N° 55 SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017 27 décembre 2016 |
|
|
|
rÉsolution
europÉenne sur les propositions de directives |
|
Est devenue
résolution du Sénat, conformément à l’article 73 quinquies, alinéas 4 et 5, du
Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des finances dont
la teneur suit : |
|
Voir
les numéros : Sénat : 219 et 257 (2016-2017). |
Le
Sénat,
Vu l’article 88-4 de la
Constitution,
Vu la résolution européenne
n° 166 (2010-2011) du Sénat du 11 juillet 2011 sur la proposition de
directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt
sur les sociétés,
Vu la directive (UE)
2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter
contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le
fonctionnement du marché intérieur,
Vu les propositions de
directives du Conseil COM (2016) 683 final concernant une assiette
commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et COM (2016) 685
final concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés du 25 octobre
2016,
Sur
l’ensemble du projet d’assiette commune consolidée d’impôt sur les sociétés
Approuve la volonté de la
Commission européenne de relancer le projet d’assiette commune consolidée d’impôt
sur les sociétés, afin de lutter contre l’évasion fiscale et l’optimisation
fiscale, de freiner la concurrence fiscale entre les États membres et de
renforcer le marché intérieur ;
Sur
l’approche graduée
Considère que le choix fait
par la Commission européenne d’une approche graduée à travers la présentation
de deux propositions distinctes, s’il permet d’éviter les blocages dont a pâti
la proposition de directive de 2011, reporte à la date de la mise en œuvre de
la directive relative à la consolidation le plein effet de ces propositions en
matière de simplification et de lutte contre l’évasion fiscale des
entreprises ;
Sur la concurrence
fiscale
Constate que l’adoption des
propositions de directives de la Commission européenne aurait pour conséquence
de rendre plus transparente et lisible la concurrence fiscale au sein de l’Union
européenne en la concentrant sur les taux d’impôts sur les sociétés d’une part
et sur les autres impôts et charges sociales payés par les entreprises d’autre
part ;
Souligne, à cet égard, que
la France, qui présente un taux d’impôt sur les sociétés élevé, des impôts de
production nombreux et des charges sociales importantes, pourrait perdre en
attractivité si elle n’accompagne pas cette adoption au niveau européen d’une
réforme fiscale et sociale d’ampleur au niveau national ;
Sur le champ d’application
Considérant que les
propositions de directives de la Commission européenne s’appliqueraient, de
façon obligatoire, à toutes les entreprises de l’Union européenne dont le
chiffre d’affaires annuel consolidé est supérieur à 750 millions d’euros
et, de façon optionnelle, à toutes les autres entreprises ;
Souligne que le champ d’application
des propositions de directives risque de créer un effet de seuil et conduira à
des arbitrages pour les entreprises au détriment des recettes fiscales
nationales ;
Sur
le projet d’assiette commune
Sur
la souveraineté fiscale
Estime que la définition d’une
assiette commune d’impôt sur les sociétés au niveau européen ne doit pas avoir
pour conséquence de priver les États membres de leur souveraineté fiscale, en
particulier pour stimuler la croissance et orienter les comportements des
entreprises ;
Souhaite, à cet égard, que
la directive comporte, à côté d’une base commune harmonisée, davantage d’options
à la discrétion des États membres ;
Souhaite,
en outre, que la directive affirme la possibilité pour les États membres de
mettre en place ou de maintenir des instruments fiscaux, en particulier des
réductions ou des crédits d’impôts, en faveur d’une politique
sectorielle ;
Sur
la cohérence entre règles fiscales et règles comptables
Rappelle
que, dans un souci de simplification de la vie des entreprises, les règles
fiscales applicables à une assiette commune d’impôt sur les sociétés doivent
être cohérentes avec les règles comptables harmonisées au niveau
européen ;
Sur
le financement des entreprises
Considérant
que la proposition de directive se donne pour objectif de renverser le
