PORTUGAL



En proclamant l'égalité des cultes, la Constitution de 1976 a introduit une rupture par rapport au passé du Portugal. En effet, depuis son indépendance, en 1143, le pays a toujours entretenu des liens particulièrement étroits avec l'Église catholique, et une disposition constitutionnelle adoptée en 1951 qualifiait le catholicisme de « religion de la nation portugaise . »

L'Église catholique conserve cependant une place particulière : le concordat de 1940 , qui lui accorde de nombreux privilèges, est resté en vigueur, alors que les autres Églises n'ont jamais eu l'occasion de conclure de tels accords. De plus, la loi n° 4 du 21 août 1971 , souvent qualifiée de loi relative à la liberté religieuse, affirme également le statut spécial de l'Église catholique.

Comme ces deux textes sont antérieurs à l'avènement de la République, leur réforme est souhaitée depuis longtemps. En 1996, le ministre de la Justice a chargé une commission de proposer une réforme de la loi de 1971.

Sur la base de ses travaux, un projet de loi a été préparé. Déposé à l'Assemblée de la République en mars 1999, il n'a pas été inscrit à l'ordre du jour. En revanche, deux députés du groupe socialiste ont déposé en novembre 1999 une proposition de loi . Similaire en tous points au projet de loi, elle a été adoptée par le Parlement le 26 avril 2001 . Après l'adoption de la proposition, qui ne s'applique qu'aux confessions minoritaires, il est prévu de modifier le concordat.

1) Les dispositions constitutionnelles relatives à la religion

a) L'interdiction de toute discrimination religieuse

Considérée comme un droit fondamental, elle fait l'objet de l'article 13 de la Constitution :

« 1. Tous les citoyens ont la même dignité sociale et sont égaux devant la loi.

» 2. Nul ne peut être privilégié, avantagé, défavorisé, privé d'un droit ou dispensé d'un devoir en raison de son ascendance, de son sexe, de sa race, de son pays d'origine, de sa religion, de ses convictions politiques ou idéologiques, de son instruction, de sa situation économique ou de sa condition sociale. »

De plus, l'article 59-1 , relatif aux droits des salariés, précise que : « Tous les travailleurs, sans distinction d'âge, de sexe, de race, de nationalité, de pays d'origine, de religion ou de convictions politiques ou idéologiques ont droit (...) . »

L'article 35 , consacré à l'utilisation de l'informatique, prévoit à l'aliéna 3 que : « L'informatique ne peut être utilisée pour le traitement de données concernant les convictions philosophiques ou politiques, l'affiliation à un parti ou à un syndicat, la foi religieuse ou la vie privée, à moins qu'il ne s'agisse de données recueillies à des fins statistiques qui ne permettront pas d'identifier les personnes auprès desquelles elles ont été obtenues. »

b) La liberté religieuse

Elle est garantie par les trois premiers alinéas de l'article 41 :

« 1. La liberté de conscience, de religion et de culte est inviolable.

» 2. Nul ne peut être poursuivi, privé de droits, dispensé d'obligations ou de devoirs civiques en raison de ses convictions ou de ses pratiques religieuses.

» 3. Nul ne peut ni être interrogé, par aucune autorité, au sujet de ses convictions ou de ses pratiques religieuses, sauf pour le recueil de données statistiques qui ne permettront pas d'identifier les personnes auprès de qui elles ont été obtenues, ni subir de préjudice pour avoir refusé de répondre. »

Cette garantie est renforcée par l'article 19-6 de la Constitution, selon lequel la déclaration de l'état de siège ne peut pas affecter la liberté de conscience et de religion.

c) L'enseignement privé

L'article 43 proclame la neutralité religieuse de l'État dans le domaine de l'éducation, la non-confessionnalité de l'enseignement public, ainsi que la liberté de l'enseignement :

« 1. La liberté d'apprendre et d'enseigner est garantie.

» 2. L'État ne peut s'arroger le droit de déterminer l'éducation et la culture selon des lignes directrices philosophiques, esthétiques, politiques, idéologiques ou religieuses.

» 3. L'enseignement public ne sera pas confessionnel. »

d) L'instruction religieuse

La Constitution énonce à l'article 41-5 : « La liberté de l'enseignement de toute religion est réalisée et garantie dans le cadre des confessions (...) », mais elle n'évoque pas l'organisation de cours d'instruction religieuse dans le cadre de l'enseignement public. Toutefois, saisie des dispositions selon lesquelles l'État garantit l'enseignement religieux dans les écoles primaires et secondaires, la Cour constitutionnelle s'est exprimée sur ce sujet à deux reprises.

En 1987, elle a affirmé que ces dispositions n'étaient pas inconstitutionnelles, dans la mesure où l'instruction religieuse n'était dispensée qu'aux élèves qui en formulaient expressément la demande.

En 1993, elle a déclaré que la Constitution autorisait que les cours d'instruction religieuse dans les écoles publiques fussent considérés comme une matière d'enseignement, assurés par des enseignants formés et nommés par l'État sur proposition de l'Église, puisque ces cours étaient dispensés dans les écoles publiques et non par les écoles publiques.

