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N° 341

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 janvier 2017

PROPOSITION DE LOI

visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d' Évian du 2 juillet 1962 jusqu'au 1 er juillet 1964 ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Dominique de LEGGE, Bruno RETAILLEAU, François PILLET, François-Noël BUFFET, Éric DOLIGÉ, Jacques LEGENDRE, Alain GOURNAC, Louis-Jean de NICOLA•, Robert LAUFOAULU, André REICHARDT, Charles REVET, Daniel CHASSEING, Jean-Noël CARDOUX, Didier MANDELLI, Jean BIZET, Pierre CHARON, René-Paul SAVARY, André TRILLARD, Alain VASSELLE, Michel RAISON, Daniel LAURENT, Guy-Dominique KENNEL, Jean-Marie MORISSET, Christian CAMBON, René DANESI, Michel VASPART, Gérard CORNU, Gérard BAILLY, Antoine LEFÈVRE, Philippe BAS, Gérard CÉSAR, Pierre CUYPERS, Henri de RAINCOURT, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, Marc LAMÉNIE, Jean-Paul FOURNIER, Alain DUFAUT, Michel BOUVARD, Gérard LONGUET, Mmes Caroline CAYEUX, Colette GIUDICELLI, Patricia MORHET-RICHAUD, Colette MÉLOT, Marie-Annick DUCHÊNE, Corinne IMBERT, Élisabeth LAMURE, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Vivette LOPEZ, Pascale GRUNY, Chantal DESEYNE, Catherine DEROCHE, Marie-France de ROSE, Isabelle DEBRÉ, Agnès CANAYER et Jacky DEROMEDI,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de réparer une inégalité persistante entre les militaires français engagés dans les combats en Afrique du Nord entre 1952 et 1964. En effet, si la qualité de combattant a été octroyée aux personnes ayant participé aux « opérations » en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 par la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974, les militaires engagés sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962 ne sont pas considérés comme des combattants comme les autres.

En 1974, le législateur a ainsi fait le choix de retenir la date du 2 juillet 1962, veille de l'indépendance de l'Algérie, comme date unique de fin d'attribution de la carte du combattant pour l'ensemble des opérations alors considérées comme « les événements d'Afrique du Nord ». Ainsi, les militaires français engagés au Maroc ou en Tunisie après les indépendances de ces pays, survenues respectivement le 2 mars 1956 et le 20 mars 1956, sont fondés à bénéficier de la carte du combattant jusqu'à six ans après ces dates dès lors qu'ils peuvent justifier de quatre mois de présence sur le terrain, ou à se voir attribuer le titre de reconnaissance de la nation. S'agissant de la guerre d'Algérie, ainsi qualifiée par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, seul le titre de reconnaissance de la Nation peut être attribué aux militaires engagés après le 2 juillet 1962, la date limite de délivrance de la carte du combattant étant fixée au 2 juillet 1962.

Cette différence de traitement entre militaires est d'autant plus choquante que si la signature des accords d'Évian, le 18 mars 1962, marquait la fin du conflit armé, près de 80 000 militaires français ont continué d'être déployés sur le territoire algérien, conformément aux dispositions des accords. Il restait 305 000 soldats français sur le territoire algérien en juillet 1962, 103 000 en janvier 1963 et près de 50 000 en janvier 1964. Durant cette période, au moins 535 militaires français, appelés et engagés, sont « morts pour la France ».

Il est temps aujourd'hui de mettre un terme à une injustice vis-à-vis de ces soldats et de leurs familles et d'apurer le passé et de reconnaître la mémoire de tous ceux qui sont restés sur le sol d'Algérie après le 2 juillet 1962.

Bien sûr, il y a eu des progrès, et la création de la « carte à cheval » a permis d'octroyer la carte du combattant à près de 11 000 anciens militaires. En effet, l'article 109 de la loi de finances pour 2014, modifiant l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, a eu pour effet d'étendre le bénéfice de la carte du combattant aux militaires justifiant d'un séjour de quatre mois en Algérie entamé avant le 2 juillet 1962 et s'étant prolongé au-delà sans interruption.

Il faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape en permettant à tous les soldats engagés au-delà du 2 juillet 1962 de pouvoir bénéficier de la carte du combattant, dès lors qu'ils satisfont les autres conditions. Cette évolution, soutenue de longue date par une grande majorité d'associations du monde combattant, permettrait de rétablir ces soldats dans leur dignité. La France reconnaît d'ailleurs que ces militaires se trouvaient dans une situation périlleuse, puisqu'ils peuvent obtenir le titre de reconnaissance de la Nation, qui suppose la participation à un conflit.

Bien évidemment, cette extension a un coût, bien faible du reste, que l'on peut estimer à 16 millions d'euros annuel. En effet, alors que 35 000 titres de reconnaissance de la Nation ont été délivrés à des militaires engagés au-delà du 2 juillet 1962, 11 000 « cartes à cheval » ont été attribuées selon les données de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre. Ainsi, resteraient 24 000 personnes concernées, alors que le montant de la retraite du combattant s'élève aujourd'hui à 674 euros par an (avant revalorisation prévue par le projet de loi de finances 2017).

Si l'Algérie était bien un État indépendant, pourquoi ne pas considérer que les militaires français étaient présents sur le territoire algérien au titre des opérations extérieures, leur permettant ainsi de bénéficier des dispositions introduites dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre par l'article 87 de la loi de finances pour 2015, qui permettent d'accorder la carte du combattant aux militaires ayant servi quatre mois ou plus dans les opérations extérieures.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi. Pour ce faire :

- l' article 1 er de la proposition de loi modifie le 2° de l'article L. 111-3 du code afin d'introduire une référence aux opérations militaires sur le territoire de l'Algérie, permettant de viser les soldats déployés après le 2 juillet 1962 jusqu'au 1 er juillet 1964 ;

- l' article 2 de la proposition de loi insère un alinéa à l'article L. 311-2 du code, afin de faire bénéficier aux militaires déployés sur le territoire algérien après le 2 juillet 1962 des dispositions relatives aux soldats engagés en opérations extérieures (OPEX).

De très nombreuses propositions de loi ont d'ores-et-déjà été déposées à ce sujet, témoignant de l'accord de l'ensemble des formations politiques sur cette question. C'est une chance pour le Parlement de répondre à une injustice vis-à-vis de ces soldats, qui semblent n'être que les victimes expiatoires d'une guerre mémorielle.

Cette proposition de loi a vocation à recueillir le plus grand consensus au-delà des appartenances politiques pour qu'il soit mis fin à une injustice vis-à-vis de toute cette troisième génération du feu qui a le sentiment de s'être battue pour la France lors d'une opération extérieure, sans bénéficier de notre reconnaissance.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le 2° de l'article L. 111-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est complété par les mots : « ou aux opérations militaires menées sur le territoire de l'Algérie du 2 juillet 1962 au 1 er juillet 1964. »

Article 2

Après le deuxième alinéa de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des premier et deuxième alinéas du présent article s'appliquent aux opérations militaires menées sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964 ».

Article 3

Les charges résultant pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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