de sa bonne foi.

De plus, l'article 65 de la loi de 1976 prévoit une procédure particulière qui facilite l'obtention des preuves : il permet au ministère de l'Intérieur d'établir des formulaires permettant à la victime d'interroger la partie qui est assignée et à cette dernière de répondre. Les questions et les réponses constituent des preuves pour toutes les procédures entamées dans le cadre de la loi de 1976.

b) La Commission pour l'égalité raciale

Constituée en vertu de l'article 43 de la loi de 1976, la commission comporte entre huit et quinze membres nommés par le ministre de l'Intérieur. Elle a son siège à Londres, mais dispose de plusieurs antennes régionales (une en Ecosse, une au Pays de Galles et trois en Angleterre). Elle employait 217 personnes à la fin de l'année 1998.

La loi lui a assigné la mission suivante :

- oeuvrer pour l'élimination de la discrimination raciale ;

- promouvoir l'égalité des chances et les bonnes relations entre personnes appartenant à des groupes raciaux différents ;

- veiller à l'application de la loi et présenter des propositions de réforme.

Pour remplir cette mission, la commission dispose des pouvoirs suivants :

- accorder son soutien, notamment financier, aux organismes qui poursuivent le même but qu'elle (6( * )) ;

- effectuer des recherches et mener des actions pédagogiques ;

- rédiger des codes de bonne conduite, en particulier dans le domaine de l'emploi ;

- mener des enquêtes, la loi prévoyant une procédure spécifique à cet égard ;

- adresser des recommandations aux auteurs, potentiels ou réels, de discriminations, ainsi qu'au ministre compétent ;

- saisir elle-même la justice, mais seulement lorsque certaines des infractions à la loi de 1976 sont constatées ;

- apporter son aide aux victimes de discriminations raciales.

En ce qui concerne ce dernier point, qui constitue la seule forme d' aide directe aux victimes, la loi autorise la commission à fournir " toute forme d'assistance qu'elle juge appropriée ", et en particulier :

- à donner des conseils aux victimes ;

- à tenter d'obtenir un règlement extrajudiciaire des litiges ;

- à faire en sorte que les victimes soient conseillées ou représentées par un avocat.

Dans son dernier rapport annuel disponible, celui de 1998, la commission indique avoir reçu 1 657 demandes d'aide, les deux tiers de ces demandes se rapportant à des problèmes survenus sur les lieux de travail.

Les autres moyens d'action de la commission constituent des aides indirectes aux victimes de discriminations. En matière d'emploi, les codes de bonne conduite et les enquêtes représentent les plus importantes.

Le code de bonne conduite relatif à l'emploi est l'un des sept codes que la commission a élaborés. Il a été modifié plusieurs fois. Dépourvu de tout caractère obligatoire, il comporte les indications que les employeurs, les syndicats, ainsi que tous les autres acteurs du marché du travail, doivent respecter pour se conformer aux prescriptions de la loi de 1976, et notamment pour éviter toute pratique discriminatoire indirecte.

La commission ne peut mener ses enquêtes que lorsqu'elle suspecte des pratiques discriminatoires. De plus, elle doit prévenir les établissements concernés de l'ouverture de l'enquête et en fixer le cadre. La commission n'utilise cette procédure qu'en dernier ressort. Elle dispose de larges pouvoirs : inspection sur pièces et sur place, convocation de témoins... Lorsque la commission conclut à l'existence d'un cas de discrimination, elle adresse à l'auteur de cette dernière une mise en demeure, valable pendant cinq ans et contenant les différentes mesures qui doivent être prises pour faire cesser les infractions à la loi de 1976. Lorsque l'auteur de la discrimination ignore ces instructions, la commission peut obtenir des tribunaux un jugement enjoignant à l'employeur fautif de se mettre en règle dans des délais très courts. Les mises en demeure de la commission sont susceptibles d'appel devant les tribunaux de droit commun ou devant les juridictions du travail, selon la nature des actes qu'elles visent.

La commission peut saisir directement la justice dans deux cas seulement :

- lorsqu'elle a connaissance d'une offre d'emploi discriminatoire ;

- dans les cas où une personne a fait pression sur une autre ou lui a donné des instructions pour que cette dernière se comporte de façon discriminatoire.

La commission peut alors demander au tribunal d'enjoindre à l'auteur de la discrimination de se mettre en conformité avec la loi. Dans ces deux hypothèses, la commission est la seule à pouvoir intenter une action.

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En juin 1998, la Chambre des lords a adopté une proposition de loi tendant à interdire, sur les lieux de travail, toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le texte a été rejeté par la Chambre des communes.

L'année suivante, le gouvernement a indiqué que, à défaut de législation, il convenait d'établir un code de bonne conduite. Plusieurs administrations ont donc entrepris sa rédaction.

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