Question de M. HABERT Jacques (Français établis hors de France - NI) publiée le 20/04/1989

M. Jacques Habert expose à M. le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères, chargé de la francophonie, que dans la conférence de presse donnée le 4 avril à l'institut Pasteur de Paris, les dirigeants de cet organisme ont confirmé leur attention de publier les annales sous la forme de trois revues portant des titres en anglais. Ils ont expliqué, notamment " qu'un titre en français laissait penser que le contenu était également majoritairemement dans cette langue " (serait-ce vraiment tellement répréhensible ?) et qu'elles " devaient apparaître comme des revues internationalles ouvertes aux chercheurs de tous les pays ", comme si le fait de conserver un titre français connu et estimé depuis un siècle l'empêchait de garder cette vocation. Aucun compte n'a été tenu, semble-t-il, de l'ampleur des protestations exprimées en France, dans le monde francophone et même dans d'autre pays étrangers où le nom de Pasteur demeure l'exemple et le symbole de la science française. Dans ces conditions, il lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour mettre fin à une situation au sujet de laquelle il a lui-même exprimé sa vive désaprobation, la qualifiant d'" absurde " et de " scandaleuse ", et qui a été dénoncée par une haute instance nationale comme " une insulte à notre langue et un outrage à la mémoire de Pasteur ".

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Réponse du ministère : Francophonie publiée le 01/06/1989

Réponse. - De nombreux Français et francophones ont vu dans l'anglicisation d'une revue qui a l'honneur de porter le nom de Pasteur le symbole déplorable d'une démission des hommes de science devant l'hégémonie croissante de l'anglo-américain. Le Gouvernement est intervenu à plusieurs reprises et à plusieurs niveaux pour dénoncer publiquement ce qui est apparu comme un scandale et comme une absurdité. Aujourd'hui, la situation a évolué. S'il n'a malheureusement pas été possible de convaincre les responsables d'abandonner le titre Research in..., on doit reconnaître que cette nouvelle revue apparaît de moins en moins liée à l'Institut Pasteur proprement dit. D'autre part, la rédaction s'est engagée à continuer d'y accueillir des articles en français et à inviter les auteurs anglais à accompagner leurs textes d'un résumé en français. En outre, l'Institut Pasteur va créer un nouveau périodique, uniquement en français, et qui reprendra le titre Annales de l'Institut Pasteur, tandis qu'il a déjà lancé une collection de monographies - en français également - dont le premier volume vient de paraître ces jours-ci. Il y a lieu de se féliciter de ce que l'opinion publique internationale se soit mobilisée autour d'un cas aussi exemplaire. Cette affaire a en effet le mérite de mettre en lumière les dangers qui menacent le français comme langue des sciences et des techniques. Rien ne serait plus dangereux pour l'avenir de notre langue commune qu'un Yalta linguistique qui concéderait au français une certaine primauté historique dans les domaines des arts et des lettres, mais réserverait à l'anglo-américain, de manière quasi exclusive, la fonction d'exprimer la modernité technologique. Entre le purisme des uns et le laxisme de ceux qui s'accommodent aisément de la dégradation de la situation - quand ils ne la favorisent pas -, il y a place pour des mesures concrètes et réalistes qui tiennent compte des légitimes exigences des chercheurs en matière de communication internationale, mais qui n'affaiblissent pas les efforts que nous déployons par ailleurs pour maintenir la langue française au rang qu'elle doit légitimement occuper, ne serait-ce que parce qu'elle est historiquement porteuse d'une culture dans laquelle se reconnaissent, partiellement ou totalement, plus de quarante peuples et communautés dans le monde. Dans cet esprit, le ministre délégué chargé de la francophonie, en accord avec les ministres de la santé et de la recherche, a demandé à de hautes personnalités scientifiques d'établir des recommandations susceptibles de renforcer rapidement l'usage du français dans le monde médical et dans les autres domaines scientifiques. L'une d'entre elles devrait porter sur les conditions de création à bref délai d'une grande revue qui permettrait aux chercheurs francophones du Nord comme du Sud de faire connaître leurs travaux. En outre, le gouvernement français proposera lors du troisième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage du français, en mai prochain, à Dakar, la création d'un fonds multilatéral d'aide à la traduction et à l'interprétation dans les congrès scientifiques. Enfin, un forum scientifique et technique francophone sera organisé les 9 et 10 janvier 1990 à la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette pour manifester la vitalité de la science dans l'espace francophone et étudier les conditions de son développement à la faveur des nouvelles technologies. Toutes ces dispositions actuellement à l'étude au ministère de la francophonie tendent à manifester clairement la volonté du gouvernement français d'agir, en étroite concertation avec nos partenaires du monde francophone, pour créer une autre dynamique que celle de la résignation. ; volonté du gouvernement français d'agir, en étroite concertation avec nos partenaires du monde francophone, pour créer une autre dynamique que celle de la résignation.

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