PROPOSITION DE LOI

adoptée

le 13 février 2012

 

N° 69
SÉNAT
                  

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2021

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DOCUMENT PROVISOIRE

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PROPOSITION DE LOI

relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle.

Le Sénat a adopté, dans les conditions prévues à l’article 45 (alinéas 2 et 3) de la Constitution, la proposition de loi dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : 1ère lecture : 54, 151 et T.A. 23 (2011-2012).
             277.
C.M.P. : 326 et 327 (2011-2012).

Assemblée nationale (13ème législ.) : 1ère lecture : 4065, 4189 et T.A. 825.
                                                             C.M.P. : 4297.

 

 


Article 1er

Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Dispositions particulières relatives
à l’exploitation numérique des livres indisponibles 

« Art. L. 134‑1. – On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique.

« Art. L. 134‑2. – Il est créé une base de données publique, mise à disposition en accès libre et gratuit par un service de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles. La Bibliothèque nationale de France veille à sa mise en œuvre, à son actualisation et à l’inscription des mentions prévues aux articles L. 134‑4, L. 134‑5 et L. 134‑6.

« Toute personne peut demander à la Bibliothèque nationale de France l’inscription d’un livre indisponible dans la base de données.

« L’inscription d’un livre dans la base de données ne préjuge pas de l’application des articles L. 132‑12 et L. 132‑17.

« Art. L. 134‑3. – I. – Lorsqu’un livre est inscrit dans la base de données mentionnée à l’article L. 134‑2 depuis plus de six mois, le droit d’autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la présente partie, agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« Sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 134‑5, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée à cinq ans, renouvelable.

« II. – Les sociétés agréées ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont la charge.

« III. – L’agrément prévu au I est délivré en considération :

« 1° De la diversité des associés de la société ;

« 2° De la représentation paritaire des auteurs et des éditeurs parmi les associés et au sein des organes dirigeants ;

« 3° De la qualification professionnelle des dirigeants de la société ;

« 4° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour assurer la perception des droits et leur répartition ;

« 5° Du caractère équitable des règles de répartition des sommes perçues entre les ayants droit, qu’ils soient ou non parties au contrat d’édition. Le montant des sommes perçues par le ou les auteurs du livre ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l’éditeur ;

« 6° Des moyens probants que la société propose de mettre en œuvre afin d’identifier et de retrouver les titulaires de droits aux fins de répartir les sommes perçues ;

« 7° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour développer des relations contractuelles permettant d’assurer la plus grande disponibilité possible des œuvres ;

« 8°  Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour veiller à la défense des intérêts légitimes des ayants droit non parties au contrat d’édition.

« IV. – Les sociétés agréées remettent chaque année à la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 321‑13 un rapport rendant compte des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus dans la recherche des titulaires de droits, qu’ils soient ou non parties au contrat d’édition.

« La commission peut formuler toute observation ou recommandation d’amélioration des moyens mis en œuvre afin d’identifier et de retrouver les titulaires de droits.

« La commission est tenue informée, dans le délai qu’elle fixe, des suites données à ses observations et recommandations.

« La commission rend compte annuellement, au Parlement, au Gouvernement et à l’assemblée générale des sociétés agréées, selon des modalités qu’elle détermine, des observations et recommandations qu’elle a formulées et des suites qui leur ont été données.

« Art. L. 134‑4. – I. – L’auteur d’un livre indisponible ou l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée de ce livre peut s’opposer à l’exercice du droit d’autorisation mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 134‑3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134‑2 au plus tard six mois après l’inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa.

« Mention de cette opposition est faite dans la base de données mentionnée au même article L. 134‑2.

« Après l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent I, l’auteur d’un livre indisponible peut s’opposer à l’exercice du droit de reproduction ou de représentation de ce livre s’il juge que la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Ce droit est exercé sans indemnisation.

« II. – L’éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa du I du présent article est tenu d’exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerné. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l’exploitation effective du livre à la société agréée en application de l’article L. 134‑3. À défaut d’exploitation du livre dans le délai imparti, la mention de l’opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l’article L. 134‑2 et le droit d’autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé dans les conditions prévues au second alinéa du I de l’article L. 134‑3.

