Question de M. ARTHUIS Jean (Mayenne - UC) publiée le 11/07/1991

Les éleveurs mayennais qui ont, le 3 juillet, intercepté un véhicule transportant des bovins vivants, provenant de Belgique, destinés à l'abattage en Bretagne, suspects d'engraissement à base de substances anabolisantes ont exprimé la révolte qu'inspirent le laxisme et l'hypocrisie administratifs. Après avoir abandonné, en 1990, le marché des viandes aux importations provenant des pays d'Europe centrale, les pouvoirs publics prennent le risque d'accréditer l'idée que les agriculteurs sont désormais condamnés aux formes les plus sauvages et déloyales de concurrence. M. Jean Arthuis appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la forêt sur les conséquences de la directive communautaire du 7 mai 1988 interdisant l'administration de toutes substances anabolisantes à des fins d'engraissement des animaux d'élevage. Il lui expose que la loi n° 84-609 du 16 juillet 1984 relative à l'usage vétérinaire de subtances anabolisantes et l'interdiction de divers autres substances, adoptée dans un large consensus scientifique et avec l'aval des consommateurs, était sans doute beaucoup plus réaliste. Elle interdisait ainsi totalement la commercialisation et l'usage des produits considérés comme nocifs et soumettait les substances anabolisantes autorisées à de très strictes conditions d'emploi. Parallèlement, les contrôles sur les exploitations et aux frontières avaient été renforcés. En 1988, la Communauté, en revanche, a adopté une position de principe intransigeante, sur laquelle il paraît aujourd'hui difficile de revenir, sans cependant se donner les moyens de la faire respecter dans la pratique. Le résultat est aujourd'hui connu, et les travaux récents de la commission d'enquête sur la filière de la viande bovine et ovine ont apporté toute la lumière sur l'existence et l'importance des fraudes, auxquelles une réglementation inapliquée donne lieu. Il apparaît ainsi que la France est l'un des pays qui applique le plus sérieusement la directive communautaire, ce qui n'est malheureusement pas le cas d'un certain nombre de nos partenaires. Les " affaires " qui ont éclaté ces dernières années laissent en effet à penser que l'usage des activateurs de croissance a été largement répandu dans plusieurs pays voisins. La Belgique, les Pays-Bas, mais aussi l'Italie et l'Espagne sont, à cet égard, les pays les plus fréquemment cités. Lorsqu'on sait que l'utilisation des anabolisants se traduit par un gain compris entre 500 et 1000 francs par animal, comment s'étonner de la mise en place d'un véritable trafic qui pénalise les producteurs qui ne s'adonnent pas à cette pratique frauduleuse ? Il est particulièrement choquant de voir ainsi les éleveurs français, respectueux de la réglementation applicable, pâtir de distorsions de concurrence qui ne sont dues qu'à l'utilisation de produits interdits. Il en résulte, chez les professionnels français, un mécontentement légitime et le sentiment que le système actuel repose sur une hypocrisie généralisée, chacun des Etats déclarant, bien évidemment, se conformer aux prescriptions communautaires. Il interroge donc sur les actions qu'il entend engager pour faire respecter cette réglementation, notamment au niveau communautaire. Il lui demande en particulier si des moyens nouveaux ont été dégagés pour renforcer l'équipe vétérinaire communautaire. D'après le rapport de la commission précitée, le service de l'inspection vétérinaire à la direction générale de l'agriculture de la communauté ne comporterait que treize vétérinaires pour effectuer les contrôles ; nécessaires dans les Etats membres et les pays tiers. Il lui indique que, à défaut, il est à craindre que l'ouverture du marché intérieur dans le secteur vétérinaire et sanitaire ne bénéficie qu'aux Etats dont les contrôles nationaux s'avéreraient les moins efficaces. Il lui demande enfin si, dans l'hypothèse où la Communauté ne parviendrait pas, à moyen terme, à organiser efficacement les contrôles, il ne serait pas plus raisonnable de revenir à un système proche de celui institué par une législation antérieure.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 29/10/1992

