N° 57 SESSION
ORDINAIRE DE 2014-2015 3
février 2015 |
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rÉsolution europÉenne sur le règlement des différends entre
investisseurs et États dans les projets d’accords commerciaux entre
l’Union européenne, le Canada et
les États-Unis. |
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Le Sénat a adopté la résolution dont la
teneur suit : |
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Voir les
numéros : Sénat : 75, 134 et 199 (2014-2015). |
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la
Constitution,
Vu le rapport préliminaire
de la Commission européenne du 18 juillet 2014 sur la consultation
publique au sujet du règlement des différends entre investisseurs et États
(ISDS) dans le cadre de l'accord de partenariat transatlantique (TTIP),
Vu la version consolidée du
projet d'accord économique et commercial global négocié entre l'Union
européenne et le Canada publiée par la Commission européenne le
26 septembre 2014,
Vu le mandat de négociation
de l'accord de partenariat transatlantique du 17 juin 2013 publié le
9 octobre 2014,
Considérant que la
Constitution, dans son préambule et à son article 3, consacre les
principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ; qu'elle
précise, à son article 1er, que la France est une République
« démocratique et sociale » ;
Considérant que les
négociations menées en vue d'un accord économique et commercial global avec le
Canada (CETA) et d'un partenariat transatlantique avec les États-Unis (TTIP)
sont menées sans que soient pleinement mis en œuvre les principes d'ouverture
et de transparence posés à l'article 15 du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne et, par voie de conséquence, sans qu'ait pu être assuré un
contrôle démocratique suffisant tant à l'échelon européen qu'à l'échelon
national ;
Considérant qu'il est prévu
d'inclure dans les accords tant avec le Canada qu'avec les États-Unis des
règles de protection des investissements assorties d'un mécanisme de règlement
des différends entre États et investisseurs par l'arbitrage (ISDS) ;
Considérant que
l'introduction de telles dispositions risquerait de porter atteinte à la
capacité de l'Union européenne et des États membres à légiférer,
particulièrement dans les domaines sociaux, sanitaires et environnementaux, en
les exposant à devoir verser des dédommagements substantiels aux investisseurs
qui s'estimeraient lésés par de nouvelles mesures ;
Considérant qu'aux termes
des articles 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 21 du
traité sur l'Union européenne, la politique commerciale commune doit être menée
dans le respect des objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne et
donc promouvoir un ordre multilatéral respectueux de la démocratie et de l'État
de droit ;
Rappelle que sa résolution
n° 164 du 9 juin 2013 invitait le Gouvernement à fournir au
Parlement français une étude d'impact qui ne lui a toujours pas été adressée et
qui lui permettrait d'apprécier, par secteur d'activité, les effets pour la
France de différents scénarios de négociation du partenariat
transatlantique ;
Invite le
Gouvernement :
– à agir auprès des
institutions européennes pour mettre fin au manque de transparence
caractérisant les négociations des accords envisagés entre l'Union européenne
et le Canada, d'une part, et entre l'Union européenne et les États-Unis,
d'autre part, lesquelles, compte tenu de leurs enjeux, doivent impérativement
donner lieu à l'information nécessaire au contrôle démocratique ;
– à permettre aux
parlements nationaux d'avoir un accès aux documents de négociation qui soit
identique à celui offert au Parlement européen ;
– à associer
étroitement les deux chambres du Parlement aux travaux du Conseil sur ces
négociations ;
Appelle à une révision des
chapitres 10 (investissements) et 33 (règlement des différends) du
projet d'accord négocié avec le Canada, pour :
– garantir
juridiquement que le droit des États à réglementer ne puisse être limité, même
au nom des « attentes légitimes » des investisseurs, et qu'en aucun
cas, une mesure protégeant un objectif légitime d'intérêt public ne puisse
donner lieu à compensation au nom de son impact économique sur l'investisseur,
sans quoi il serait préférable de renoncer au volet consacré à la protection
des investissements dans l'accord global négocié avec le Canada ;
– modifier la
procédure arbitrale afin d'assurer la pleine transparence des débats et la
publicité des actes, l'indépendance et l'impartialité des arbitres, ainsi que
la mise en place effective d'un mécanisme d'appel de la décision arbitrale
devant un tribunal indépendant ;
– à défaut, envisager
le recours à un mécanisme de règlement interétatique des différends en matière
d'investissements, inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation
mondiale du commerce, voire renoncer à tout mécanisme de règlement des
différends en matière d'investissements avec le Canada ;
Constate que le chapitre
relatif à la protection des investissements de l'accord négocié entre l'Union
européenne et Singapour comprend des dispositions largement analogues à celles
prévues dans l'accord négocié avec le Canada et invite en conséquence le
Gouvernement à tenir la même position au Conseil concernant ces deux
accords ;
Juge nécessaire que
l'accord en cours de négociation avec les États-Unis reconnaisse explicitement
la possibilité pour l'Union européenne et les États membres de préserver leurs
acquis, notamment en matière sociale, environnementale, et sanitaire et de
développer leurs politiques propres, y compris en matière industrielle et pour
la protection des indications géographiques et autres signes de qualité des
produits agricoles et alimentaires ;
Plaide, s'agissant du
projet d'accord en cours de négociation entre l'Union européenne et les
États-Unis, pour envisager le recours à un mécanisme de règlement interétatique
des différends en matière d'investissements, inspiré de l'Organe de règlement
des différends de l'Organisation mondiale du commerce, ou, à défaut, pour
retirer de ce projet d'accord tout mécanisme d'arbitrage privé pour régler les
différends entre investisseurs et États ;
Invite le Gouvernement à
garantir le principe de démocratie dans tout projet d'accord de protection des
investissements et à refuser d'y insérer systématiquement un mécanisme de
règlement des différends entre investisseurs et État ;
Suggère au Gouvernement de
présenter au Parlement un rapport annuel présentant la stratégie globale de la
France et de l'Union européenne en matière d'accords commerciaux et d'accords
de protection des investissements.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 3 février
2015.
Le
Président,
Signé :
Gérard LARCHER