Question de Mme RODI Nelly (Yvelines - RPR) publiée le 10/06/1993

Mme Nelly Rodi attire l'attention de M. le ministre de l'économie sur les difficultés que rencontrent les entreprises de bâtiment pour recouvrer leurs créances en cas de défaillance financière du maître d'ouvrage. Alors que les banques peuvent inscrire une hypothèque sur l'immeuble, que le fisc, l'URSSAF, les fournisseurs de matériaux sont des créanciers privilégiés, les entreprises de bâtiment n'ont pas de droits sur l'ouvrage qu'elles ont construit pour le règlement des travaux effectués. Elle lui demande si des dispositions législatives peuvent être envisagées pour garantir le paiement des entreprises de bâtiment.

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Transmise au ministère : Entreprises


Réponse du ministère : Entreprises publiée le 11/11/1993

Réponse. - Le problème des conséquences pour les entreprises de bâtiment des défaillances financières des maîtres d'ouvrages privés amène à s'interroger sur la situation juridique de ces entreprises, et sur les moyens à mettre en oeuvre pour leur assurer une meilleure protection. L'entrepreneur de travaux qui se trouve titulaire d'une créance envers le maître de l'ouvrage encourt certes un risque d'insolvabilité de son client, que ne partage pas l'entrepreneur titulaire d'un marché public. Mais il paraît pour autant excessif d'affirmer qu'il est, " de tous les intervenants à l'acte de construire, le seul à ne pas bénéficier d'une garantie de paiement de ses travaux ". En effet, d'une part l'article 2103-4 du code civil reconnaît aux entrepreneurs, comme aux architectes, aux maçons et autres ouvriers, un privilège spécial sur les immeubles faisant l'objet du marché. D'autre part, l'entrepreneur de travaux, comme tous les autres créanciers de son client, peut prévoir des garanties contractuelles pour le paiement de ses travaux (caution personnelle ou bancaire, garanties réelles assises sur d'autres biens immobiliers, nantissement, etc.). Il dispose également des procédures de droit commun en cas de non-paiement de sa créance ; notamment, en cas de vente de l'immeuble sur lequel il a exécuté des travaux, il peut pratiquer une saisie-attribution entre les mains du tiers détendeur du prix de l'immeuble. Ce qui fait en réalité la différence de situation juridique entre l'entrepreneur de travaux et les autres créanciers du maître de l'ouvrage, c'est l'impossibilité pratique pour le premier de se constituer la garantie que représente la clause de réserve de propriété. En effet, la règle de l'article 551 du code civil rend le propriétaire du sol immédiatement propriétaire des constructions qui s'y incorporent. Une clause de réserve de propriété, stipulée au profit d'un entrepreneur de travaux concernant les ouvrages qu'il a réalisés sur un immeuble, est de ce fait même inefficace. Par ailleurs, dans le cas d'un maître d'ouvrage en situation de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, la revendication des marchandises par le bénéficiaire de la clause ne peut prospérer qu'à condition que celles-ci se retrouvent en nature, ce qui sera bien rarement le cas s'agissant de travaux immobiliers incorporés par définition à l'ouvrage. La Fédération nationale du bâtiment a, comme le souligne l'auteur de la question, proposé une modification législative tendant à maintenir au profit de l'entrepreneur de travaux la propriété de l'ouvrage qu'il a exécuté, jusqu'à l'entier paiement de sa créance. Il n'est pas certain que cette proposition présente les avantages qu'on en attend. En effet, sur le plan juridique, il n'est pas actuellement possible de reconnaître l'existence d'un droit de propriété, et d'empêcher son titulaire d'en exercer tous les attributs. C'est pourtant ce que préconise cette organisation professionnelle, lorsqu'elle affirme que l'entrepreneur, titulaire du droit de propriété sur son ouvrage, ne pourrait pas reprendre celui-ci, s'agissant uniquement d'un droit de " propriété fiduciaire " destiné à garantir le paiement de la créance, ou que ce droit de propriété ne crée aucune restriction au droit du maître d'ouvrage de disposer des constructions édifiées, alors que la vente de la chose d'autrui est entachée de nullité. Et il est bien vrai que l'exercice de cette revendication serait en effet impossible, la superposition de droits de propriété différents concernant les divers équipements de l'immeuble aboutissant au démantèlement de celui-ci. De plus, sur le plan économique, l'institution d'un tel droit de propriété au bénéfice de l'entrepreneur se heurterait aux garanties qu'exigent les établissements de crédit et qui sont assises sur l'immeuble lui-même ; il est probable que la diminution de l'assiette des garanties rendrait plus difficile l'accès au crédit pour les maîtres d'ouvrage. Il semble que la piste de réflexion la mieux adaptée au cas de l'entrepreneur de travaux soit, non pas le maintien du droit de propriété, mais la simplification du privilège de l'article 2103-4 du code civil, la procédure actuelle prévoyant une double expertise étant sans aucun doute trop longue et trop onéreuse. La modification de l'ordre des créanciers privilégiés établi par l'article 2103 du même code au bénéfice des entrepreneurs pourrait, de même, être envisagée. ; démantèlement de celui-ci. De plus, sur le plan économique, l'institution d'un tel droit de propriété au bénéfice de l'entrepreneur se heurterait aux garanties qu'exigent les établissements de crédit et qui sont assises sur l'immeuble lui-même ; il est probable que la diminution de l'assiette des garanties rendrait plus difficile l'accès au crédit pour les maîtres d'ouvrage. Il semble que la piste de réflexion la mieux adaptée au cas de l'entrepreneur de travaux soit, non pas le maintien du droit de propriété, mais la simplification du privilège de l'article 2103-4 du code civil, la procédure actuelle prévoyant une double expertise étant sans aucun doute trop longue et trop onéreuse. La modification de l'ordre des créanciers privilégiés établi par l'article 2103 du même code au bénéfice des entrepreneurs pourrait, de même, être envisagée.

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