N° 130 SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016 29 avril 2016 |
|
|
|
rÉsolution
europÉenne sur la réforme de l’espace Schengen et la crise des réfugiés. |
|
Est devenue
résolution du Sénat, conformément à l’article 73 quinquies, alinéas 4 et 5, du
Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des lois dont la teneur
suit : |
|
Voir
les numéros : Sénat : 500 (2015-2016). |
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la
Constitution,
Vu la Convention de Genève
du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés,
Vu le « Pacte européen
sur l’immigration et l’asile » adopté par le Conseil européen les 15 et
16 octobre 2008,
Vu la directive n° 2011/95/UE
du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que
doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir
bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les
réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et
au contenu de cette protection,
Vu la directive n° 2013/33/UE
du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes
demandant la protection internationale,
Vu la directive n° 2013/32/UE
du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le
retrait de la protection internationale,
Vu le règlement n° 603/2013
du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des
empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n°
604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État
membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale
introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un
apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac
présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des
fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création
d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information
à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice,
Vu le règlement n° 604/2013
du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de
l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection
internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de
pays tiers ou un apatride,
Vu la communication de la
Commission du 13 mai 2015 intitulé « Un agenda européen en matière de
migration »,
Vu les conclusions du
Conseil européen des 25 et 26 juin 2015,
Vu la décision du Conseil
adoptée le 14 septembre 2015,
Vu la décision du Conseil
adoptée le 22 septembre 2015,
Vu les conclusions du
sommet de La Valette réuni les 11 et 12 novembre 2015,
Vu le nouveau « paquet
législatif » « Frontières » présenté par la Commission le
15 décembre 2015,
Vu les conclusions du
Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015,
Vu la proposition de
règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2015 relatif
au corps européen de garde‑frontières et de garde-côtes et abrogeant le
règlement (CE) n° 2007/2004, le règlement (CE) n° 863/2007 et la
décision 2005/267/CE du Conseil,
Vu la proposition de
règlement du 15 décembre 2015 du Parlement européen et du Conseil
modifiant le règlement (CE) n° 562/2006 en ce qui concerne le renforcement
des vérifications dans les bases de données pertinentes aux frontières
extérieures,
Vu les conclusions du
Conseil européen des 17 et 18 mars 2016,
Considérant que l’Union
constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des
droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des
États membres ;
Considérant que toute
initiative de l’Union ne peut intervenir que dans le respect des valeurs
fondamentales et des droits fondamentaux ;
Considérant que le
déplacement non contrôlé vers l’Europe de réfugiés fuyant des régions du monde
où leur vie et leur sécurité sont en danger favorise les mouvements migratoires
de personnes non éligibles à la convention de Genève, qualifiées souvent de
« migrants économiques » ;
Considérant que la crise
migratoire aiguë, inédite pour l’espace Schengen, remet en cause un
fonctionnement qui n’a pas été prévu pour faire face à ce type de défi ;
Considérant que l’espace
Schengen, créé en 1985 par l’Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg
et les Pays‑Bas, puis progressivement élargi à d’autres pays,
constitue un espace de libre circulation dans lequel les États signataires ont
aboli les contrôles systématiques sur leurs frontières internes pour une
frontière extérieure unique où sont effectués les contrôles d’entrée ; que
ceci s’est accompagné de la mise en place de procédures convergentes de
délivrance des visas de court séjour, de bases de données communes, d’une
coordination des politiques d’asile et d’une coopération entre les polices des
différents pays permettant de concentrer les efforts aux frontières extérieures
pour plus d’efficacité ;
Considérant que l’espace de
libre circulation ne peut se concevoir sans un contrôle effectif des frontières
extérieures de l’Union ;
Considérant que cet espace
constitue désormais un acquis de la construction européenne, que la coopération
qu’il a permis de mettre en œuvre est essentielle pour faire face aujourd’hui
aux défis que doivent affronter l’ensemble des pays membres de l’Union
européenne ;
Considérant qu’une remise
en cause de ces principes serait un risque pour la sécurité et que le
rétablissement de frontières intérieures ne doit avoir lieu qu’à titre
provisoire et exceptionnel, et conformément aux conditions prévues par les
traités conclus par les États membres de l’Union ;
Considérant que l’ampleur
des mouvements migratoires a conduit un certain nombre d’États membres de l’espace
Schengen à recourir aux clauses de sauvegarde prévues par le code frontières
Schengen tendant à permettre, à titre provisoire, le rétablissement des
contrôles aux frontières intérieures ; que le recours à ces mesures de
