N° 124
SÉNAT
                  

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

9 avril 2016

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ATTENTION

DOCUMENT PROVISOIRE

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rÉsolution europÉenne

sur l’Union européenne et la lutte contre le terrorisme.

Est devenue résolution du Sénat, conformément à l’article 73 quinquies, alinéas 4 et 5, du Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des lois dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat :  443 (2015-2016).


Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 2 et 4 du traité sur l’Union européenne ainsi que les articles 67, 69 et 73 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme et la décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil, du 28 novembre 2008, modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme,

Vu la stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement des terroristes adoptée le 30 novembre 2005 et révisée en 2008 et en 2014,

Vu les conclusions relatives à la lutte contre le terrorisme adoptées par le Conseil des affaires étrangères le 9 février 2015,

Vu la déclaration des membres du Conseil européen du 12 février 2015 sur la lutte contre le terrorisme,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme le 20 novembre 2015,

Considérant le rôle des parlements nationaux pour veiller au respect du principe de subsidiarité, conformément au protocole n° 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

Considérant que dans sa résolution européenne n° 88 du 1er avril 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l’adoption d’un Acte pour la sécurité intérieure de l’Union européenne, le Sénat avait affirmé que le terrorisme constituait une atteinte directe aux valeurs fondamentales, énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, sur lesquelles l’Union est fondée ; qu’au nom desdites valeurs, les citoyens européens étaient en droit d’exprimer des attentes fortes quant à leur sécurité ;

Considérant que la résolution européenne précitée comportait huit principales préconisations relatives à une définition européenne de l’acte terroriste, à la révision ciblée du code frontières Schengen et au contrôle des frontières extérieures avec notamment le renforcement de l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex), à la création d’un corps de garde‑frontières européens et à la définition d’une politique européenne des visas, à la mise en place urgente d’un système de protection des données des dossiers passagers (PNR) européen, à une lutte effective contre les sources de financement du terrorisme et le trafic d’armes, au renforcement de la coopération policière et judiciaire en Europe, à la lutte contre le terrorisme sur internet, à une stratégie éducative de précaution et de lutte contre la radicalisation et au renforcement de la coopération internationale avec les pays tiers ;

Considérant que les sanglants attentats perpétrés à Paris le 13 novembre 2015 ont fait apparaître l’urgence de la mise en œuvre très rapide des mesures prévues dans tous les domaines évoqués dans la déclaration sur la lutte contre le terrorisme adoptée le 12 février 2015 par les membres du Conseil européen et confirmées dans les conclusions du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme le 20 novembre 2015 ;

Considérant que parmi les mesures mentionnées plus haut, il y avait notamment celles relatives au PNR européen, au renforcement des contrôles aux frontières extérieures des États membres de l’espace Schengen, à l’intensification de la coopération en matière répressive, à la lutte contre le financement du terrorisme, à une meilleure réglementation européenne sur les armes à feu et à une amélioration de la réponse pénale au terrorisme et à l’extrémisme violent ;

Observe que la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme du 3 décembre 2015 prend notamment en compte, pour une définition européenne des infractions terroristes, le fait de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, conformément à la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les « combattants étrangers » ;

Prend acte avec satisfaction, au titre de la révision ciblée du code frontières Schengen, du plan présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2015, en application des conclusions du 20 novembre 2015 adoptées par le Conseil de l’Union européenne et des États membres réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme, afin d’imposer des contrôles systématiques des ressortissants des pays membres de l’espace Schengen lorsqu’ils entrent et sortent de cet espace ;

Relève que ledit plan a été rapidement suivi par une proposition de règlement du 15 décembre 2015 du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde‑frontières et de garde-côtes et que ladite proposition, outre la création du corps européen de garde-côtes et de garde‑frontières, préconise le renforcement des moyens et du mandat de l’agence Frontex rebaptisée « agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes » afin d’assurer une gestion européenne intégrée des frontières extérieures de l’Union ;

Constate que ledit plan a été rapidement suivi par une proposition de règlement du 15 décembre 2015 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le renforcement du contrôle aux frontières extérieures en obligeant notamment les États membres à effectuer des vérifications systématiques sur les personnes jouissant du droit à la libre circulation en vertu du droit de l’Union lorsqu’elles franchissent les frontières extérieures, en consultant les bases de données pertinentes (SIS II, Interpol) ;

Prend acte, s’agissant de la politique européenne des visas, de la proposition de règlement du 24 juin 2015 du Parlement européen et du Conseil préconisant un modèle-type européen de visa à sécurité renforcée ainsi que de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2015 créant un document de voyage européen spécial destiné aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une décision de retour ; mais rappelle la préconisation de sa résolution n° 88 du 1er avril 2015 tendant à une réflexion plus active sur la définition d’une politique européenne des visas dont des critères communs prendraient notamment en compte des indicateurs de risques liés à la menace terroriste ;