« biais en faveur de la dette » par une limitation de la
déductibilité des intérêts d’emprunt en fonction de l’excédent brut d’exploitation
d’une part et par un système d’intérêts notionnels calculés sur l’évolution des
capitaux propres d’autre part ;
Estime
que la puissance publique ne doit intervenir sur les choix de financement des
entreprises que pour prévenir un endettement ou une sous-capitalisation
excessifs qui mettraient en cause la pérennité de l’entreprise ;
S’inquiète,
à cet égard, des modalités envisagées en matière de limitation de la
déductibilité des intérêts d’emprunt, en particulier en ce qu’elle s’appliquerait
à chaque filiale nationale en fonction de son résultat et non du niveau moyen d’endettement
du groupe auquel elle appartient ;
Estime
que la proposition d’une déduction pour la croissance et l’investissement
(intérêts notionnels) rémunérant l’accroissement des capitaux propres et
pénalisant leur réduction doit faire l’objet d’une évaluation précise de son
impact sur la rémunération du capital ;
Sur
le soutien à la recherche et développement
Considérant
que la proposition de directive de la Commission européenne comporte une
super-déduction pour les dépenses de recherche, majorée pour les jeunes PME
innovantes ;
Estime
que le principe de subsidiarité s’oppose à ce qu’une directive européenne dont
l’objectif est de lutter contre l’évasion fiscale et de renforcer le marché
intérieur investisse le champ, strictement national, du soutien fiscal à la
politique sectorielle de la recherche et développement ;
Sur
les mécanismes anti-abus
Salue
l’introduction de plusieurs mesures anti-abus, tout en regrettant, d’une part,
que ces mesures ne soient pas toujours rédigées dans les mêmes termes que les
mesures proposées par l’OCDE ou que celles adoptées dans la récente directive
sur la lutte contre l’évasion fiscale, qui poursuit pourtant les mêmes
objectifs et, d’autre part, que le problème posé par la manipulation des prix
de transfert reste entier tant que l’assiette ne sera pas consolidée ;
Sur
le projet de consolidation
Considérant
que le projet de consolidation prévoit une formule de répartition de l’assiette
de l’impôt sur les sociétés répartie sur la base de trois facteurs affectés d’une
même pondération : (1) les immobilisations corporelles détenues par l’entreprise
dans l’État membre ; (2) la main d’œuvre de l’entreprise dans l’État membre ;
(3) le chiffre d’affaires résultant des ventes de l’entreprise dans l’État
membre, en application du principe de destination ;
Estime
que cette formule de répartition, inchangée par rapport à la proposition de
2011, ne suffit pas à assurer que les bénéfices soient imposés là où ils sont
effectivement créés et à résorber les distorsions entre les États
membres ;
S’inquiète en particulier
de l’exclusion de la formule de répartition des immobilisations incorporelles
(marques, brevets, algorithmes etc.), qui ont une importance particulière pour
les entreprises françaises ;
S’inquiète
également de l’inadéquation de cette formule de répartition aux entreprises du
secteur du numérique, qui se caractérisent : (1) par l’importance de leurs
actifs incorporels, aisément localisables dans un seul État membre, voire dans
un État tiers ; (2) par la moindre importance et la très grande mobilité
de leur main d’œuvre ; (3) par un chiffre d’affaires par pays que les
administrations fiscales ont de grandes difficultés à établir ;
Rappelle
enfin que la consolidation implique une dissociation entre, d’une part, l’État
membre chargé du contrôle et du recouvrement de l’impôt dans le cadre du « guichet
unique » et, d’autre part, les États membres bénéficiaires ultimes des
recettes fiscales, ce qui nécessiterait une mise à niveau et une harmonisation
des compétences des administrations fiscales dans l’Union européenne ;
Demande
en conséquence que ces exigences soient dûment prises en compte dans la
directive qui sera adoptée au terme du trilogue institutionnel ;
Demande au Gouvernement de
défendre et de faire valoir ces orientations auprès des institutions
européennes.
Devenue résolution du Sénat le 27 décembre 2016.
Le
Président,
Signé :
Gérard LARCHER