N° 28 SESSION
ORDINAIRE DE 2016-2017 30 novembre
2016 |
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PROJET DE LOI de finances pour 2017. |
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Le Sénat a adopté, en
première lecture, la motion opposant la question préalable à la délibération
du projet de loi, dont la teneur suit : |
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Voir les
numéros : Assemblée
nationale (14ème
législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833. Sénat : 139, 140 à 146 (2016-2017). |
En application de l’article 44,
alinéa 3, du Règlement du Sénat,
Sur les grands équilibres
du projet de loi de finances
Considérant que le projet
de loi de finances pour 2017 ne répond pas aux exigences fondamentales de
prudence des évaluations et de sincérité des comptes prévisionnels ;
Considérant, en effet, que
le Gouvernement, en s’appuyant sur une prévision de croissance
de 1,5 % pour 2017, ne tient pas compte, à l’inverse des
organisations internationales et des économistes, du ralentissement de la
croissance en 2016 et de la dégradation du contexte économique ;
Considérant que les effets
favorables de la baisse du prix du pétrole et de l’évolution du taux de change
commencent à se dissiper, que l’Union européenne connaît une montée des risques
de nature politique en lien notamment avec la perspective de retrait du
Royaume-Uni de l’Union européenne, et que l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) révise à la baisse ses perspectives de progression des échanges
internationaux ;
Considérant que ces
prévisions de croissance optimistes, selon les termes même du Haut Conseil des
finances publiques, couplées à une forte élasticité prévisionnelle des recettes
fiscales à la croissance, conduisent à une surestimation des recettes publiques
attendues pour 2017 ;
Considérant, par ailleurs,
que nombre de dépenses publiques sont sous-évaluées, du fait de
sous-budgétisations, de la non-prise en compte des effets de la
recapitalisation annoncée des entreprises publiques du secteur énergétique, d’une
révision insuffisante du taux d’évolution de l’objectif national des dépenses d’assurance
maladie (Ondam), et du caractère irréaliste des économies qui pourraient être
dégagées l’an prochain de la prochaine convention d’assurance-chômage ;
Considérant que, du fait de
cette surestimation des recettes et de cette sous-évaluation des dépenses, le
déficit public serait plus dégradé en 2017 et ne s’élèverait pas
à 2,7 % du produit intérieur brut, comme le prévoit le Gouvernement,
mais pourrait atteindre 3,2 % du produit intérieur brut ;
Considérant que le Haut
Conseil des finances publiques a lui-même jugé « improbables » les
réductions des déficits prévues par le projet de loi de finances
pour 2017 ;
Considérant que si la
Commission européenne a récemment estimé qu’un déficit de 2,9 % du
produit intérieur brut pouvait être atteint en 2017, elle a également confirmé
que les hypothèses de croissance associées au présent projet de loi de finances
étaient surestimées et prévu, à politique inchangée, une remontée du déficit
à 3,1 % du produit intérieur brut dès 2018 ;
Sur la politique
fiscale
Considérant que le programme
de stabilité d’avril 2016 prévoyait une baisse de prélèvements
obligatoires de 5,7 milliards d’euros, alors que le projet de loi de
finances inscrit une hausse de 0,5 milliard d’euros qui conduira à une
stagnation du taux de prélèvements obligatoires à 44,5 % du produit
intérieur brut en 2017 contre 43,8 % du produit intérieur brut
en 2012 ;
Considérant que le
Gouvernement renonce aux engagements pris en faveur des entreprises dans le
cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, en abandonnant la
suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)
et en reportant la première réduction du taux légal de l’impôt sur les
sociétés, alors que les entreprises seront de nouveau sollicitées en 2017
pour le versement d’acomptes afin de gonfler artificiellement les recettes de l’État
;
Considérant que la nouvelle
réduction d’impôt sur le revenu, à l’approche des prochaines échéances
électorales, vient encore complexifier l’impôt et brouiller la lisibilité du
barème dans une vaine tentative d’annuler les effets de la politique fiscale
menée depuis le début du quinquennat au détriment des actifs et des
ménages qui ont vu leurs prélèvements augmenter de plus de
17 milliards d’euros du fait des mesures nouvelles prises depuis
mai 2012 ;
Considérant que s’y ajoute
une réforme des modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu sous forme
de prélèvement à la source qui, menée en fin de quinquennat, conduira à un choc
de complexité au détriment des entreprises et des contribuables alors que des
prélèvements mensuels et contemporains par l’administration fiscale auraient pu
aboutir à un résultat plus simple et plus performant ;
Considérant que l’Assemblée
nationale a adopté des mesures supplémentaires nuisant à la compétitivité de
notre économie en modifiant le régime fiscal et social des actions gratuites à
peine un an après sa mise en œuvre et en renforçant la taxe sur les
transactions financières au moment même où la place de Paris cherche à attirer
les investisseurs après le choix par référendum d’un retrait du Royaume-Uni de
l’Union européenne ;
Considérant que ce coup d’arrêt
à la baisse des prélèvements obligatoires a pour seul objet de relâcher les
