Service des Commissions

M. PIERRE MOSCOVICI PRESENTE DEVANT LES SENATEURS LE PROJET DE LOI AUTORISANT LA RATIFICATION DU TRAITE D’AMSTERDAM ET L’AMENDEMENT QUE PRESENTERA LE GOUVERNEMENT

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, élargie à la délégation du Sénat pour l’Union européenne, a entendu le jeudi 11 février 1999 M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur la présentation du projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam.

Avant que n’intervienne le ministre délégué chargé des affaires européennes, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé qu’il avait plaidé pour l’adjonction exceptionnelle d’un article 2 au projet de loi de ratification du traité d’Amsterdam afin de souligner de manière solennelle la nécessité d’une réforme des institutions européennes avant tout nouvel élargissement. Après avoir observé que le gouvernement avait approuvé cette démarche et donné son accord à l’élaboration de cet article 2, en concertation avec le Parlement, M. Xavier de Villepin, président, s’est félicité qu’un échange de vues puisse être organisé devant la commission avant l’examen par l’Assemblée nationale du projet de ratification.

M. Xavier de Villepin, président, a, par ailleurs, souhaité que l’article additionnel s’inspire largement du contenu de la déclaration franco-italo-belge annexée au traité d’Amsterdam qui réaffirme notamment " la nécessité de progrès substantiels dans la voie du renforcement des institutions ". Il a également demandé que le gouvernement précise le contenu de la réforme institutionnelle souhaitée par la France, ainsi que les modalités de préparation d’une telle réforme. Il a estimé qu’il convenait de satisfaire le double objectif d’efficacité et de légitimité en donnant en particulier la priorité à une extension de la majorité qualifiée accompagnée d’une repondération des voix au sein du Conseil. Enfin, il a souligné les limites de la méthode de la conférence intergouvernementale et l’opportunité de faire appel à des personnalités indépendantes pour faire progresser les discussions sur la réforme institutionnelle.

M. Pierre Moscovici a alors présenté le projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam.

Après avoir souligné la très large adhésion des parlementaires à la réforme constitutionnelle préalable à la ratification du traité d’Amsterdam, le ministre délégué chargé des affaires européennes a rappelé que la procédure de ratification entrait désormais dans sa dernière phase. Il a estimé que l’année 1999 se révélerait décisive à plusieurs titres : en effet, la mise en place de l’euro, la négociation de l’Agenda 2000, le processus d’élargissement et, au mois de juin, le déroulement des élections européennes représentaient des enjeux essentiels pour la construction européenne.

M. Pierre Moscovici a ensuite évoqué le traité d’Amsterdam en soulignant que ce texte, malgré ses imperfections, présentait plusieurs mérites. Il a rappelé en premier lieu les dispositions destinées à mieux prendre en compte les préoccupations des citoyens. Il a cité à cet égard le titre consacré à l’emploi dont certaines mesures avaient pu être adoptées par anticipation ainsi que l’intégration du protocole social dans le corps même du traité. Il a également mis en avant les dispositions relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, à la clause de non-discrimination et au principe d’égalité entre hommes et femmes.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes est ensuite revenu sur les avancées intervenues dans la mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. Il s’est par ailleurs félicité de la création de nouveaux instruments en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Il a enfin rappelé que le traité avait confirmé Strasbourg comme siège du Parlement européen et reconnu le statut des régions ultrapériphériques.

M. Pierre Moscovici a observé, dans le domaine institutionnel, que les pouvoirs législatifs du Parlement européen avaient été renforcés et que les Parlements nationaux seraient mieux associés aux travaux de l’Union. Il a jugé que le mécanisme des coopérations renforcées permettrait aux Etats membres qui le souhaiteraient d’aller plus loin dans la construction européenne. Il a toutefois regretté l’absence d’une réforme institutionnelle d’ensemble, tout en relevant que nos partenaires paraissaient prêts désormais à reprendre les discussions pour trouver un accord sur le format de la Commission, la majorité qualifiée et la repondération des voix ; la présidence allemande devrait présenter une proposition de calendrier et de méthode sur ces différents points au Conseil européen de juin 1999 à Cologne.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes a noté que le projet de loi de ratification comportait, conformément à la règle, un article unique, mais que le gouvernement, afin de tenir compte des souhaits manifestés par le Parlement, serait tout à fait disposé à introduire un article additionnel sous forme d’amendement, aux termes duquel serait soulignée la nécessité de réaliser des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l’Union préalablement à la conclusion des négociations d’adhésion. M. Pierre Moscovici a souligné que le gouvernement tiendrait compte des suggestions qui pourraient être faites par les parlementaires sur le contenu de cet amendement, même si la marge de manoeuvre en la matière paraissait limitée ; il convenait en effet d’éviter toute formulation qui s’apparenterait à une conditionnalité et poserait non seulement un problème juridique mais pourrait être également perçue comme un signal négatif par les pays candidats à l’adhésion.

