N°389

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 9 avril 1998. Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 avril 1998.

PROPOSITION DE LOI

tendant à remplacer dans le titre de la loi n° 51-538 du 14 mai 1951 les mots : « personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi » par les mots : « victimes de la déportation du travail » et à modifier, en conséquence, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre,

PRESENTEE

Par MM. Robert PAGÉS, Guy FISCHER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BECART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Anciens combattants et victimes de guerre.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Cinquante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les 600 000 Français qui furent déportés dans les camps de travail forcé de l'Allemagne hitlérienne en vertu d'actes :

- dits : loi du 4 septembre 1942, décret du 16 septembre 1942 sur les réquisitions ;

- dits : loi du 16 février 1943, loi du 1 er février 1944 sur le STO ;

ou des rafles organisées à l'époque dans les usines ou à la sortie du métro, dans les rues des villes et des villages de France, restent les seuls parmi les victimes de la guerre 1939-1945 à ne pas être dotés d'un titre officiel qualifiant véritablement les épreuves qu'ils ont subies. Cette situation est injuste. Les déportés du travail emmenés de force en Allemagne ont été effectivement victimes du nazisme.

L'histoire et le langage courant ont fait d'eux des « déportés du travail », mais le titre de leur statut - loi n° 51-538 du 14 mai 1951 -les a désignés provisoirement comme «personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi ».

Depuis le 4 août 1950, la discussion se poursuit sur le point de savoir comment ces personnes doivent être dénommées officiellement.

Dans les précédentes législatures, de nombreux débats et de nombreux votes ont eu lieu sur ce sujet. Cependant, aucune décision législative n'a pu être menée à son terme.

Cette situation constitue une véritable injustice à l'égard des victimes de la déportation du travail.

Nul ne peut nier qu'il y ait eu une déportation du travail, dont le bilan est tragique :

- 60 000 morts, dont 15 000 fusillés, pendus ou décapités pour actes de résistance ;

- 50 000 rentrés tuberculeux, 59 % prétuberculeux ;

- plusieurs milliers de mutilés, de veuves et d'orphelins.

Et, depuis 1945, 20 % sont disparus des suites de cette déportation.

Pour en avoir été l'organisateur, le gauleiter Fritz Sauckel fut reconnu coupable de crime de guerre, de crime contre l'humanité, condamné à mort par le tribunal international de Nuremberg et exécuté par pendaison.

La déportation du travail a été organisée avec la complicité active du grand patronat français, qui a désigné dans chaque entreprise les salariés qui devaient être déportés. Les membres du Conseil national, les hommes politiques qui soutenaient Pétain et portaient la francisque ont participé à cette opération. Ces responsables français de la déportation de centaines de milliers de leurs concitoyens n'ont jamais été inquiétés et ont continué à occuper des postes importants. Mais les victimes de la déportation du travail continuent à subir un préjudice dans leurs droits moraux et matériels.

D'autre part, la loin 0 51-538 du 14 mai 1951, par ses articles premier, 2 et 9 - art. L. 308, L. 309 et L. 317 du code des pensions militaires -, donne toutes les garanties nécessaires afin que nul ne puisse être abusivement classé dans cette catégorie particulière de victimes de guerre et qu'en conséquence tout volontaire pour le travail en Allemagne en soit exclu.

Enfin, son article 15 - art. L. 312 du code des pensions - stipule que :

« Ne peuvent prétendre à l'application de la présente loi les individus condamnés en vertu de l'ordonnance du 26 juin 1944 ou des textes subséquents relatifs à la répression des faits de collaboration, ainsi que ceux frappés d'indignité nationale et dont le comportement avant leur réquisition et au cours de l'exil a été contraire à l'esprit de la Résistance française. »

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de consacrer par la loi le titre de « victimes de la déportation du travail », qui tient compte des craintes et des réserves émises par les rescapés des camps de la mort dans ce sens qu'il ne prête à aucune confusion avec celui de déportés résistants ou de déportés politiques.

Il est temps de régler enfin de façon équitable cette question car les retards successifs qui en ont différé jusqu'alors la solution, malgré les promesses prodiguées, ont à très juste titre profondément irrité les

victimes de la déportation du travail, qui ne peuvent bénéficier pleinement des droits qui leur ont été reconnus par leur statut.

Il convient d'ailleurs de remarquer qu'en Belgique, pays qui, comme la France, a été occupé par les nazis, le titre de « travailleurs déportés » a été attribué à tous les citoyens belges requis et expédiés dans les camps de travail forcé de l'Allemagne hitlérienne.

Voilà pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Dans le titre de la loi n° 51-538 du 14 mai 1951, les mots : «personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi» sont remplacés par les mots : « victimes de la déportation du travail ».

Article 2

Dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, notamment dans le chapitre V du titre II du livre III dudit code, les mots : « victimes de la déportation du travail » sont substitués aux mots : « personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi ».

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