efforts sur les dépenses, alors que la France affiche déjà l’un des ratios de
dépenses publiques par rapport à la richesse nationale parmi les plus élevés de
la zone euro ;
Sur les dépenses de l’État
Considérant que le
Gouvernement renonce à toute maîtrise de la dépense publique dès 2017 en
dépassant de 9,1 milliards d’euros le plafond de dépenses prescrit en
loi de programmation des finances publiques ;
Considérant que les seules
économies annoncées sont de constatation et ne dépendent aucunement de ses
choix budgétaires, comme la révision à la baisse de la charge de la dette
de 7,7 milliards d’euros et du prélèvement sur recettes au profit de
l’Union européenne de 2,4 milliards d’euros ;
Considérant que plus
de 40 % de la hausse des dépenses de l’État est portée par la masse
salariale, celle-ci augmentant de près de 4 % et qu’il faut remonter
quinze années en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi
importante des dépenses de personnel ;
Considérant que cette
augmentation annule presque l’intégralité des efforts de maîtrise réalisés
depuis dix ans et entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien
au-delà du seul exercice 2017 ;
Considérant que le plan de
lutte contre le terrorisme et l’actualisation de la loi de programmation
militaire n’expliquent qu’une faible part de cette évolution, celle-ci
provenant essentiellement des recrutements dans d’autres ministères
prioritaires, du dégel du point d’indice et des mesures catégorielles dont la
mise en œuvre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et
les rémunérations ;
Considérant que le
Gouvernement a, a contrario, choisi de n’actionner aucun des leviers d’une
maîtrise de la masse salariale de l’État comme la redéfinition de ses missions,
le développement de la mobilité et l’augmentation de la durée du travail, afin
de réaliser des économies pérennes ;
Considérant enfin que le
solde budgétaire se trouve artificiellement amélioré de 4 milliards d’euros
en 2017 du fait du reversement de la Compagnie française d’assurance pour
le commerce extérieur (Coface) ;
Sur les finances
locales
Considérant que les
collectivités territoriales verront leurs dotations encore amputées de
2,4 milliards d’euros pour 2017 alors que, dans le même temps, l’État
augmentera significativement ses dépenses ;
Considérant que sur l’ensemble
du quinquennat, les crédits des ministères auront connu une hausse
de 5 % tandis que les prélèvements sur recettes au profit des
collectivités territoriales auront baissé de 20 % ;
Considérant que la question
de la viabilité financière des départements n’est pas réglée face à l’explosion
du coût des allocations individuelles de solidarité et que les régions ne
bénéficieront qu’à compter de 2018 d’une part de TVA pour financer leurs
nouvelles compétences ;
Considérant que l’État, par
ses décisions, met à la charge des collectivités territoriales des dépenses
contraintes, notamment en matière de fonction publique, pour un coût net total
de plus de 900 millions d’euros en 2017 ;
Considérant que le rythme
de baisse des dotations étant insoutenable, le Gouvernement est contraint de
renforcer les dotations de péréquation financées notamment par le biais de la
minoration des variables d’ajustement, système à bout de souffle qui devrait
être réformé ;
Sur les exercices
budgétaires futurs
Considérant que le présent
projet de loi de finances comprend des engagements qui pèseront lourdement sur
les exercices postérieurs à 2017 avec des mesures fiscales qui
contribueront à dégrader de près de 8 milliards d’euros le solde public
dès 2018 ;
Considérant que la hausse
du taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la baisse
du taux de l’impôt sur les sociétés, la prolongation du crédit d’impôt pour la
transition énergétique (CITE), la création d’un crédit d’impôt en faveur des
associations et l’extension du crédit d’impôt pour les services à la personne sont
autant de mesures qui ne font l’objet d’aucune contrepartie en termes de
réduction de la dépense publique ;
Considérant que le
Gouvernement ajoute a contrario des dépenses nouvelles, dont le financement du
programme d’investissements d’avenir, du programme de rénovation urbaine et du
plan de construction d’établissements pénitentiaires, conduisant à
25 milliards d’euros de charges supplémentaires d’ici à 2021 alors
que ces engagements ne s’accompagnent de presque aucun crédit de paiement
pour 2017 ;
Considérant qu’ainsi, le
projet de loi de finances préempte les résultats des élections à venir en
soumettant à l’approbation du Parlement un budget qui pèsera lourdement sur les
exercices budgétaires futurs ;
En conclusion
Considérant que le Sénat ne
peut débattre d’un projet de loi de finances qui s’apparente à un budget de
campagne, contraire au principe d’annualité budgétaire et qui obère les marges
de manœuvre de la prochaine majorité gouvernementale ;
Considérant que le cadre
fixé par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances ne
permet pas au Sénat, par voie d’amendement, de remédier aux défaillances
structurelles du présent projet de loi de finances ;
Le Sénat s’oppose à l’ensemble
du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale en
première lecture.
En conséquence,
conformément à l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le projet de loi
n’a pas été adopté par le Sénat.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 30 novembre 2016.
Le
Président,
Signé :
Gérard LARCHER