Réponse. - Le 1er janvier 1988, la France a modifié sa réglementation relative aux anabolisants afin de se conformer aux exigences fixées en la matière par la Communauté économique européenne. Depuis cette date, l'emploi des hormones stéroïdes même naturelles est interdit en élevage sauf à des fins thérapeutiques. Le rapport de la commission d'enquête du Parlement européen sur la qualité de la viande affirmait que l'utilisation de l'oestradiol, de la progestérone, de la testostérone et de la trenbolone était acceptable pour autant que ces hormones stéroïdes fussent utilisées dans des conditions déterminées (voie d'administration, dose, délai d'attente, etc.). Pour le législateur, le terme " pour autant " est capital : si ces conditions ne peuvent être imposées, l'utilisation des hormones devient inacceptable. Même si les arguments émanant d'une communauté scientifique quasi unanime démontraient l'innocuité de ces agents lorsqu'ils sont utilisés de façon rationnelle, la notion d'un risque possible éventuel est prépondérante. Par ailleurs, il faut rappeler que les réglementations ne sont pas exclusivement fondées sur des informations scientifiques. Elles doivent aussi prendre en compte des paramètres socio-économiques tels que les attentes du consommateur ou les difficultés liées à la surproduction de viande. Par ailleurs, malgré la réglementation qui impose ces mesures d'interdiction dans les douze pays européens de la Communauté économique européenne, les contrôles plus ou moins rigoureux mis en oeuvre dans les différents Etats membres pour lutter contre l'emploi frauduleux de facteurs de croissance en élevage ont généré des conditions de concurrence déloyales au sein de la filière viande, qui sont dénoncées par les autorités françaises. Ainsi les représentants français ont demandé avec insistance à la Commission des communautés européennes de se saisir de ces questions et de prendre toutes mesures nécessaires pour garantir, voire contrôler les conditions de production au sein de la Communauté. Les positions très fermes prises par les représentants français ont permis d'obtenir peu à peu des résultats tangibles : la Commission des communautés européennes a compris la nécessité de diligenter une mission d'inspection sur l'usage illégal des substances anabolisantes, laquelle a procédé à des enquêtes très complètes dans les différents Etats membres concernés. Ces enquêtes se sont achevées au premier trimestre de cette année. Elles débouchent actuellement sur des échanges concernant les informations récoltées dans les pays de la Communauté européenne. Des actions ont également été conduites sur le terrain : dès le mois d'octobre 1991, un renforcement conséquent des contrôles a été mis en place dans l'ensemble du territoire français, notamment au niveau des frontières. C'est ainsi qu'une liste d'exportateurs étrangers ayant violé la réglementation communautaire a été établie afin de leur interdire de poursuivre leurs exportations en France. Parallèlement, des enquêtes judiciaires sont en cours dans leurs pays d'origine. Cette liste d'exportateurs est régulièrement remise à jour. Par ailleurs, des contrôles sur toutes les marchandises importées, quels que soient l'espèce animale et le pays exportateur, sont réalisés à destination dans les établissements utilisateurs. Ces contrôles permettent ainsi de recueillir des éléments d'information très intéressants. Compte tenu de la sensibilité actuelle de la plupart des Etats membres du Parlement européen et de la Commission, peu disposés à reconsidérer la législation existante, il paraît donc difficile aux autorités françaises de proposer un retour en arrière en ce qui concerne les hormones naturelles. Par contre, une voie intéressante consisterait peut-être à disposer dans le futur d'additifs autorisés en alimentation animale à des fins zootechniques. ; difficile aux autorités françaises de proposer un retour en arrière en ce qui concerne les hormones naturelles. Par contre, une voie intéressante consisterait peut-être à disposer dans le futur d'additifs autorisés en alimentation animale à des fins zootechniques.

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