EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon le 5 ème rapport du GIEC (Groupement d'experts intergouvernemental d'évolution sur le climat) sur les changements climatiques et leurs évolutions futures, « Les experts s'attendent [...] à ce que le réchauffement climatique provoque des événements météorologiques extrêmes plus intenses, tels que les sécheresses, pluies diluviennes et [...] des ouragans plus fréquents ».

Au cours de ces dernières années, on observe en France des événements météorologiques qui confortent malheureusement cette prévision, et dont les conséquences sur l'agriculture sont dramatiques. L'année 2018 a connu une sécheresse atypique avec un déficit hydrique qui s'est prolongé durant l'automne. Cet épisode a concerné soixante départements, entraînant des reculs de rendements, notamment pour les cultures de maïs et de colza. L'élevage a également été affecté du fait de la raréfaction des fourrages. Cette année encore, de violentes intempéries ont dévasté, parfois en totalité, des vergers dans la région de Bordeaux, en Auvergne-Rhône-Alpes ainsi qu'en Occitanie, tandis que l'intensité d'une chaleur caniculaire a grillé, de façon inédite, des hectares de vignobles gardois et héraultais.

L'agriculture apparait naturellement comme le secteur économique le plus exposé aux méfaits du dérèglement climatique. Aussi, de plus en plus souvent, les agriculteurs vont être confrontés à des incertitudes quant au volume de leurs récoltes, et par ricochet de leurs revenus. En moyenne, un agriculteur subit actuellement une perte de revenu de 20 % tous les trois à quatre ans, le niveau et la fréquence passant respectivement à 30 % et 3,6 ans pour les arboriculteurs.

Face à cela, les moyens de lutte préventive ne suffisent pas toujours à limiter les dégâts sur une exploitation. Dans ces conditions, on doit se poser la question de l'efficience du système actuel de gestion et de couverture des risques climatiques.

Ce système est composé de deux piliers. En appui, le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), principalement alimenté par une taxe additionnelle aux primes et cotisations d'assurance payées par les agriculteurs, joue le rôle de pivot financier.

Le régime des calamités agricoles, créé dès 1964, indemnise les exploitants ayant subi des pertes de récoltes et des pertes de fonds. Cette indemnisation intervient pour les risques non assurables, en cas d'événement climatique exceptionnel, pour un taux minimal de pertes individuelles.

Les agriculteurs peuvent par ailleurs recourir à l'assurance récolte, dont le cadre a été amélioré depuis sa création en 2005. Aujourd'hui, les assureurs proposent un « contrat-socle » par lequel, en cas de sinistre, l'agriculteur est couvert au niveau d'un prix de vente calculé sur les trois dernières années ou sur la moyenne olympique des cinq dernières années. Ce premier niveau, déclenchable à partir d'un seuil de 30 % de pertes, bénéficie d'une subvention publique au taux maximum de 65 %. Il permet à l'assuré de poursuivre son activité et de relancer un cycle de production après avoir subi des pertes de rendements dues à un événement climatique. Un second niveau de couverture, subventionnable à un taux inférieur allant jusqu'à 45 %, permet à l'agriculteur d'être indemnisé sur la base de son chiffre d'affaires. Un troisième étage, non soutenu par des aides publiques, propose de souscrire des garanties complémentaires (réduction ou rachat de franchise, frais supplémentaires de récoltes, frais de resemis...). La prise en charge partielle des primes ou cotisations d'assurance ouverte aux deux premiers niveaux de garanties, provient des aides puisées dans le second pilier de la PAC à travers des fonds européens (FEADER).

Malgré ce soutien, la diffusion de l'assurance récolte progresse très lentement et inégalement selon les cultures : 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couvertes par un contrat multirisques climatiques tandis que le taux de couverture est très marginal pour les exploitations d'arboriculture et nul pour les prairies. Par conséquent, de nombreux agriculteurs se trouvent le plus souvent démunis face à un sinistre.

Le coût des primes et l'exigence d'un taux de perte de 30 % considérée par certains agriculteurs comme trop forte, n'encouragent pas à la souscription des contrats multirisques. En ce qui concerne le coût des primes, les assureurs peuvent difficilement faire mieux car l'exploitation de cette branche assurantielle est déficitaire pour les compagnies d'assurance. Sur la période 2005/2017, le cumul de pertes est de 900 millions d'euros pour les compagnies d'assurance. L'équilibre a été atteint pour les seules années 2008, 2014 et 2015. En revanche, le seuil du taux de perte pourrait être porté à 20 %, le règlement européen dit « règlement Omnibus » le permettant depuis 2018.

Pour ce qui est de l'indemnisation au titre des calamités agricoles, la lenteur des procédures (jusqu'à 18 mois pour couvrir un aléa), la question des seuils inadaptés notamment en cas de polyculture, les limites du zonage de l'indemnisation et le calcul du prix de vente assurable sur la moyenne olympique sont quelques-uns des reproches qui lui sont adressés.

En outre, pour l'arboriculture et les prairies, l'assurance récolte et le régime des calamités agricoles entrent en concurrence et peuvent ainsi engendrer des situations inéquitables dans lesquelles un agriculteur non assuré bénéficiera d'une meilleure indemnisation que celui qui s'était assuré.

En marge de cette gestion collective des risques en agriculture, l'exploitant peut se constituer une réserve individuelle grâce à la déduction pour épargne de précaution (DEP). Ce dispositif suppose toutefois de pouvoir mobiliser de la trésorerie sur plusieurs années et donc d'avoir des revenus qui le permettent.

Conscient des obstacles qui se présentent face à la généralisation de l'assurance récolte, le Gouvernement a décidé, en juillet dernier, de lancer une concertation entre le monde agricole et les assureurs afin d'améliorer et d'encourager la couverture des risques. À cet égard, l'article L. 1 du code rural et de la pêche mentionne, parmi les finalités de la politique agricole, le développement des dispositifs de prévention et de gestion des risques, de même que la sécurisation des revenus.

Dans la perspective de ces réflexions, les auteurs de la présente proposition de résolution souhaitent rappeler les quelques mesures défendues par le monde agricole qui visent à rendre l'assurance récolte plus attractive. Il serait en effet souhaitable de la simplifier, de l'adapter selon les cultures, de l'encourager financièrement, d'en réduire les effets de seuil et de mieux articuler entre eux les outils d'indemnisation existants.

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