Question de M. PAGÈS Robert (Seine-Maritime - C) publiée le 09/12/1993

M. Robert Pagès appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la francophonie sur la directive promulguée par le Conseil de la Communauté européenne le 19 novembre 1992 instituant le droit de prêt ou de location des oeuvres intellectuelles et artistiques. Cette mesure est inacceptable. Pour les auteurs, qu'elle est censée rétribuer, elle est un leurre qui ne peut qu'aggraver les différences de revenus existantes. Elle est un masque face à la menace plus grande que représente l'intégration des biens culturels dans les négociations du GATT. Pour les équipements culturels en tout premier lieu les bibliothèques et médiathèques , elle représente une ponction nouvelle sur des budgets déjà grevés par la crise. Pour les usagers, elle est la menace de remise en cause du prêt gratuit. A l'heure où chacun, ici et là, s'inquiète de la montée de l'illettrisme, de la concurrence supposée de la télévision, de la baisse de la lecture des Français dont, en particulier, celle des enfants, il est impensable qu'en introduisant ce droit soit dressée une barrière de plus devant les lecteurs de condition modeste et devant les enfants. Il lui demande quelle mesure il compte prendre pour permettre l'exemption de ce droit pour tous les établissements publics concernés (exemption envisagée par la directive, mais, à ce jour, non retenue dans la préparation du XIe Plan).

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Réponse du ministère : Culture publiée le 20/01/1994

Réponse. - Adoptée le 19 novembre 1992, la directive européenne relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle pose le principe du droit exclusif d'autoriser et d'interdire la location et le prêt des oeuvres protégées au bénéfice des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, ainsi que des producteurs d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Ainsi qu'il est indiqué dans l'exposé des motifs de la directive, son objectif est double, supprimer les entraves aux échanges ainsi que des distorsions de concurrence au sein du marché unique en harmonisant les législations et assurer une protection aux titulaires de droits d'auteur face à l'intensification des modes d'utilisation des oeuvres et à l'évolution de leur mode de diffusion notamment le développement des activités immatérielles. Le Gouvernement français a donné son accord au dispositif dans la mesure où le code de la propriété intellectuelle reconnaît juridiquement aux auteurs le droit de céder séparément autant de droits de reproduction qu'il y a de modes d'utilisation d'un support, généralement dénommé droit de destination. La directive ne constitue donc pas une novation. Aussi les réflexions qui sont engagées par le ministère avec les représentants des ayants droit en liaison avec les autres départements ministériels concernés pour la transposition de la directive en droit interne portent sur les éventuelles modalités de mise en oeuvre de ce droit notamment dans le domaine du livre. Le ministère est conscient que le développement du livre et de la lecture repose sur un équilibre fragile entre une réelle protection des auteurs et de leurs ayants droit, un réseau de librairies de qualité et un réseau de bibliothèques conservant tous les moyens d'offrir des fonds riches, variés et facilement accessibles. Afin de mieux appréhender le contexte dans lequel s'inscrirait la mise en oeuvre du droit de prêt il a lancé deux études : une investigation auprès des usagers pour mieux connaître les pratiques de tarification des bibliothèques, et avec le concours de l'ensemble de l'interprofession , une étude plus lourde sur la place des bibliothèques dans l'économie du livre et plus particulièrement sur l'articulation entre les achats et les emprunt de livres. Parallèlement il poursuit le dialogue et la concertation avec les professionnels concernés et les collectivités locales.

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