Question de M. LE GRAND Jean-François (Manche - RPR) publiée le 08/09/1988

M. Jean-François Le Grand souhaite attirer l'attention M. le ministre de l'agriculture et de la forêt sur la défense des spécificités de la politique agricole commune dans le cadre du G.A.T.T. et ce afin de maintenir la place de l'agriculture française et européenne dans le monde. La commission des communautés européennes vient de rendre publique une étude réalisée à sa demande par différents experts européens et américains sur la politique agricole de la Communauté et des Etats-Unis. Sans mettre en doute l'intérêt de tels travaux qui méritent un examen approfondi, les responsables agricoles du département de la Manche tiennent cependant à exprimer leur préoccupation devant les conclusions hâtives qui semblent en avoir été tirées. Il en ressortirait notamment que la remise en cause de la politique agricole commune est inéluctable et que les agriculteurs européens devraient se résigner à de fortes baisses de prix, qui pourraient aller jusqu'à 15 p. 100 pour la viande bovine, 20 p. 100 pour les céréales, les oléagineux et le lait, et de 40 p. 100 pour le sucre. Si les producteurs sont ainsi clairement désignés comme les principales victimes des réformes envisagées, l'ampleur des sacrifices qui leur ont déjà été imposés semble être délibérément ignorée. Il n'est pas concevable que la commission puisse cautionner une pareille analyse qui aboutirait à remettre en cause les objectifs assignés par le traité de Rome à l'agriculture et entraînerait la ruine de la plupart des exploitations, avec des conséquences économiques et sociales très graves pour la communauté tout entière. Pour les agriculteurs européens en général, et ceux de la Manche en particulier, qui connaissent depuis de nombreuses années une détérioration constante de leur situation et dont le revenu pour la campagne en cours est lourdement hypothéqué par le fonctionnement des stabilisateurs budgétaires, la large diffusion donnée à ces hypothèses constitue la source d'une vive inquiétude. De surcroît, cette publication paraît particulièrement inopportune dans le contexte actuel des négociations commerciales multilatérales, dans la mesure où les scénarios étudiés outrepassent très largement le cadre du mandat qui a été donné à la commission, ce qui risque d'affaiblir les positions françaises en laissant croire que la Communauté est prête à d'invraisemblables concessions. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire savoir quelle sera l'attitude du Gouvernement à l'égard d'une telle étude, si celle-ci devait être intégrée aux décisions européennes.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 15/12/1988

Réponse. - Cette étude intitulée " disharmonies in EC and US agricultural policies " (" les discordances entre les politiques agricoles communautaires et américaines ") est le résultat du travail d'une équipe de chercheurs (douze économistes : neuf Européens et trois Américains) initiée à la demande de la commission des communautés européennes. Ces résultats ayant été présentés aux représentants de la commission, l'équipe a été invitée à élargir et améliorer son rapport. Le principal intérêt de cette étude est d'examiner certaines modalités d'une réduction concertée des soutiens à l'agriculture des deux grands pays que sont les Etats-Unis et la Communauté économique européenne. Ceci est en effet conforme à l'objectif de négociation défini à Punta del Este ainsi qu'aux engagements auxquels la C.E.E. a souscrit notamment dans le cadre de l'Organisation économique de coopération et de développement (O.C.D.E.). Selon les auteurs en effet, l'hypothèse sous jacentede l'étude est que les soutiens agricoles différents entre les deux pays et les distorsions qui en découlent sont la cause essentielle des discordances des politiques communautaires et américaines. A partir de ce constat, les auteurs de l'étude ont testé une série de décisions politiques qui pourraient atténuer certaines des discordances ainsi relevées. Ces options sont ensuite examinées sous l'angle des gains économiques retirés par les producteurs, les consommateurs, les contribuables et la société dans son ensemble. On peut à cet égard regretter que l'étude n'aborde que les deux pays considérés, alors que les travaux de l'O.C.D.E. ont démontré que la réforme des politiques agricoles ne pourra être menée à bien que si elle est engagée de manière concertée par l'ensemble des pays intervenant sur les marchés agricoles. Les critères de choix des paramètres retenus dans les modèles sont également discutables - pourquoi par exemple avoir retenu la suppression des quotas laitiers ? - et il est nécessaire de relativiser tous les résultats obtenus : en particulier, il est exclu de retenir les niveaux absolus des gains et des pertes des agents économiques considérés. L'un des résultats de l'étude est de montrer l'effet excessivement pénalisant sur les revenus des producteurs européens des options retenues, ainsi également que les effets sur le commerce extérieur de la Communauté, ce qui montre assez aisément l'aspect très théorique de cette étude et son caractère inacceptable. Enfin, cette étude abandonne le contexte strictement scientifique qui aurait dû être le sien pour proposer des recommandations politiques et des choix de négociation qui privilégient des thèmes souvent opposés à ceux de la Communauté : recours au découplage au détriment du soutien par les prix et libéralisation totale de l'agriculture après des mesures à court terme, en particulier. Tant le choix des aménagements que les résultats des similations envisagées n'engagent que leurs auteurs, ainsi que le précise la page de couverture de cette publication. Il ne s'agit pas d'un document de travail déposé par la commission sur la table du conseil qui, de ce fait, ne l'a pas évoqué lors de ses plus récentes discussions. Il convient enfin de préciser que, s'agissant des négociations dans le cadre de " l'Uruguay Round ", la commission n'est le porte-parole que dans le cadre du mandat qu'elle a reçu du conseil des ministres de la Communauté.

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