« La preuve de l’exploitation effective du livre, apportée par l’éditeur dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II, ne préjuge pas de l’application des articles L. 132‑12 et L. 132‑17.

« Art. L. 134‑5. – À défaut d’opposition notifiée par l’auteur ou l’éditeur à l’expiration du délai prévu au I de l’article L. 134‑4, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction et de représentation sous une forme numérique d’un livre indisponible à l’éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée.

« Cette proposition est formulée par écrit. Elle est réputée avoir été refusée si l’éditeur n’a pas notifié sa décision par écrit dans un délai de deux mois à la société de perception et de répartition des droits.

« L’autorisation d’exploitation mentionnée au premier alinéa est délivrée par la société de perception et de répartition des droits à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable, sauf dans le cas mentionné à l’article L. 134‑8.

« Mention de l’acceptation de l’éditeur est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134‑2.

« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve que cet éditeur ne dispose pas du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.

« À défaut d’acceptation de la proposition mentionnée au premier alinéa ou d’exploitation de l’œuvre dans le délai prévu au cinquième alinéa du présent article, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au second alinéa du I de l’article L. 134‑3.

« L’utilisateur auquel une société de perception et de répartition des droits a accordé une autorisation d’exploitation dans les conditions prévues au même second alinéa est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011‑590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

« L’exploitation de l’œuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l’application des articles L. 132‑12 et L. 132‑17.

« Art. L. 134‑6. – L’auteur et l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d’un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 134‑3 leur décision de lui retirer le droit d’autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique.

« L’auteur d’un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée au même article L. 134‑3 le droit d’autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique s’il apporte la preuve qu’il est le seul titulaire des droits définis audit article L. 134‑3. Il lui notifie cette décision.

« Mention des notifications prévues aux deux premiers alinéas du présent article est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134‑2.

« L’éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter le livre concerné dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter à la société de perception et de répartition des droits, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d’exploitation du livre concerné des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article. Les ayants droit ne peuvent s’opposer à la poursuite de l’exploitation dudit livre engagée avant la notification pendant la durée restant à courir de l’autorisation mentionnée au second alinéa du I de l’article L. 134‑3 ou au troisième alinéa de l’article L. 134‑5, à concurrence de cinq ans maximum et à titre non exclusif.

« Art. L. 134‑7. – Les modalités d’application du présent chapitre, notamment les modalités d’accès à la base de données prévue à l’article L. 134‑2, la nature ainsi que le format des données collectées et les mesures de publicité les plus appropriées pour garantir la meilleure information possible des ayants droit, les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément des sociétés de perception et de répartition des droits prévu à l’article L. 134‑3, sont précisées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 134‑8. –  Sauf refus motivé, la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 134‑3 autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n’a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d’exploitation.

« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est délivrée sous réserve que l’institution bénéficiaire ne recherche aucun avantage économique ou commercial.

« Un titulaire du droit de reproduction du livre sous une forme imprimée obtient à tout moment de la société de perception et de répartition des droits le retrait immédiat de l’autorisation gratuite.

« Art. L. 134‑9. – Par dérogation aux dispositions des trois premiers alinéas de l’article L. 321‑9, les sociétés agréées mentionnées à l’article L. 134‑3 utilisent à des actions d’aide à la création, à des actions de formation des auteurs de l’écrit et à des actions de promotion de la lecture publique mises en œuvre par les bibliothèques les sommes perçues au titre de l’exploitation des livres indisponibles et qui n’ont pu être réparties parce que leurs destinataires n’ont pu être identifiés ou retrouvés avant l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article L. 321‑1.

« Le montant et l’utilisation de ces sommes font l’objet, chaque année, d’un rapport des sociétés de perception et de répartition des droits au ministre chargé de la culture. »

Article 1er bis 

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113‑10. – L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.

« Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »

Article 2

(Suppression conforme)

Article 2 bis

Les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des imprimeurs engagent une concertation sur les questions économiques et juridiques relatives à l’impression des livres à la demande.

Article 3

L’article 1er entre en vigueur à compter de la publication du décret pris pour l’application du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.

Article 4

(Suppression conforme)

Délibéré en séance publique, à Paris, le 13 février 2012.

                                                                  Le Président,

                                                          Signé : Jean-Pierre BEL