Question de M. DILIGENT André (Nord - UC) publiée le 10/04/1986

M. André Diligent expose à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, que ses services estiment que la créance d'impôt direct naît non pas de la mise en recouvrement du rôle, simple formalité administrative mais de la loi et de la réalisation du fait imposable (réponse à la question n° 53028, J.O. du 12 novembre 1984, Assemblée nationale, page 4942) ; par ailleurs, l'avis adressé au tiers détenteur demande expressément à celui-ci de " verser " à la caisse du comptable du Trésor la somme qui serait due par le débiteur d'impôt direct. Or, l'arrêté du 16 thermidor an VIII, contenant règlement sur le recouvrement des contributions et l'exercice des contraintes, ainsi que le règlement de 1839, stipulent que " les percepteurs " ne peuvent exiger aucune somme des contribuables " s'ils ne sont porteurs d'un rôle confectionné par le directeur des contributions directes, rendu exécutoire par le préfet ". Aucune disposition législative n'est venue apporter une modification expresse ou une abrogation, même implicite, à ces dispositions ; d'ailleurs, des textes spéciaux ont été nécessaires pour autoriser les percepteurs à exiger - en l'absence de rôles rendus exécutoires - le paiement de certains acomptes provisionnels (notamment en matière d'impôt sur le revenu et de taxe professionnelle). Il lui demande donc qu'on lui indique sur quels textes et sur quelle jurisprudence du Conseil d'Etat (dates et numéros des arrêts) se fonde la doctrine administrative, d'ailleurs très controversée, rappelée au début de la présente question.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 18/09/1986

Réponse. -La détermination de la naissance de la créance d'impôt direct ne prête désormais plus à discussion puisqu'elle a donné lieu à une jurisprudence constante à l'occasion d'actions civiles engagées par les comptables du Trésor ou des impôts devant les juridictions de l'ordre judiciaire soit en vue de reconstituer le gage du Trésor, soit encore aux fins de rendre provisoirement indisponibles les biens de leurs débiteurs en les saisissant à titre conservatoire ou en les grevant de sûretés. C'est ainsi qu'en matière d'actions révocatoires engagées sur le fondement de l'article 1167 du code civil il a été jugé que l'impôt naît de la loi et de la réalisation du fait imposable, l'antériorité de la créance du Trésor par rapport à l'acte attaqué s'appréciant non par rapport à la date de mise en recouvrement des rôles, simple formalité administrative mais par rapport au fait générateur de l'impôt (cour d'appel de Lyon, 1re chambre, 15 février 1983 ; tribunal de grande instance de Lyon, 16 janvier 1981 ; cour d'appel de Lyon 1re chambre, 7 décembre 1983. La possibilité pour les comptables du Trésor et des impôts de recourir à des mesures exclusivement conservatoires, préalablement à l'émission de tout titre exécutoire, résulte de l'application de l'article 48 du code de procédure civile ancien. Ce texte exige, en ce qui concerne la qualité de la créance seulement, " une créance paraissant fondée en son principe ". La Cour de cassation a ainsi admis que " l'ouverture d'une information judiciaire pour fraude fiscale traduit par l'apparence de son existence le bien-fondé en son principe de la créance du ministère de l'économie et des finances " et elle a cassé, pour ce motif, un arrêté de cour d'appel qui avait considéré comme purement aléatoire la créance invoquée par un directeur des services fiscaux (Com., 22 mai 1979 ; 10 novembre 1981). Plus particulièrement, en ce qui concerne les mesures conservatoires à la suite d'un contrôle fiscal, un arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 13 novembre 1984, a reconnu que la notification de redressement faite par les services fiscaux au contribuable donne à la créance invoquée par le percepteur une apparence suffisamment sérieuse pour justifier les autorisations sollicitées. Le caractère purement conservatoire de ces mesures, qui procèdent de la loi et qui interviennent sous le contrôle des autorités judiciaires, devrait être de nature à répondre aux préoccupations exprimées puisque, par définition, aucune mesure d'exécution initiée par le Trésor (avis à tiers détenteur notamment) ne saurait intervenir avant l'émission des rôles.

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