Dans les deux cas, la division des juges a été profonde.

e) La reconnaissance des cultes

Aux termes de l'article 41-4 de la Constitution, « les Églises et les communautés religieuses sont séparées de l'État et peuvent librement s'organiser, exercer leurs fonctions et célébrer leur culte. »

En outre, l'article 288 , relatif aux limites des révisions constitutionnelles, précise que toute modification constitutionnelle doit respecter la séparation des Églises et de l'État .

Par ailleurs, l'article 51 , qui est consacré aux partis politiques , énonce à l'alinéa 3 : « Les partis politiques ne peuvent, sans préjudice de la philosophie ou de l'idéologie qui inspire leur programme, user d'une appellation qui contienne des expressions évoquant directement des religions ou églises, ou des emblèmes susceptibles d'être confondus avec des symboles nationaux ou religieux. »

2) Les relations entre l'État et les communautés religieuses

La loi relative à la liberté religieuse qui a été adoptée le 26 avril 2001 tend à modifier le régime des cultes, mais elle ne s'applique pas à l'Église catholique.

a) L'Église catholique

Bien que la Constitution de 1976 proclame le principe de séparation des Églises et de l'État, et que la loi de 1971 affirme que la séparation régit les relations entre l'État et les différentes communautés religieuses, le concordat de 1940 (12( * )) signé entre l'État et le Saint-Siège demeure en vigueur , alors que les autres communautés religieuses non catholiques n'ont jamais pu signer de tels accords.

L'article 1 er du concordat affirme que la République reconnaît la personnalité morale de l'Église catholique.

Une révision du concordat de 1940 est en cours de négociation . Elle porterait notamment sur les aspects éducatifs, fiscaux et patrimoniaux.

b) Les autres communautés religieuses




La loi de 1971

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La loi de 2001

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Elle prévoit la reconnaissance , qui confère la personnalité morale, aux communautés religieuses pouvant se prévaloir d'au moins 500 fidèles, chacun d'eux devant être identifié, majeur et domicilié au Portugal.

La complexité de la procédure administrative permettant d'obtenir la reconnaissance et les difficultés d'exercice du droit d'association ont empêché l'application de la loi avant la Révolution du 25 avril 1974.

Immédiatement après, trois Églises ont été reconnues : l'Église évangélique méthodiste portugaise et l'Église adventiste du septième jour, en juin 1974, puis l'Armée du salut, en juillet 1974.

Les autres communautés religieuses relèvent du régime général des associations.

Elle prévoit deux niveaux de reconnaissance et deux appellations :

- les « communautés religieuses inscrites », personnes morales sui generis , doivent justifier de leur ancienneté, de leur organisation, de leur doctrine et de l'existence d'une pratique religieuse correspondante ;

- les « communautés religieuses enracinées » sont celles des communautés inscrites qui peuvent justifier d'un nombre suffisant de fidèles et d'une ancienneté d'au moins trente ans au Portugal, à moins qu'il ne s'agisse de communautés fondées à l'étranger il y a au moins soixante ans.

La reconnaissance publique des droits collectifs associés à la liberté religieuse (instruction religieuse dans les écoles publiques, temps d'antenne...) est réservée à ces deux catégories de communautés, ce qui n'empêche pas une communauté donnée de continuer à fonctionner comme association.

Seules les « communautés religieuses enracinées » peuvent signer des accords avec l'État.

3) Le financement des dépenses des communautés religieuses




La situation actuelle

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La loi de 2001

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Les Églises ne bénéficient d'aucun financement public direct.

L'Église catholique dispose d'un important patrimoine immobilier
, qui lui procure d'importants revenus.

Par ailleurs, elle bénéficie d'un régime fiscal extrêmement favorable :

- les revenus des ministres du culte ne sont pas imposables ;

- l'Église catholique, ainsi que toutes les entités qui lui sont liées, sont exemptées de la TVA. En pratique, l'opération implique un remboursement par l'État.

Les autres dispositions fiscales profitent à toutes les communautés religieuses :

- exemption d'impôts lors de l'acquisition d'immeubles ;

- exemption de taxes foncières locales pour les immeubles destinés au culte ;

- déduction des dons, dans la limite de 15 % du revenu imposable. Cependant, comme le fisc interprète cette prescription de façon restrictive, son application à d'autres communautés religieuses que l'Église catholique est limitée.

La différence de traitement entre l'Église catholique et les autres communautés religieuses était de plus en plus critiquée.

Comme le régime fiscal actuel de l'Église catholique repose essentiellement sur le concordat, la loi adoptée le 26 avril 2001 ne peut le modifier.

En revanche, elle prévoit que toutes les autres « communautés religieuses inscrites » bénéficient du même régime fiscal :

- exemption de tout impôt sur les immeubles destinés au culte, à la formation des ministres du culte ou à l'enseignement de la religion ;

- exemption de tout droit lors de l'acquisition d'un immeuble destiné au culte ;

- déduction des dons de l'impôt sur le revenu, dans la limite de 25 % de leur montant et de 15 % de l'impôt sur le revenu.

La nouvelle loi, s'inspirant des systèmes espagnol et italien, prévoit que chaque contribuable puisse décider de l'affectation de 0,5 % de son impôt sur le revenu à des oeuvres caritatives ou religieuses, cette mesure étant réservée aux seules « communautés religieuses enracinées ».

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