A la suite de l’exposé du ministre, M. Claude Estier a souhaité savoir s’il était possible d’obtenir communication du texte de l’amendement gouvernemental.

M. James Bordas a attiré l’attention du ministre délégué sur la formulation de l’exposé des motifs du projet de loi relative au protocole sur le rôle des Parlements nationaux dans l’Union européenne qui prévoit, pour les seuls actes pris sur le fondement du titre VI, un délai de six semaines entre le moment où une proposition législative est mise par la Commission à la disposition du Conseil, et la date à laquelle elle est inscrite à l’ordre du jour du Conseil.

M. Pierre Fauchon a souhaité qu’un amendement gouvernemental complète le projet de loi autorisant la ratification du traité d’Amsterdam afin d’insister sur la réforme institutionnelle dont la  nécessité s’imposait pour donner à l’Union une efficacité et une légitimité plus grandes. Il a observé que le système institutionnel européen ne s’inscrivait pas dans le schéma classique de la séparation des pouvoirs et soulevait de nombreuses interrogations.

M. Pierre Mauroy s’est interrogé sur la possibilité pour les Quinze de parvenir à un accord sur l’Agenda 2000 au mois de mars prochain. Il a souligné combien un échec sur ce point pèserait de façon négative sur la construction européenne.

Mme Danièle Pourtaud s’est interrogée sur l’état des ratifications du traité d’Amsterdam dans les différents Etats membres.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité savoir si la réforme des institutions avait fait l’objet de débats importants dans les autres Etats membres.

En réponse aux commissaires, M. Pierre Moscovici a d’abord noté que le retard pris par la France dans la procédure de ratification s’expliquait en partie par la nécessité de procéder à une révision préalable de notre Constitution. Il a souligné toutefois que certaines dispositions du traité d’Amsterdam, principalement en matière d’emploi, avaient pu être appliquées par anticipation. Il a relevé que la réforme des institutions avait été évoquée dans la quasi-totalité des Etats membres et qu’un très large accord existait aujourd’hui sur l’identification des principaux problèmes dans le domaine institutionnel.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes a par ailleurs précisé que la limitation du délai de six semaines mentionné par M. James Bordas aux seules mesures prises sur le fondement du titre VI et figurant dans l’exposé des motifs du projet de loi devait faire l’objet d’une rectification. Il est convenu avec M. Pierre Fauchon que la question institutionnelle se présentait de manière plus aiguë aujourd’hui tout en indiquant que si le droit de censure du Parlement européen vis-à-vis de la Commission représentait un droit fondamental, une telle faculté ne pouvait en aucun cas s’exercer à l’encontre de certains membres de la Commission. Il a ajouté, par ailleurs, que le maintien de la Commission actuelle représentait un élément important pour poursuivre dans de bonnes conditions les négociations sur l’Agenda 2000. Il a estimé en outre qu’une réforme institutionnelle devait, pour réussir, faire l’objet d’une approche circonscrite.

M. Pierre Moscovici a relevé que l’amendement qui serait déposé par le gouvernement sur le projet de loi de ratification ne pourrait être lui-même amendable par l’Assemblée nationale compte tenu des dispositions du règlement de cette Assemblée. Il a rappelé à cet égard le précédent qu’avait représenté en 1977 le projet de loi sur l’élection du Parlement européen au suffrage universel -l’article additionnel que comprenait ce texte n’avait pu en effet être amendé. Le ministre délégué a alors donné lecture du projet d’amendement gouvernemental : " La République française souligne la nécessité de réaliser, au-delà des stipulations du traité signé le 2 octobre 1997, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l’Union européenne préalablement à la conclusion des premières négociations d’adhésion. "

Le ministre délégué a relevé à l’attention de M. Xavier de Villepin, président, qui s’interrogeait sur la possibilité, pour les parlementaires de proposer des modifications à cette formulation, qu’il était prêt à des échanges de vues sur ce texte et qu’en outre les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat permettraient à chacun de préciser le sens qu’il conviendrait de donner aux termes généraux retenus par l’article additionnel.

Evoquant enfin la négociation sur l’Agenda 2000, M. Pierre Moscovici a souligné que l’objectif d’un accord avant la fin du mois de mars ne pourrait être satisfait sans un effort partagé par tous les Etats membres; à l’heure présente, seule la France avait avancé plusieurs propositions constructives tandis que les positions des autres parties n’avaient pas réellement évolué.