Se félicite de la prochaine adoption définitive de la proposition de directive relative à l’utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité nommée communément « directive PNR » ; rappelle que dans deux résolutions n° 78 du 15 mars 2015 et n° 88 du 1er avril 2015, le Sénat avait appelé de ses vœux l’adoption urgente de ladite proposition de directive ; demande désormais que tout soit mis en œuvre pour une application opérationnelle très rapide de ce mécanisme européen dont il réaffirme qu’il est seul de nature à assurer une coordination efficace entre les PNR nationaux dans le respect des garanties indispensables pour la protection des données personnelles ;

Prend acte avec satisfaction, s’agissant de la lutte contre le trafic d’armes, de l’adoption définitive le 18 novembre 2015 d’un règlement définissant des normes minimales communes en matière de neutralisation des armes à feu, de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 18 novembre 2015 modifiant la directive de 1991 du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes ainsi que du plan d’action annoncé par la Commission européenne le 18 novembre 2015 afin d’améliorer la coopération opérationnelle au niveau de l’Union et avec des pays tiers en vue d’accroître l’efficacité de la lutte contre le marché noir des armes et des explosifs ;

Relève, s’agissant de la lutte effective contre les sources de financement du terrorisme, que le plan d’action annoncé par la Commission européenne le 12 février 2016 visera notamment à contrôler les plates-formes d’échange de monnaie virtuelle sur internet, à mettre fin à l’anonymat pour les cartes prépayées et enfin à mettre en place une coopération efficace entre les cellules de renseignement financier ; souhaite l’adoption la plus rapide possible des deux propositions législatives annoncées par le plan d’action précité et visant, d’une part, à harmoniser dans l’Union européenne la définition des infractions en matière de blanchiment et, d’autre part, à mieux surveiller les mouvements d’espèces ;

Prend acte avec satisfaction de l’accord intervenu entre le Parlement européen et le Conseil du 26 novembre 2015 en ce qui concerne le renforcement du mandat d’Europol afin notamment de faciliter la création d’unités spécialisées permettant de réagir sans délai aux menaces émergentes dans le domaine du terrorisme tout en augmentant les garanties en matière de protection des données et du contrôle parlementaire ;

Observe que la création du nouveau centre européen de contre-terrorisme le 25 janvier 2016 permettra d’améliorer le partage de renseignement pour mieux « traquer » les financements terroristes mais également mieux surveiller les activités de l’État islamique et d’autres groupes terroristes sur internet et sur les réseaux sociaux ;

Regrette en revanche les lenteurs, faute de consensus au Conseil, du processus d’adoption de la proposition de règlement portant création du parquet européen ; rappelle que dans sa résolution n° 88 du 1er avril 2015, il avait jugé indispensable la mise en place dans un délai rapide d’un parquet européen collégial et décentralisé en soulignant la nécessité d’étendre sans délai ses compétences à la criminalité grave transfrontière ;

Souligne l’importance de la lutte contre le terrorisme sur internet et insiste sur l’urgence d’adopter la proposition de directive relative aux mesures destinées à assurer un niveau commun élevé de sécurité des réseaux et de l’information dans l’Union dont la mise en œuvre constituera un élément essentiel de la stratégie européenne de cybersécurité ;

Prend acte avec satisfaction, s’agissant de la lutte contre la radicalisation, du programme européen proposé par la Commission le 28 avril 2015, de l’adoption par le Conseil des ministres des 15 et 16 juin 2015 d’une stratégie renouvelée de sécurité intérieure pour l’Union européenne sur la période 2015‑2020 ainsi que des conclusions du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation et à l’extrémisme violent du 20 novembre 2015 ;

Souligne la nécessité impérieuse d’assurer un contrôle effectif des frontières extérieures de l’espace Schengen en se donnant, le cas échéant et en concertation, les moyens de pallier les défaillances d’un État membre ;

Insiste sur la nécessité absolue d’intensifier la coopération et l’échange d’informations entre les agences européennes telles que notamment Europol, Eurojust et l’agence chargée du contrôle des frontières extérieures de l’espace Schengen, entre lesdites agences et les services de justice, de police, et de renseignement des États membres, entre les services de justice, de police, et de renseignement des États membres eux-mêmes ; souligne qu’à défaut, c’est l’ensemble des initiatives prises à l’échelle de l’Union européenne pour renforcer la lutte contre le terrorisme qui sera, en fait, privé d’effets ; souhaite, d’une manière plus générale, que la dimension opérationnelle des projets législatifs ou des mesures décidés au niveau de l’Union européenne soit prise en considération d’une manière prioritaire ;

Réaffirme la nécessité de construire un partenariat global avec les pays tiers les plus sensibles en sachant combiner les impératifs de sécurité et de développement afin de réduire la menace terroriste sur la durée.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 9 avril 2016.

                                                                  Le Président,

                                                       Signé : Gérard LARCHER