sauvegarde a pu s’accompagner, dans certains cas, de mesures nationales
unilatérales prises sans concertation préalable avec les institutions
européennes ou les États membres voisins pourtant concernés au premier chef par
les effets desdites décisions ;
Considérant que ces mesures
unilatérales font peser un risque sur l’avenir de l’Union européenne, la
confiance entre ses membres, les relations avec les voisins de l’Union
européenne et sur la sécurité de la zone Schengen ;
Considérant que pour
certains experts, le coût de la généralisation des contrôles permanents aux
frontières intérieures dans l’espace Schengen pourrait être supérieur à
100 milliards d’euros sans compter la réduction probable des
investissements directs et des flux financiers ;
Considérant que les
observations effectuées en Macédoine et en Serbie soulignent le manque de
coordination entre l’Agence européenne pour la gestion de la coopération
opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union
européenne (FRONTEX) et les autorités macédoniennes et serbes, dès lors que
cette agence n’est pas autorisée à intervenir dans ces deux pays ;
Considérant que le
renforcement de la coopération internationale avec les pays tiers, en
particulier les pays d’origine et de transit des réfugiés ou des migrants,
ainsi qu’en a témoigné le sommet de La Valette des 11 et 12 novembre
2015, est prioritaire ; qu’à cet égard, tout accord de fond réciproquement
avantageux et respectant les normes du droit international doit être
recherché ; que la contribution de l’Union à la résolution des conflits
armés qui ravagent de nombreuses régions du monde, en particulier le Proche-Orient,
constitue une autre priorité ;
– Sur la nécessité
d’une réponse globale sur la gouvernance de Schengen :
Estime que la crise
migratoire aiguë à laquelle l’Europe est confrontée depuis plusieurs mois
appelle une réponse globale liée à la gouvernance de l’espace Schengen ;
Relève que cette réponse
globale ne pourra faire l’économie d’un débat sur le choix à opérer entre une
responsabilité de chaque État membre de surveillance de sa partie de frontière
extérieure et le maintien du « système Dublin » fondé sur la
responsabilité de l’État de première entrée et l’acceptation par les États
membres que la surveillance des frontières extérieures de l’espace Schengen
sont une compétence commune ;
– Sur le contrôle
des frontières extérieures de l’espace Schengen :
Estime que les compétences
de FRONTEX doivent être renforcées pour permettre à l’agence d’accéder au système
d’information Schengen (SIS) ;
Estime que FRONTEX devrait
pouvoir intervenir dans un pays officiellement candidat à l’Union européenne,
si celui-ci le demande, pour assurer une meilleure efficacité de la
surveillance des frontières de l’espace Schengen, de l’Union européenne et de l’État
candidat concerné ;
Soutient la proposition de
règlement du 15 décembre 2015 du Parlement européen et du Conseil relative
au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ainsi que la
proposition de règlement 15 décembre 2015 du Parlement européen et du
Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 562/2006 en ce qui concerne le
renforcement des vérifications dans les bases de données pertinentes aux
frontières extérieures ;
Souligne qu’il importe de
mettre en place un contrôle systématique et biométrique de toutes les entrées
et sorties de l’espace Schengen accompagné d’un enregistrement pour les ressortissants
des pays tiers;
– Sur le droit d’asile :
Souligne que le droit d’asile,
qui implique le traitement individuel de chaque demande, oblige tous les
signataires de la convention relative au statut des réfugiés conclue à Genève
le 28 juillet 1951 ainsi que du protocole du 31 janvier 1967 ;
qu’il est aussi inscrit à l’article 18 de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne ; qu’aux termes de l’article 33 de
ladite Convention de Genève : « Aucun des États contractants n’expulsera
ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières
des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de
sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social
ou de ses opinions politiques ; »
Reconnaît qu’il existe au
sein des États membres des traditions et des cultures différentes en matière d’accueil
des migrants et que les États restent libres d’accorder ou non le statut
protecteur prévu par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés précitée
dont ils sont parties ;
Appelle de ses vœux une
réflexion sur l’harmonisation des jurisprudences des structures nationales
chargées du traitement individuel des demandes d’asile et, partant, sur la
définition d’une véritable politique européenne de l’asile ;
Est d’avis qu’une solution
pérenne réside dans la création, aux principaux points d’arrivée des migrants,
de structures relevant de l’Union pour l’hébergement, l’enregistrement, l’identification
et l’« orientation » des migrants ; relève que cette « orientation » pourrait s’articuler
autour des principes posés par le règlement n° 604/2013 mais aussi des
programmes de relocalisation ou de réinstallation décidés par l’Union européenne ;
Appelle de ses vœux une
réflexion sur les possibilités d’installer, avec l’accord des pays tiers
concernés, ces structures sur le pourtour méditerranéen ; considère que
cette option, outre qu’elle réduirait le nombre des « victimes » des
migrations, pourrait constituer à plus long terme un des éléments d’une
stratégie européenne concertée d’anticipation et de maîtrise des pressions
migratoires ;
Souligne la nécessité, pour
l’Union européenne, de mener un combat résolu contre les réseaux de passeurs.
Devenue résolution du Sénat le 29 avril 2016.
Le
Président,
Signé :
Gérard LARCHER