EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Longtemps la guerre d'Algérie cacha son nom. D'abord derrière les termes plus rassurants « d'événements d'Algérie » puis « d'opération de maintien de l'ordre ». Il a fallu attendre 1974, pour accorder le titre d'ancien combattant à ceux qui participèrent aux « opérations en Algérie » et ce n'est que le 8 juin et 18 octobre 1999 que fut votée à l'unanimité la loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie entre le 1 er novembre 1954 et le 19 mars 1962, date de la proclamation de cessez-le-feu suite aux accords d'Évian, signés la veille par le FLN et le gouvernement français.

Pendant ces années de guerre, plusieurs centaines de milliers de Français d'origine arabe ou berbère, avaient choisi de refuser la terreur du FLN et de continuer à servir la France. Cette population englobait les harkis et autres supplétifs mais aussi les notables (bachaghas, caïds), élus, militaires restés fidèles à la France. Après les accords d'Évian du 18 mars 1962 près de 70 000 harkis engagés militairement aux côtés des soldats Français en Algérie furent délibérément abandonnés et victimes de sanglantes représailles de la part du FLN.

Seuls 20 000 harkis, avec leur famille le cas échéant furent rapatriés en 1962 par la France. D'autres le furent grâce aux officiers qui désobéirent aux ordres reçus. En effet le 12 mai 1962, ordre leur avait été donné de ne pas permettre aux harkis de rejoindre la métropole. Louis Joxe, ministre des affaires algériennes, adressa le 16 mai 1962 un télégramme ordonnant même de sanctionner les cadres de l'armée responsables de rapatriements de harkis et de refouler sur le sol algérien ces harkis débarqués en France. Au total, environ 60 000 harkis parvinrent à venir en France ; pendant des années, ils furent alors logés dans des camps de fortune où les conditions de vie étaient indignes.

La « communauté de destin » des anciens harkis et leurs descendants, aujourd'hui en majorité intégrés, est estimée à environ 600 000 personnes mais le nombre des anciens combattants harkis ne cesse de diminuer. Leurs enfants ont pris le relais pour exiger vérité, reconnaissance et justice en l'honneur et la mémoire de leurs parents. La France a, depuis les années 1990, entrepris officiellement une démarche officielle pour reconnaître la responsabilité de l'État dans la tragédie des harkis. La loi n° 94-488 du 11 juin 1994 « relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie » a ainsi marqué une première étape dans la reconnaissance légale du préjudice subi.

La loi n°2005-158 du 2 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » réaffirme, en les complétant, les principes de reconnaissance nationale vis-à-vis des « souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires ».

Le 14 avril 2012, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a reconnu la responsabilité de la France en déclarant dans le camp de Rivesaltes : « La France se devait de protéger les harkis de l'Histoire, elle ne l'a pas fait. La France porte cette responsabilité devant l'Histoire . » Ensuite, le 25 septembre 2016 à l'occasion de la Journée nationale d'hommage aux harkis, le Président de la République, François Hollande a déclaré : « Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis, des massacres de ceux restés en Algérie et des conditions d'accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France. Telle est la position de la France. ».

Enfin, le 25 septembre 2017, Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, a reconnu que la France n'avait pas accordé « sa protection aux harkis qui firent le choix de rester, exposant beaucoup d'entre eux à de violentes représailles » et n'avait « pas su, non plus, accueillir comme ses enfants, ceux qui avaient choisi de rallier le territoire national, les reléguant en grand nombre dans des camps de transit, des hameaux de forestage puis des cités de transit aux conditions déplorables ».

Aujourd'hui, les harkis, leurs familles et les associations qui les représentent demandent une loi qui consacre la responsabilité historique de la France à l'égard des harkis et de leurs familles. Suite à la fin de la guerre d'Algérie en 1962, les uns ont été abandonnés par la France et massacrés ou horriblement torturés par le FLN, les autres arrivés en France ont été relégués dans des camps de fortune où les conditions de vie étaient indignes.

Alors que les survivants de cette époque sont de moins en nombreux, il est urgent de mettre un terme définitif à cette blessure de l'histoire. Tel est le but de la présente proposition de loi.

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